31 Janvier 2012 - Les tambours de la guerre contre l’Iran résonnent d’une manière tonitruante tout au long de l’article publié ce dimanche par le NYT par le journaliste israélien Ronen Bergman. C’est l’un des journalistes de son pays qui a le plus accès aux services secrets et aux hautes sphères du Gouvernement.
A aucun moment dans le texte n’apparaît une source, même anonyme, qui affirmerait que la décision de bombarder l’Iran pour arrêter son programme nucléaire est prise. C’est Bergman lui-même qui dit à la fin qu’il pense qu’il y aura une attaque cette année. A son avis la majorité des dirigeants israéliens est convaincue d’être en présence des trois facteurs qui justifieraient ce pas de plus (tels qu’ils ont été définis par Ehud Barak, le ministre de la Défense) : capacité militaire pour administrer un coup décisif, soutien des Etats-Unis et nécessité impérieuse due aux échecs des précédentes tentatives pour freiner Téhéran.
Cependant, l’article inclut l’opinion contraire de Meir Dagan, directeur du MOSSAD entre 2002 et 2011 ; Dagan estime que la campagne de sabotage encouragée par les services secrets a eu le succès espéré et que, en outre, une campagne de bombardements ne pourra pas non plus éliminer le programme nucléaire.
Pourquoi cet articles et d’autres du même genre ont-ils été publiés ces dernières semaines ? C’est une tentative pour préparer l’opinion publique israélienne à l’une des décisions les plus dramatiques que puisse prendre son gouvernement. Bergman admet que la société israélienne est en alerte, de peur que les représailles iraniennes n’atteignent le territoire du pays.Nous ne parlons pas des attentats terroristes contre des ambassades israéliennes éloignées, mais du danger représenté par une pluie de missiles venant de l’Iran lui-même ou du Liban. Le gouvernement doit faire voir à ses compatriotes que l’attaque est l’ultime alternative pour empêcher que l’Iran ne finisse en fabriquant la bombe atomique.
Dans le même temps, les annonces, voilées ou directes, émanant d’israël servent à accroître la pression sur les Etats-Unis et l’Union Européenne visant à une intensification des sanctions contre l’Iran. Les possibilt »s d’aller plus loin à lONU se trouvent réduites du fait de l’attitude de la Chine, ce qui n’a pas empêché les Etats-Unis et l’Union Européenne d’approuver un embargo pétrolier. Cela prendra dans les 6 mois pour que son économie commence à en subir les conséquences, et qu’alors s’ouvre une fenêtre d’observation pour voir quels effets il a. Jusque là , Israêl continuera à maintenir la peur.
Quelle attitude adopteront les Etats-Unis ? Il ne paraît pas aventureux de faire remarquer qu’une attaque contre l’Iran pourrait mettre fin aux aspirations de réélection de Barak Obama, même sans compter avec l’effet que cela aurait sur la base démocrate. Ne pas avoir fermé Guantanamo peut être une déception pour eux, mais cela est bien pire. Se débarrasser de Bush et des néo-conservateurs n’aurait pas été suffisant pour empêcher une autre guerre au Moyen-Orient.
Le risque principal est économique. Une augmentation spectaculaire du prix du pétrole, quasi certaine si le conflit affecte le trafic de pétrole brut dans le détroit d’Ormuz, renverra l’économie américaine à la récession. Et l’économie sera le grand champ de bataille du duel que se livreont Obama et le candidat républicain.
Mais cela ne vaut que jusqu’aux élections américaines. Qu’est-ce qui arrivera à partir de début Novembre ? Les Etats-Unis pourront-ils se maintenir éloignés des plans militaires israéliens ? Il est peu probable qu’Obama, s’il est réélu, ose condamner de manière ferme une attaque ordonnée par Netanyahu. Le pari d’Israël est de convaincre Washington que la décision est prise et qu’elle n’aura de succès que si les Etats-Unis se joignent à l’offensive. Peu de gens pensent qu’Israël à la capacité militaire suffisante pour assumer une offensive de bombardements pendant plusieurs semaines, sans laquelle il n’est pas garanti que les dommages subis par le programme nucléaire soient assez importants pour le retarder d’au moins trois ans.
Se risquer à une conflagration générale au Moyen Orient au lieu de suspendre le plan pendant moins d’un an serait un pas en avant indéfendable. Et dans la pratique, cela obligerait quasiment l’Iran à abandonner toute retenue pour l’avenir et à décider de fabriquer la bombe.
Il n’y a qu’à comparer les destins différents de l’Irak et de la Corée du Nord pour apprécier l’importance de compter ou non avec des armes nucléaires, même si l’on a pas l’intention de s’en servir.
Selon ce qu’a dit le directeur des Renseignements Américains, les Iraniens maintiennent actuellement ces options ouvertes. Washington ne sait pas si un jour ils franchiront le pas.
En parlant de guerre psychologique, il est intéressant de souligner le jeu que joue le NYT. Il y a quelques jours, il a mis sur son portail un article consistant en une succession de sources israéliennes qui affirmaient que l’Iran bluffe sur ses menaces de représailles en cas d’attaque de ses équipements nucléaires (les espions américains n’ont pas l’air de penser la même chose).Abaisser le coût de la guerre est une manière qui n’a rien de subtil pour convaincre un partenaire réticent. Cela a été fait aussi avant l’invasion de l’Irak.
(Pour la même raison, il n’est jamais inutile non plus de récupérer les vieilles histoires sur les relations entre Al Qaida et l’Iran. C’est une autre connexion argumentaire avec ce qui s’est passé avec l’irak.)
C’est peut être pour cela que l’ex directeur du journal, Bill Keller, s’est décidé à publier un article avec lequel refroidir un peu ces ardeurs belliqueuses. Par exemple, avec la dernière phrase :
« Over at the Pentagon, you sometimes hear it put this way : Bombing Iran is the best way to guarantee exactly what we are trying to prevent » ( « Au Pentagone, parfois, on peut entendre, formuler : Bombarder l’Iran est la meilleure manière de garantir exactement que ce que nous essayons d’éviter se produira. »)
La partie intéressante de la phrase, c’est le mot Pentagone.