Il y a des victimes des deux côtés et trop de morts dans cette guerre dans le Caucase qui n’aura duré, espérons le, que le temps d’un week-end. Et dés ce lundi matin, avec un minutage parfait, l’esprit des étatsuniens est accaparé par un propagandiste de la guerre sans fin.
« La Russie réussira-t-elle à s’en tirer ? » demande le joyeux éditorialiste du New York Times, avec un large sourire qui vous interpelle comme s’il parlait de choses et d’autres et non de destructions et de mort.
D’un côté de la planète, écrit le propagandiste, vous avez « les Etats-Unis et leurs alliés démocratiques. » De l’autre côté, vous trouverez « des régimes dictatoriaux, agressifs et fanatiques » qui « semblent heureux de collaborer pour affaiblir l’influence des Etats-Unis et leurs alliés démocratiques. »
« Les Etats-Unis, bien sûr, ne sont pas sans ressources et sans alliés lorsqu’il s’agit de traiter ces problèmes et ces menaces, » laisse entendre le propagandiste. « Mais parfois nous pouvons paraître étrangement timorés et indécis. » Ce qui nous ramène encore une fois à sa question en forme de clin d’oeil : « « La Russie réussira-t-elle à s’en tirer ? »
Mais en paraphrasant le héros d’un film célèbre, nous pourrions rappeler à notre propagandiste qu’un agressif, c’est quelqu’un qui agresse. Alors, pourrions-nous demander à notre propagandiste, quel camp a pris les armes jeudi dernier pour se frayer un chemin à travers les montagnes du Caucase jusqu’à la ville de Tskhinvali, en tuant au passage autant de miliciens que possible et un certain nombre d’autres personnes qui se trouvaient malencontreusement sur son chemin ?
Etait-ce les ennemis des Etats-Unis et leurs alliés ? Etait-ce les Russes ? Qui a fait fuir 30.000 réfugiés vers le nord, où certains ne sont restés que le temps de reprendre leur souffle avant de retourner se battre dans le sud ?
Peut-être le propagandiste se demande-t-il si nous allons laisser les Russes s’en tirer pour avoir acceuilli autant de réfugiés en si peu de temps ? Par comparaison, de quoi avons-nous l’air avec notre police des frontières US ?
Il se trouve que les Russes ne faisaient pas qu’observer, mais attendaient aussi, affirme Michel Chossudovsky du Centre for Global Research. « La réaction Russe, » écrit-il, « était totalement prévisible. »
Contre les forces à majorité géorgienne (accompagnés au moins par des conseillers israéliens, et très probablement par d’autres nationalités aussi, même si le New York Times a réussi assez bien à minimiser les rumeurs embarrassantes d’une participation US) les Russes ont déchainé leurs tanks et renvoyé la coalition géorgienne aussi vite qu’elle est arrivée.
Le propagandiste se demande-t-il si nous allons laisser les Russes s’en tirer avec leur attaque de tanks ? Etrange question, car elle semble accréditer l’idée que « les Etats-Unis et leurs alliés démocratiques » auraient le droit, eux, de s’en tirer la prochaine fois qu’ils marcheront sur Tskhinvali, mais sans avoir cette fois-ci en face tous ceux qui « sont heureux de collaborer » pour contrecarrer leurs plans.
Les Russes ont fait plus que repousser la coalition géorgienne. Leurs dirigeants ont exercé un droit de « riposte » qui est une notion un peu plus large que le droit de « protéger et défendre ». Certes, ce serait mieux si nous vivions dans un monde où personne n’aurait le droit de « riposter ». Mais j’habite dans le Texas, et ce n’est pas d’ici que naîtra le mouvement contre les ripostes, alors notre propagandiste pense-t-il qu’il devrait naître en Géorgie ? A l’évidence, le mouvement ne naîtra pas dans le New York Times.
En définitive, je me demande si le propagandiste a lu du Jung récemment, parce qu’il semble avoir une perception très immature de lui-même, totalement inconscient de ce qu’il est devenu : « dictatorial, agressif et fanatique ». Cela dit, il remplit parfaitement sa fonction sociale en tant que reflet de la mentalité du lecteur du New York Times.
Pour ne pas être trop sévère, je dois reconnaître qu’il arrive parfois qu’une information utile se glisse à travers les mâchoires du Times. Lundi matin, nous pouvions aussi lire comment la coalition géorgienne épuisée a exprimé sa déception quant à l’absence des Etats-Unis et de leurs alliés alors que, apparemment, ils étaient attendus.
Lorsque les soldats traumatisés de la coalition géorgienne rentreront chez eux et qu’ils auront tout le temps pour réfléchir à tête reposée sur tout qu’ils ont définitivement perdu, ils auront peut-être envie de poser la même question que notre propagandiste, qui sait ? Et passer le reste de leur vie à ruminer une vengeance. Où peut-être feront-ils ce que beaucoup de jeunes ont fait aux Etats-Unis et chez leurs alliés, à savoir monter un comité local de l’association de vétérans contre la guerre.
(*) allusion plus que probable au film "Apocalypse Now" lorsqu’un personnage déclare "j’aime l’odeur du napalm le matin" - NDT
Traduction VD pour le Grand Soir
ARTICLE ORIGINAL SUR COUNTERPUNCH
http://www.counterpunch.org/moses08112008.html