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La débâcle de la monarchie pétrolière : le peuple saoudien pris en otage

« Mon Dieu, gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge. » Voltaire

Cette année 2016 commence mal pour la condition humaine. L’Arabie saoudite exécute 47 personnes en une seule fois, dont le cheikh chiite Al-Nimr, figure de la contestation contre le régime. L’an dernier, l’Arabie saoudite a exécuté au moins 153 personnes – la plupart par décapitation. Est-ce moral ? Est-ce licite ? Sont-ils des apostats ? Et encore, ne peut-on pas être libre de ses idées ? « Prononcer la chahada sous la menace du sabre est, dit-on, un péché. »

Qu’ont fait ces Saoudiens pour mériter le châtiment suprême ? Ils ont tout simplement clamé plus fort que les autres leur rejet d’un régime vermoulu, pourri, qui nourrit 6000 princes qui se partagent le pouvoir depuis un siècle et qui ont, par la rente pétrolière, tétanisé l’Occident au point de tout lui permettre, de tout lui pardonner. L’essentiel est qu’il brade le pétrole, tienne en respect les rentiers de l’Opep et achète à profusion des armes en dizaines de milliards de dollars, des armes qui serviront, on l’aura compris contre le peuple et contre d’autres pays musulmans, la Syrie, Bahrein où la révolution a été étouffée dans le sang sous l’oeil complice des Occidentaux et de leurs médias, mais aussi le Yémen qui n’en finit pas de mourir. Les seuls à protester sont les Saoudiens chiites, et les Iraniens ennemis jurés des Saoudiens : « Peu après l’annonce de la sentence, quelques milliers de personnes sont descendues dans les rues d’Awamiyah, en banlieue de Qatif, la capitale de la province orientale du royaume. Téhéran a également réagi samedi dernier, accusant Riyadh de « soutenir les terroristes » tout en « supprimant » les opposants. « Le crime de l’exécution du cheikh Al-Nimr fait partie du fonctionnement criminel de cette famille traîtresse. Le monde islamique va exprimer son indignation et dénoncer ce régime infâme autant que possible, a déclaré l’ayatollah Ahmad Khatami. Je ne doute pas que ce sang pur tachera la maison Al-Saoud et qu’ils seront balayés des pages de l’Histoire », a ajouté le dignitaire iranien. » (1)

Les droits de l’homme inconnus

On est en droit de se demander pourquoi personne ne proteste parmi les donneurs de leçons. La schizophrénie occidentale envers ces meurtres d’un autre âge n’a pas d’explication rationnelle sauf si on emprunte à Bill Clinton sa fameuse expression : « C’est le pétrole idiot ! ». A bien des égards l’Occident est responsable de cet état de fait. Il faut rappeler que l’essor pétrolier de l’Arabie saoudite a commencé au début des années 1930 du siècle dernier avec la découverte de l’immense gisement de Gahwahr, actuellement sur le déclin. Les Etats-Unis évincés à l’époque des accords Sykes -Picot pour le partage du Moyen-Orient et des provinces pétrolières dont les plus grands gisements se situaient en Irak, firent mieux. Une compagnie américano-saoudienne fut créée : l’Aramco dont la concession recouvre la presque totalité du territoire. Plus tard dans le pacte du Quincy (1945), renouvelé pour 60 ans en 2008, les Etats-Unis garantissent la sécurité de la famille Saoud (et donc son pouvoir). En échange de quoi... les compagnies pétrolières américaines font ce qu’elles veulent en Arabie saoudite. On l’aura compris, les droits de l’homme dans les pays arabes n’ont pas de sens. L’ esclavage est encore en vigueur dans les pays du Golfe et la condition des immigrés est des plus déplorables. Pour le moment, les potentats du Golfe intéressent l’Occident tant qu’ils ont encore du pétrole et du gaz. (...) Il est à espérer qu’il ne faille pas attendre la fin du pétrole et du gaz pour voir enfin, la fin de la capacité de nuisance de ces roitelets qui se sont installés définitivement dans les temps morts pour le plus grand malheur de leurs peuples respectifs condamnés de ce fait à renouer définitivement avec la tente et le chameau. » (2)

Un pays de non-droit pour tout ce qui n’est pas occidental

L’Arabie saoudite protégée de Washington ayant fait un hold-up sur les lieux saints, les exploite à sa façon. Chaque année, dans l’impunité la plus totale, des centaines de pélerins meurent et aucune enquête sérieuse n’est faite. Cette année plus de 1500 morts dont 400 Iraniens du fait d’un prince qui a bloqué le chemin et qui a créé le chaos. Une fois de plus, ce sera l’impunité au nom du fait du prince et du mektoub (la fatalité). Du point de vue architectural et patrimoine, on s’étonne et on est scandalisé par les destructions archéologiques de Daesh. L’exemple vient de la famille saoudienne, qui est à bien des égards édifiant. Tout est fait pour marchandiser La Mecque. La curée n’a pas de limite pour dénaturer La Mecque et lui faire perdre sa dimension transcendante pour les musulmans, le total des flux financiers qui seront générés par le pèlerinage s’élèverait à plus de 34 milliards de dollars, Par ailleurs, il est noté que l’industrie du pèlerinage représenterait 50 milliards de dollars pour le Royaume saoudien, soit le deuxième pôle de recettes financières après le pétrole. » Pour l’histoire, au début du XXe siècle le roi Ibn Saoud se plaignait à la France de la suppression de la « zakat » des Algériens qui n’était plus envoyée aux Lieux saints aux pauvres de La Mecque et de Médine. (3)

Pourquoi l’Occident soutient les régimes qui terrorisent leurs peuples

Dans le même ordre, Mohamed Hassan explique la génèse de ce soutien occidental : « Bras armés en Libye et en Syrie, partenaires politiques en Tunisie et en Egypte, alliés stratégiques en Arabie saoudite et au Qatar... L’Occident n’hésite pas à se servir des courants les plus réactionnaires de l’islamisme radical lorsqu’il s’agit de défendre ses intérêts. (4)

Il a fallu attendre les attentats de novembre en France pour que, dit-on en France, les Occidentaux envisagent de repenser les liens qu’ils entretiennent avec l’Arabie saoudite et le Qatar. Nous lisons ainsi ce que le quotidien étasunien The New York Times par Kamel Daoud, écrit à ce propos : « Daech noir, Daech blanc. Le premier égorge, tue, lapide, coupe les mains, Le second est mieux habillé et plus propre, mais il fait la même chose. L’Etat islamique et l’Arabie saoudite. Dans sa lutte contre le terrorisme, l’Occident mène la guerre contre l’un tout en serrant la main de l’autre. (...) On veut sauver la fameuse alliance stratégique avec l’Arabie saoudite tout en oubliant que ce royaume repose sur une autre alliance, avec un clergé religieux qui produit, rend légitime, répand, prêche et défend le wahhabisme, islamisme ultrapuritain dont se nourrit Daech. » « Le clergé saoudien produit l’islamisme qui menace le pays mais qui assure aussi la légitimité du régime. » (5)

De même, dans une tribune publiée par Le Monde les deux historiens Sophie Bessis et Mohammed Harbi affirment, eux aussi, l’existence d’une filiation idéologique entre l’EI et le Royaume saoudien : « Le djihadisme est avant tout l’enfant des Saoud et autres émirs auxquels [la France] se félicite de vendre à tour de bras ses armements sophistiqués, faisant fi des valeurs qu’elle convoque un peu vite en d’autres occasions. » (6)

L’effondrement de l’Arabie saoudite est inéluctable

Pour Nafeez Ahmed, du point de vue économique, « De profondes réalités structurelles sont le signe que l’Arabie saoudite est effectivement au bord de la déliquescence à long terme, processus qui pourrait débuter dans les années à venir. Le mardi 22 septembre, Middle East Eye révélait dans un article qu’un éminent membre de la famille royale saoudienne appelait à un changement à sa tête afin d’éviter la chute du royaume. Comme de nombreux pays de la région avant elle, l’Arabie saoudite s’apprête à faire face à un tourbillon d’épreuves qui, si l’on se fie à l’histoire, mèneront la monarchie à sa perte au cours de la prochaine décennie. » (7)

« Au cours des dernières années, le royaume a procédé à des extractions en quantité record afin de maintenir sa production à flot, Mais les réserves ont une durée de vie limitée pour une Arabie saoudite qui pompe à un rythme dément. Une nouvelle étude spécialisée parue dans le Journal of Petroleum Science and Engineering projette que l’Arabie saoudite va constater un pic dans sa production pétrolière, qui sera suivi par un déclin inexorable en 2028 (...) Selon le Modèle des pays exportateurs (MPE) inventé par le géologue pétrolier texan Jeffrey J. Brown et par le Dr Sam Foucher, la question principale ne concerne pas seulement la production de pétrole, mais la capacité à exporter la production face à la croissance des taux de consommation à l’intérieur du pays. En 2008, ils découvraient que les exportations pétrolières nettes de l’Arabie saoudite avaient déjà entamé leur déclin depuis 2006. Selon leurs prévisions, cette tendance allait se poursuivre. Et ils avaient raison. Un rapport publié récemment par Citigroup a prévu que les exportations nettes plongeraient jusqu’à zéro dans les quinze prochaines années. Cela signifie que les recettes enregistrées par l’État saoudien, dont 80% proviennent des ventes de pétrole, sont condamnées à la chute perpétuelle. L’Arabie saoudite est le plus gros consommateur d’énergie de la région, la demande des ménages ayant grimpé de 7,5% au cours des cinq dernières années. On estime que la population saoudienne totale va croître des 29 millions actuels à 37 millions aux alentours de 2030. Les considérables réserves de l’Arabie saoudite tombent à des niveaux sans précédent, chutant de leur pic de 737 milliards de dollars atteint en août 2014 à une valeur de 672 milliards de dollars en mai. À ce rythme, à la fin 2018, les réserves du royaume pourraient atteindre la très basse valeur de 200 milliards de dollars. » (7)

Les subventions supprimées, hausse massive des prix du carburant

Nafeez Ahmed poursuit : « La fortune pétrolière de l’Arabie saoudite, et sa capacité hors du commun à maintenir de généreuses subventions pour le pétrole, le logement, la nourriture et d’autres biens de consommation, jouent un rôle majeur dans la prévention des risques d’instabilité civile. Les subventions énergétiques couvrent à elles seules un cinquième du produit intérieur brut saoudien. À mesure que les recettes subiront une contrainte grandissante, la capacité du royaume à maîtriser les dissidences à l’intérieur du pays faiblira, comme cela a déjà été le cas dans d’autres pays de la région. Le chômage s’élève à environ 12%, et il touche principalement les jeunes – 30% d’entre eux sont sans emploi. On projette que les changements climatiques vont accroître les problèmes économiques du pays, notamment en ce qui concerne l’eau et la nourriture. Vers 2040, on prévoit que les températures moyennes y seront plus élevées que la moyenne mondiale, et qu’elles pourraient augmenter de pas moins de 4° Celsius, tandis que la diminution des pluies pourrait encore s’aggraver. De toute façon, 80% des besoins saoudiens en nourriture sont achetés via une importation largement subventionnée. Le royaume est l’un des pays du monde où l’eau est la plus rare, avec 98 mètres cubes par an et par habitant. (...) Comme pour nombre de ses voisins, de telles réalités structurelles profondément enracinées sont le signe que l’Arabie saoudite est effectivement au bord de la déliquescence à long terme, processus qui pourrait débuter dans les années à venir et devenir parfaitement visible d’ici dix ans. » (7)

Mort virtuelle de l’Opep

On sait que l’Opep, en décembre 2015, a décidé de ne rien décider du fait de l’intransigeance des monarchies du Golfe conduites de main de fer par l’Arabie saoudite. Quelle est la situation actuelle ? Une offre largement excédentaire, un dollar plus fort que jamais, une demande déclinante et un baril de Brent autour de 36 dollars « la production de l’Opep ne montre aucun signe de ralentissement ». Elle a atteint 31,77 millions de b/j. Les raisons d’une telle dégringolade des prix sont multiples. La récession de l’économie mondiale, l’introduction du gaz/pétrole de schiste américain qui bouleverse toute la carte énergétique mondiale, les rivalités au niveau de l’Opep dont certains ne respectent pas les quotas, le retour sur le marché de la Libye de l’Irak et de l’Iran Enfin, l’efficacité énergétique dans la majorité des pays occidentaux. On peut ajouter le fait que les stocks américains sont au plus haut à près de 490 millions de barils/jour soit plus de 110 millions de barils/jour achetés avec un pétrole bradé. Il faut ajouter le fait qu’en dix ans, les pays du Golfe ont amassé des réserves estimées à 2 450 milliards de dollars. L’Opep de papa, des pionniers qui avaient une haute idée de leur mission, est morte. L’opep de rentiers qui n’a plus d’avenir. » (8)

Dans ces conditions comme le rapporte Rafik Tadjer : « Confrontée à la chute des prix du pétrole, l’Arabie saoudite a pris une série de mesures destinées à équilibrer son budget. Les prix du carburant seront augmentés d’au moins 50%, ont annoncé, ce lundi 28 décembre, les autorités locales. Le prix de l’essence sans plomb 95 augmente ainsi de 50%, passant de 0,60 riyal à 0,90 riyal (0,24 dollar) le litre, et celui de l’essence 91 de 67%, passant de 0,45 riyal à 0,75 riyal (0,20 dollar) le litre. Les subventions du diesel et des produits pétroliers, mais aussi de l’électricité et de l’eau, vont également être révisées. Comme l’Algérie, l’Arabie saoudite est l’un des pays où les carburants sont les moins chers. Le Royaume saoudien a adopté son budget 2016 avec un déficit prévu de 79,3 milliards d’euros. Cette année, ce pays a enregistré un déficit budgétaire record de 89,2 milliards d’euros. » (9)

S’agissant en définitive de l’Arabie saoudite, et des pays arabes, ils vont successivement subir le même sort que la Libye au fur et à mesure de l’épuisement des réserves. L’Arabie saoudite pourra toujours compter sur sa manne de l’industrie du tourisme religieux évaluée à 50 milliards de dollars. Il est fort à parier que le monde arabe ne représentera plus grand-chose à l’horizon d’une trentaine d’années. Ils retourneront à leur vocation de nomades comme au début du XXe siècle. L’Algérie du million de martyrs, n’a pas d’amis arabes, elle devra s’en protéger. Elle devra plus que jamais réhabiliter l’Islam tolérant de nos aïeux. Pour lutter intelligemment contre l’extrémisme. De plus, elle n’a pas su développer des alternatives au tout-pétrole. Le temps encore une fois, nous est compté et les problèmes de l’Algérie doivent faire l’objet, de mon point de vue, d’un consensus car quels que soient ses dirigeants, les faits sont têtus. Si on ne remet pas tout à plat dès à présent en expliquant aux citoyens les grands enjeux, tarissement de la manne pétrolière, risques climatiques, sécheresse, ils n’adhéreront pas. Naturellement, les réformes indispensables concernant le ciblage intelligent des subventions aux couches sociales à faible pouvoir d’achat, ne peuvent commencer que par l’exemple de la réduction du train de vie de l’Etat. Il n’y a pas de fatalité ni de hiérarchie ni de monopole ni de famille révolutionnaire dans le patriotisme. Seules la connaissance et la compétence permettront à l’Algérie de sortir de cette épreuve.

Chems Eddine CHITOUR

»» http://www.lexpressiondz.com/chroni...

1.http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/01/02/l-arabie-saoudite-execute-47-personnes-dont-le-cheikh-chiite-al-nimr_4840883_3218.html#xO910TGj3iGJRtsg.99

2.http://www.legrandsoir.info/les-droits-de-l-homme-dans-les-monarchies-du-golfe-une-utopie-toleree-par-l-occident.html

3.http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_ chitour /225208-cite-de-dieu-ou-cite-marchande.html

4.Mohamed Hassan http://www.michelcollon.info/Ces-islamistes-que-soutient-l.html

5.http://www.nytimes.com/2015/11/21/opinion/larabie-saoudite-un-daesh-qui-a-reussi.html?_r=1

6.http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/11/21/letat-islamique-a-un-pere-larabie-saoudite-et-son-industrie-ideologique/

7.http://www.middleeasteye.net/fr/opinions/l-effondrement-de-l-arabie-saoudite-est-luctable-602186090#sthash.MssIkE9p.sRpwdHXi.dpuf Mathieu Vigouroux.

8.http://www.mondialisation.ca/mort-virtuelle-de-lopep-pourquoi-lalgerie-lie-t-elle-son-sort-aux-rentiers-du-golfe/5494436

9.Rafik Tadjer www : tsa-algérie 28 décembre 2015


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RÉVOLUTIONNAIRES, RÉFUGIÉS & RÉSISTANTS - Témoignages des républicains espagnols en France (1939-1945)
Federica Montseny
Il y a près de 80 ans, ce sont des centaines de milliers d’Espagnols qui durent fuir à l’hiver 1939 l’avancée des troupes franquistes à travers les Pyrénées pour se réfugier en France. Cet événement, connu sous le nom de La Retirada, marquera la fin de la révolution sociale qui agita l’Espagne durant trois ans. Dans ce livre, on lit avec émotion et colère la brutalité et l’inhumanité avec lesquelles ils ont été accueillis et l’histoire de leur survie dans les camps d’internement. Issu (…)
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Personnellement, je n’ai jamais très bien compris ce qu’est le féminisme. Je sais par contre que les gens me qualifient de féministe chaque fois que j’exprime une idée qui me différencie d’un paillasson ou d’une prostituée.

Rebecca West

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