[juin 2018] Cette semaine marque le sixième anniversaire de l’entrée de Julian Assange à l’ambassade de l’Equateur à Londres et près de trois ans depuis que l’ONU a déclaré que sa situation constituait une "privation arbitraire de liberté" [1] Au cours de cette période, la santé d’Assange s’est nettement dégradée, comme nos collègues et moi-même l’avons rapporté en janvier dernier après l’avoir examiné [2].
En mars, les conditions de son incarcération sont devenues plus sévères, augmentant les risques de ce qui était déjà une situation sanitaire dangereuse. L’Equateur, qui en 2012 a accordé l’asile politique à Assange, a restreint ses visites et ses communications et a annoncé une politique indéfinie pour l’empêcher de "parler de politique" [3] En réponse, le conseiller général de Human Rights Watch, Dinah PoKempner, a déclaré : "son refuge à l’ambassade ressemble de plus en plus à un isolement" [4].
Dans ces circonstances, il semblerait que les efforts de diplomatie internationale pour préserver sa santé et protéger ses droits humains aient échoué. Pourtant, au début du mois, deux hauts responsables du haut-commissariat d’Australie en rendu visite pour la première fois à Assange à l’ambassade, ce qui représente un tournant qui pourrait conduire à de plus grands efforts pour soulager ou du moins atténuer les effets négatifs que son séjour à l’ambassade a eu sur sa santé.
Au cours de la dernière année, j’ai rencontré Assange à plusieurs reprises à l’ambassade de Londres et j’ai été au courant de son état et de son dossier médical. Assange souffre physiquement et psychologiquement de sa détention prolongée - comme l’a montré une autre évaluation réalisée en 2015, dont les résultats ont été rendus publics [5] La détention d’Assange continue de provoquer une détérioration rapide de son état général et constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant.
Au sein de l’ambassade, Assange est confiné principalement dans une seule pièce et n’a pas eu d’accès significatif à l’extérieur ou à la lumière naturelle depuis six ans. Par conséquent, il a développé une myriade de séquelles de santé et a subi des exacerbations de conditions préexistantes. En raison de ses problèmes de santé, en 2015, les autorités équatoriennes ont demandé qu’il soit autorisé à se rendre en toute sécurité à un hôpital de Londres pour des raisons humanitaires, mais le Royaume-Uni a refusé[6].
Bien que les médecins puissent se rendre à Assange pour des évaluations, bon nombre d’entre eux hésitent à le faire parce qu’ils craignent de paraître associés à Assange en s’occupant de lui en tant que patient. À ce jour, Assange n’a toujours pas accès à des tests de diagnostic et à des traitements en milieu hospitalier, même en cas d’urgence médicale. En fait, il n’a pas eu accès à des soins appropriés pendant les six années qu’il a passées en détention. Entre-temps, les données sur les effets de l’isolement sur la santé suggèrent que les restrictions imposées à Assange depuis mars augmentent ses risques de syndrome de stress post-traumatique, de dépression et de suicide [7].
En mai, l’Equateur a refusé à Human Rights Watch l’autorisation de rendre visite à Assange, et des experts en droits humains ont rapporté que "son accès aux soins médicaux suscite de plus en plus d’inquiétude "[8] Le lundi 18 juin, des experts juridiques internationaux ont témoigné devant le Conseil des droits humains des Nations Unies à Genève, Suisse : "Le Royaume-Uni montre un mépris délibéré pour ses besoins médicaux en contraignant [Assange] à choisir entre son droit humain à l’asile et son droit humain aux soins médicaux" [9].
En tant que médecins, nous avons la responsabilité collective de défendre les droits humains fondamentaux de tous, y compris le droit d’accès aux soins, même lorsque nous ou la société en général pouvons être en désaccord avec un individu ou un groupe. Dans le cas d’Assange, l’Équateur devrait au minimum respecter ses droits de visite, de communication sans entrave et de libre expression. En outre, le Royaume-Uni doit respecter son engagement à l’égard de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus [10], notamment en lui permettant de se rendre en toute sécurité à l’hôpital, d’accéder librement aux soins et de passer au moins une heure par jour en plein air.
Si l’Équateur et le Royaume-Uni ne peuvent garantir ces droits, le Haut Commissariat de l’Australie devrait alors demander le rapatriement immédiat d’Assange en Australie. Alors que les États-Unis se retirent du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, [11] l’Australie a la possibilité de faire preuve de leadership moral au moment où notre communauté mondiale en a besoin.
Sean Love
Sean Love est médecin au Brigham and Women’s Hospital, boursier clinique en chirurgie à la Harvard Medical School et cofondateur d’une clinique bénévole à l’Université Brown qui fournit des évaluations médico-légales et psychologiques aux demandeurs d’asile. Il peut être suivi sur Twitter @SeanLoveMD
Traduction "la chaîne de complicités a l’air d’être longue" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles