« L’écart entre le discours européen sur la croissance des colonies illégales et ce que nous faisons en réalité s’élargit. Nous sommes arrivés à la situation absurde où nous soutenons économiquement et financièrement les obstacles à la paix que nous condamnons par ailleurs si souvent. Ce nouveau rapport rassemble des suggestions fortes et concrètes pour changer de politique et faire avancer la paix », a déclaré Chris Doyle, directeur de Caabu.
Une large coalition appelle l’Europe à ne pas se contenter de discours sur les colonies.
L’Union européenne importe quinze fois plus des colonies illégales israéliennes situées dans les territoires palestiniens occupés que des Palestiniens eux-mêmes, a révélé aujourd’hui un nouveau rapport (1) d’une coalition de 22 organisations non gouvernementales, dont Caabu, Christian Aid Angleterre et Irlande, la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et Diakonia.
Ce rapport, intitulé « Les affaires plutôt que la paix ou comment l’Europe contribue à soutenir les colonies israéliennes illégales », est le premier à comparer les données disponibles sur les exportations des colonies israéliennes et celles des Palestiniens, en soulignant l’incohérence de la politique européenne. L’UE déclare que « les colonies sont illégales au regard du droit international, constituent un obstacle à la paix et menacent de rendre la solution à deux États impossible » (2), mais elle continue de fournir un marché primaire d’exportation aux produits des colonies. La plupart des États membres de l’UE n’ont pas exigé que les produits soient correctement étiquetés dans les magasins, ce qui fait que les consommateurs ignorent la véritable origine de ces produits, contrairement aux directives de l’UE. (3)
« L’Europe dit que les colonies sont illégales au regard du droit international et elle continue à commercer avec elles. Les consommateurs contribuent involontairement à l’injustice en achetant des produits qui sont faussement étiquetés comme provenant d’Israël quand en fait ils viennent des colonies de Cisjordanie », a déclaré William Bell, le responsable de l’action et de la politique de Christian Aid Angleterre et Irlande.
Dans son introduction au rapport, Hans van den Broek, l’ancien commissaire européen aux relations extérieures, appelle les gouvernements européens à adopter une série de mesures concrètes pour cesser d’aider à l’expansion des colonies de peuplement et pour combler le fossé entre les paroles et les faits réels. Le groupe d’associations demande qu’il y ait, au moins, des lignes directrices claires en matière d’étiquetage pour s’assurer que les consommateurs européens n’achètent pas des marchandises coloniales sans le savoir.(4) De telles directives existent déjà au Royaume-Uni et au Danemark. (5)
Le commerce avec les colonies de peuplement figure à l’ordre du jour de l’UE depuis le mois de mai, lorsque les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont vivement critiqué « l’accélération marquée de la construction de colonies » et ont appelé pour la première fois à la pleine application de la législation communautaire existante. (6)
Le gouvernement israélien estime le montant des importations de l’UE provenant des colonies à environ 230 millions d’euros par an (7) ; contre 15 millions d’euros par an provenant des Palestiniens. Cette différence s’explique en partie par la politique israélienne consistant à fournir des subventions importantes aux colons (9), y compris pour l’infrastructure, le développement des entreprises et de l’agriculture, tout en imposant des restrictions sévères à l’accès des Palestiniens aux marchés et aux ressources.
Les colons jouissent d’un accès facile aux marchés internationaux et ont créé des agro-industries modernes et des zones industrielles. En revanche, l’économie palestinienne est « sévèrement limitée par un système de restrictions à plusieurs niveaux » (10) imposé par Israël, y compris des barrages routiers, des points de contrôle, et un accès limité à la terre, à l’eau et aux engrais. En conséquence, les exportations palestiniennes qui représentaient plus de la moitié du PIB dans les années 1980 sont tombées à moins de 15% du PIB ces dernières années (11), ce qui a annihilé l’accord commercial préférentiel de l’UE avec les Palestiniens.
« L’UE dépense chaque année des centaines de millions d’euros pour aider au développement de l’Etat palestinien, puis elle sabote cette aide en commerçant avec des colonies illégales, contribuant ainsi à leur viabilité et à leur expansion », a déclaré Phyllis Starkey, ancienne députée britannique et administratrice de Medical Aid pour les Palestiniens.
Parmi les produits de colonisation qui sont en vente en Europe il y a les dattes, le raisin, les agrumes, les herbes, les vins, les cosmétiques d’Ahava, des appareils de gazéification de SodaStream, et des meubles de jardin en plastique produits par Keter.
« Les marchandises des colonies de Cisjordanie sont produites grâce aux démolitions de maisons, aux confiscations de terres et à l’occupation militaire. Les gouvernements doivent aller au-delà de la condamnation rhétorique des colonies et, au moins, veiller à ce que les consommateurs puissent prendre des décisions sur ces produits dans les magasins en toute connaissance de cause. Il ne s’agit que du respect du droit européen et international », a déclaré Souhayr Belhassen, président de la Fédération internationale de la ligue des droits de l’homme (FIDH).
Organisations signataires : APRODEV, Broederlijk Delen (Belgique), Caabu (Royaume-Uni), CCFD - Terre Solidaire (France), Christian Aid (Royaume-Uni et Irlande), Église de Suède, Cordaid (Pays-Bas), DanChurchAid, Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), FinnChurchAid (Finlande), ICCO (Pays-Bas), IKV Pax Christi
Traduction : Dominique Muselet