Ceux qui ne veulent pas "être dirigés par les Noirs, les Juifs et les Russes.

Indignation variable

Il n’y a pas si longtemps, les défilés récurrents, en Hongrie, de milices paramilitaires proches du mouvement d’extrême-droite Jobbik avaient suscité l’inquiétude. Une émotion non moins légitime s’était fait jour lorsque des nervis issus du parti grec néo-nazi Aube Dorée, entre deux ratonnades, avaient tué un jeune musicien à Athènes.

Dans la foulée, certains n’ont pas hésité à évoquer ces agissements nauséabonds pour commenter l’action de gros bras face aux forces de l’ordre à l’issue de la manifestation poujadiste dite « jour de colère » qui s’est déroulée à Paris le 26 janvier. Plus douteuse encore fut la comparaison exprimée par le président des eurodéputés socialistes lorsque des représentants de la Ligue du Nord lancèrent des quolibets en direction du Président de la République italienne qui s’exprimait devant l’hémicycle de Strasbourg : « la dernière fois que la démocratie s’effondra en Europe, cela commença par des attaques contre des responsables politiques » s’indigna Hannes Swoboda.

Sans aller jusqu’à les traiter de fascistes, les journaux dits de gauche se sont alarmés de la vague « ultraréactionnaire » qu’incarneraient les centaines de milliers de marcheurs de la « Manif pour tous » qui ont défilé le 2 février dans la capitale au nom des « valeurs familiales ». Surtout, les mêmes n’ont pas eu de mots assez durs pour stigmatiser les électeurs suisses refusant l’immigration sans limite : égoïsme, repli identitaire, fermeture « à l’Autre »... Libération (10/02/14) a même pointé un redoutable « virus suisse » capable de ravager le continent entier.

On s’attendait donc à ce que ces âmes vigilantes étendissent leur ardeur prophylactique en direction de l’Ukraine. Car ce qui se déroule présentement à Kiev relève d’un tout autre gabarit. L’une des trois grandes forces de l’opposition, Svoboda, assume en effet ouvertement son histoire intégrant les combats aux côtés de la Wehrmacht. Ses militants font reprendre en cœur à la foule le slogan « gloire à l’Ukraine, gloire aux héros » qui fut le cri de ralliement des fascistes galiciens (province occidentale du pays) durant la guerre. Svoboda n’est nullement une formation marginale : dans les grandes villes de l’Ouest, elle recueille jusqu’à 30% des suffrages.

Sur le terrain ses militants et ceux de groupes alliés – pudiquement qualifiés de « nationalistes » par la presse occidentale – ont, en tenue de combat et munis d’armes de guerre, pris d’assaut nombre de bâtiments officiels et « interdit » le parti présidentiel ainsi que le Parti communiste dans plusieurs régions. A noter que plusieurs agressions de personnes sortant de synagogues ont poussé la communauté juive d’Ukraine à lancer un cri d’alarme (accueilli ici dans une remarquable indifférence). Et quand Vladimir Poutine mit en garde les présidents de la Commission et du Conseil européens, à l’issue du sommet UE-Russie du 28 janvier, contre ces prêtres uniates qui appellent les citoyens à s’insurger « parce que nous ne voulons pas être dirigés par les Noirs, les Juifs et les Russes », ses interlocuteurs sont restés de marbre.

Certes, les centaines de milliers de manifestants de Kiev ne sont pas tous extrémistes. Ils accueillaient cependant avec foi les messes quotidiennes tenues sur la place Maïdan. Or les diverses obédiences catholiques et orthodoxes ukrainiennes se caractérisent par une approche de la société à côté de laquelle les opposants au Mariage pour tous font figure d’anarchistes échevelés, et les caciques du Vatican, de chantres de la théologie de la libération.

Moqués, vilipendés ou regardés avec angoisse quand ils défilent à Paris, les « réacs » sont portés aux nues, applaudis et encouragés quand ils communient sur les barricades à Kiev. Pour sa part, Le Figaro ne nous avait pas habitués à tant d’empathie pour les lanceurs de cocktails Molotov.

Quand nos voisins helvétiques votent, ils ne cachent pas leur peu d’appétence pour les charmes de l’Union européenne. A l’inverse, quand les insurgés de Maïdan proclament « gloire à l’Ukraine » (on n’ose imaginer les réactions que susciterait un tel slogan transposé à Paris ou à Berlin), ils ont le bon goût de brandir un drapeau bleu-étoilé. C’est toute la différence.

Bref, affirmer « à bas l’Europe » vous vaut présomption des pires tentations ; mais criez « vive l’Europe », et tout vous est permis.

VANESSA IKONOMOFF

Commentaire paru dans l’édition du 24/02/14 du mensuel Bastille-République-Nations
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COMMENTAIRES  

04/03/2014 12:13 par reneegate

Ce qui est consternant, c’est de lire des militants de gauche comme au FdG imbibés de la propagande générale. Je retiens mon souffle car JL Melenchon a plutôt tendance à remettre les pendules à l’heure. De plus Ianoukovich a été bien plus l’homme de l’Europe que celui de Moscou.

04/03/2014 13:37 par Dominique

Le problème de la gauche est celui de toute la classe politique. En Suisse, on nous demande de voter sur les étrangers, mais on ne nous a rien demandé quand il s’est agit de rentrer dans le FMI et la Banque Mondiale, ainsi que d’abandonner l’étalon or du franc suisse pour en faire une monnaie spéculative soumise au pétrodollar. Aucune des formations politiques qui aurait eu les moyens de le faire, pas même à gauche, n’a lancé de référendum sur ces questions.

Aujourd’hui, les caisses de la BNS (Banque Nationale Suisse) sont vides car elle a utilisé l’argent du fond de réserve pour le financement de la confédération et des cantons pour soi-disant boucher le trou abyssal de ses finances entrainé par la spéculation sur le franc suisse, spéculation menée entre autre par des banques privées suisses comme UBS et Crédit suisse. Cela n’émeut aucun parti politique, pas même la gauche.

Nous sommes donc dans une situation où la gauche ne fait pas son travail et n’est devenue qu’une constellation d’organisations toutes plus bourgeoises les unes que les autres. L’électorat traditionnel des socialistes en Suisse est les fonctionnaires, c’est à dire des petits bourgeois qui bénéficient de meilleures conditions sociales que la majorité des employés du privé. Et je passe sur différents scandales de mauvaise gestion des caisses de retraite de la fonction publique, à commencer par celle des CFF, ils sont secondaires par rapport à la politique monétaire de notre régime digne d’une république bananière, laquelle affecte directement tous les citoyens.

Cette politique monétaire scandaleuse, qui ne fait que le jeu des banques privées et de la finance internationale est, comme le montre l’état du fond de réserve de la BNS pour le financement de la confédération et des cantons, suicidaire, et je ne serais pas étonné si dans un futur proche des cures d’austérité semblables à celles qui sont en place dans des pays comme la France, l’Espagne ou la Grèce seront imposées au peuple suisse. Et comme dans ces pays, la gauche helvétique (ironie de l’histoire, helvete en suédois signifie enfer) sera prête à les appliquer, et même, comme elle le fait déjà aujourd’hui, à en rajouter sous le fallacieux prétexte de ne pas laisser de place à la droite.

Voilà à quoi en est réduite la gauche institutionnelle européenne aujourd’hui : à appliquer une politique encore pire que celle de la droite car elle a peur de perdre le pouvoir. Dans ces conditions, je ne m’étonne pas que comme dans les années 30, elle s’allie aujourd’hui aux fascistes en soutenant le coup d’état de l’extrême-droite en Ukraine. Il y a cependant une grande différence entre les années 30 et aujourd’hui : ce n’est qu’après avoir été interdits par Hitler que la majorité des dirigeants socialistes et syndicalistes allemands avaient rejoint le parti national socialiste. Aujourd’hui, ils ont pignon sur rue et ils occupent des postes à responsabilité dans tous les gouvernements européens !

Ce qui implique qu’ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux quand ils entendent des slogans hostiles à la mauvaise farce fasciste qu’est devenue la démocratie en occident.

Nos médias sont même pires. Ils nous parlent de l’oligarchie russe et ils oublient bien de nous dire que chez nous aussi, 1% de la population a fait main basse sur la majorité des richesses et des ressources. Ils nous parlent d’une soi-disante oligarchie bolivarienne au Venezuela, alors que c’est l’oligarchie proche de l’extrême-droite et de plus en plus minoritaire qui contrôle encore la majorité des richesses et des ressources de ce pays. Ils nous parlent des armes de destructions massives de la Syrie, du gaz moutarde, mais ils oublient bien de nous parler des armes de destructions massives de pays comme Israel, la France, la Grande-Bretagne ou les USA, tous des pays qui en possèdent de bien plus grandes quantités, et qui contrairement à la Syrie ne se gênent pas pour les utiliser, à commencer par les pires d’entre elles, les armes à l’uranium pur dit "appauvri", le plus toxique de nos déchets industriels dont ils se débarrassent ainsi à bon compte sur des populations démunies qui ne leur ont rien fait et rien demandé.

Comme le dit très bien le grand poète Gilles Vigneault :

Il me reste un pays à te dire
Il me reste un pays à nommer

Il est au tréfonds de toi
N’a ni président ni roi
Il ressemble au pays même
Que je cherche au cœur de moi
Voilà le pays que j’aime

https://www.youtube.com/watch?v=ybwKYAPvzUg

Pour le moment, c’est plutôt nuits et brouillard
https://www.youtube.com/watch?v=S6qv2ZAjpSs

Ce dont nous avons besoin est que résonne encore le chant des partisans ou bella ciao contre nos gouvernements corrompus par la finance et ses guerres :
https://www.youtube.com/watch?v=aDqmjObP2Ws
https://www.youtube.com/watch?v=4CI3lhyNKfo

La propagande capitaliste veut nous faire croire que nous avons besoin de tout pour faire un monde. Vraiment ? Avons-nous besoin du racisme et du fascisme ? Poser la question est y répondre, nous n’avons pas besoin de ces saloperies pour vivre une vie digne et enrichissante (toutes les richesses ne sont pas matérielles, mais ça nos politiciens corrompus ne le comprendront jamais).
En vérité, nous avons besoin de tous pour pouvoir appeler ceci un monde, ce qui n’est pas du tout la même chose. Mais ça, la gauche institutionnelle l’a oublié depuis qu’elle a voté les crédits de guerre en 1914.
http://www.janhammarlund.se/mp3/tell_you_that_we_need_them.mp3

05/03/2014 14:17 par marc

Il est normal que uniates et orthodoxes "traditionalistes" brandissent le drapeau bleu à 12 étoiles jaunes, avant d’être celui de l’Europe, c’est celui de l’immaculée conception...

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