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L’élection présidentielle et le syndrome du référendum sur le TCE (on vous dit : blanc, vous faites rouge).

Je sais pourquoi ils vont voter pour Jean-Luc Mélenchon. Deux fois, si possible.

Le Grand Soir "donne à lire". Parfois, pas très souvent, un de ses administrateurs, croit pouvoir se mêler à nos 1000 auteurs aux idées disparates. Aucun n’est tenu d’épouser celles des autres, pas plus que nos milliers de lecteurs et nos blogueurs. Donc, ici, un point de vue soumis au dialogue.

Le Grand Soir.


L’auteur a écouté et noté les arguments d’électeurs mélenchonistes, puis il énumère les raisons qui devraient les dissuader et il termine en capitulant : mélenchonisé !

D’abord, cette déception d’un citoyen : « L’Union de la Gauche a donné en 81 la plus grande désillusion qu’il ait été possible d’imaginer. Elue sur la base, non plus du Programme commun, mais des 110 propositions du candidat Mitterrand, cette prétendue Gauche-là a gouverné à droite ».

Et la réponse d’un autre :

« Soyons justes, la victoire de la gauche en 1981 a aussi donné ceci : augmentation des minimas sociaux avec un SMIG revalorisé de 10%, allocation familiale, allocation logement et allocation pour handicapée de plus de 25%, autorisations des radios locales privées et ouverture de temps d’antenne à la gauche aux télévisions et aux radios publiques, l’abolition de la peine de mort, le blocage des prix pendant 6 mois, des nationalisation de grandes banques et entreprises, l’instauration de la semaine de 35H et la cinquième semaine de congés payés, la création des ZEP ( zone d’éducation priorité), la retraite à 60 ans ».

Jean-Luc Mélenchon explique que des ouvriers n’ont pas voté pour ces mesures-là . Et ils n’ont pas aidé à aller de l’avant, vers d’autres conquêtes.

Il paraît aussi que ceux qui avaient compris que la « France d’en bas » (selon une détestable expression) ne devait jamais voter pour la droite, pour ceux du château et leur palefreniers du centre, mais toujours à gauche (la « discipline républicaine ») ont vu leurs espoirs en partie déçus en raison de la nature profonde de la majorité de l’appareil du PS, peu désireux d’aller à l’affrontement avec le capital (« I’m not dangerous » ), de la faiblesse du PCF qui a cautionné le virage de 1983, du refus d’une partie de la « gauche de la gauche » de descendre de l’Aventin pour obliger le Pouvoir à poursuivre, de la passivité du peuple qui s’en est remis aux élus en oubliant ceci que l’Histoire nous a appris : la rue est aussi un espace d’expression démocratique. Les urnes sans la rue conduisent aux déceptions, la rue sans les urnes appelle souvent la répression et la division.

2012 n’est pas 1981.

Mais qu’ouïe-je dans mon oreillette ? La comparaison entre le vote pour la gauche en 1981 et le vote pour le Front de gauche en 2012 serait oiseuse. En 1981, la locomotive acceptée par le monde du travail, par les fils de Jaurès et de Marx et par les partis de gauche dès le soir du premier tour était le candidat du PS, François Mitterrand, non par défaut, non pas avant tout pour chasser le sortant, mais pour un programme porteur d’espoirs et ce, dans ce qu’il faut bien appeler une ferveur populaire dont le monde ouvrier n’était pas absent ( la foule à la Bastille, le 10 mai au soir n’était pas la même que celle du 18 mars 2012 au même endroit...).

Aujourd’hui, me souffle-t-on, 35% des Français estiment que Jean-Luc Mélenchon est le candidat qui défend le mieux les ouvriers, François Holande arrivant en deuxième position avec 30%, (sondage TNS-Sofres publié fin février). Et qui n’a jamais entendu, autour de lui, des électeurs de gauche dire qu’ils sont prêts à voter pour le candidat social-démocrate, sans illusion, non pas par adhésion à son programme plan-plan, mais afin de débarrasser le pays d’un président honni ? Voter pour celui qui semble être le moins pire et le mieux placé (cf. les sondages) dans la compétition. A croire qu’une majorité du peuple de gauche voterait François Bayrou s’il était le seul à pouvoir faire disparaître Nicolas Sarkozy du paysage politique.

Un Mitterrand, sans son programme et son chapeau ?

Un électeur sarcastique ricane. En avril 2012, le candidat du PS singe Mitterrand dans sa gestuelle et sa scansion particulière, ses intonations, en trottinant, pépère, les pieds dans les allées de la social-démocratie capitularde, un oeil sur le centre, le coeur loin des 110 propositions, et suivi d’une meute dont une partie est bien décidée à caresser les lambris dorés des ministères, quel que soit le vainqueur. A présent, il s’agit de leur tailler des croupières, d’en appeler à un électorat qui croit voter socialiste en votant Hollande, de dire non à des boutiquiers qui n’aspirent qu’à s’asseoir à la caisse derrière la vitrine ripolinée du système. Il s’agit de voter pour un programme dont le PS ne veut pas, déséquilibré qu’il est par sa propre droite, ouvertement prêt à faire entrer François Bayrou (ce Roméo sous les fenêtres duquel roucoula en 2007 une Ségolène transie) dans un gouvernement de gestionnaires mous.

L’exode chez l’ennemi.

J’écoute aussi les encolérés. Ah ! combien de fois nous ont-ils trompés ? Ah ! ces passages sans vergogne à l’ennemi, trahisons trop nombreuses pour être des épiphénomènes ! DSK nommé au FMI grâce à Sarkozy, Eric Besson changeant de camp en pleine campagne électorale de 2007, Bernard Kouchner, Jean-Pierre Jouyet, proche de François Hollande depuis l’ENA, Jean-Marie Bockel, Michel Rocard (qui fut premier ministre socialiste avant de devenir une sorte d’ambassadeur de Sarkozy auprès des pingouins des pôles Arctique et Antarctique, Jack Lang (envoyé spécial de Sarkozy en Corée du Nord), Claude Allègre, enfin qui n’en pouvait mais de danser devant le buffet. D’autres ont hésité (trop, le coche est passé) après avoir été pressentis par un président qui a su évaluer le poids insignifiant de leurs convictions pour un débauchage facile qui fait honte aux militants socialistes et aux électeurs du PS. Ah, camarades éléphants de la rue de Solferino, nous nous sommes tant aimés avant qu’une partie de la horde aille barrir dans la litière de l’ennemi ! Combien de fois avons-nous voté pour vous, au premier et surtout au second tour ?

Le mot « socialiste » est dépassé !

Je ne suis pas sourd à qui s’exclame  : « Et Manuel Valls ! » Directeur de la Communication de la campagne électorale de François Hollande, il avance que « des hommes et des femmes comme Dominique de Villepin, François Bayrou ou Corinne Lepage peuvent faire partie d’une majorité de large rassemblement ». Et, plus Jospiniste que Jospin qui ne répudiait le socialisme que dans son programme, Valls l’expulse du nom de son parti : «  le mot socialisme est dépassé ; il renvoie à des conceptions du XIX° siècle ».

Sur la photo, Hollande efface la gauche.

J’écoute cet ouvrier que je soupçonne d’être rouge : Hollande, le béret à la main, va à la rencontre de la Finance à chapeau melon : « Aujourd’hui, il n’y a plus (autre version : pas beaucoup) de communistes en France… » Dans le rôle d’un bourgeois de Calais, Hollande traverse la Manche en chemise pour effacer du paysage de la démocratie française un parti qui, sans compter les dizaines de milliers de communistes qui ne sont pas (plus) encartés, compte 100 000 adhérents (le chiffre peut varier selon les sources), 14 députés, 21 sénateurs, 2 députés européens, 232 conseillers généraux, 94 conseillers régionaux. Au total : près de 10 000 élus locaux et 753 maires dont 87 dans des villes de plus de 9 000 habitants.

Et comment ne pas voir que cet escamotage hollandien revient à traiter par le mépris le reste de sa gauche : EELV, le NPA, LO, le PG ? Ces partis dont il attend les voix car, même si les instituts de sondages, propriétés des oligarques, ont pour lui les yeux de Chimène et l’ont hissé au pinacle avant même qu’il soit candidat officiel et qu’il ait dit un mot, aucun ne prétend que le candidat social-démocrate rassemblera, seul, plus de 50 % des voix.

L’année, le jour et l’heure où le PS a fait demi-tour sur l’autoroute.

Une information me secoue. Au congrès de Bad Godesberg, en 1959, le parti social-démocrate allemand (SPD) a voté son virage à droite en rejetant tous les « marqueurs » du socialisme.

Lors de l’émission « Objections » sur France Inter, le 9 février 1990, Henri Emmanuelli, classé à l’aile gauche du PS, a avoué : «  Nous avons fait notre Bad Godesberg. Nous l’avons fait le 23 mars 1983 à 11 heures du matin. Le jour où nous avons décidé d’ouvrir les frontières et de ne pas sortir du SME [système monétaire européen], nous avons choisi une économie de marché ».

Et voilà que montent de l’agora, des cris de déception et d’inquiétude, des ressentiments, analyses, revendications qui m’ébranlent politiquement au fur et à mesure que je les note. Tenez :

- Et puis l’Espagne, et puis surtout la Grèce où le président de l’Internationale socialiste, George Papandreou, a livré, sans combattre, son pays à la finance internationale et son peuple au malheur, à la ruine et à l’humiliation.

- A ne pas voir ce qui sépare le PS de la gauche d’hier, à oublier qu’il a fait son Bad Godesberg, nous risquons de passer à côté du possible. En 2012, porterons-nous enfin au pouvoir quelqu’un dont le positionnement politique n’a pas été déterminé par un doigt mouillé qui repère la direction des vents favorables à sa carrière, ou encore par une pièce de monnaie jetée en pile ou face au sortir de l’ENA ?

Le vote utile, vote couché.

- On nous dit que la « gauche modérée » (celle qui n’évoque plus ses valeurs et qui a jeté les ouvriers dans la nuit de l’oubli comme on glisse la poussière sous le tapis) doit ébarber encore son programme pour que les médias la décrivent propre sur elle, face à une droite qui se radicalise, qui se lepenise, qui détruit le tissu industriel pour que ses oligarques accumulent, par la spéculation, des fortunes vertigineuses en des temps records, s’octroyant des salaires et des primes d’un montant si élevé qu’on n’arrive plus à calculer à combien de siècles de RSA ils correspondent.

Gauche honteuse et droite fière.

- Il faudrait donc, les politologues télévisuels le professent, que mollisse la gauche quand la droite se durcit. Une élection présidentielle, disent les oracles spécialisés dans les erreurs (mais pas dans leur confession) se gagne au centre pour le programme économique et, pour les idées, soit à l’extrême-droite qui cible les viscères, exalte l’émotionnel en épargnant les neurones qui ne sont pas les bienvenus au club, soit en puisant à l’aveuglette quelques valeurs dans le fonds de commerce de la gauche historique. La recette type ? Tranquilliser les marchés, exciter les bas instincts des masses, dîner avec les riches, diviser les pauvres, appâter les chalands par des mots vendeurs (justice sociale, jeunes, emplois, femmes, paix, pouvoir d’achat, relance...) et, si nécessaire, leur faire peur, leur faire peur, peur.

Au lendemain de mai 68, De Gaulle avait pu compter sur ce qu’il appela « Le parti de la trouille ». C’est ce parti-là que les propagandistes du «  vote utile » veulent ressusciter à leur profit.

- La droite, qui fut longtemps si honteuse qu’elle se faisait appeler « la majorité », jette fièrement le masque, se rebaptise « la droite ».

Mieux : elle caresse l’extrême-droite, sans vergogne.

Les concepts meurent avec les mots qui les portaient.

- Et voici que, par un consensus quasi général, sont effacés les mots de la réalité quand ils sont porteurs potentiels de révolte :
capitaliste, licenciement, ouvrier, chômeur, clochard, que les enfumeurs ont fait remplacer par capitaine d’industrie (ou entrepreneur), plan social, salarié, demandeur d’emploi, SDF, tandis que le Conseil national du patronat français (CNPF) est devenu, par antiphrase cynique, Mouvement des entrepreneurs français (MEDEF), congrégation figée qui entreprend très peu, soit parce que ses adhérents sont petits et n’obtiennent pas les liquidités indispensables, soit parce qu’ils sont bouffis-gavés et que la fortune leur vient quand ils dorment, en direct de la Bourse.

Ensemble pour renverser la table.

- Une chance historique est à portée de la main et serait déjà saisie sans l’absence d’un plus vaste rassemblement de toutes les gauches qui accepteraient des divergences dans le combat commun. Notre vie s’écoulera-t-elle et celle de nos enfants, avant que nous ayons vu arriver quelque chose de grand, de beau, de juste, d’enthousiasmant dans ce pays ?

- Va-t-on, pour refuser le « Tous ensemble », persister à confondre l’union et la fusion, le programme et la Bible, l’autre et l’intrus, l’allié et le rival, le contradicteur et l’ennemi, le candidat et Dieu-le-père, l’audace et l’inconscience, le vote dicté par la crainte et le devoir civique, le PS et un parti socialiste ?

Le dynamisme squatte un nouveau courant.

- Agé à peine de 3 ans, le Front de gauche rassemble le Parti communiste français, le Parti de gauche, la Gauche unitaire (venue de la LCR), République et socialisme, Convergences et alternative (venues du NPA), le Parti communiste des ouvriers de France et la Fédération pour une alternative sociale et écologique. Le Mouvement Politique d’éducation populaire soutient son candidat. Le Front de gauche a donc fabriqué une dynamique dans l’union. Cette dynamique secoue les abstentionnistes de toujours, elle remplit des salles immenses qui résonnent d’enthousiasme, elle envahit joyeusement la rue, elle draine les jeunes, elle éveille les pauvres qui votaient contre leurs intérêts, elle rend l’espoir à des électeurs de gauche qui se voyaient contraints de voter PS à contrecoeur, saoulés par l’antienne du vote utile et du « Tout sauf Sarkozy ».

- Cette dynamique décille les yeux de ceux qui allaient distinguer Marine Le Pen de son père, se laisser prendre au strabisme politique divergent de Bayrou, pardonner à Bling-bling, déposer une rose devant une étude de notaire prise pour le local de permanence de Jean Jaurès.

Choisir un individu ?

- Le système électoral veut qu’on vote pour un homme (ou une femme), que le débat soit donc personnalisé et que, souvent, ce qu’est le candidat (ou ce qu’il paraît être) prenne le pas sur ce qu’il propose, sur les idées qu’il incarne (et qui, parfois, sont plus grandes que lui). Les médias le veulent ainsi.

Le candidat idéal, parlons-en.

- On dit « candidat » par commodité pour ne pas céder à la mode qui rend tout écrit illisible (les nouveaux(velles) candidat(e)s et les électeurs (trices) conscient(e)s représentant les maîtres(esses)-nageurs(euses)-sauveteurs (trices ? teuses ?…), mais entendez : candidat homme ou femme.

Bon, il le faudrait immaculé. Dans ce cas, on lui reprochera son manque d’expérience, de stature internationale (a-t-il rencontré Obama, Merkel, a-t-il été ministre ?). Comme si on ne devenait pas député, ministre, président, après ne pas l’avoir été !

- Donc, finalement, il faudrait plutôt un candidat avec de la bouteille, assez âgé pour avoir l’épaisseur nécessaire à la charge. Mais attention, il convient aussi que, dans son passé, il ait commis un sans-faute, que nulle part dans un de ses articles, une de ses déclarations, un de ses votes, on ne puisse trouver matière à heurter la pureté révolutionnaire. On exigera de lui trois décennies d’infaillibilité, vertu dont sont exemptés : le pape, désormais (mais restons sur le sujet) et nos porteurs des discours d’hier. Ceux qui offrent du nouveau n’y coupent pas. Hommage du vice à la vertu. Pour le parcours des autres : amnésie. Ecoutez le candidat Sarkozy s’indigner que le président Sarkozy n’ait pas pris des mesures que le nouveau président Sarkozy prendrait.

- Nonobstant leur propre nomadisme électoral, les citoyens exigeront du candidat idéal, qu’il ait fait preuve de constance dans un parti. Mais, tous les partis ayant un jour failli quelque peu, on aimerait apprendre qu’il a milité, sans varier d’un iota, dans un parti exemplaire, et donc… imaginaire.

- D’un anonyme, parlant d’une des composantes du Front de gauche : « Je sais bien que le PCF n’a pas toujours été parfait, sinon, j’y serais encore. ». Et il développe en disant en substance que si les communistes « étaient parfaits ils seraient Dieu, et s’ils étaient Dieu, ils n’existeraient pas ». Ce qui, assure-t-il malicieusement, en arrangerait certains. Dans le même registre (mais en moins mécréant), on dit en Amérique latine que les révolutions sont perfectibles parce que ce sont des hommes qui les font et pas des anges et que, pour voir les anges à l’oeuvre, il faut commencer par mourir.

Reste vierge : un jour, ton Prince viendra.

- L’intégriste politique (comme le religieux) ne veut épouser qu’une vierge (néanmoins experte dans les jeux de l’amour). Et comme on en manque sous nos latitudes, il renonce à fonder un foyer, à procréer. Il préfère l’onanisme qui préserve sa pureté et, dit-on, n’affecte son intégrité physique qu’au niveau de l’acuité auditive (léger dommage collatéral pour qui préfère être seul que mal accompagné, même si la marche en commun conduit hors du désert).

- C’est l’apanage des puceaux de n’avoir jamais mal fait l’amour et quiconque a un jour participé à la gestion d’une association, d’une commune, d’un pays, s’est exposé à l’erreur, à la faute, au compromis, voire à la compromission.

«  Quoi je me suis trompé cent mille fois de route » écrit un Louis Aragon qui ajoute, trop optimiste : « On sourira de nous pour notre dévouement », alors que ce n’est pas le sourire qui prévaut mais très souvent le reproche.

« On sourira de nous pour le meilleur de l’âme
On sourira de nous d’avoir aimé la flamme
Au point d’en devenir nous-mêmes l’aliment
Et comme il est facile après coup de conclure
Contre la main brûlée en voyant sa brûlure. »

Etes-vous de la confrérie de ceux qui se sont trompés au moins deux fois, trois ? Plus ? En comptant un vote pour Robert Hue, alors. Robert Hue ! Mon dieu !

« Eh bien j’ai donc perdu ma vie et mes chaussures

Je suis dans le fossé je compte mes blessures ».

Les militaires se recrutent parmi les civils.

- Les nouveaux électeurs du Front de gauche se recrutent dans les rangs de l’extrême-gauche, des écologistes, du PS, de la droite et dans le vivier des abstentionnistes.

- La gauche, nous y voyons des frères d’armes qui devraient lutter au coude à coude, heureux d’être ensemble, s’enrichissant les uns les autres, attentifs à ce que les autres portent en eux de respectable et de novateur. Au risque de choquer les gardiens du Temple Révolutionnaire, peut-on avouer qu’on voit des frères dans certains militants des autres partis (dont ceux du PS, de sensibilité de gauche, qui se fourvoient, mais n’en sont pas pour autant méprisables, ni pétrifiés ad vitam aeternam).

- On observe, en Amérique latine, une montée des luttes victorieuses : un peu, beaucoup ou passionnément, c’est selon, mais souvent avec finesse dans le combat, jamais par des assauts à front de taureau et toujours par des épaulements fraternels surmontant les diversités. Ensemble pour parler de l’humain AVANT de parler d’économie (pas à la place, hein ?).

- Ici aussi, nous avons avant tout besoin d’être ensemble. Ensemble dans la diversité. «  Chaque feuille du figuier est différente mais, ensemble, elles font un figuier » disait Matisse.

J’ai noté vos raisons de voter pour Jean-Luc Mélenchon :

- Vous le ferez par amour de la démocratie qui ne peut être confondue avec le droit de vote tous les 5 ans, avec trahison des promesses et visite consécutive au Fouquet’s, ou préalable à la City.

- Vous le ferez par amour pour la liberté d’expression, qui n’a rien à voir avec un pluralisme de médias qui appartiennent à des groupes de banquiers, industriels, marchands d’armes.

- Vous le ferez pour tous ceux qui sont plus jeunes que vous et qui n’auront pas ce que leurs aînés ont eu en matière de carrière professionnelle, de possibilité d’acheter un appartement ou une maison, de (relative) sécurité de l’emploi, de droits syndicaux, de progression des salaires, de remboursements de soins médicaux, d’infrastructure hospitalière, de maternités de proximité, de services publics nombreux (et au juste prix), de retraite accordée avant d’avoir l’âge de mourir. Et ne leur disons pas (les jeunes sont fragiles) qu’ils seront la première génération qui vivra moins bien que celles d’avant (malgré les iPad 3).

Tous ces droits, pourtant insuffisants, ces acquis qu’il fallait améliorer, partent en fumée. Les deux candidats chouchous des médias nous ont prévenus que la spoliation s’accélèrera demain dans une France plus riche que jamais, par la rigueur pour l’un, par la rigueur ayant un sens pour l’autre, lequel pousse la bravitude jusqu’à envisager de « donner un coup de pouce » au Smic, de bloquer « le prix de l’essence pendant trois semaines » et de créer une nouvelle tranche d’imposition à 75 % (provisoire semble-t-il), qui surprend jusqu’à ses amis et n’inquiète que les contribuables concernés, soit 0,02% !

- Vous voterez Jean-Luc Mélenchon pour contribuer à tirer la classe politique à gauche, d’un coup sec.

- Vous voterez Jean-Luc Mélenchon parce que vous déplorez que l’analphabétisme politique ait déferlé sur ce pays qu’il a décervelé. En une génération. Il n’en faut pas plus, l’homme redevient vite un animal si la chaîne des savoirs s’interrompt. Mais voilà qu’un pédagogue se dresse, moderne « Hussard de la République », et que se remplissent les salles et les places d’une foule (non : d’un peuple) immense, avide de s’approprier les savoirs que la classe médiatico-politique, les amuseurs publics télévisuels leur ont volés en les remplaçant par des plateaux de bêtises cyniques, de rires feints, de vulgarité et de mensonges enrobés de paillettes dans des studios écrasés de lumières polychromes qui enivrent les spectateurs choisis « dans la limite des places disponibles » pour y applaudir sur commande des décérébrés dont quelques-uns vont apprendre à leurs dépens de quoi il retourne quand Jean-Luc Mélenchon parle de 14 paliers et de 100% au-dessus de 360 000 euros annuels.

- Vous voterez Jean-Luc Mélenchon pour que nos soldats rentrent d’Afghanistan, que la France sorte de l’Otan, cette tueuse sous domination d’un pays guerrier dont le dollar est la valeur suprême, pour la reconnaissance de l’Etat palestinien et l’instauration d’une paix durable au Proche-Orient, dont tous les pays, y compris Israël, ont besoin sous peine d’être emportés dans une spirale infernale.

- Vous voterez Jean-Luc Mélenchon parce que vous savez que l’écologie est politique, que vous en avez assez de voir vos appareils photos, imprimantes, téléphones, machines à laver, etc., tomber en panne irrémédiablement au bout de 4 ans par la volonté des fabricants pour qui le gâchis compte moins que l’argent qu’ils vous soutirent et qu’ils vous soutireront en inventant sans cesse des objets dont vous n’aviez pas besoin et dont beaucoup exigent, pour obéir, des connaissances de techniciens en informatique ou l’insolente intuition des teen-agers de la maison.

- Vous voterez Jean-Luc Mélenchon pour une société de fraternité, d’acceptation de l’autre, pour une nouvelle Constitution qui nous débarrasserait de la personnalisation et d’un glissement insidieux vers « une monarchie républicaine ».

- Vous le ferez sans écouter le baratin emberlificoteur du marchand d’aspirateurs (« Angela Markel a le même à la maison ») juché depuis 5 ans sur le fauteuil du général De Gaulle à l’Elysée. Pas davantage vous ne voulez céder au chant de sirènes d’un imitateur amaigri de Tonton dont les nouvelles lunettes ou l’histoire de sa vie sont plus connus que le programme. Au demeurant, ceux qui cherchent ne débusqueront rien dans ce qu’il dit qui soit de nature à provoquer la fuite d’un seul gramme d’or en Suisse.

- Vous le ferez parce que vous pensez qu’il serait temps que la France se souvienne qu’elle émerveilla le monde en 1789, en 1936, pendant la Résistance, en 1968, en 2005 en rejetant le Traité constitutionnel européen. En 2012, elle a un nouveau rendez-vous avec l’Histoire. Il est probable que les peuples d’Europe asservis par la puissance de l’argent attendent son signal.

- Vous le ferez parce que Jean-Luc Mélenchon n’est ni un dieu ni un maître, ni un sauveur suprême, mais un leader appuyé par des formations qui sont le sel de la terre de gauche.

Comment vous en dissuader ? Résultat de mon sondage (suspect, comme les autres.

- Il faudrait, pour vous dissuader de ce choix, que votre raison capitule devant la peur, cette peur que la quasi-unanimité du monde politique et médiatique a soufflée sur nous en 2005 en jurant que le vote non au référendum sur le Traité constitutionnel européen serait une catastrophe pour l’Europe et pour la France, cette peur à laquelle les citoyens n’ont pas cédé alors.

- Il faudrait, pour vous dissuader, que le réflexe tripal du « Tout sauf Sarkozy » fasse passer au second plan l’impérieuse nécessité d’une reconfiguration de la gauche avec retour au bercail du PS, tout entier, ou en morceaux. Un PS libéré de son aile droite, ce vivier que Sarkozy n’a pas eu le temps d’assécher par la pompe aspirante des ambitions sans principes, moraux ou politiques. Cette camarilla de carriéristes qui piaffent aux portes des palais de la République, vous aimeriez la décimer dès le vote du premier tour des élections présidentielles.

- Il faudrait aussi, pour vous dissuader que, pour supporter pendant 5 ans le « moins pire », vous consentiez à ne léguer à vos enfants que les ruines de la maison où vous avez vécu, laissant, tout en haut du toit, un couvreur lymphatique réparer ci et là quelques gouttières en posant des tuiles roses du plus bel effet, tout en abandonnant l’intérieur aux huissiers mandatés par les banques créancières et l’extérieur à une cohorte d’actionnaires qui démontent portes et fenêtres.

- Il faudrait que vous ayez appris à ne pas vous inquiéter pour la jeunesse quand la révolte de rue sera le seul espace politique que nous lui aurons laissé, face aux CRS qui, comme leur nom l’indique, servent la République et la Sécurité (celles des prédateurs en col blanc, des déménageurs d’usines, qui jamais ne firent connaissance avec une matraque).

- Il faudrait oublier que l’alternance politique, fausse gauche/vraie droite, ce « diable de confort du bipartisme à la française », tue au fil des lustres et des décennies toute possibilité d’alternative par laquelle serait mis fin au grignotage des droits du peuple, à l’autodafé des concepts humanistes et à l’annihilation de toute pensée socialiste.

- Il faudrait que le citoyen, fier du triomphe du « non » au référendum de 2005, fasse place à l’électeur pleurnichard mal remis du avril 2002, (21 avril dont Danielle Mitterrand avait dit à Jospin, les yeux dans les yeux : « C’est un grand jour ! »).

- Il faudrait que, puisqu’on vous le dit, puisqu’on vous le répète, vous soyez vraiment traumatisés par l’élimination du candidat du PS en 2002, plus en tout cas que ne l’est le PS qui nous refait la même campagne arrogante, sûre d’elle et dominatrice, où les électeurs traditionnels de la gauche sont priés de s’apprêter à voter au pas, en bataillons de soldats disciplinés, tandis que le candidat chasse sur les terres du centre et peut-être au-delà . Or, vous craignez qu’à ne rien vouloir négocier du fait de sa puissance supposée, le PS ne décourage un éventuel report des voix en sa faveur au second tour, de sorte que le "vote utile" serait celui qui, en permettant au Front de gauche de grimper plus haut, inciterait le PS à négocier certains points de son programme afin de faire le plein des voix de gauche sans lesquelles il serait battu, une fois de plus, comme,en 2002, comme en 2007, deux élections que la droite ne pouvait pas gagner. Au passage, il faudrait que vous oubliiez le spectacle d’une Ségolène Royal hilare au balcon du PS, alors qu’elle venait d’apprendre sa défaite (qu’avait-elle perdu ? Le superflu, la vue depuis la plus haute marche du Pouvoir, quand d’autres, qu’elle emberlificota, pataugent dans la gadoue). Il faudrait oublier aussi ses déclarations sur les 35 H et le SMIC à 1500 euros, deux mesures qu’elle défendit avant d’avouer qu’elle était contre.

- Il faudrait que vous soyez prêts à passer sous les fourches caudines du vote par défaut, brandies par ceux qui méritèrent l’élimination au premier tour des présidentielles de 2002, qui appelèrent alors à voter Chirac pour limiter leurs dégâts, qui militèrent pour le « oui » au TCE et qui nous ressortent les mêmes scénarii : oui au traité de Lisbonne, oui au MES (Mécanisme européen de stabilité), oui à un programme électoral Canada-dry mâtiné de tisane tiède. Que vous aimiez ou pas, vous en boirez : Manuel Valls tient l’entonnoir de marque Votuthil.

Et arrêtez de gigoter, sinon le grand méchant loup, le Croque-mitaine, Barbe Bleue, l’ogre, la fée Carabosse, le père Fouettard vont débarquer dans l’Hexagone et vous allez souffrir pire que si vous aviez mal voté à un référendum.

- Il faudrait, pour vous dissuader de voter Mélenchon, que vous soyez apte à ne pas baisser les yeux, demain, devant les reproches à venir des enfants de ce pays et peut-être (sans doute) de nos vieux.

Ah ! Mais vous m’avez bien convaincu, à la fin ! Ma parole, IL vous a formé dans son Ecole Populaire de rhétorique ?

Ebranlé par toutes vos raisons politiques, j’en ajouterai une, personnelle, qui finit de m’emporter dans votre tourbillonnant courant frais : ayant eu à approcher Jean-Luc Mélenchon pour des actions communes sur l’Amérique latine alors qu’il était encore sénateur socialiste, puis en d’autres circonstances plus récentes, je crois à sa générosité, à la sincérité de son engagement et de ses mots. Et à son courage intransigeant face à l’extrême-droite, quand des apprentis sorciers voient dans cette machine à fabriquer la haine un simple obstacle jeté dans les jambes de Sarkozy et, pour ce dernier, un réservoir à idées.

Allez, votons avec notre tête et notre coeur, laissons le trouillomètre en-dehors de l’isoloir et :

« Que se vayan todos ! » (Non, pas toi, J-L.).

Maxime Vivas

Ecrivain, ex-référent littéraire d’ATTAC.

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Maxime VIVAS, Frédéric VIVAS
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(CUBA) "Tant qu’il y aura l’impérialisme, nous ne pouvons nous permettre le luxe du pluri-partisme. Nous ne pourrions jamais concurrencer l’argent et la propagande que les Etats-Unis déverseraient ici. Nous perdrions non seulement le socialisme, mais notre souveraineté nationale aussi"

Eugenio Balari
in Medea Benjamin, "Soul Searching," NACLA Report on the Americas 24, 2 (August 1990) : 23-31.

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