« Quiconque peut devenir un barbare s’il obéit à des autorités temporelles et spirituelles qui ont mis une catégorie d’êtres humains en dehors de ceux dont la vie a un prix »
Simone Weil
Ce qui vient est l’explication de ce qui est écrit en amont par Simone Weil : trouvé dans un Cahier Scolaire de 1944 - chapitre « le drapeau Espagnol » - « Pour le salut des âmes pour le triomphe de la religion Catholique nous luttons contre les Païens, les Arabes, les Juifs, les Turcs, les Protestants, les encyclopédistes, les Francs Maçons, les marxistes, pour élargir le camp de la religion ».
C’est aux progrès des sciences et des techniques, de l’appât du gain et du pouvoir que nous devons nos inhumanités. A commencer par la cupidité des hommes et leurs capacités à générer des situations toujours plus infamantes et traumatisantes pour le genre humain. La séparation se fait invariablement entre riches et pauvres, pourtant issus manifestement d’une seule et même espèce. Comme si l’humanité était composée de plusieurs espèces différentes d’ individus. La droite la plus conservatrice aime à nous rappeler, sur un fond de racisme mal éteint, l’existence des « Races ». Tel le Front National qui en a fait sa théorie.
« Qu’il soit politique, religieux ou autre, chaque terrorisme, chaque fanatisme se nourrit à cette source d’intransigeance et n’importe quel idéal se voit perverti à partir du moment où on en fait un absolu, c’est un sujet universel, qui n’est pas propre à la problématique allemande. » (Haneke cinéaste. Voir son dernier film édifiant« le ruban blanc »)
Il n’y a aucun fondement sur l’existence des races mais plutôt une surenchère opportuniste ayant pour souci principal la différenciation des humains par l’ aberration d’une différence génétique. Pour aboutir enfin dans un dépotoir de la pensée d’une classification raciale, érigé en principe absolu. Et tout cela pour alimenter un front de haine qui est aussi un fond de commerce politique. Sur le modèle de la propagande nazie et fasciste, et de quelques autres imbéciles.
Comment avons nous fait pour évoluer si d’un coté nous temporisons nos violences au nom de la civilisation, et qu’au nom de la même civilisation nous étalons dès que c’est possible notre aire d’influence ? Les colonies sont l’exemple parfait des abus ignominieux encore entretenus. Oui, nous appartenons tous à la même famille humaine d’une seule et même espèce. Comment expliquer alors ce paradoxe : que notre espèce « évoluée » se place en haut de la pyramide de l’évolution et que nous soyons nous les hommes les plus grands prédateurs identifiés ? La civilisation ne joue pas son rôle de garde-fous, et elle est malade, surtout quand elle crée les conditions qui font qu’il y ait des riches de plus en plus riches et des pauvres toujours plus pauvres, pour motiver une séparation entre deux antagonismes de classe En fait l’homme a inventé les sous-espèces, et l’esclavage moderne pour parer à la disparition des races, et de l’esclavage ancien.
« il faut guérir la maladie pour sauver l’homme »
Mao
Les drames humains et plus précisément les premiers bombardements inauguraux sur les populations civiles comme à Guernica, Madrid , Barcelone… sont devenus des laboratoires de la recherche du toujours plus de destructions et de victimes.. Qu’est-ce que ça serait alors si nous n’étions pas issus de la même espèce...
Les stigmates d’une violence disproportionnée séjournent très souvent de façon définitive dans la mémoire ainsi que les traces de mémoire de ce qui reste d’héritage de l’histoire des hommes sans connaître encore ses turpitudes à venir qui dépasseront, si rien n’est fait, toutes les prévisions. Nous en prenons le chemin. Espérons que l’humanité ne soit pas toujours attirée par la fascination de tuer.
La dernière bataille du front de l’Ebre
Des hommes ont subi durant 114 jours les assauts apocalyptiques d’une bataille qui a vu périr plusieurs dizaines de milliers d’hommes. A ce niveau de la guerre, les forces coalisées franquistes, fascistes phalangistes et nazies sont largement supérieures en nombre et en armement. Hitler et Mussolini ont des projets. Ils savent à ce moment que leurs armements sont déjà au point et qu’il faut en finir avec cette guerre, gagnée déjà le jour même où des accords Français/Anglais/Européens sur la « non intervention » ont étés signés (août 1936) à la majorité quasi absolue des démocraties européennes. En face, l’enthousiasme du peuple paysans et travailleurs s’oppose à cette tyrannie qui composait avec les forces les plus réactionnaires pour chasser la République. Cette République vécue comme une menace qui pouvait devenir le patrimoine de l’espoir de tous les esprits libres et anti-fascistes.
La Bataille de l’Ebre sonna le dernier Glas d’une victoire désormais impossible, décidée par une Europe résignée le cul entre deux chaises, prête pour bien d’autres compromissions.
La dernière résistance républicaine à la bataille de l’Ebre le 14 Novembre 1938
Alors que l’armée franquiste tente d’encercler les troupes républicaines qui se désengageaient des zones de combats, la stratégie mise en place par l’armée Républicaine fonctionna et la tentative de la prendre de revers fut arrêtée dans la Serra de la Fatarella, non loin de Gandesa, « capitale » de la Terra Alta. Là , les Républicains avaient construit tout un système de défense inédit sur le front de l’Ebre.
Durant presque 67 ans, cette ligne défensive a été invisible et considérée comme un bateau fantôme dans l’historiographie de la bataille de l’Ebre. C’est en 2005 qu’un groupe de chercheurs « amateurs » a réussi à localiser cette ligne défensive et le poste de commandement du 15e corps de l’armée républicaine.
Ce groupe a crée une association nommée « lo Rio association pour l’Etude du Patrimoine Archéologique et Historique des terres de l’Ebre », qui a réhabilité le lieu pour permettre des visites guidées. « La Ligne Fortifié de la Fatarella » s’étend sur plusieurs kilomètres, les bunkers en béton ont été construits pour permettre la retirada de l’armée républicaine par Flix et Riba-roja d’Ebre la nuit du 15 au 16 novembre de 1938.
Néanmoins ces fortifications ne se suffiront pas à elles mêmes. Elles étaient cependant nécessaires mais il fallait compter aussi sur le facteur humain. Dans un cas de figure comme celui ci, il fallait compter sur le sacrifice humain des 1000 soldats qui se portèrent volontaires. Ils furent la dernière résistance aux troupes fascistes et nazies de la bataille de l’Ebre.
Le matin du 14 novembre 1938, l’armée nationaliste, forte d’un support de plus de 15 divisions, de toute l’aviation, tanks et artillerie, tente d’encercler les troupes de la République qui effectuent une manoeuvre très complexe et à haut risque. Franco pensait qu’il allait anéantir l’armée Républicaine et il voyait ça déjà comme une promenade. Cet l’affrontement dura 48 longues heures. Les 1000 soldats Républicains donnèrent bien du fil à retordre à l’attaque franquiste. Sur les 1000 volontaires, il n’en resta pas un seul, ils furent tués jusqu’au dernier. L’armée Républicaine fut sauvée.
Tout cela était connu mais depuis, personne ne les avait jamais localisés. Perdus, oubliés, peut être volontairement par peur des représailles, et la mémoire a fait l’impasse. La « Cité Fortifiée » fut construite par l’armée républicaine enfouie dans la forêt. Les ruines qui restaient avaient l’aspect d’un village abandonné laissé à la merci des intempéries. On y trouva une multitude de caches souterraines, un four a pain, des chemins empierrés.
Le fascisme et son idéologie de masse
L’Espagne a subie un développement influencé par une dictature de type fasciste qui s’est étalé sur une durée de 40 années. Ce fascisme a été transposé dans toute la société espagnole, non pas avec l’aide de la persuasion mais en s’appuyant sur un climat délétère ou règnait une peur de tous les instants. Ce qui se justifiait par les nombreuses familles des prisonniers, hommes et femmes, en instance d’exécution ainsi que la chasse aux coupables.
Il est très difficile, à travers un témoignage, de faire passer le ressenti, la pression exercée sur le peuple par un gouvernement fasciste qui vient de gagner la guerre. La peur est omniprésente dans tout ce qui est la vie quand on sait que la mort est une punition qui ne transige pas dans la nouvelle dictature qui a pris place après une guerre qui prolongera sa perversité barbare tout au long du règne du caudillo. Au cours des jours qui ont suivi la défaite, les exécutions se sont déroulées au rythme de 200 à 300 fusillés par jour, sans que les tenants de la « non intervention » fassent pression sur le nouveau maître. La France avait nommé un Ambassadeur de renom (de mars 1939 à mai 1940) : Pétain, le héros de Verdun. Son choix ne fut pas fortuit.
Dans les villes se développaient déjà des bandes de dévoyés n’ayant que pour but la violence gratuite et les dénonciations. La propagande allait bon train, tout était bon dans la presse et dans l’information audio : un étalage savamment dosé de catastrophes, d’incendies, d’accidents afin de maintenir les personnes dans la crainte du lendemain et la méfiance que cela provoque irrémédiablement ainsi qu’un état de peur - souvent sans qu’elles en aient conscience. Le but recherché est de montrer l’impuissance et la corruption de certains politiciens afin de préparer « l’ordre nouveau ». Le fascisme trouve sa nourriture spirituelle dans les rapports entre la classe exploitée et la classe exploiteuse. Le fascisme n’est pas le fait de la petite bourgeoisie (comme lui même tente de nous faire croire) qui s’empare du pouvoir. C’est une manoeuvre qui sème la confusion et cache la véritable nature de classe du fascisme, qui n’est rien d’autre que l’émanation les éléments les plus réactionnaires des classes possédantes soutenue par les forces politiques des gouvernements libéraux au service du grand capital. Franco a rendu un immense service au capitalisme mondial issu des grands monopoles, industriels, l’agroalimentaire, le système bancaire, et l’immobilier, qui ont eu très peur de voir fleurir en Espagne les signes de leur déchéance dans le cas où la République aurait été soutenue par les démocraties... Il s’en est pourtant fallu de peu...
Parfois on ne voit que ce qu’on veut bien voir, si bien que cet épisode de la guerre est pour ainsi dire occulté.
François Mazou, dans son récit écrit (Arrêt sur Image) et en particulier dans un des épisodes de ses combats dans le Jarama, fait apparaître le personnage brigadiste Said. Said n’arrive pas dans le récit par simple complaisance car c’est un étranger aux couleurs habituellement suspectes et affublé (par des gens qui « savent ») d’une couardise légendaire (c’est se qui se racontait pendant la guerre d’Algérie).
Rémi Skoutelski, dans « l’espoir guidait leurs pas » aborde le problème de cette présence comme François Mazou. Peut-être parce que trop souvent ignorés, il faut leur rendre justice. Justice aussi où il est coutume de leur interdire même le rôle de figurants comme soldats inconnus. Combattants d’un courage et d’une loyauté exemplaires, il suffit pour s’en convaincre de consulter les archives militaires de la libération, comme je l’aborde plus loin dans ce chapitre. Rémi Skoutelski évoque le cas de Safi et des démarches qu’il effectua pour constituer au sein des Brigades Internationales un bataillon de Nord-Africains.
« Moi Ahmed Ben Thani né à Rabat (Maroc), tirailleur marocain pendant 4 ans durant la Grande Guerre, je lutte maintenant aux cotés des antifascistes sur le front d’Aragon dans le rang de la colonne Arcaso. Rappelez vous, frères du Maroc et de l’Islam, l’aide que nos frères révolutionnaires et libertaires d’Espagne nous ont apportée pendant le soulèvement d’Abd el Krim. »
C’est le cas Lakir Balik, adhérent à la CGT, qui entre dans les Brigades Internationales en décembre 1937. Devenu commandant de compagnie, il rejoint le Parti Communiste en Espagne.
Par ailleurs François Mazou me confirma la présence d’Arabes Palestiniens dans les Brigades Internationales, ainsi que des juifs Palestiniens.
UN FAIT HISTORIQUE PEU CONNU DE LA GUERRE CIVILE ESPAGNOLE (1936-1939) : 500 Algériens ont combattu au sein des Brigades internationales
Le Soir d’Algérie, du 7 mai 2009
Dans son livre « Islam y guerra civil española » , paru en 2004 à Madrid, l’historien espagnol Francisco Sánchez Ruano nous apprend, à travers une recherche minutieuse et un luxe de détails, que le mythe qui place les « moros » (les Arabes) du côté de Franco seulement, doit être nuancé, car plus de 1000 volontaires des Brigades internationales du camp républicain provenaient de pays arabes. Le plus fort contingent de ces combattants arabes venus défendre la République espagnole était constitué de 500 Algériens.
Avant de traiter plus précisément l’apport de ces derniers, il convient de reprendre brièvement le contexte de l’époque. Le mois d’avril 1931 voit l’avènement de la 2e République espagnole (la 1re République eut une existence éphémère, à la fin du 19e siècle), laquelle connaît une période marquée par un gouvernement de droite, à partir de 1933. Cependant, les élections de 1936 donnent la victoire à la gauche, unie dans le Front populaire (Frente Popular). Au niveau international, Hitler et Mussolini sont au pouvoir, et Staline est à la tête de l’Union soviétique de l’époque. L’armée espagnole est formée de troupes stationnées en Espagne même, mais aussi au nord du Maroc, placé sous protectorat espagnol. A l’annonce de la victoire des forces de gauche, la Phalange espagnole (organisation de type fasciste, calquée sur les Chemises noires de Mussolini) regroupe les opposants au nouveau gouvernement républicain et déclenche le soulèvement des troupes espagnoles du Maroc, sous le commandement de Franco.
La guerre civile en Espagne (1936-1939) et les Brigades internationales
Le débarquement des troupes rebelles sur le sol ibérique signifie le début de la guerre civile espagnole qui durera jusqu’en 1939, se terminera par la victoire militaire de Franco, mais fera des dizaines de milliers de victimes. Les deux forces en présence, le camp républicain et le camp franquiste reflètent deux conceptions du monde irréconciliables. Le premier représente les aspirations portées par les organisations syndicales et ouvrières, les socialistes, les communistes, les anarchistes… Le deuxième défend les intérêts des grosses puissances et les valeurs fascistes… De fait, l’Allemagne nazie appuiera les troupes de Franco, tandis que les républicains seront soutenus par l’Union soviétique. Pour leur part, Londres et Paris suivront une politique de non-intervention dans le conflit espagnol. Le mouvement de sympathie qu’avait engendré le régime républicain espagnol dans le monde se concrétisera par la constitution des Brigades internationales qui, comme leur nom l’indique, volontaires venus de plusieurs parties du monde soutenir les troupes régulières, fidèles à la 2e République. Selon Francisco Sánchez Ruano, on dénombrait jusqu’à 53 pays d’origine des miliciens qui combattaient au sein des Brigades internationales. Cités par ordre d’importance numérique, pour les chiffres inférieurs à 1000 volontaires l’Algérie se situe à la 13e place sur 41 pays.
Les Algériens dans le camp républicain
Les 500 volontaires algériens provenaient d’Algérie, encore sous colonisation française, mais aussi de la communauté algérienne émigrée en France, notamment à partir de Paris, Lyon, Toulouse, Marseille, Bordeaux… La grande majorité des Algériens enrôlés dans les Brigades internationales étaient des militants syndicaux, des socialistes, des communistes, des anarchistes, qui se sont retrouvés aux côtés des Anglais, des Espagnols, des Yougoslaves, des Américains, des Marocains, des Français, des Russes, des Polonais, etc. de mêmes tendances idéologiques. En face, Franco disposait des troupes rebelles constituées de soldats espagnols et de soldats de carrière marocains engagés, les « moros », dont le nombre augmentera au fur et à mesure du déroulement de la guerre, suite à leur enrôlement, parfois de force, entrepris par le bord franquiste au Maroc. Le terme de « moro » restera ainsi lié jusqu’à l’heure actuelle, dans l’inconscient collectif espagnol, à ces soldats marocains de l’armée franquiste, tout en désignant l’Arabe en général et notamment le Maghrébin, pour l’Espagnol moyen. D’autre part, le terme prend ses racines plus loin dans l’Histoire puisqu’il désigne à l’origine les musulmans (Maures) chassés par la reconquête espagnole au 15e siècle… Dans le cas concret de la guerre civile de 1936-1939, ceci a abouti à une vision réductrice de l’Histoire, construite sur le mythe du « moro » aux côtés de Franco, un « moro » coupable de tous types d’atrocités : pillage, viols, assassinats… Sà nchez Ruano tente donc, à bon escient, de démanteler ce mythe et détruire les stéréotypes montés autour, en dévoilant « l’autre face » du « moro » dans la guerre civile espagnole, avec les preuves qu’il apporte sur la participation des Arabes à la défense de la 2e République espagnole, à travers leur engagement dans les Brigades internationales.
Oussidhoum, Belaïdi, Balek, figures algériennes des Brigades internationales
Pour illustrer son propos, le premier exemple qu’il donne est celui de Mohamed Belaïdi, un mécanicien algérien qui tenait le poste de mitrailleur dans les bombardiers de l’escadrille d’avions que dirigeait André Malraux, l’écrivain et homme politique français, au sein des forces républicaines. M. Belaïdi perdit la vie l’hiver 1937, dans le ciel de Teruel (nord de l’Espagne), quand son avion fut abattu par 7 avions de chasse allemands. Dans le film réalisé par A. Malraux sur la guerre d’Espagne, projeté à Paris pour la première fois en 1937, on peut voir le cercueil du milicien algérien recouvert d’un drapeau frappé du croissant musulman. Une mitrailleuse apparaît aussi posée sur le cercueil. Selon Sánchez Ruano, ce fut là l’unique film produit par le camp républicain où apparaît un volontaire arabe ou berbère musulman, membre des Brigades internationales. S’il y a peu d’Espagnols et d’Algériens qui savent que 500 Algériens ont servi dans ces brigades, beaucoup s’interrogeront sur leur présence dans la guerre civile espagnole. Quand on le lui a demandé, Belaïdi répondit : « Quand j’ai su que des Arabes combattaient pour Franco, j’ai dit à ma section socialiste qu’on devait faire quelque chose, sinon que diraient les camarades ouvriers des Arabes… ? » D’autres cas peuvent être rapportés, comme celui de Rabah Oussidhoum, lequel s’est distingué par sa bravoure dans de nombreuses batailles, notamment la bataille de Lopera (région de Cordoue), et surtout celle de Segovia (région de Madrid) où il commandait le 12e bataillon, nommé « Ralph Fox » en l’honneur de l’écrivain anglais mort à Lopera. Comme Belaïdi, on interrogeait aussi Oussidhoum sur sa présence dans les Brigades internationales et il répondait : « Parce que tous les journaux parlent des « moros » qui luttent avec les rebelles (de Franco). Je suis venu démontrer que tous les Arabes ne sont pas fascistes. » Oussidhoum tomba au champ d’honneur en mars 1938 dans son ultime bataille, à Miraflores (région de Saragosse). Pour ses chefs et ses compagnons, il laissera l’image d’un véritable héro dans les batailles où il s’est engagé, en Andalousie, dans la région d’Aragon et dans la région de Madrid. Citons encore le cas d’autres Algériens comme Mechenet Essaïd Ben Amar ou Améziane Ben Améziane, deux militants anarchistes dont le deuxième, mécanicien de profession, combattait sous les ordres de Durruti (leader anarchiste espagnol de l’époque). Dans un « Appel aux travailleurs algériens », Améziane écrit : « Nous sommes 12 de la CGT dans le groupe international… face à la canaille fasciste. Miliciens si, soldats jamais ! Durruti n’est ni général ni caïd mais un milicien digne de notre amitié. » Ces quelques exemples montrent que la majorité des volontaires algériens provenaient des organisations syndicales, des partis socialistes ou communistes ou du mouvement anarchiste, mais on connaît d’autres cas de militants du Parti du Peuple Algérien (PPA) engagés aux côtés des républicains, comme ceux de Aïci Mohand ou S. Zenad, que cite Sánchez Ruano, en précisant que leur décision fut individuelle. En effet, les dirigeants nationalistes algériens montraient leur appui au Front populaire espagnol surtout en matière de propagande antifranquiste sans être pour autant partisans décidés de l’envoi de volontaires au front. Mais le président de la République espagnole, Manuel Azaña, enverra une lettre de remerciements à Messali Hadj pour une contribution matérielle reçue du PPA. Les Algériens enrôlés dans les rangs des Brigades internationales montraient, à travers leur position internationaliste, une détermination aiguisée par la conviction politique que la victoire du camp républicain impulserait l’émancipation des peuples maghrébins et du peuple algérien en particulier, comme l’exprimait clairement un autre Algérien, L. Balek, commandant d’une compagnie républicaine, qui disait dans un meeting : « Le peuple de mon pays est aussi opprimé que l’est aujourd’hui le peuple espagnol par le Grand Colon qui le ruine. Je donnerai jusqu’à l’ultime goutte de mon sang pour que les Algériens, les Tunisiens et les Marocains puissent arriver un jour à secouer leur joug et recouvrer la liberté. » L’erreur de la majorité des dirigeants républicains fut de sous-estimer cette soif d’émancipation des volontaires arabes venus combattre à leurs côtés. Sánchez Ruano revient sur cette idée en avançant que les volontaires musulmans des Brigades internationales furent des « soldats de l’ombre » occultés par le nombre de « moros » de Franco, accusés (dans beaucoup de cas à tort) d’exactions de toute sorte. Selon lui, beaucoup d’hommes politiques républicains, de partis et d’organisations républicaines sont tombés dans l’erreur de mettre sur le même plan les arabes combattant dans les files franquistes et ceux des Brigades internationales, sans penser que ces derniers étaient là pour des libertés qu’on leur refusait dans leur pays : Maroc, Algérie Tunisie, Syrie… Quoi qu’il en fût, comme tous les volontaires des Brigades internationales, ces Arabes et musulmans, parmi eux les 500 Algériens, signèrent une déclaration avant de monter au front, qui se terminait ainsi : « Je suis ici parce que je suis volontaire et je donnerai, s’il le faut, jusqu’à la dernière goutte de mon sang pour sauver la liberté de l’Espagne et la liberté du monde entier. » Des hommes comme Rabah Oussidhoum et Mohamed Belaïdi n’ont pas failli à cet engagement, au prix de leur vie.
Etranges étrangers, invité à mourir pour la République Espagnole, oubliés par l’Espagne et le Monde ; Ils s’appelaient Saïd, Safi et Mohamed… ils ne monnayaient pas leur courage. Nous leurs devions l’honneur, ils ont été simplement oubliés.
LA MEMOIRE COURTE
Comme après la Grande Guerre, les guerres coloniales succèdent à la dernière guerre mondiale avec les mêmes usages d’ignominies, comme si faire la guerre aux autres pouvait conjurer les souffrances passées. La Nation souveraine, à peine sa dignité restaurée, bafoue le droit des autres peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce fut ce que vécurent les peuples d’Indochine, de Madagascar, d’Algérie, de Tunisie, du Maroc, de l’Afrique... Peuples congénères qui, dans les moments difficiles et tragiques de notre histoire, ont pris les armes dans les maquis de la résistance présents dans 38 départements.
Au delà des anonymes, il y eut, au hasard, 52 tirailleurs sénégalais dans les maquis du Vercors ; 14 africains parmi les 1030 compagnons de l’Ordre de la Libération (la plus prestigieuse des distinctions de la France). Ils furent distingués pour leur participation à la libération de Roman-sur-Isère, le 22 Aout 44, du quartier de la Part-Dieu à Lyon, le 3 septembre 44.
Les troupes Nord Africaines sont de tous les combats pour la Libération : à Monté Cassino où elles s’illustrent par leur courage ; dans la plaine des Flandres ou à Marseille, libérée par les Tabors Marocains ;178.000 africains et malgaches et 320.000 maghrébins appelés en 39/40. Et il y eut aussi, la FTP-MOI (Francs-Tireurs Partisans Main-d’oeuvre immigrée).
Quant à l’Affiche rouge, elle reste le témoin visible de ces minorités, de ces étrangers aux noms parfois imprononçables et qui pourtant, souhaitons-le, ne seront jamais oubliés. Ils étaient 23 étrangers et une étrangère aussi. On les appelait aussi les Terroristes. Ils venaient d’Arménie, de Roumanie, de la Pologne, de la Hongrie, d’Italie, d’Espagne, de France… et criaient Vive la France en s’abattant. Vingt furent fusillés. Cet « honneur » était réservé aux hommes : Olga Bancic (Roumaine) fut décapitée. C’est en effet ce que les nazis réservaient aux femmes. Pour cela, elle fut emmenée en Allemagne pour subir cette décapitation à la hache.
Je pense que les conflits comme la Bosnie le Rwanda, la Tchétchénie, la Palestine, l’Irak, l’Afghanistan sont la répétition de notre avenir. Puissions nous tous en prendre conscience.
Luis LERA