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La liste LO-LCR : la fin d’un rêve éveillé.


Le grand historien et militant Pierre Broué nous a quittés ce mardi 26 juillet 2005, par Gérard Filoche.


Cette embellie virtuelle durait depuis le lendemain des présidentielles. Le succès des listes LO - LCR , leurs totaux souvent renforcés par ceux du PT, discrètement « annexé » pour faire plus riche, ont nourri des rêveries ambitieuses. Les groupes qui n’ont rien compris le 21 avril et rien appris de la chute de Jospin, qui a pavé la voie aux chiraquiens, se sont bien gardés d’apprécier la cause et la dimension de leur erreur malgré des précautions de rédaction puériles : en est symbolique l’attitude de la LCR qui dénonce la politique de Chirac mais a exclu ses jeunes de Montpellier pour avoir publiquement dénoncé le vote pour Chirac aux présidentielles.

En acceptant l’exigence de LO qu’ il n’y ait aux régionales aucun désistement en faveur de listes « de gauche », en réalité de listes du PS, la direction de la LCR a manifesté encore sa maladie opportuniste, ici sous sa forme électoraliste pure. Et bien entendu son sectarisme anti-PS venait en renfort de sa disposition à capituler sur le plan politique pour remporter un succès électoral.

Les baba-cools et les papys du Carré rouge, qui avaient voté Chirac, après avoir juré de ne pas voter Jospin, rêvaient en outre à voix haute : « pour la première fois » depuis qu’ils se sont découverts « révolutionnaires », ils entrevoyaient un succès possible, une chance historique. Tous le croyaient parce qu’ils voulaient le croire : la liste LO-LCR allait faire plus de 10 % et l’on connaît au moins l’un d’entre eux qui pensait se retrouver après ce coup d’éclat au bureau politique de la LCR victorieuse et engraissée.

Patatras ! Le score du premier tour est accablant. C’est tout juste si, en se mettant à deux organisations , nos « révolutionnaires », qui visaient la barre des 10 approchent par en-dessous celle des 5 à 4,97. Leur succès passé des présidentielles - le PC derrière eux - n’est plus que le souvenir de leur rêve de gloriole. Marie George Buffet les a doublés et distancés. D’autres résultats ont allure de catastrophe, disparition des 23 conseillers régionaux (dont trois de la Ligue) dans le Nord Pas de Calais où ils attendaient des miracles, un désastreux 3,99 en Ile de France pour le tandem Besancenot-Arlette dont on chantait les mérites exceptionnels et la popularité dans les rangs des travailleurs.

Quelles sont les raisons de ce désastre ?

Des « vieux trotskystes », qui se considèrent comme les amis des deux organisations, se sont manifestés quelques jours avant le vote par une déclaration disant que la décision de ne pas voter PS au second tour était contraire à la tradition trotskyste, ce qui est vrai.

Ils auraient pu cependant aller plus loin dans leur affirmation : ce refus de voter au second tour pour le PS est, en fait, contraire à toute la tradition du mouvemen ouvrier et l’histoire du PCF est jalonnée des punitions que le corps électoral, les travailleurs, lui ont imposées dans le passé pour l’avoir néglige. Car cette décision ouvre la route à l’adversaire de classe, ni plus, ni moins.

Ces militants dont Maurice Nadeau, Jean-René Chauvin, Michel Lequenne écrivent notamment : « Renvoyer la gauche et la droite dos a dos [...] c’est non seulement remettre tout changement aux calendes grecques, c’est aussi alimenter le populisme don le principal bénéficie sera le front nationale [...] nous refusons de voir gaspiller des voix qui se porteront sur les listes LCR-LO alors qu’ elles devraient s’additionner le 28 mars dans un large front unique ».

C’est ce ne que disent pas, mais au moins sous-entendent, dans un appel, vingt-quatre membres de la direction nationale de la LCR parmi lesquels Alain Mathieu et Christian Picquet, dont on connaissait déjà l’hostilité a la formation et à l’orientation de la liste LO-LCR. La phrase décisive est celle-ci : « Les listes LCR-LO, Arlette Laguiller et Olivier Besancenot, ont décide de ne pas prendre de position pour ce second tour. Pour notre part, nous prenons nos responsabilités et appelons nos électeurs et électrices de gauche, à commencer par ceux des listes LCR-LO, à se mobiliser massivement le 28 mars pour battre la droite et le FN en votant pour les listes de gauche »

La dernière phrase, un peu obscure, ouvre cependant une perspective ! « Il est plus que jamais indispensable de rassembler au-delà de la seule extrême-gauche, une force politique nouvelle, un nouveau parti qui redonne espoir à la gauche et défende un programme anticapitaliste ».

La Réponse de la direction de la LCR

La Ligue répond à la façon d’un gendarme ou d’un bureaucrate dans son comuniqué du 24 mars : « Cet appel est signé par les représentants de la minorité de la LCR qui s’était déjà opposée à l’accord LO-LCR. Il va à l’encontre des décisions du dernier congrès de LCR, décisions adoptées par plus de 70 des militants de la LCR »

Et, sur le point sensible, elle assure : « Nous faisons la différence entre les électeurs de gauche et ceux de droite, mais nous ne voulons pas cautionner la politique du Parti socialiste en appelant à voter pour la gauche lors de ce deuxième tour des régionales ».

Que voilà une belle phrase sous la plume de ceux qui ont voté pour Chirac aux présidentielles et ont ainsi cautionné sa politique dans une élection autrement plus importante !

Gérard Filoche, membre du comité directeur du PS, longtemps dirigeant d’une minorité dans la LCR (avec Alain Mathieu), a été l’un des premiers à commenter le communiqué de la Ligue et s’interroge : « A quel degré d’inculture, de méconnaissance du trotskisme, en sont arrives les dirigeants de la Lcr pour publier un communiqué aussi faible ? ».

Faible ? Comme toute analyse qui ne parle pas de « classes » et en particulier de « travailleurs » et qui brandit, elle aussi, cette notion d’une gauche où historiquement les travailleurs se mêlent aux petits bourgeois démocrates qui veulent « humaniser » le capitalisme.

Pas plus que la majorité et la minorité de la LCR, l’ex-ligueur Gérard Filoche n’utilise les mots de « classe » ou de « travailleurs » pour designer la base sociale de ces deux groupements.

La réponse des cadres de la LCR

Le reste des informations va nous parvenir par bribes, avec la publication des accords partiels. On nous a dit après le premier tour que les militants de la liste de Haute-Normandie LCR-LO refusaient tout accord. Nous apprenons deux jours plus tard qu’ ils s’intègrent à la liste animée par le PS.

Serge Vasset, membre de la LCR depuis 1972, récemment encore membre du BN du syndicat CFDT des cheminots, confirme le désaccord d’une importante fraction des militants de Clermont et l’état de scission virtuelle de la LCR en cette ville. Mars 2004

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Ecraser la droite UDMPF-MEDEF

Par Michel Lequenne *

24 mars 2004

Quand tous les citoyens/citoyennes ont le droit de voter, les élections ont toujours des chances d’être des pièges à couillons. Et il y en a eu plusieurs cette fois-ci. D’abord, naturellement la droite Médef. Après avoir supprime toute possibilité de représentation des minorités, la régionalisation des scrutins étant faite dans l’esprit des deux siècles passés : écraser les voix du monde du travail par celles des « régionaux », censés soumis aux notables et zones de plus grande attention de populations moins politisées. C’était ignorer le monde homogénéisé de ce temps. Ils se figuraient qu’en parlant de « réformes » tout en faisant des contre-réformes, ils réussiraient à tromper. Mais qui ? Ils se figuraient aussi que la « sécurité », qui avait apparemment bien marché en 2002, marcherait toujours.

Ils croient d’ailleurs toujours à leurs mythes et mystifications. Ne les avons-nous pas vus le soir du 21, dire : « On fera plus de réformes et on les expliquera mieux » ?. Le ruban revient à Mme Alliot-Marie, qui a dit : « Il y a encore des voitures qui brûlent ». Au moins, c’était clair ! Cela voulait dire : « 0n ne peut plus trouver un renfort de voix que du côté du FN. Au secours, les chasseurs traditionnels et les vendeurs de tabac et de billets de loterie ! Reportez vos voix sur nous ! On vous promet que M. Sarkozy va multiplier les bavures selon vos voeux. »

Mais trêve de plaisanteries : la droite n’est pas complètement écrasée sur ce terrain des régions. Le deuxième tour doit l’achever. A l’autre extrémité du champ, il y a les couillons de la LCR. Ils n’avaient pas compris « ce qui était pourtant facile à deviner », que ces élections seraient celles du vote utile, indispensable, dans les conditions données, pour punir les fumiers ! Certes, dans une élection à deux tours, il était bon de se distinguer de la gauche plurielle qui nous avait menés au désastre du 21 avril. Mais en marquant bien que le second tour devait être celui de la défaite de toute la droite, donc le report des voix. Pas au nom d’une « discipline républicaine » (Sabado dans Rouge), mais de la défaite de l’ennemi principal.

Dans l’espoir d’une addition des voix d’Arlette et des voix de Besancenot des présidentielles (qui n’avait pas pourtant eu lieu aux législatives), l’accord LO/LCR était un rêve de passer la barre des 10 %. Mais le prix de ce rêve fut l’ acceptation des conditions de LO qui, pour tout le monde, était perçue comme l’ adoption du « bonnet blanc, blanc bonnet ». Les explications embarrassée pour dire qu’il n’en était rien et que c’était renvoyer au libre choix des electeurs et à leur conscience, oubliant la manière dont Lénine, dans La Maladie infantile du communisme, a enseigné la manière pédagogique de se comporter en pareil cas : voter « pour », tout et en dénonçant énergiquement et en prévenant des risques !

La LCR, en se refusant à une telle opposition forte, s’est privée de nombre de voix. Ceci ajouta au refus de LO par bien des électeurs de Besancenot (et sans doue du refus de la LCR par des électeurs d’Arlette). L’erreur tactique est devenue une erreur politique de première grandeur. La minorité de la LCR sauve l’honneur, et, espérons-le, la mise du trotskysme authentique. On n’ a plus qua compter sur la conscience de ceux qui ont voté extrême-gauche. Heureusement elle est élevée.

Michel Lequenne, militant historique de la LCR. 24 mars 2004.

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Pour battre la droite, faire gagner la gauche.

Par Bernard Schalscha*

[...] Le score des listes LCR-LO , qui n’atteint pas les 5 %, constitue un indéniable échec.

Expliquer ce mauvais résultat par le « vote utile » ne tient guère ; la menace d’un nouveau 21 avril n’a pas empêché une partie de l’électorat de gauche d’exprimer une défiance à l’égard du PS en votant PC ou Vert . Alors pourquoi les électeurs n’ont-ils pas été plus nombreux à faire passer un message critique au PS par le biais du vote LCR-LO ? Très certainement parce que ces organisations avaient proclamé haut et fort leur volonté de rester en-dehors de tout regroupement avec la gauche. Or les électeurs savent pertinemment que, sans le PS on ne peut pas battre la droite. Le sectarisme n’a pas paye. Les contorsions de Krivine et Besancenot sur les plateaux de télévision dimanche soir étaient affligeantes. Tout en refusant d’appeler leurs électeurs a reporter leurs voix à gauche, ils se déclaraient néanmoins satisfaits des bons résultats de cette même gauche. Comprenne qui pourra. On a eu droit au démagogique « Nous ne sommes pas propriétaires des voix de nos électeurs » : comme si on pouvait en douter. Reste que les militants auront ainsi eu la surprise de découvrir qu’une organisation politique n’a pas à donner de consigne de vote. Poussant le jésuitisme jusqu’à la caricature, les représentants de la Ligue ont souligné que, attention, ce n’est pas pour autant qu’ils appelaient a l’abstention. Etrange leçon de clarté politique !

Pour notre part, pas de finasseries. Pour infliger une défaite politique au gouvernement et créer un meilleur rapport de forces pour les luttes sociales a venir et pour faire baisser le score du Front national, il n’y a qu’une seule option ; dimanche prochain, on fait gagner la gauche.

Bernard Schalscha, militant Lyonnais de la LCR. Politis, 25 mars 2004.

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Les prétendus descendants du Prophète 2

Pas plus loin que le bout de leur nez...et encore

Le PT, de Gluckstein /Lambert

Par Pierre Broué

Ce serait comique si ce n’était pas triste de voir d’anciens camarades se mettant le doigt dans l’ oeil jusqu’au coude et prophétisant des ânenes sur un ton péremptoire. A cet égard, ridicule assuré pour l’hedomadaire du parti des Travailleurs dont le n° du 10 mars affichait à la une : « Un lecteur nous écrit : « Je n ’irai pas voter aux régionales et je ne serai pas seul ! »

Qui ? Quand ? Où ? Mystère, c’est ce qu’on appelle le secret du non-vote. Quelques pages plus loin, à l’intérieur, un membre de la direction, Gérard Bauvert écrit une « analyse » - un bien grand mot - titrée « Régionales : le spectre de l’abstention panique les états-majors ». Dans le cours de son article, il cite un papier d’ « un journaliste » - quel goût pour l’ anonymat ! - qui annonçait « bien des surprises ».

Il commente : « Surprises ? Le mot paraît faible. Parlons plutôt d’un séisme politique de grande ampleur, dont l’origine est à rechercher dans le rejet massif des politiques mises en oeuvre depuis plus de vingt ans par tous les gouvernements. quelle qu’ait été leur couleur politique, entièrement soumis à l’Union européenne. « Ne votez pas aux régionales ».

Chacun sait et peut-être même aujourd’hui Lambert, Gluckstein et Bauvert qu’il y a bien eu un « séisme politique », la participation exceptionnelle des électeurs, l’effondrement du chiffre des abstentionnistes, c’est-à -dire que Bauvert prévoit bien l’avenir mais à l’envers. Daniel Gluckstein, à la dernière page expliquant « les ravages de la régionalisation imposée par l’Europe » conclut : « Défendons nos droits, défendons l’égalité des droits, en ne votant pas aux élections régionales ». Il a de la chance : l’émission où il a parlé n’a duré que deux minutes et dix secondes.

Que vont-ils bien pouvoir trouver pour expliquer une politique que les masses ont rejetée avec éclat ? Vont-ils faite une autocritique ? Un congrés changera-t-il les dirigeants qui ont commis cette bourde de première grandeur ? Car on peut partager leur analyse de ce qu’ est l’Europe de Maastricht et de ce qu’ elle nous prépare et repousser le mot d’ordre anti-marxiste, contraire à toutes les traditions ouvrières, de l’abstention. On peut aussi perdre l’habitude des camarades en question, de faire l’analyse au futur et d’analyser au présent les causes d’ un événement à venir. Le mouvement ouvrier n’a nul besoin de prohètes, surtout quand ils se trompent régulièrement et à 100 dans leurs prédictions.

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Pierre Broué est historien.

Article écrit pour Le Marxisme Aujourd’hui ( Revue papier ) BP 276 - F 38407 Saint-Martin d’Hères

URL de cet article 1513
   
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