Ce n’est pas souvent qu’un petit pays ose dire au vice-président des Etats-Unis qu’il n’est pas le bienvenu sur son territoire. C’est encore plus étonnant quand ce vice-président est une personne de l’importance de Joe Biden et que le petit pays est l’Irak que les Etats-Unis ont envahi, pillé et réduit à un tas de ruines. Et pourtant le premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, vient juste de le faire.
Il avait de nombreuses raisons pour cela et la plupart sont en lien avec l’ingérence continuelle des Etats-Unis dans les affaires intérieures de l’Irak. Mais une des principales raisons est que ExxonMobil ( que Steve Coll, dans un récent livre fascinant : " ExxonMobil et le pouvoir étasunien", présente comme quasiment le gouvernement des Etats-Unis) est passé par dessus la tête de Bagdad pour signer un accord avec le gouvernement du Kurdistan, au nord de l’Irak, pour exploiter les fabuleuses réserves de pétrole de cette région.
Jusqu’où les Etats-Unis iraient-ils pour du pétrole ? Eh bien, jusqu’à risquer que le vénérable Biden se fasse humilier ! L’Inde devrait s’inspirer de l’Irak. D’ailleurs on dirait qu’elle progresse dans ce sens à tout petits pas si l’on en juge par l’audace avec laquelle elle a joué à cache-cache avec l’administration étasunienne à propos des sanctions contre l’Iran.
Alors que le Dialogue Stratégique indo-étasunien est au point mort, Delhi a indiqué mardi que le règlement en roupies indiennes du pétrole importé d’Iran serait exempté d’impôts locaux (qui peuvent s’élever jusqu’à 40% du montant). Cette décision montre que le gouvernement souhaite ardemment faciliter le commerce avec l’Iran et qu’il est prêt à défier la stratégie étasunienne d’isolement de l’Iran.
La décision a un effet rétroactif et portera sur tous les règlements effectués depuis le début de l’année fiscale. L’Iran table sur l’achat par l’Inde de 15,5 millions de tonnes de pétrole brut cette année. Il faut savoir que les Etats-Unis affirment avoir résolu le problème du pétrole iranien qu’ils avaient avec l’Inde et disent que ce problème a été "enlevé de la liste" des préoccupations des Etats-Unis par rapport à l’Inde. Mais il est toujours sur la liste des problèmes des Etats-Unis avec la Chine.
On pense que Washington va demander des sanctions contre la Chine dans une dizaine des jours parce que la Chine a carrément refusé de réduire ses importations de pétrole iranien et que l’administration étasunienne est obligée de punir la Chine pour ce crime. Il est vrai que les importations chinoises de pétrole iranien sont actuellement en augmentation après avoir baissé de 30% et même plus dans les quatre premiers mois de l’année en cours à cause d’un problème contractuel qui a été résolu depuis.
De même, la décision de l’entreprise indienne ONGC (oil and natural gaz corporation) de signer un protocole d’accord (memorandum of understanding, MOU) avec la CNPC (China national petroleum corporation) montre que la diplomatie indienne a retrouvé toute sa détermination dans le domaine de l’énergie. C’est un protocole d’accord extensif en amont comme en aval sur tout ce qui touche au secteur de gaz naturel liquéfié qui envisage même la participation de la Chine au développement et à l’exploitation des installations intérieures d’ONGC.
L’ONGC et la CNPC travaillent main dans la main au Soudan et en Birmanie. Elle sont donc capables de coopérer demain en Iran aussi. Est-ce que nous serions en train de revenir à la vision ambitieuse de l’ancien ministre du pétrole, Mani Shankar Aiyar ? (1) Il serait temps !
M K Bhadrakumar
pour consulter l’original : http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/2012/06/20/indias-energy-diplomacy-on-the-march/
Traduction : Dominique Muselet