Tous les pays occidentaux sont confrontés à un afflux massif de travailleurs immigrés, et il n’est pas inutile de rappeler que ces immigrations sont strictement économiques. Ni pour fuir un régime politique, ni pour fuir une catastrophe naturelle, c’est tristement un exode des terres les plus pauvres aux terres les plus riches, compris en terme de possibilités de travail. Il est donc souvent déconcertant de voir les forces de gauche, celles qu’on imagine habituées à manier les outils du marxisme pour la compréhension d’un monde capitaliste, nier l’évidente corrélation entre les flux migratoires et l’exploitation de la force de travail. Nous allons donc poser quelques pistes de réflexion pour, si l’objet est de se contenter des élections pour prendre le pouvoir et soumettre le capitalisme, faire bouger les lignes d’une gauche radicale soumise et aveuglée par nombres de concepts totalement faux.
Dire que les pays occidentaux sont confrontés à un afflux massif de travailleurs immigrés est déjà un point de vue trop partisan pour qu’il serve de base à une analyse qui, s’il est absurde de la penser objective, se veut en tout cas loyale. Les pays du Sud ou pays forcés sur la voie de l’occidentalisation, sont soumis à une saignée implacable depuis le temps des décolonisations. Certes aux temps des colonies, acmé de l’impérialisme occidental, les ressources étaient directement pillées et grâce à une main-d’oeuvre locale en condition de servage au mieux, d’esclavage au pire. Il est de bon ton de s’extasier de l’oeuvre civilisatrice de nos pays en terres conquises, écoles, hôpitaux, voies de chemin de fer, ports, etc. en oubliant que la force de travail est morte à la propre édification de ses » infrastructures pour ne récolter que le statut d’indigénat. Les mêmes affirment simplement que la condition des pauvres bougres ne changea guère, et certes on peut bien concéder que les élites, locales ou importées, ne faisaient que peu de cas de la plèbe, décapités par le sultan ou guillotinées par la république, les pauvres restaient pauvres…certes mais alors pour l’oeuvre civilisatrice, on repassera, ces infrastructures n’étant finalement réservées qu’aux colons et marchands, à la bourgeoisie locale collaborationniste, bref à ceux soumis à l’occidentalisation. Quant aux tissus sociaux, culturels et historiques, ils furent éliminés comme savent le faire tous les guerriers en terres conquises.
L’ère des indépendances obligea à la reconcentration sur une production nationale et industrielle. Il fut bien commode aux détenteurs du capital, agioteurs et grands patrons d’obliger l’état, son fidèle instrument de pouvoir, à négocier avec les pays du Sud un apport massif d’immigrés pour maintenir la plus-value par le biais de salaires au plus bas. Les ouvriers blancs et français, même les plus communistes, revenant d’une sale guerre ou un bougnoule reste un bougnoule, servile et docile, métèque en tout cas, ceux-là seraient contremaîtres et propulsés au rang de l’aristocratie ouvrière. Oh pas tous, les places aux syndicats ne sont pas illimités, les pauvres il en resta du Berry, de l’Aveyron, de Clichy et du Panier. Cette entorse majeure aux voeux internationalistes, le racisme est tenace et la guerre laisse des traces indélébiles, fit rire à crever les patrons du MEDEF, sous De Gaulle, sous Pompidou comme sous Giscard. Pour le grand capital, comme on dit, les bénéfices furent capitaux, si l’on peut dire, plue-value assurée et destruction de la menace communiste par le glissement d’un prolétariat uni vers une caste compromise dans des errances racialistes, et pour finalité son embourgeoisement, acte final de sa perte de poids dans le cours de l’Histoire. Le parti communiste resta puissant seulement en façade mais renia ces plus fondamentaux principes, une fois de plus. Il y eu bien des histoires personnelles, des combats organisés, mais rien qui ne puisse défaire la hiérarchie de race superposée à celle de classe.
Les pays du Sud se virent vidés d’une masse en grande majorité rurale, illettrée ou analphabète, bref une bénédiction pour des gouvernements du Sud vites corrompus voyant d’un oeil mauvais cette foule immense gonflée aux idéaux d’indépendance, de justice, de grandeur et de renouveau, de partage des richesses, une foule impatiente et vite énervée de voir les élites nouvelles, tels les bourgeois français de 1789, parler grand et lyrique et occupées à se goinfrer des trésors nationaux. En pareil cas les Versaillais optèrent pour l’anéantissement et le bagne, bien heureux les élites traitres du Sud de bénéficier de l’émigration chez l’ennemi d’hier devenu un agent avec qui l’on traite. Hargneux discours de façade contre le colonisateur d’hier, marché de notables en sous-main et le bon peuple qui trinque.
On note bien qu’à ce stade de l’histoire seuls les nantis, eux qui n’ont ni race ni religion, s’en foutent plein les poches. La misère des travailleurs, loin de leur famille dans d’horribles bidonvilles, pas un mot. Les luttes sociales affaiblies au Nord, à hisser la manifestation tranquille comme acte de subversion majeure, la possibilité révolutionnaire morte au Sud, à laisser fleurir la France- Afrique, pas un mot. Division de la force de travail, prolifération d’une production absurde pour seul but d’enrichir les riches, destruction à grande vitesse de la Nature, abandon total des ouvriers à leur misère…certes ce dernier point est une constante dans l’histoire du Capital, et les vieilles méthodes de répression, de disparitions forcées, de corruption des meneurs ne furent pas démenties. Et doucement mais surement, l’ennemi intérieur changea de couleur, ennemi non seulement des forces de contrôle mais aussi, à grand coup de propagande, ennemi des travailleurs de souche puis finalement du peuple tout entier, nous fait-on croire aujourd’hui au XXI siècle.
Et voilà aujourd’hui que la France, les usines fermées ou tellement automatisées que les ouvriers sont en fait des techniciens supérieurs, regarde les conséquences de cette immigration massive qui n’a plus rien de contrôlée et cela depuis presque vingt ans. C’est-à -dire que les pourris du Medef se foutent bien et des pays du Sud et des pays du Nord, l’hyper classe vit dans des hôtels luxueux cernés par la police et se reposent au Bahamas. Argenteuil, Babel-oued ou Conakry, ils s’en foutent comme du taux de contamination de l’eau du robinet ! Les immigrés des années soixante ont fait souche, non pas qu’ils aient renié leurs racines et qu’ils se sentent supérieurs à leur famille restée au pays, mais bien tristes, déchirés en fait, les conditions de vie dans les pays du Sud se sont dégradées. En France petite retraite, vie sans éclat pourvu qu’ils ne fassent pas de vague, et après trente ans, on y a ses amis, ses habitudes, et pour beaucoup ils aiment la France. Les enfants y sont nés. Les petits enfants. Les arrières petits-enfants. Et pourtant toujours un peu étrangers, c’est la mélancolie de l’immigré, on ne peut pas y faire grand-chose. Une rage certaine pour ces élites françaises qui ont menti, la farce de l’égalité des chances, le mirage d’une république égalitaire. Bienvenue camarade, cela fait 223 que les travailleurs d’ici en mangent ! Si le parti communiste n’avait pas tourné sa veste, on t’aurait expliqué, averti et on se serait battu ensemble !
C’est que la fin des années soixante-dix a ouvert un sordide bal des dupes. Plus besoin d’immigrés et même l’envie dès les renvoyer au pays, le nôtre ravagé par la crise et l’effondrement du système de production industrielle. Douloureuse transition vers un monde de service, mais nous n’en sommes pas encore là . Las le Medef montra les dents : il faut maintenir l’immigration, elle seule permet de maintenir les salaires au plancher. Et plus encore, il faut automatiser le regroupement familial, une famille cela s’équipe, cela achète, cela consomme, y’a bon du pognon ! Par contre, pas fous les bourgeois, on coupe dans l’état providence, ni école, ni infrastructure ni rien, et donc moins d’impôt pour sauver la valeur travail et rogner les salaires, de la poudre aux yeux, le chaos ce n’est pas pour eux, Nassau est assez loin de toutes zones ZUP, ZEP, et autres onomatopées. Et vint la Mittérandie. La haute interlope, mais pas longtemps. On fait plier Tonton qui a autant de casseroles au cul qu’un braqueur raté. L’astuce est la suivante : culpabiliser le blanc-bec s’il trouve un peu fort que des familles entières s’installent, que des quartiers puis des villes soient occupées par des étrangers. Passés le folklore et les nuits de fête, la misère partagée, et du français et de l’étranger, tend les rapports. Alors une machine incroyable se déploie en Mittérandie pour faire passer les français pour des salauds absolus, pauvres bougres à leur tour, héritiers de tous les tortionnaires, de tous les crimes, de toutes les spoliations. Les bobos s’y engouffrent, trop contents de désigner le FN et les mauvais français, les électeurs du FN, se cachant ainsi la vérité toute vrai, le responsable est bel et bien leur train de vie bourgeois, parce que la France, prolétariat compris, est une bien belle fille de la bourgeoisie. On aura une avalanche de films, de chansons, d’associations, de marches, pour faire comprendre que ce n’est nullement la faute du MEDEF, des puissants, des bourgeois, des rentiers et de toute la racaille de la haute si les pays du SUD sont laminés à ce point qu’ils soient invivables, mais c’est la faute de la France éternelle, cette salope, et c’est bien le français de base, de souche, con comme un bidochon, qui en est responsable, et raciste, alors qu’il ferme sa gueule et qu’il accepte toute la misère du monde. Loin du coeur et loin des yeux, Laziza, Black-Mic-Mac, Touche pas à mon Pote, La Marche des Beurs… C’est pas que les puissants qui ont bien bouffé de toute cette misère, de ces déplacements gigantesques de population, de ces saccages de cultures, n’aient décidé de rectifier le tir, bah non !, une nouvelle génération prend la place de celle de Foccart and Co, c’est Bouygues, c’est Bolloré, j’en passe et des meilleurs, toujours maisons de vacance aux Bahamas, le petit plus c’est une bicoque à Tel-Aviv, mais pour le reste rien ne change. Et maintenant c’est Jamel Debouzze, Fadela Amara, Rachida Dati, Zidane…alors français, écoute bien, même le Front de Gauche s’y met, puisqu’on vous dit que l’immigration est une chance pour la France !
On aura rectifié le tir de nous-même. L’immigration est comme le lever du soleil, vouloir l’arrêter est une bêtise du plus bête des sophistes. L’Histoire de l’Humanité n’est-elle pas histoire de migration, de colonisation, d’immigration ? Une fois dit cela on n’a pas dit grand-chose, mais on voit se dessiner une ligne infranchissable entre immigration et immigrationisme. Si la première est une conséquence de la nature de l’Homme qui cherche une terre pour vivre est faire vivre sa famille, autrefois fuyant les rigueurs du climat et les catastrophes naturelles, la surpopulation parfois, le second est une politique voulue est organisée par les puissances détentrices des capitaux pour sauver la plus-value et maintenir un fossé entre les nations du Nord et du Sud, gage d’insécurité mondiale, le marché des guerroyeurs fructifiant, la militarisation se justifiant, le Sud vidé de ses gens mais gavé de ressources bien mieux exploitables, le Nord bondé de travailleurs en compétition au plus bas prix, loi de l’offre et de la demande si cher à Adam Smith, et la destruction des nations et de l’internationalisme, peur terrifiante d’hier qui n’est en fait jamais morte.
L’immigrationisme prône l’exode rural à une échelle mondiale. L’exode rural, qui est bien forcé, faut-il le rappeler, c’est cela : mise en coupe claire et nette des campagnes, destruction des haies, des bocages, des fossés, terrassement de zones plates et exploitables par l’industrie mécanique et chimique : le progrès. Le moins de travailleurs possible, de grandes exploitations, quelques saisonniers. Rendement maximum. Et pour les villes qui gonflent comme des métastases ruineuses, pression infinie sur le salariat paupérisé, compétition à mort, et la justice pénitentiaire pour mater les exclus du système aux places limitées…un marché comme un autre, bien loin de toute vision morale, c’est un choix commerçant. La misère implique l’insécurité des possédants, qui implique une politique qu’ils appellent de sécurité, novlangue qui cache mal un levier de la croissance économique. Et donc il est bon de rappelé que l’immigationisme n’est que cela à une échelle planétaire. Les grandes fermes où se garent les tracteurs et se rangent les tonnes de chimie stérilisante ne sont que les capitales du Sud occidentalisées jusqu’à la puanteur, fac-similé grotesque où de braves gens imitent les plus mauvais des blancs, les bourgeois crasses et vaniteux, et les villes cernées de bidonvilles sont nos pays du Nord, vastes complexes où la nature n’existe plus, la propriété a privatisé tout ce qu’il y avait à privatiser, la campagne n’existe plus, ni aucune production hors des sphères du gadget et des services, et la compétition n’est plus seulement pour l’emploi, le poste, le fric, mais aussi pour, le toit, la terre, la vie. Les spéculateurs s’en éclatent le bide et il y aura toujours des petites âmes pour prêter serment et défendre l’intérêt des élites qui vivent de ce système. Nous en sommes là .
Allons-y clairement. L’immigration n’est pas une chance pour la France, pas plus que pour les pays du Sud. C’est une catastrophe pour la France et les pays du Sud. L’immigration est forcée et organisée par les puissants décideurs du capitalisme mondial pour augmenter leur plus-value est soumettre la force de travail de tous les secteurs, primaire, secondaire et tertiaire. L’immigration incontrôlée ou clandestine est parfaitement voulue et largement organisée par la grand Capital en appuyant sans cesse les déséquilibres économiques et sociaux entre les pays du Sud et du Nord. Toute tentative d’émancipation des pays du Sud est régulièrement écrasée ou brimée, et cela depuis l’indépendance théorique des pays du Sud sur tous les continents. La raison majeure en est qu’un rééquilibrage entraînerait de facto le tarissement de l’immigration vers le Nord avec pour conséquence la perte d’influence sur les pays du Sud, l’impossibilité croissante d’en extraire les ressources à bas coût. De plus, en Occident, les forces de travail se dégageraient de la pression due à la compétition entre salariés et cela entraînerait l’obligation pour les puissances dirigeantes de céder sous un nouveau rapport de force numériquement défavorable. La fin absolument inconcevable étant que les forces de travail réorganisées, au Nord comme au Sud, retrouvent la puissance d’une politique souveraine et populaire et s’étendent pour des échanges commerciaux multilatéraux outrepassant les lois du marché pour celles de la solidarité, c’est-à -dire un monde nouveau, une civilisation nouvelle ou l’emprise de la bourgeoisie serait reléguée aux pages de l’Histoire.
Il est absolument fondamental qu’une force politique de gauche face de l’immigration un thème fondamental pour sa compréhension globale dans les contradictions actuelles de la civilisation capitaliste. Ce n’est aujourd’hui pas le cas, et c’est même le contraire. Tous les partis de la gauche française favorisent l’immigrationnisme en s’appuyant sur d’obscurs thèmes philanthropiques et humanistes. Les partis de la social-démocratie précurseurs de l’immigrationisme le module suivant leurs besoins électoraux, historiquement c’est bien naturel. Et enfin le parti du Front national, à la direction politique changeante, bien qu’il reconnaisse le problème, il ne le considère que du point de vue Européen, culpabilisant les pays du Sud alors que les forces capitalistes n’ont jamais eu de foyers au Sud, ni en Afrique ni aux Amériques. Dès lors le traitement en est absurde parce que expulser les immigrés du Nord sans protéger les pays du Sud du saccage et des appétits du capitalisme mondial force à l’érection de frontières militarisées et à la défiance envers les nations en quête de souveraineté au Sud, empêchant tout accord bilatéraux de solidarité pour le partage des richesses naturelles, dont la France ne dispose pas, et n’aboutirait en fin de compte qu’à une militarisation des rapports internationaux, bref à la guerre de rapine teintée de racialisme…c’est un levier de croissance comme un autre, en fait l’un des plus morbide. Mais ne prêtons à personne le goût du sang et du mensonge, simplement constatons qu’aucune force politique ne considère l’immigrationisme globalement. Peut-être toutes sont-elles liées d’une manière ou d’une autre par leurs soutiens en politique, du FN au NPA, en contrepartie d’un statu quo au niveau de l’ingénierie capitaliste mondiale, du pillage de la planète et de l’asservissement de la force de travail ?
Si tel est le cas, et parce que cette blessure fondamentale dans le rapport entre les nations et les Hommes se superpose aux terribles contaminations, pollutions et surpopulations, elle entraîne l’humanité dans un chaos irréversible, l’horizon ne saurait être que l’extinction de notre race et l’impossibilité de fuir vers des terres épargnées. Les responsables sont pourtant clairement identifiés, à la fois leur système de pensée, leurs mécanismes d’oppression, et la plupart de leurs mandants. C’est-à -dire que nous avons tous les noms, des Hommes et des structures, pour les abattre si une force populaire érigée en défenseur, en dernier ressort, du sort de l’humanité se décidait à inverser le cours bien satanique de cette Histoire. En tout cas, ne soyons plus sans argument face aux sophistes bien payés, dire que l’immigration est une chance pour la France revient à dire que la traite négrière fut une chance pour la France.
Corriger la seconde affirmation c’est corriger la première.