
Copernic, avril 2007.
(...) Revendiquant fièrement son « extrême centrisme » et ayant promis de former, en cas de victoire, un gouvernement de coalition élargie dont le premier ministre pourrait, à l’en croire, être issu du centregauche, le candidat UDF est parvenu, en quelques semaines, à se donner une image d’arbitre, en phase avec le pays réel et dont le pouvoir d’attraction agit bien au-delà de sa seule famille politique. (...)
Depuis le début de cette campagne, M. Bayrou n’a de cesse de qualifier son programme de « social-libéral » : pourtant un examen, même sommaire, des principales propositions qui y figurent permet de s’apercevoir que le projet de société soumis aux électeurs est nettement plus libéral que social ...
Il suffit, pour s’en convaincre, de s’arrêter sur l’une des principales professions de foi citée en en exergue dans le programme du candidat, lequel déclare vouloir faire de la France « un pays pro-entreprise », ce qui se traduit notamment par la proposition d’un « Small Business Act à la française » devant apporter aux PME, la « simplification des contraintes administratives, fiscales, du droit et des procédures sociales ».
La rigueur budgétaire est, quant à elle, érigée en dogme à travers la proposition de faire inscrire dans la Constitution l’interdiction pour un gouvernement de présenter un budget en déficit de fonctionnement et l’on relèvera une adhésion totale aux « critères de convergence » ainsi qu’au « pacte de stabilité » imposés par le Traité de l’Union Européenne aux différents états-membres, laquelle signifie de facto un renoncement quasi définitif à toute politique de relance budgétaire. (...)
Ce faisant, il ne fait que recycler la thématique du « moins d’Etat » issue du libéralisme dogmatique des années 1980, relayé à l’époque par toute une partie de la droite française, avec comme modèles fièrement revendiqués les reaganomics d’outre-atlantique et la « thérapie de choc » thatchérienne au Royaume-Uni. Ainsi, sans doute dans le but de rassurer le noyau dur de son électorat, M. Bayrou rappelle, en une phrase, qu’au-delà de son image nouvelle de « rebelle » ou de candidat « anti-système », il n’a jamais cessé d’être un homme de droite refusant de reconnaître un véritable rôle de régulation à l’Etat et niant l’apport économique d’une redistribution des richesses par des prélèvements obligatoires élevés. (...)
Du caractère prétendument dépassé du clivage droite/gauche.
Mais, au-delà de l’héritage démocratechrétien, c’est la négation même du bien fondé de l’opposition droite/gauche qui constitue le ferment de la candidature de M. Bayrou à ces élections, ce-dernier ayant d’ailleurs qualifié récemment ce clivage de « pré-historique » lors de l’un de ses meeting ...
Ce faisant, celui qui prétend incarner une manière radicalement nouvelle de faire de la politique ne fait, en réalité, que renouer avec le vieux rêve d’une « médiocratie » à la VGE dans laquelle il serait possible de recueillir, sur chaque enjeu, l’assentiment de « deux français sur trois » et offre, dans le même temps, un prolongement au « réalisme de centre-gauche » symbolisé par la Fondation Saint-Simon dans les années 1980 (7) au lendemain de la proclamation officielle de la « mort des idéologies ».
Pourtant, comme le démontrent les extraits qui viennent d’être commentés et quoi qu’en dise l’intéressé, le programme présidentiel de M. Bayrou repose sur des présupposés idéologiques clairement identifiés, s’inscrivant dans la grande tradition libérale et réactionnaire dont il ne constitue qu’une variante actualisée. C’est pourquoi il importe de dépasser l’aspect anecdotique de cette candidature, pour bien mesurer le risque d’une « bayrouisation » de la vie politique nationale. S’en remettre au centrisme social-libéral qu’incarne le candidat UDF dans cette campagne, c’est en effet courir le risque, à terme, d’une remise en cause des fondements mêmes du débat politique par la négation des divergences d’intérêts et l’occultation du conflit social au profit d’une régulation paternaliste de la société rendant impossible toute transformation profonde des rapports de force et abolissant toute perspective de réduction significative des injustices. (...)
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