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L’Ukraine ou l’échec du projet européen

Une fois de plus, lors d’événements majeurs, l’information diffusée par les médias et la presse est – à de rares exceptions près – à sens unique. Ce fut le cas le 11 septembre 2001, lors des guerres d’Irak et d’Afghanistan, lors de la guerre de Yougoslavie, aujourd’hui, avec le Venezuela et enfin, avec l’Ukraine.

On conditionne l’opinion à un « manichéisme » aussi caricatural qu’odieux qui vise à la manipuler afin d’accepter sans sourciller des décisions qui, en d’autres temps, n’auraient guère été tolérées.

Eh oui ! Les « bons » révolutionnaires Ukrainiens de Kiev brandissant le drapeau de l’Union européenne face aux « méchants » Russes qui veulent écraser la malheureuse Ukraine. Et on n’a pas le droit de nuancer, car on risque les foudres des « faiseurs » d’opinion ! Sans compter l’ineffable BHL qui est allé se faire photographier sur les barricades de la place Maïdan à Kiev…

Et pourtant, cette tragédie est bien plus complexe que ce qu’on cherche à nous faire avaler.

Une histoire tragique

Certes, l’histoire de l’Ukraine est tragique depuis longtemps, depuis Staline qui l’a écrasée, qui en a brutalement collectivisé l’agriculture en détruisant tout le tissu de la classe paysanne qui faisait de ce pays le grenier de l’Europe. Il a aussi mis en esclavage une grande partie de la population qui a été décimée avant la Seconde guerre mondiale. Ce n’est d’ailleurs pas sans raisons que les Allemands ont été accueillis en libérateurs au début de l’invasion de l’URSS, mais les nazis montrèrent leur vrai visage et le peuple d’Ukraine s’est retourné contre eux et a fourni à l’Armée rouge le plus important contingent de partisans qui eut un rôle majeur dans la victoire de l’Union Soviétique sur l’Allemagne nazie.

Après Staline, l’Ukraine a joui d’une relative autonomie par rapport à Moscou, tout en restant une pièce essentielle dans la géopolitique de l’Union Soviétique. En effet, et c’est toujours le cas aujourd’hui, la flotte russe est basée à Sébastopol, principal port de Crimée, ouverture sur la Mer Noire et puis sur la Méditerranée. La fin de l’URSS en 1991 a mené à la CEI (Communauté des Etats Indépendants) qui était une sorte de marché commun des anciennes républiques soviétiques ayant acquis leur indépendance, y compris l’Ukraine.

Une Ukraine divisée en deux parties

La réalité, cependant, est que l’Ukraine est divisée entre une partie occidentale proche de la Pologne, catholique, penchant vers l’Europe et une partie orientale russophone. Quant à la Crimée, sa population est essentiellement composée de Russes de religion orthodoxe.

Depuis l’indépendance, les choses ne se déroulent pas bien en Ukraine. L’ancien journaliste de la RTBF, Jean-Marie Chauvier, spécialiste de l’Europe orientale, constate dans une interview au journal de gauche Solidaire (1) : « Depuis le démembrement de l’Union soviétique en 1991, l’Ukraine est passée de 51,4 à 45 millions d’habitants. Cette diminution s’explique par une baisse de la natalité, une augmentation de la mortalité due en partie au démantèlement des services de santé. L’émigration est très forte. 6,6 millions d’Ukrainiens vivent maintenant à l’étranger. Nombreux sont les gens de l’est de l’Ukraine qui sont partis travailler en Russie où les salaires sont sensiblement plus élevés, tandis que ceux de l’ouest se sont plutôt dirigés vers l’Europe occidentale, par exemple dans les serres de l’Andalousie ou dans le secteur de la construction au Portugal. L’émigration fait rentrer annuellement, en Ukraine, 3 milliards de dollars. »

Ce n’est bien sûr pas ce que les « grands » médias nous racontent.

Et ce n’est pas tout, Jean-Marie Chauvier ajoute : « Alors que le chômage est officiellement de 8 % en Ukraine, une partie importante de la population vit en dessous du seuil de pauvreté : 25 %, selon le gouvernement, jusqu’à 80 % selon d’autres estimations. L’extrême pauvreté, accompagnée de sous-alimentation, est estimée entre 2 à 3 % jusqu’à 16 %. Le salaire moyen est de 332 dollars par mois, un des plus bas d’Europe. Les régions les plus pauvres sont les régions rurales à l’ouest. Les allocations de chômage sont faibles et limitées dans le temps.

Les problèmes les plus pressants sont accentués par les risques liés à la signature d’un traité de libre échange avec l’Union européenne et l’application des mesures préconisées par le FMI. Il y a ainsi la perspective de fermeture d’entreprises industrielles, surtout à l’Est, ou leur reprise-restructuration-démantèlement par les multinationales. En ce qui concerne les terres fertiles et l’agriculture, se pointe à l’horizon la ruine de la production locale qui est assurée actuellement par les petits paysans et les sociétés par action, héritières des kolkhozes et par l’arrivée en grand des multinationales de l’agro-alimentaire. L’achat massif des riches terres s’accélérera. Ainsi Landkom, un groupe britannique, a acheté 100 000 hectares (ha) et le hedge fund russe Renaissance a acheté 300 000 ha (2 ) »

L’ultralibéralisme a fait des ravages dans ce pays comme ailleurs, avec les conséquences habituelles : chômage, précarité, émigration, pillage des ressources par des fonds d’investissement étrangers.

L’Union européenne facteur de division

Et nul n’ajoute que le fameux accord de libre échange avec l’Union européenne rejeté par Ianoukovitch et qui est à l’origine des émeutes de Kiev a pour conséquence la fermeture des industries situées essentiellement dans l’Est russophone du pays dont les friches seraient mises entre les mains des multinationales. Si on y réfléchit bien, ce ne sont pas les Russes qui provoquent la division de l’Ukraine, mais l’Union européenne !

L’Ukraine est donc « à reprendre » : quelques industries, les oléoducs et les gazoducs essentiels pour la Russie, les terres agricoles et une main d’œuvre qualifiée à bon marché. Joyeuses perspectives !

D’ailleurs, il y eut durant les événements de Kiev des épisodes curieux. Trouve-t-on normal que la secrétaire d’Etat adjointe américaine, Victoria Nuland connue pour son adhésion au néo conservatisme, rencontre les manifestants, de même que la présence de Mme Ashton, chargée des affaires étrangères de l’Union européenne ? Il est clair que ce mouvement « spontané » est téléguidé. D’ailleurs, Mme Nuland a reconnu que les USA ont versé 5 milliards de dollars pour financer le mouvement « démocratique » à Kiev (3 ) On observe entre autres que la compagnie pétrolière Chevron s’implique dans la question ukrainienne. Etrange coïncidence !

La leçon de l’histoire

Pour comprendre la portée de ces bouleversements, il faut en revenir à l’histoire.

La Russie, la Biélorussie et l’Ukraine ont une même origine : l’Etat des Slaves orientaux qui a duré du IXe au XIe siècle dont la capitale était Kiev. Par les différences de langues et de religions qui sont apparues, cet Etat s’est démantelé. L’Ouest a été rattaché à la Lituanie, à la Pologne et plus tard à l’empire austro-hongrois.

Après la Révolution d’octobre 1917 et la guerre civile qui s’en est suivi, un premier Etat a été fondé qui portait le nom d’Ukraine et qui a été co-fondateur de l’URSS en 1922. La partie occidentale est restée à la Pologne et a été rattachée à l’Ukraine en 1945 suite aux accords de Yalta (4). En 1954, l’Ukraine s’est élargie à la Crimée.

Sur le plan économique, l’Est de l’Ukraine est plus industrialisé et est russophone, tandis que l’Ouest est agricole et parle l’Ukrainien. Sur le plan religieux, l’Ukraine occidentale dépend de l’Eglise uniate (gréco-catholique) qui est traditionnellement germanophile. Quant à la capitale Kiev, sa population est très majoritairement russophone, ses élites aident l’opposition et sont proches des oligarques ultralibéraux de Moscou et des Occidentaux.

Moscou ne cèdera pas.

Chauvier avertit : « L’Ukraine est donc partagée – historiquement, culturellement, politiquement – entre l’Est et l’Ouest, et il n’y a aucun sens à dresser l’une contre l’autre, sauf à miser sur l’éclatement voire la guerre civile, ce qui est sans doute le calcul de certains. A force de pousser à la cassure, comme le font les Occidentaux et leurs petits soldats sur place, le moment pourrait bien venir où l’UE et l’OTAN obtiendront « leur morceau » mais où la Russie prendra le sien ! Ce ne serait pas le premier pays qu’on aurait fait délibérément exploser. Nul ne doit ignorer non plus que le choix européen serait également militaire : l’OTAN suivra et aussitôt se posera la question de la base russe de Sebastopol en Crimée, majoritairement russe et stratégiquement cruciale pour la présence militaire en Mer Noire. On peut imaginer que Moscou ne laissera pas s’installer une base américaine à cet endroit ! »

Qui a provoqué cette « révolution » ?

C’est dans ce contexte que les Occidentaux ont provoqué délibérément cette « révolution ». Et ils ont mis les moyens. Tout d’abord le rôle de la presse et des médias européens et américains.

Avez-vous remarqué que les journalistes occidentaux envoyés à Kiev n’ont rencontré que les manifestants « pro-européens » et ne se sont pas donné la peine d’enquêter du côté de l’autre partie ? Cela prouve une fois de plus la partialité de ces médias.

Un élément essentiel à retenir : le peuple ukrainien est le grand absent de ce conflit. Ecrasé par un pouvoir fort, par la machine oppressive des employeurs ultralibéraux ou recru de misère, il lui est impossible de se soulever pour faire entendre sa voix. Les manifestants de la place Maidan en uniforme, bien équipés, voire armés sont des militants formés et organisés. Ce n’est pas le peuple d’Ukraine.

Les trois partis de l’opposition à Kiev

Trois partis sont en lice dans l’opposition contre Ianoukovitch. Tout d’abord, Batkivschina – la Patrie – qui est le parti de l’égérie de la « révolution orange » Ioulia Timochenko qui est malade et qui était emprisonnée par le pouvoir, il est dirigé par Arseni Iatseniouk, ensuite le parti Oudar (des réformes) du boxeur Vitali Klitschko qui est l’homme des Allemands. Ses militants ont été formés par la fondation Adenauer. Enfin, il y a le parti fasciste Svoboda (Liberté). Chauvier ajoute : « Svoboda est en filiation directe avec l’Organisation des Nationalistes Ukrainiens (OUN) – fasciste, sur le modèle de Mussolini – fondée en 1929 en Galicie orientale sous régime polonais. Avec l’arrivée d’Adolf Hitler en 1933, contact est pris avec le motif « nous nous servirons de l’Allemagne pour faire avancer nos revendications ». Les relations avec les nazis sont parfois tumultueuses – car Hitler ne veut pas d’une Ukraine autonome – mais tous sont fermement unis dans leur objectif commun d’éliminer les communistes et les Juifs et d’asservir les Russes. Les fascistes ukrainiens opposent le caractère « européen » de l’Ukraine à celui, « asiatique » de la Russie. En 1939, Andriy Melnik est à la tête de l’OUN, avec le soutien d’Andriy Cheptytskyi, métropolite de l’Eglise gréco-catholique (uniate), germanophile, « leader spirituel » de la Galicie, passée en 1939 sous régime soviétique. En 1940, le radical Stepan Bandera fait dissidence : son OUN-b forme deux bataillons de la Wehrmacht, Nachtigall et Roland, pour prendre part à l’agression menée par l’Allemagne et ses alliés contre l’URSS, le 22 juin 1941. Immédiatement déferle une vague de pogroms. »

Notons que des manifestations antisémites ont eu lieu à Kiev et que le grand rabbin de Kiev a conseillé aux Juifs ukrainiens de s’exiler. Svoboda a été renforcé après la « révolution orange » de 2004. Il a obtenu de 20 à 30 % des voix dans les villes occidentales d’Ukraine au cours des différentes élections qui se sont déroulées depuis.

Des fascistes pas comme les autres

Pour BHL, ces fascistes ukrainiens ne sont pas comme les autres fascistes européens... Leurs victimes apprécieront ! Cet aspect inquiétant de l’opposition ukrainienne est passé sous silence par les médias et par les intellectuels si prompts à dénoncer la résurgence du fascisme…

Le Parti communiste ukrainien qui n’est pas au pouvoir est la formation la plus démocratique. Il a lancé une pétition qui a recueilli plus de trois millions de signatures pour organiser un référendum sur l’acceptation ou non du traité de libre échange avec l’Union européenne. Mais il est bien seul face à l’ancien pouvoir corrompu de Ianoukovitch et les partis d’opposition nationalistes et dans un cas, carrément fasciste.

Quid après la prise de pouvoir « démocratique » à Kiev ?

Le nouveau pouvoir issu de l’insurrection de Kiev a tout de suite été reconnu par les chancelleries occidentales. L’ancien diplomate indien M K Bhadrakumar, aujourd’hui écrivain et journaliste, autorité en matière de géopolitique écrit dans Indian Punchline (5) : « Le projet occidental est d’organiser au plus vite, c’est à dire en mai, de nouvelles élections qui donnent une légitimité constitutionnelle à ses hommes de main pour qu’ils puissent signer l’Accord d’Adhésion à l’Union Européenne. Autrement dit, l’Occident a répondu au challenge de la Russie en exigeant d’elle qu’elle avale la pilule amère que constitue une Ukraine hostile à sa porte, une Ukraine qui tôt ou tard serait intégrée à l’OTAN, amenant l’alliance occidentale aux frontières russes pour la première fois dans l’histoire. » Mais, c’est compter sans la réaction russe. Après le renversement de Ianoukovitch, les choses ont changé. Les Russes qui en cette affaire, étaient restés aux abonnés absents réagissent. Poutine demande au Sénat l’autorisation pour une intervention militaire en Ukraine après un « appel » d’un dirigeant de Crimée. L’armée russe est sur place depuis longtemps. Une éventuelle intervention ne soulèvera aucune difficulté.

Cette fermeté soudaine a une cause fondamentale : il n’est pas question que l’Ukraine se rattache à l’OTAN pour que les Américains installent une base en Crimée. Et cela, Barack Obama le sait. S’il doit ménager le camp néoconservateur dont Hillary Clinton, son ancienne secrétaire d’Etat, est la représentante chez les Démocrates, en faisant des déclarations fermes sur l’intervention russe en Crimée, sa position réelle et son action sont bien plus nuancées.

La relance du jeu diplomatique

Le jeu diplomatique a été relancé, mais les choses ne seront pas aisées. M K Bhadrakumar a écrit le 1er mars : «  D’un, les ministres russes et étasuniens de la Défense devaient avoir une conversation téléphonique hier soir. Les remarques, jeudi à Bruxelles, du secrétaire général à la Défense, Chuck Hagel sur l’Ukraine semblaient raisonnables. Et de deux, le secrétaire d’Etat étasunien, John Kerry, a dit, jeudi au téléphone, à son homologue russe, Sergey Lavrov, qu’il privilégiait un dialogue russo-étasunien pour stabiliser la situation en Ukraine.

Le problème c’est de savoir sur quoi portera le "dialogue". La Russie soutient que l’accord de paix du 21 février devrait faire référence (ce que d’ailleurs avait aussi suggéré Obama à Poutine au téléphone). Tandis que les Etats-Unis ont évolué depuis, ont vite "reconnu" le renversement de Ianoukovitch et se préparent à faire des affaires avec les individus qui ont usurpé le pouvoir.

De fait, le vice-président Joe Biden s’est empressé de traiter le nouveau "premier ministre" ukrainien, Arseny Iatseniouk comme son homologue à Kiev.

Il n’y a aucun doute que le fossé est profond entre les Russes et les Américains - peut-être qu’il ne sera pas facile à combler et les deux camps vont s’en rendre compte. Moscou va penser que Washington exige virtuellement que la Russie change de position et accepte la réalité géopolitique : à savoir que l’Ukraine est en passe de rejoindre l’orbite occidentale. Mais la Russie ne peut pas accepter une telle défaite stratégique.

La Russie a non seulement reconnu que Ianoukovitch était en Russie mais elle a souligné clairement que Moscou continuait à le considérer comme la tête légitime de l’état. C’est un affront indéniable pour Washington et le début d’une situation aberrante (et dangereuse) dans laquelle les Etats-Unis et la Russie traiteraient avec deux interlocuteurs différents représentant l’état souverain d’Ukraine et pourraient se prévaloir l’un comme l’autre du droit international pour légitimer leurs actions.

Les derniers rapports en provenance de Moscou indiquent que Poutine a "demandé au gouvernement russe d’étudier la question d’une aide humanitaire pour la Crimée". Une boîte de Pandore s’ouvrira si Ianoukovitch demande l’aide de la Russie pour calmer la situation en Crimée. »

Ianoukovitch est loin d’être la marionnette de Moscou comme le décrivent les médias. S’il est russophile, il a su entretenir des relations avec les Occidentaux et spécialement les Républicains américains qui l’ont aidé dans sa communication. C’est donc un personnage dangereux. Mais, tout en s’étonnant du « silence » de Poutine, il n’a pas demandé l’intervention russe. Et Kiev, de son côté, semble privilégier la voie diplomatique.

Obama a eu l’intelligence de ne pas jeter d’huile sur le feu avec l’affaire de l’emploi des gaz en Syrie, il l’aura certainement pour ne pas allumer un incendie en Ukraine. En effet, on constate que les dirigeants US tout en « roulant des mécaniques » tentent de calmer le jeu. Sans doute, pour faire bonne figure, le président US boycottera le prochain G8 qui doit avoir lieu à Sotchi. Poutine n’en mourra pas, même si les négociations commerciales russo-étatsuniennes sont gelées.

Le danger vient des néoconservateurs.

Le danger réel vient des néoconservateurs étatsuniens qui ont de puissants relais en Europe. L’un d’entre eux, Zbigniew Brzezinski, l’ancien conseiller spécial de Jimmy Carter, influent géostratège étasunien, d’origine polonaise a tracé, dans les années 1990, la stratégie étasunienne pour maîtriser l’Eurasie et installer durablement l’hégémonie de son pays, avec l’Ukraine comme maillon essentiel. Pour lui, il y avait des « Balkans mondiaux », d’un côté l’Eurasie, de l’autre le grand Moyen-Orient. Chauvier ajoute : « Cette stratégie a donné ses fruits en Ukraine avec la « révolution orange » de 2004. Elle a installé un réseau tentaculaire de fondations étasuniennes – comme Soros et la reaganienne National Endowment for Democracy (NED) - qui rémunèrent des milliers de gens pour « faire progresser la démocratie ». En 2013-2014, la stratégie est différente. C’est surtout l’Allemagne d’Angela Merkel et l’UE qui sont aux commandes, aidées par des politiciens étasuniens comme le républicain John McCain. On harangue les foules sur Maïdan et ailleurs avec une grande irresponsabilité : pour atteindre facilement leur objectif de faire basculer l’Ukraine dans le camp euro-atlantique, dont l’OTAN, ils s’appuient sur les éléments les plus antidémocratiques de la société ukrainienne. Mais cet objectif est irréalisable sans faire éclater l’Ukraine, entre l’Est et l’Ouest et avec la Crimée qui rejoindra la Russie comme sa population le souhaite. Le parlement de Crimée a déclaré : « Nous ne vivrons jamais sous un régime bandériste (fasciste) ». Et pour Svoboda et les autres fascistes, c’est la revanche de 1945 qu’ils vivent. Je crois malgré tout que la très grande majorité des Ukrainiens ne veut pas de cette nouvelle guerre civile ni de l’éclatement du pays. Mais la société est à reconstruire… »

L’échec du projet européen

Il faut en finir avec cette stratégie suicidaire des néoconservateurs américains et de leurs amis européens « atlantistes ». Qu’a-t-elle donné jusqu’à présent ? La partition dramatique de la Yougoslavie en micro-états en proie à toutes les dérives intégristes et mafieuses. Elle risque de faire éclater l’Ukraine en deux régions hostiles dont la première victime sera le peuple ukrainien.

Est-ce là le projet européen ? L’Union européenne qui ne cesse de prétendre qu’elle a garanti la paix en Europe depuis 1945 a de lourdes responsabilités dans la guerre en Yougoslavie et entretient la tension en Ukraine risquant ainsi d’embraser tout l’Est européen. Cette conception de l’organisation du continent mènera inéluctablement à l’échec. Le projet européen tel qu’il est aujourd’hui mené par les Barroso, Van Rompuy, Merkel, Hollande, Cameron et consort doit être profondément modifié pour construire une organisation répondant aux aspirations des peuples.

Hélène Carrère d’Encausse a signé dans Le Point et Le Figaro des éditoriaux recommandant de ne pas se couper de la Russie. La situation ne se résume pas, selon elle, aux aspirations démocratiques d’un pays qui est tiré par la Russie vers son rêve de reconstitution d’un empire déchu. L’UE doit comprendre que la Russie est étroitement liée à l’Ukraine et ne se laissera pas exclure. L’UE doit donc arrêter d’ignorer la Russie, ainsi l’Ukraine pourrait librement faire son choix. Elle a raison !

Rappelons-nous la « maison commune » de Gorbatchev. Pourquoi persister dans cette politique des blocs qui n’a plus de raison d’être ? La Russie est un partenaire indispensable et ne doit pas être isolée dans un glacis qui ne pourrait que rapporter sang et misère.

Pierre VERHAS

(1) Publié par le site « Le Grand Soir »

(2) Cela correspond au cinquième des terres agricoles belges.

(3) C’est Mme Nuland qui a insulté l’Union européenne dans une conversation téléphonique avec l’ambassadeur US à Kiev.

(4) Les Occidentaux ont donc une responsabilité en ayant laissé Staline conquérir l’Ukraine occidentale qui était polonaise.

(5) Le « Grand soir » 1er mars 2014.

Le blog de Pierre Verhas


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