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Lettre ouverte à Guy MOLLET, via Pierre LAURENT

Je ne garderai pas la vielle maison

Mon cher Camarade,

J’espère que tu ne m’en voudras pas de passer par toi pour m’adresser à Guy MOLLET, mais c’est que je pense qu’en cette année 2017, où tant de choses se jouent sur le plan politique pour le siècle en cours, qu’il nous faut utiliser le miroir de l’histoire. 2017, c’est le début du nouveau siècle comme la Révolution Bolchévique de 1917, fut la matrice du XXème siècle, d’où sa difficulté d’accoucher.

Saches d’abord que j’ai adhéré à la jeunesse communiste quand j’avais 14 ans et au Parti à l’âge de 16 ans. Etre communiste ce n’est pas facile, c’est accepter les premières années de ne rien comprendre aux positions défendues par les responsables, c’est comprendre « qu’on ne sait rien de la politique », c’est « rester dans le silence pour comprendre et apprendre » de ceux qui par leur histoire ont appris, par le vécu, la signification profonde ce que signifie « la lutte des classes », notamment de la part de ceux qui ont fait la Résistance. On apprenait alors en cellule, de nouveaux mots (Exploitation, Plus-Value, paupérisation, Travail vivant, armée industrielle de réserve) qui nous permettait de tenir la lutte idéologique de haut niveau, car la sémantique, c’est la première barricade de la « lutte des classes ». Désormais, en parlant de « Révolution numérique », comme le Patronat du MEDEF, tu utilises les mots du libéralisme de marché, là où nos économistes et sociologues continuent d’utiliser le concept de « Révolution Informationnelle ». Cette « défaite des mots », ne peut déboucher que sur une défaite matérielle, car « Révolution Numérique » ne peut conduire qu’à Ubérisation…

Mais on apprend vite, quand on n’a la motivation et je me rappelle que nous étions alors plus de 600.000 et 100.000 à la J.C. Quelle désastre de savoir qu’aujourd’hui nous ne sommes plus que 55.000…et encore heureusement qu’il y a les anciens qui restent, par fidélité aux dirigeants…

J’ai recréé l’U.E.C à la fac d’économie d’Aix en Provence en 1983, au moment où l’on commémorait la mort de Marx (« Marx est mort, mon œil ») et j’ai poursuivi mes études jusqu’en D.E.A. Puis j’ai milité dans le 93 où nos initiatives de « débats publics » amenaient beaucoup de salariés de la Mairie de Blanc-Mesnil. Je participais alors à l’activité de la section économique avec Paul BOCCARA de qui, j’ai tant appris. En revenant dans le sud, j’ai subi comme militant l’arrivée du F.N à Vitrolles et j’ai pu en étudier précisément les causes, et leur gestion…J’ai participé au Conseil Départemental du 13 et j’étais l’animateur du collectif économique de la Fédération. Au moment des « licenciements boursiers » nous avions pris l’initiative d’un débat public que j’animais et la salle du conseil départemental était pleine. En vain…

J’ai rendu une première fois ma carte, car je me rendais compte que tous ceux qui militaient pour innover étaient freinés dans leurs initiatives. Cette année-là le P.C.F fit 1,92 % aux élections Présidentielles….

Je suis revenu au Parti en 2012, car j’ai eu l’impression, enfin que les choses avaient changé et que le « front de gauche » renvoyait à notre histoire de recherche d’unité, « l’union est un combat » écrivait Etienne FAJON. Le choix de mettre JLM comme candidat commun en était la formalisation communicante. J’ai alors vécu une campagne extraordinaire, où les « assemblées citoyennes » étaient remplies et dans lesquelles des jeunes se mettaient à revenir…Je mettais tout mon cœur à la réussite des initiatives. Et puis une fois de plus, effectuant avec maestria la « danse du ventre » éternelle, la direction du P.C.F a préféré reprendre langue avec le P.S, dans des « accords locaux à géométrie variable » que poursuivre avec le trublion MELENCHON.

L’objectivité m’oblige à te dire que j’ai senti venir le coup en te regardant cher Pierre, lors des meetings de 2012, dans lesquels excellait déjà JLM. On te voyait chagrin devant les longs applaudissements qui venaient confirmer les envolées du tribun. Il faut dire que les dirigeants du P.C.F n’ont jamais aimé les tribuns. Pourtant Marx écrivait : « la forme est un concentré du fond ».

Après l’élection Présidentielle de 2012, vous aviez déjà décidé de la fin du Front de Gauche, car ne voulant pas dépendre de la « mélenchomania  » potentielle… Damned encore loupé, voilà « qu’il part tout seul maintenant  ». Et par le travail militant horizontal, il fédère et engrange au point de faire peur au « Hollande-Macron show ». Imagines que les médias ont dénoncé le danger MELENCHON comme auparavant ils dénonçaient les communistes du « couteau entre les dents ». A se demander qui était le plus communiste à ce moment-là ??? En fait de « tout seul », lui se retrouve désormais avec plus de 540.000 adhérents et 7 millions de voix… renvoyant le « Hammon club » au score du P.C.F des années 90. Un score de 20 %, que n’a plus jamais atteint le P.C.F depuis les années 60 et qui semblaient impossible à atteindre. « Damned, encore loupé ».

Pire, 30 % des jeunes de 18 à 24 ans votent pour l’insoumission. « Damned, encore loupé ».

Encore plus pire que pire, il fait baisser l’influence du F.N dans les quartiers populaires des Métropoles, notamment à Marseille, car lui n’appelle pas au barrage, mais à la confrontation et à la lutte.

Durant la campagne des Présidentielles, l’attitude de la Direction du P.C.F a été lamentable, mais ne voulant pas développer l’analyse, tu pourras trouver ci-dessous les références de l’article qui explicite votre stratégie suicidaire de Direction. Je te souhaite par avance un bon congrès à venir de « dégagisme » …car je pense et j’espère que les communistes qui restent vont enfin commencer à demander des comptes…

https://www.legrandsoir.info/parti-communiste-apres-l-explosion-l-implosion.html

Rajoutons-y toutes les erreurs de diagnostic (primaires, solitaire, Hamon) qui vous ont transformé en « girouette de l’Histoire », là où la fonction du Parti est « d’écrire l’Histoire ». Soulignons que pour les Législatives, vous êtes donné à 2 % et F.I à 15 %... Qui écrit l’Histoire ???

Rajoutons que sur le plan départemental du 13, je ne supporte plus les « grands dirigeants » du Parti, qui n’ont qu’une idée en tête, se faire élire, pour abandonner le Parti et ce mécanisme dure depuis Robert BRET (COPPOLA et maintenant DHAREVILLE), oubliant ainsi que l’une des raisons essentielles de l’implosion de l’URSS fut la confusion Etat-Parti, question qui n’est même plus abordée sur le plan théorique.

A cette matrice politique, rajoutons les cadavres successifs qui s’entassent dans les placards, de la 9 ème Circonscription perdu par TARDITO-BELVISO, du fait de l’annulation pour « triche électorale  » patentée, l’affaire BELVISO élu « communiste  » pris par la justice en flagrant délit de détournements de fonds publics [1], l’obligeant de ce fait à démissionner de ces mandats. Pourtant c’est lui qui à l’époque faisait la loi sur la circonscription, jusqu’à me déglinguer professionnellement, car trop authentique. Il faudrait y rajouter aussi les effluves de la gestion d’Aubagne, pactisant avec les marchés financiers mondiaux : « Aubagne la communiste jongle avec les dollars  » (Le Monde-Janvier 2000), débouchant par la suite sur les « crédits pourris » dont Aubagne fut l’une des villes le plus touchées, tout en adhérant à l’association ATTAC… On n’est pas à une contradiction près. Sans compter les multiples exclusions politiques ou professionnelles de camarades, y compris ouvriers, qui n’avaient comme seul tort que de dire des vérités interdites (Patrick C). Il faut avoir la tête dure pour résister à ces saloperies. Tout ceci d’ailleurs expliquant davantage le déclin inexorable du P.C sur le 13 que toute autre raison (Implosion de l’URSS).

On pourrait y rajouter « l’étoile filante » Robert A, rentré directement aux J.C puis permanent au Parti qui n’a jamais travaillé et qui désormais préside la société Façonéo, ayant évidemment jeté et foulé au pied la banderole du communisme. Et je n’ose parler de la 16ème circonscription « donnée  » à l’ennemi social-démocrate du P.S moyennant la réciproque sur la 13ème etc…

Sur un plan plus personnel j’ai pu voir combien les « communistes authentiques » sont mis de côté et détruits. Je fais partie de ceux qui par mes qualifications et compétences ont alerté le Parti et la C.G.T sur la Métropole à venir, comme axe stratégique du Capitalisme mondialisé, il y a plus de 15 ans…. J’ai du fait de mon positionnement professionnel et mes engagements politiques et sociaux payés fort chers ces engagements (placard-Harcèlement). J’ai alors demandé un soutien de la part de mes dirigeants et élus. Le problème était simple à régler. Je n’ai eu aucun soutien effectif réel. Pour moi et j’en suis la preuve vivante, il y a le discours et il y a les actes. Dans l’Histoire, un communiste se voit aux actes, pas aux déclamations d’intentions, dont on sait qu’y compris l’enfer est pavé. Je ne parle pas ici des militants dont le dévouement au Parti est insondable et qui ne savent pas ou refusent de voir les manipulations managériales des Directions.

J’en reviens alors à mon introduction, et des raisons qui me poussent à te demander de communiquer ce courrier à Guy MOLLET…

Derrière nos discussions de 2017, se retrouve la même question que celle posée en 1920 au moment du congrès de Tours, quand Léon BLUM déclarait ; ’il faut savoir garder la vielle maison’. La ’vielle maison’ étant à l’époque la S.F.I.O qui, après l’assassinat de Jaurès, militant de la Paix, vota la guerre des deux mains, déclenchant ce que les ’poilus’ appelèrent : ’la grande boucherie’ qui fit plusieurs millions de morts, souvent Paysans et ouvriers, et il faut s’en rappeler, était une forme de vengeance des généraux car la Révolution de 1871 (La commune) avait fait peur à la Bourgeoisie de l’époque.

Les années 1910 voient les échanges financiers mondiaux atteindre leur optimum (https://www.legrandsoir.info/l-histoire-brule-a-nouveau.html), au même niveau qu’aujourd’hui (comme par hasard). C’est le fondement même de la concurrence économique entre les deux puissances dominantes de l’époque (France Allemagne) qui engendra la première guerre mondiale.

Jaurès a écrit : ’Le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage’.

Quelles sont les deux premières puissances économiques de l’Europe aujourd’hui et ne sont-elles pas aussi en concurrence, via des budgets d’austérité imposé par la ’Merkel company’ ???? Sans compter les destructions industrielles sous-jacentes à cette concurrence fiscale et sociale sans fin ...Les bruits de bottes et le canon qui tonne en périphérie en sont les éléments avancés...du danger de guerre. Combien JLM a eu raison à Marseille, de nous alerter sur cette question et d’avoir déclamé un hymne à la paix...

C’est pour avoir trahi la paix et envoyer les prolétaires à la mort qu’au congrès de Tours de 1920 la majorité des paysans et ouvriers, ossature de la SFIO décida la création de la S.F.I.C. (Section Française de l’Internationale Communiste), Léon BLUM refusant les 21 conditions de la première Internationale. 

Observons au passage, comment la ’charte des insoumis’ de faible niveau (en rapport aux 21 conditions de Lénine) renvoie à cette histoire.

2017, se situe justement un siècle après la révolution Bolchevique de 1917 qui imprima son cours au 20 ème siècle jusqu’en 1989...

Marx historien philosophe nous dit : ’Celui qui ne connait pas l’Histoire est condamné à la revivre’. Et Albert EINSTEIN souligne : ’On ne règle pas un problème avec le système de pensée qui l’a engendré’... en d’autres termes on ne réglera pas les crises actuelles (sociales, écologiques, institutionnelles, démocratiques) ni avec le libéralisme, ni avec le social libéralisme ou autre variante, qui accepte la logique du système actuel. La nécessité de Rupture, de ’Bifurcation radicale’ (selon le mot de JLM, plus fort que Révolution) est la condition indispensable de l’émancipation humaine...

Un dernier mot, pour moi « être communiste » signifie d’avoir en permanence un regard critique sur le monde tel qu’il est, et non tel que le médiatise les dominants médiatiques et le Parti, désormais. Comme communiste je me définis, d’abord comme insoumis à tout ce qu’on cherche à m’imposer de l’exploitation à la pensée, et ce depuis Spartacus. C’est pourquoi en 2017, comme l’on fait nos camarades en 1920, je ne garderai pas la ’vielle maison’.

Désormais les chemins de l’émancipation de ’ l’humanité universelle’ se situent ailleurs, nécessitant de nouveaux défrichements qu’il s’agit de construire dans une démarche « d’horizontalité créatrice » et féconde, ce que la matrice de 1920 est incapable de concevoir, de penser et de réaliser, du fait même de sa fondation et du mouvement de l’Histoire qui le sublime...expliquant en retour à quel point rapidement le programme ’l’avenir en commun’ fut plébiscité par les jeunes (30 % des 18-24 ans votant JLM) là où le P.C.F ne pèse plus rien. Il ne s’agit pas d’une appréciation mais d’un fait.

Alors si « le communisme est la jeunesse du monde », il se trouve plus chez les insoumis, que dans la structure ossifiée qu’est le P.C.F, dont la stratégie profonde, fondée sur la logique de « lutte des places », mets en déroute l’ensemble du mouvement social et politique. Ton choix délibéré de tenter un rapprochement de ce qui reste du P.S et de EELV est désormais clairement établi, il suffit de lire l’Humanité tous les jours pour s’en rendre compte. Derrière « l’union des apparences » et des sigles se cache la volonté de conserver le « vieux monde », dont vous êtes, comme dirigeants, les dignes reproducteurs patentés.

Définitivement, le communisme se trouve hors du P.C.F, ce qui explique ma décision de le quitter, pour rejoindre le communisme authentique, celui que définit Marx : « Pour nous, le communisme n’est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses. Les conditions de ce mouvement résultent des données préalables telles qu’elles existent actuellement. »

Le communisme ne se trouve donc pas dans la défense d’une structure dépassée par l’Histoire, mais dans le mouvement de la société elle-même. Il y a donc plus de communisme chez les insoumis, que dans le tréfonds du P.C.F. Cette décision est une brulure profonde, un déchirement de mon passé, une déchirure de ma vie, mais une fidélité à mes engagements de jeunesse, car communiste, je reste.

Cher Pierre, je pense que tu as compris que ce courrier ne s’adressait pas à Léon BLUM, mais bien à toi, dont tu portes en définitive tous les oripeaux de ce passé qui ne cesse de mourir…

Bien à toi,

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Fabrice AUBERT

Martigues, le 15 Mai 2017

Lu, corrigé et relu le 24 Mai 2017 et certifié conforme à ce que je pense, Fabrice AUBERT

Lu, corrigé et relu, certifié conforme à ce que je pense, ce 2 juin 2017, jour anniversaire de ma naissance, pour mes 59 printemps de lutte [2].

[2J’étais dans le ventre de ma mère en 1958 pour la manifestation contre l’arrivée du « Général De Gaulle » au pouvoir.


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