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J’ai aimé Castro ! Je fais mes valises pour la CPI.

Dans le Grand Soir l'exemplaire Ignacio Romanet a déjà tout dit. Mais ce tout n'est pas assez. Convoquons les témoins pour lire nos mémoires d'outre tombe. Car sommes morts, socialement morts. Des morts vivants, des "rouges bruns" qui ont eu l'audace de briser l'esprit de la "nouvelle démocratie" -forgée à Washington- en lui mettant sous le nez le rêve et la réalité de Fidel. Quand le chemin de la liberté était le sentier de la vie.

CHRONIQUE D’UN MONSTRE.

Tant pis, à mon âge avec une vie mal faite derrière moi, je peux vous le confier au risque de me retrouver devant la Cour Pénale Internationale : j’ai admiré Castro. Admiré sans réserve. Pas comme mon ami Régis Debray qui n’a pas été nul dans l’éloge, et même émouvant. Mais qui a émis les réserves habituelles, comme les suspects arrêtés par le commandant Renault dans le film Casablanca. Des mots parachute qui vous évitent le pilori. Le problème de Régis, pourtant grand croyant et souvent grand crédule, est d’être parfois un « in-fidèle », de ne pas aller jusqu’au bout alors qu’il le devrait, de lâcher la cause en route. Comme on abandonne dans le col parce que le boyau est crevé et que soudain, coup de mou et faute de Rustines, on se demande si la vie vaut la peine d’être vécue l’humanité étant dégueulasse. L’esprit de révolution est comme la pierre ponce, il s’use. Et il use. Régis est passé à une autre pierre, un autre Pierre où Jésus a bâti son Eglise. Dommage, mais admirons le salut final du dernier des Mohicans : il a toujours le goût à la liberté et refuse la vie au caviar proposée par les petits maîtres de la sociale démocratie française. La mort du Lider maximo nous a permis de savoir qu’il y a toujours du fidèle en lui. Et je ne peux oublier une soirée heureuse, avec un retour à la case départ, celle qui précède « Révolution dans la Révolution ». Autour d’une table parisienne, dans un titre à la Alexandre Dumas nous étions réunis « Cinquante ans après ». Régis s’est retrouvé là ému, en militant prodigue rentré à la base pour honorer celui qui fût un temps son maître, Jacques Vergés. C’est l’avocat ami de Mao et rédacteur en chef, qui l’avait, pour la revue Révolutions, expédié en première patrouille sur les terres explosives de l’Amérique du Sud.

Si, parlant de Castro je vous parle de Debray c’est par commodité. Car évoquer aujourd’hui en France le suprême barbu est une entreprise impossible pour qui n’a pas d’outil, de toise, de cadran. Equipé on plonge alors dans le bazar du temps pour retrouver un étalon, un échantillon témoin. Avons-nous rêvé que nous, et des millions d’autres, aimions Castro ? Sommes-nous seuls « rouges-bruns » survivants de cette admiration devenue honteuse ? Pour nous pincer, nous réveiller, j’ai donc convoqué Régis, le vrai expert devenu plus crédible en homme du réel qui porte des costumes balzaciens. Il est notre témoin de moralité. A la barre de l’histoire il comparait pour dire aux incroyants qu’il est vrai que nous avons été fous, que nous n’étions pas seuls et avions raison de l’être.

Si dans un pays de liberté agonisante, la France où Chomsky est interdit de parole, je sonne le rassemblement de ceux qui ont accompagné Fidel, c’est par peur de ne pas être cru. Oui nous avons supporté avec lui, et portons encore l’utopie d’un monde plus juste. Une idée qui se sent maintenant seule comme une petite vieille la nuit sur un banc du Métro. Sur les écrans des télévisions on voit ces maîtres d’hôtel chargés de servir la vérité bien chaude, nous affirmer qu’avoir une émotion à l’annonce de la mort de l’ami du Che est grandement coupable. La preuve, dès qu’un politicien se montre –et nous n’en manquons pas, ce sont des gibiers de saison – il est assommé d’une question unique : « que pensez-vous des propos de Ségolène Royal sur Fidel Castro ? ». Disparu le vrai débat, l’œuvre et l’homme Fidel n’ont pas d’importance. Ne pas introduire l’idée contagieuse qu’hors le vin le rouge puisse être bon. Ce qui compte, c’est de demander à Bayrou, le Commandante du Béarn, ce qu’il pense des justes paroles sorties naturellement de la bouche innocente d’une ministre linotte : « Cuba n’est pas une dictature ».

Cette impossibilité de dire un mot positif, fut-il orphelin, sur l’œuvre de Castro – sauf à être un nouveau Faurisson – est un indicateur. Un indice scientifique comme celui qui mesure les marées. Puisqu’il est impossible de dire « Castro » sans recevoir de tomates, cela signifie que nos libertés sont mortes. Avec elles notre imaginaire et le devoir du contradictoire, du doute.

Je m’explique. Le droit de vomir Castro étant acquis et gravé dans les livres par la bande des Courtois, le gang des « Nouveaux » philosophes et autres techniciens de surface comme Enthoven, est-il possible d’introduire une nuance de Mandela dans le vert olive ? Non. L’affaire est pliée. Dire que Castro a mis un continent debout, et même un et demi en comptant l’Afrique, qu’il a rendu les frères de son île à l’état d’hommes, c’est postuler à l’opprobre. Celle d’une Cour de magistrats mondialisés qui tient open bar à La Haye. Voilà l’état de notre liberté. Et son emprisonnement dans la cellule de la pensée néo conservatrice, droit-de-l’hommiste, pourrait ne pas être grave... Il faudrait, pour un nano gramme d’optimisme, sentir pousser des lutteurs capables de cisailler ses barreaux. Bien non. Il n’y a pas grand monde. Il n’y a plus de lutteurs, ils ont rendu leurs paquetages à la globalisation. Restent des naufragés de Facebook communiquant entre eux comme des tôlards, en faisant du tam-tam dans les tuyaux, qui osent dirent les gros mots : « Fidel... je resterai fidèle ». Car, pour la pensée Pujadas, celle qui compte comme devant un guichet banque dans ce temps qui tourne le dos à l’espérance pour embrasser Wall Street, Castro avec « ses camps » est devenu un peu Hitler. Et Kissinger un Prix Nobel combattant pour la démocratie. Ainsi va la nouvelle histoire écrite par la sociale démocratie de France made in Washington. Celle qui envoie des gendarmes, à propos du contenu de son cours sur la Russie délivré en collège, poser des questions à un professeur breton.

Je pense qu’il serait souhaitable que les fabricants de jeux pour enfants nous facilitent la tâche. Qu’ils inventent une tablette sur laquelle, dès que les petits doigts pianotent l’icône Castro, ils reçoivent une petite décharge électrique. Le logiciel devra laisser de l’espace « libre » afin que cette gégène, l’enfer de l’histoire, puisse regrouper tous les monstres en une correcte haine. Ainsi notre monde deviendra juste et nos enfants heureux.

Ne dites plus « no pasaran », puisque les éradicateurs sont passés en piétinant nos raisons de vivre. Fidel tu as eu raison de mourir, ce monde n’est plus pour nous.

Jacques-Marie BOURGET

Texte à paraitre dans le magazine mensuel Afrique Asie de janvier 2017.

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« Le pire des analphabètes, c’est l’analphabète politique. Il n’écoute pas, ne parle pas, ne participe pas aux événements politiques. Il ne sait pas que le coût de la vie, le prix de haricots et du poisson, le prix de la farine, le loyer, le prix des souliers et des médicaments dépendent des décisions politiques. L’analphabète politique est si bête qu’il s’enorgueillit et gonfle la poitrine pour dire qu’il déteste la politique. Il ne sait pas, l’imbécile, que c’est son ignorance politique qui produit la prostituée, l’enfant de la rue, le voleur, le pire de tous les bandits et surtout le politicien malhonnête, menteur et corrompu, qui lèche les pieds des entreprises nationales et multinationales. »

Bertolt Brecht, poète et dramaturge allemand (1898/1956)

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