En examinant le monde des lobbyistes, ce livre dévoile l’ampleur des manipulations pour transformer l’« opinion publique » et conforter les intérêts des grands groupes industriels. Des espions aux journalistes opportunistes, en passant par des scientifiques peu regardants et de faux manifestants, l’industrie des relations publiques utilise tous les canaux possibles pour que seule puisse être diffusée l’information qui arrange ses clients - gouvernements et multinationales, producteurs d’énergie nucléaire ou de tabac, de technologies polluantes, etc.
A ceux qui utilisent les méthodes du lobbying pour redresser les injustices sociales, protéger l’environnement, promouvoir les droits des minorités, défendre les travailleurs ou oeuvrer pour le bonheur de leur communauté, nous avons voulu montrer que c’est une illusion de croire que ces techniques sont « neutres ». Même si toutes les organisations écologistes du monde mettaient leurs ressources en commun, elles ne disposeraient jamais d’un budget de relations publiques équivalent à celui d’un seul fabricant de pesticides décidé à défendre ses intérêts.
Journalistes d’investigation et militants, auteurs de plusieurs livres sur la responsabilité des relations publiques dans les dysfonctionnement de la démocratie, John Stauber et Sheldon Rampton ont collaboré à diverses organisations de défense des consommateurs et de l’environnement.
Une première édition de ce livre est parue en 2004 ; cette réactualisation est complétée d’études de cas issus de l’actualité et du territoire français.
L’industrie des relations publiques orchestre également une grande partie des campagnes de certaines des associations qui font le siège du Congrès à Washington et des élus locaux. Contrairement aux associations authentiques, ces mouvements bidons sont suscités, contrôlés et financés par les multinationales. Philip Morris embaucha l’agence Burson-Marsteller (une des importantes sociétés de lobbying du monde) pour créer l’Alliance nationale des fumeurs afin de mobiliser ceux-ci et les organiser en un lobby « citoyen » qui défendrait « leurs droits »… de fumer. Dans un autre domaine, des consultants ont créé, afin de combattre les écologistes, des associations pseudo écologistes comme la Coalition pour la défense du climat mondial ou l’Alliance pour la protection des forêts de Colombie-Britannique. Pour justifier ce type d’activités, les agences-conseil affirment qu’elles souhaitent simplement participer au processus démocratique et contribuer au débat public. En réalité, elles soustraient la plupart de leurs activités au regard de tout un chacun. Cette invisibilité est l’un des outils des stratégies de manipulation des citoyens et du gouvernement. Comme le disait un professionnel du conseil : « La persuasion est, par définition, une activité subtile. La meilleure com’ ressemble à de l’info. Vous ne savez jamais exactement quand une agence de lobbying est efficace. Vous constaterez seulement que l’opinion est lentement en train de changer. »
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Ce qui frappe, c’est à quel point espionnage et infiltration peuvent dorénavant se mener indépendamment des États. Que le géant français de l’électricité EDF fasse pirater les ordinateurs de l’organisation écologiste Greenpeace (deux de ses dirigeants étaient, début 2011, renvoyés devant le tribunal correctionnel pour ces agissements) n’étonne guère vu la sensibilité de ses activités nucléaires. « Nous avons des contrats avec des sociétés spécialisées dans la veille médiatique : presse française, étrangère, blogs, sites écologistes, etc. Mais le renseignement en matière d’actes de malveillance et de terrorisme est du seul ressort des services de l’État. La protection des centrales nucléaires est assurée par la gendarmerie, l’armée de l’air et la marine nationale » expliquait ainsi peu après la révélation de cet espionnage le chef de la sécurité de la firme. A la question « Greenpeace est-il un sujet de préoccupation pour vous ? », il répondait « EDF intervient dans un secteur stratégique pour le pays et, à ce titre, est attentif à tous ceux qui s’intéressent à son activité. Nous avons un devoir de vigilance. Il est important de savoir, par exemple, si tel ou tel groupe se situe dans la radicalité ou l’opposition légale. Mais nous n’avons pas besoin de payer des hackers pour le savoir ! ». Peut-être naïvement convaincu par ces propos semblant de bon sens de la part d’une entreprise au chiffre d’affaire dépassant les 50 milliards d’euros, on fut donc étonné d’apprendre que ces basses oeuvres avaient été déléguées moyennant 13 000 euros mensuels à la petite firme Kargus Consultant, qui employa pour hacker un autodidacte, pompier de formation. Ou que la firme suisse de sécurité informatique Securywise fut elle aussi, moyennant 45 000 euros annuels, sollicitée pour suivre le porte-parole du réseau Sortie du Nucléaire et enquêter sur la manière dont il avait pu se procurer certains documents confidentiels de l’entreprise.
Édition actualisée & complétée par Nicolas Chevassus-au-Louis & Thierry Discepolo
Traduit de l’anglais par Yves Coleman
Parution : 16/02/2012
ISBN : 978-2-7489-0157-3
432 pages
11 x 18 cm
14.00 euros
http://atheles.org/agone/elements/lindustriedumensonge/