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Jay-Z en visite à Cuba : qui interdit de voyager à qui ?

Le séjour du rappeur-producteur Jay-Z (Shawn Corey Carter à l’état civil) à La Havane en compagnie de son épouse Beyoncé, pour célébrer le cinquième anniversaire de leur mariage, a suscité une vague de critiques tout autant endiablées que consternantes dans les rangs de l’extrême-droite républicaine.

Cette réaction intempestive révèle le maximalisme d’une certaine engeance haineuse incapable de réformer son approche vis-à -vis de la Révolution cubaine. Les congressistes cubano-américains Mario Diaz-Balart et Ileana Ros-Lehtinen, chiens de garde de la ligne dure contre Cuba, ont interpellé le Ministère des Finances afin de vérifier si le couple jouissait de l’autorisation ad hoc pour voyager à Cuba, pays frappé d’un blocus inepte et anachronique depuis 51 ans. Certains énergumènes comme Mauricio Claver-Carone, directeur d’une officine contre-révolutionnaire basée à Washington, y voient une opération de propagande orchestrée par Castro [1].

Les sévères restrictions de voyage font partie d’une stratégie multilatérale d’encerclement-isolement de Cuba. Il est interdit à tous ressortissant des Etats-Unis de voyager dans l’île sous peine de se voir infliger une amende de 250.000 dollars (1 millions de dollars pour les entreprises) et jusqu’à 10 ans de prison, à l’exception de cas strictement définis par la loi et avec une autorisation explicite de l’OFAC (Département du Trésor des États-Unis - Bureau de contrôle des avoirs étrangers). Cette réglementation vise expressément à réduire les dépenses d’argent effectuées à Cuba, de nature à soutenir son économie. Sont susceptibles de bénéficier d’une dérogation extraordinaire : les journalistes et le personnel technique, les agents gouvernementaux en exercice, les chercheurs scientifiques, les membres d’organisation internationale dans le cadre de leur profession, les sportifs dans le cadre d’une compétition internationale. Des autorisations peuvent également être accordées dans le cadre d’échanges éducatifs et académiques ainsi que pour les membres d’organisations religieuses. Le montant per diem qu’ils pourront dépenser sur place est strictement déterminé par le Département d’Etat pour La Havane [2].

Contrairement à l’idée reçue, il est assurément plus aisé pour l’heure pour un cubain de visiter les États-Unis que pour un citoyen étasunien de voyager à Cuba. Cuba est le pays au monde faisant l’objet des plus rigoureuses restrictions de voyage pour les ressortissants étasuniens, bien plus que l’Iran ou la Corée du Nord.

Les présumés assouplissements proclamés cérémonieusement par l’administration Obama en vue de favoriser les échanges interindividuels étalent dans cette pitoyable affaire leur faible portée.

Jay-Z, irrité visiblement d’être dépossédé de son droit fondamental de libre circulation, n’a pas tardé à répondre à ses détracteurs à travers une lettre ouverte sous forme de rap dans lequel il déclare sans équivoque qu’il bénéficiait d’une autorisation de la Maison Blanche :

Boy from the hood I got White House clearance

Mec issu des quartiers j’ai reçu l’autorisation de la Maison Blanche

Politicians never did shit for me
Except lie to me, distort history
They wanna give me jail time and a fine
Fine, let me commit a real crime’

Les politiciens n’ont jamais rien fait pour moi
A part me mentir, déformer l’histoire
Vous voulez me coller une peine de prison et une amende
Très bien, permettez-moi alors de commettre un véritable crime

Obama said : « Chill you’re going to get me impeached
you don’t need this shit anyway
chill with me on the beach »

Obama a dit : «   calme-toi tu vas me faire destituer 
Tu n’as pas besoin de ces conneries de toute manière 
Viens te détendre avec moi à la plage ».

La Maison Blanche a formellement nié avoir donné son feu vert au couple pour se rendre à Cuba. Jay Carney, le secrétaire en charge des relations presse de la Maison Blanche a déclaré : ’c’est une chanson. Le Président n’a pas eu de contact avec Jay-Z pendant son voyage [3]. La question n’est pas de savoir si Jay-Z bénéficiait ou non d’une autorisation mais qu’une telle autorisation soit requise pour voyager à Cuba. La réalité de la «  dictature » cubaine, derrière les poncifs des médias, ferait-elle tellement peur aux autorités étasuniennes qu’ils se sentent obligés d’adopter des mesures liberticides ?

Aveuglés par la rancune et amarrés à la mafia cubano-américaine aux relents fascistes, les Etats-Unis s’engoncent toujours un peu plus dans l’irrationalité et le grotesque tragique.

Emrah Kaynak

[1Arturo López Levy, El efecto Beyonce, expert en relations cubano-américaines, http://www.infolatam.com/2013/04/08/el-efecto-beyonce/.


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