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La civilisation du toujours plus : Est-il trop tard pour sauver la planète ?

« Les problèmes du monde ne peuvent pas être résolus par les sceptiques ou les cyniques dont l’horizon est limité par les réalités évidentes. Nous avons besoin d’hommes capables d’imaginer ce qui n’a jamais existé (...) Le changement est la loi de la vie. Et ceux qui ne regardent que dans le passé ou le présent sont certains de rater le futur (...) »
John Fitzgerald Kennedy

La planète va mal ! Nous sommes à la fin d’un cycle civilisationnel, celui de l’abondance et de la consommation débridée de l’Occident. Cette errance énergétique a été le paradigme d’une croissance construite sur la négation de la nature et du développement du tiers monde. Résultat des courses, des inégalités abyssales en termes de développement de consommation d’énergie entre le Nord et le Sud. La mondialisation laminoir est en train de casser les dernières défenses immunitaires des pays vulnérables, d’une part, en leur soutirant d’une façon ou d’une autre au besoin par une démocratie aéroportée, leurs ressources énergétiques et minières pour le plus grand bien d’un capitalisme prédateur et sans état d’âme se jouant de tout, et de toutes les peurs, dressant les uns contre les autres et en définitive par cette consommation débridée et dangereuse pour la planète et les hommes, elle précipite l’humanité vers le chaos.

Un petit nombre d’Etats veut imposer une vision du monde basée sur le postulat de Hobbes de la guerre de tous contre tous et ceci au nom de la dictature du marché qui sous-tend un néolibéralisme sauvage qui fait fi des aspirations des peuples, de leurs identités, de leurs espoirs et de leurs spiritualités. Rien ne doit s’opposer à la mondialisation néolibérale dont le moteur est justement l’énergie. Cette énergie consommée d’une façon débridée et qu’il faut à tout prix avoir au besoin par la force et ceci pour maintenir un niveau de vie illusoire et intenable. Cela ne se fait pas sans dommage ! Tous les conflits actuels ont comme sous-bassement des conflits pour l’énergie et accessoirement pour l’idéologie qui est souvent religieuse,du fait que les deux tiers des réserves pétrolières et la moitié des réserves de gaz sont dans les pays musulmans. Ceci dit, il se pose un véritable problème de rupture civilisationnelle avec le mythe de la puissance infinie de l’homme en face de la nature. Fukushima nous invite à être modeste, car l’homme a délivré le feu de l’enfer et peine à le maitriser.. les nuages radioactifs mortels n’ont pas besoin de visa pour cette mort silencieuse et invisible.

Le déclin du pétrole Pour ajouter à l’anomie du monde, le déclin inéluctable du pétrole est en train de bouleverser cet appétit de consommation que rien ne peut satisfaire Dans ’’49 ans’’, il pourrait ne plus rester de pétrole exploitable sur Terre,’’même si la demande n’augmente pas’’, prévient la banque HSBC dans un rapport de prospective publié le 22 mars ’’Nous sommes convaincus qu’il ne nous reste qu’une cinquantaine d’années de pétrole’’, insiste, dans une interview accordée à CNBC, par Karen Ward, de senior global economist(1).

Sadad al-Husseini, un géologue et ancien directeur d’exploration de l’Aramco, la compagnie de pétrole nationale des Saoudiens, a rencontré le consul général des USA à Riyadh en novembre 2007 selon un cable diplomatique publié par WikiLeaks et lui a révélé que la capacité de l’Aramco ne pourra jamais atteindre la production de 12.5 millions de barils par jour. Selon ce cable de WikiLeaks, le pic pétrolier de l’Arabie Saoudite est prévu pour 2012 C’est un fait, nous allons inéluctablement vers la fin des énergies fossiles et notamment du pétrole. Soit on organise cette mutation, soit on la subit. Les choses vont changer de gré ou de force. Et si c’est de force, par la raréfaction, les prix vont augmenter très brutalement...L’Occident a trouvé la parade au manque d’énergie : les biocarburants. Pour cela il affame les vulnérables en convertissant le maïs. Un plein de voiture (225 kg de maïs) suffit à nourrir un Sahélien pendant une année. Le mythe des schistes bitumineux et des hydrates, c’est le bilan énergétique qui prime. La technologie ne peut changer la géologie des réservoirs. La production imite la découverte avec un certain retard (5 à 10 ans), mais est contrainte par la demande Les découvertes mondiales de pétrole ont culminé dans les années 60. Le pic du pétrole peut être un plateau ondulé si l’économie mondiale entre en crise, ce qui est probable La production mondiale de gaz [ gaz non conventionnels compris]culminera après le pétrole, mais une pénurie locale de gaz est probable en Europe, bien avant la pénurie de pétrole.

Les changements climatiques : le danger permanent

Les émissions de CO2 « ont atteint un niveau dangereux » pour James Hansen, qui dirige l’Institut Goddard d’études spatiales de la Nasa. Il estime que le réchauffement climatique plonge la planète dans la crise et que le secteur énergétique tente d’en cacher l’ampleur au public. « Les émissions de CO2 dans l’atmosphère ont d’ores et déjà atteint un niveau dangereux » à 385 particules par million, ce qui représente un « point critique », a expliqué le spécialiste du climat. Le réchauffement climatique a accru l’intensité des pluies diluviennes et des inondations dans l’hémisphère Nord au cours de la seconde moitié du XXe siècle, selon deux études récentes publiées par la revue Nature et établissant un lien direct entre le changement climatique et son impact sur des événements météorologiques extrêmes. Sachant que nous avons émis en 2010 environ 50 gigatonnes de gaz à effet de serre, cela signifie que nous devons descendre à 15 gigatonnes d’ici 40 ans pour empêcher un dérèglement massif du climat. Si la demande mondiale continue à augmenter au rythme actuel, ni les fossiles, ni le nucléaire, ni les énergies renouvelables ne pourraient y répondre. Il faudrait les ressources de quatre planètes. Donc, le premier effort doit porter sur les économies d’énergie, la réduction très forte de consommation des pays riches.

Le démon de l’atome : une guerre contre l’humanité

Le 6 avril, Reuters a signalé que ’’le noyau du réacteur nucléaire de Fukushima au Japon est entré en fusion et a traversé la cuve du réacteur’’. Bien pire, en fait, parce que le matériau du coeur en fusion brûle ensuite de manière incontrôlée à travers la fondation en béton, ce qui signifie que tous les paris sont ouverts..(...) En fait, les cartes de radioactivité de l’Institut norvégien pour la recherche atmosphérique (NILU) confirment une contamination sur la côte Ouest, le Midwest et l’ouest du Canada, et dans certaines régions plus élevées qu’au Japon. De I’iode-131 radioactif dans l’eau de pluie échantillonnée près de San Francisco a été trouvé à plus de 18.000 fois au-dessus des normes fédérales de l’eau potable. Il fait aussi son apparition dans le lait. (...) Moret a cité deux éminents scientifiques en nucléaire qui ont déclaré publiquement que le nord du Japon (un tiers du pays) est inhabitable et doit être évacué. Le Dr Chris Busby est l’autre spécialiste des rayonnements ionisants. Le 30 mars, il a dit à la télévision Russia Today que la contamination de Fukushima causera au moins 417.000 nouveaux cancers.(2)

L’humanité est à un tournant

«  Les grandes crises comportent, écrit Leonardo Boff, de grandes décisions. Il y a des décisions qui signifient la vie ou la mort pour certaines sociétés, institutions ou personnes. La situation actuelle est celle d’un malade auquel le médecin dit : ou vous contrôler votre taux élevé de cholestérol et votre tension ou vous devrez vous attendre au pire. Vous choisissez. L’humanité entière a de la fièvre et est malade ; elle doit décider : ou bien continuer à un rythme hallucinant de production et de consommation, garantir toujours la croissance du PIB national et mondial, rythme hautement hostile à la vie, ou bien regarder en face d’ici peu les réactions du système-terre qui a déjà donné des signes clairs de stress global. »(3)

« (...) Mais ce que nous craignons, c’est, comme beaucoup de scientifiques l’annoncent, un changement subit, brusque et radical du climat qui éliminerait rapidement beaucoup d’espèces et serait un grave péril pour notre civilisation. Les informations de l’IPPC de 2001 faisaient déjà état de cette éventualité. Celles de la ’’U.S. National Academy of Sciences’’ de 2002 affirmaient que ’’des preuves scientifiques récentes montrent un changement climatique accéléré et de grande ampleur. Le paradigme nouveau d’un changement soudain dans le système climatique est bien établi par la recherche depuis maintenant 10 ans. (...) Si cela nous arrivait, nous aurions à affronter une hécatombe environnementale et sociale aux conséquences dramatiques. (...) Chocs pétroliers à répétition jusqu’à l’effondrement et péril climatique. Voilà donc ce que nous préparent les tenants des stratégies de l’aveuglement. La catastrophe de Fukushima alourdira encore la donne énergétique ».(3)

Michel Rocard, Dominique Bourg et Floran Augagneur avertissent l’Occident et sa technologie sur sa fuite en avant : « Ce qui change, disent-ils, radicalement la donne, c’est que notre vulnérabilité est désormais issue de l’incroyable étendue de notre puissance. Nos démocraties se retrouvent démunies face à deux aspects de ce que nous avons rendu disponible : l’atteinte aux mécanismes régulateurs de la biosphère et aux substrats biologiques de la condition humaine..(...) Enfermée dans le court terme des échéances électorales et dans le temps médiatique, la politique s’est peu à peu transformée en gestion des affaires courantes. Elle est devenue incapable de penser le temps long. Or, la crise écologique renverse une perception du progrès où le temps joue en notre faveur. (...) Il est impossible de connaître le point de basculement définitif vers l’improbable ; en revanche, il est certain que le risque de le dépasser est inversement proportionnel à la rapidité de notre réaction ».(4)

«  Nous ne pouvons attendre et tergiverser sur la controverse climatique jusqu’au point de basculement, le moment où la multiplication des désastres naturels dissipera ce qu’il reste de doute. Il sera alors trop tard. Lorsque les océans se seront réchauffés, nous n’aurons aucun moyen de les refroidir ».(4) Enumérant les conséquences de cet autisme, ils écrivent : « Les catastrophes écologiques qui se préparent à l’échelle mondiale dans un contexte de croissance démographique, les inégalités dues à la rareté locale de l’eau, la fin de l’énergie bon marché, la raréfaction de nombre de minéraux, la dégradation de la biodiversité, l’érosion et la dégradation des sols, les événements climatiques extrêmes...produiront les pires inégalités entre ceux qui auront les moyens de s’en protéger, pour un temps, et ceux qui les subiront. Elles ébranleront les équilibres géopolitiques et seront sources de conflits. L’ampleur des catastrophes sociales qu’elles risquent d’engendrer a, par le passé, conduit à la disparition de sociétés entières. C’est, hélas, une réalité historique objective. (...) Lorsque l’effondrement de l’espèce apparaîtra comme une possibilité envisageable, l’urgence n’aura que faire de nos processus, lents et complexes, de délibération. Le stade ultime sera l’autodestruction de l’existence humaine, soit physiquement, soit par l’altération biologique. Le processus de convergence des nouvelles technologies donnera à l’individu un pouvoir monstrueux capable de faire naître des sous-espèces. C’est l’unité du genre humain qui sera atteinte. Il ne s’agit guère de l’avenir, L’idéologie du progrès a mal tourné. (...) Les enjeux, tant pour la gouvernance internationale et nationale que pour l’avenir macroéconomique, sont de nous libérer du culte de la compétitivité, de la croissance qui nous ronge et de la civilisation de la pauvreté dans le gaspillage (4).

Stéphane Foucart s’interroge lui aussi sur l’impuissance de l’homme vis-à -vis d’une technologie qu’en définitive il ne maitrise pas : « Les médias en font-ils trop ? Ici ou là se lèvent quelques voix pour relativiser le désastre en cours dans la centrale de Fukushima 1. Ensuite, force est de reconnaître que d’autres sources d’énergie sont bien plus dangereuses que l’atome. (...) Car ce qui se joue dans la centrale nippone n’est pas seulement un accident industriel de première grandeur. C’est, aussi, un accident de civilisation. Depuis la fin du XIXe siècle, l’Occident s’est affirmé comme la civilisation techno-scientifique par excellence, proposant ou imposant au reste du monde un mode de développement fondé sur l’innovation technologique comme principal moteur de croissance économique. Parce que nous l’assimilons de manière univoque au progrès humain, le progrès technique prime sur toute autre considération - politique, sociale, morale -, exception faite, parfois, des situations dans lesquelles l’humain lui-même devient en quelque sorte un matériau expérimental (cellules souches, procréation assistée, etc.). » (5)

« L’Homme en Occident s’est cru invincible vis-à -vis de la nature. L’idéologie du progrès a ses limites. « Cette prééminence de la technoscience écrit Stéphane Foucart, repose sur un contrat tacite : la promesse de domination de la nature et de maîtrise du monde. Car, dans les opinions occidentales, la technophobie, minoritaire mais émergente depuis quelques années, tient surtout à la crainte de voir cette promesse non tenue, à la crainte que les créations techno-scientifiques n’échappent à leurs maîtres. De fait, le rejet de la technoscience apparaît surtout lorsqu’une technologie agit de manière invisible, qu’elle porte en elle le risque de devenir ubiquitaire et qu’elle semble pouvoir s’émanciper de son créateur ou échapper au contrôle du tout-venant. La technophobie récente concerne surtout l’ingénierie génétique et les nanotechnologies : ce sont, à chaque fois, les mêmes ressorts qui sont à l’oeuvre....On s’inquiète aussi d’une perte de contrôle des individus sur cette matière vivante modifiée, qui devient, par la grâce des brevets, la propriété de grands groupes industriels. A Fukushima 1, que voit-on ? La matérialisation de toutes ces craintes, la preuve tangible qu’elles sont fondées : les événements échappent non seulement à la perception de tout un chacun, mais aussi au contrôle des élites technoscientifiques. Les coeurs des réacteurs, partiellement fondus, semblent avoir acquis une sorte de vie autonome. Les mots le disent : nous sommes entrés en conflit armé avec notre créature. (...) Dans la centrale japonaise, c’est la promesse de maîtrise du monde et de contrôle de la nature qui part en fumée. (...) C’est toute la notion occidentale du progrès humain comme fonction linéaire du progrès que cette catastrophe nous invite à repenser. » (5) Pourtant, il existe une possibilité de s’en sortir en tant qu’humain en allant vers le développement durable, en partageant, en optant pour des technologies non dangereuses, respectueuses de l’environnement, en allant vers la sobriété énergétique et la frugalité, en respectant les rythmes de la nature. Misons sur un avenir apaisé, misons sur le développement durable. Il ne faudrait plus « maximiser » la croissance, mais le bien-être et le bonheur. Avec raison en 1997, Pierre Bourdieu, avec sa lucidité coutumière, se posait la question « des coûts sociaux de la violence économique et avait tenté de jeter les bases d’une économie du bonheur. » Nous pouvons encore transformer la menace en promesse désirable et crédible. Mais si nous n’agissons pas promptement, c’est à la barbarie que nous sommes certains de nous exposer. L’Humanité est une, elle a pris son essor à partir d’une Eve qui est née il y a quelques millions d’années dans la Corne de l’Afrique. Que nos querelles sont vaines !!

Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique enp-edu.dz

1.Le peak oil. Plus de pétrole dans 50 ans, http://petrole/bloglemonde.fr 2011/04:04

2.S.Lendman http://www.legrandsoir.info/Fukushima-est-entre-en-fusion-c-est-confirme.html

3.Leonardo Boff : Le passage difficile Le Grand soir 26 février 2011
4.M.Rocard, Dominique Bourg et Floran Augagneur : Le genre humain, menacé. Le Monde 2.04.2011

5.Stéphane Foucart : Fukushima, un accident de civilisation 09.04.2011

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