L’ONG Breaking the Silence (rompre le silence) vient de publier des témoignages accablants de militaires israéliens ayant participé à l’opération « Bordure Protectrice » de l’été dernier. Certains soldats, sous couvert d’anonymat, affirment qu’aucune distinction n’était faite entre les civils et les soldats. Une surprise ? Sans doute pas pour ceux qui ont toujours considéré Israël comme un État lâche et criminel.
Civils, combattants, pas de distinction
Ceux qui croyaient (encore) que l’armée israélienne était celle que décrivent les médias dominants risquent d’avoir une toute autre image de Tsahal. Breaking the silence, une ONG composé d’anciens combattants de l’armée israélienne, vient en effet de publier le lundi 4 mai 2015 une série de témoignage d’anciens militaires ayant participé au massacre de l’été dernier à Gaza. (1)
Autant dire tout de suite que ces témoignages viennent ajouter encore plus de barbarie à l’histoire déjà peu glorieuse de l’État d’Israël qui, depuis 1948, a commis des atrocités sans nom contre le peuple palestinien.
Rappelons tout d’abord que l’offensive israélienne menée du 8 juillet au 26 août 2014 a fait plus de 2100 victimes côté palestinien dont l’écrasante majorité étaient des civils. Une offensive qui, comme les précédentes, avait été soigneusement préparée par des média-mensonges.
Cette fois-ci, les TF1, France 2 et autre RTBF avait expliqué que Tsahal avait répondu à l’assassinat de trois jeunes israéliens le 12 juin. Si on suivait la logique imposée par les médias, Israël aurait donc simplement réagi au meurtre de trois de ses ressortissants. Pourtant, lorsqu’on y regardait de plus près, l’explication donnée était un peu moins simpliste qu’elle n’en avait l’air. Avant cet événement en effet, il y avait eu la grève de la faim des prisonniers palestiniens d’avril à juin 2014 et la mort de deux jeunes Palestiniens tués par l’armée israélienne devant les télévisions le 15 mai 2014. La situation n’était donc pas apaisée.
Mais comme toujours, afin de « protéger la sécurité » de son territoire, un territoire volé, l’armée israélienne avait lancé une attaque meurtrière dont d’anciens protagonistes viennent ici décrire la cruauté la plus abjecte qu’il soit.
“Il y a une technique qui consistait à envoyer des milliers d’obus sur des zones densément peuplées, pour préparer l’entrée des soldats dans ces quartiers. Une fois distribués des avertissements prévenant les civils qu’ils devaient fuir, il n’y avait plus de raison de faire la distinction entre civils et militants” explique Avihai Stollar, membre de Breaking the Silence.
Puis c’est au tour des soldats de livrer leur témoignage.
L’un d’entre eux qui se trouvait à un endroit surplombant une route importante menant à la bande de Gaza raconte comment lui et ses camarades s’occupaient la journée :
« Nous avons commencé un petit concours entre tireurs. Pour voir qui était un vrai homme, il fallait toucher une voiture qui roulait. J’ai vu un taxi et j’ai tiré un obus mais je l’ai manqué. On a encore visé et manqué des voitures. Jusqu’à que je vois un cycliste qui pédalait. Et j’ai dit « je le vise » mais je l’ai manqué. Il s’est mis à pédaler comme un fou parce qu’on lui tirait dessus ».
Puis le journaliste lui pose la question suivante « Vous est-il venu à l’esprit dans le tank que vous tiriez sur des civils à l’intérieur des véhicules ? ». Le soldat lui répond « Cela m’a dérangé un peu mais, après trois semaines dans la bande de Gaza, on en vient à tirer sur tout ce qui bouge, la distinction entre le bien et le mal devient floue, vous perdez votre morale, votre bon sens » Avant de conclure « Tout devient un super jeu vidéo réaliste ».
Alors comme ça, il fallait savoir tirer sur une voiture pour démontrer qu’on était un « vrai homme ». Nouvelle définition du courage et de la virilité masculine version Tsahal.
Ainsi, la bande de Gaza est devenue un terrain de jeu. Les Gazaouis ne sont pas considérés comme des humains mais comme des cibles qu’il faudrait abattre.
En fait, Gaza est à la fois un terrain de jeu et un terrain de chasse pour les soldats israéliens. Les habitants de cette prison à ciel ouvert sont totalement déshumanisés et considérés comme de vulgaires membre d’une sous-espèce dont la vie ne compte pas ou si peu.
Un autre témoignage affirme que « Les soldats ont reçu pour instruction de leurs commandants de tirer sur chaque personne identifiée dans une zone de combat, dès lors que l’hypothèse de travail était que toute personne sur le terrain était un ennemi ». Un sergent d’infanterie raconte « On nous a dit, il n’est pas censé y avoir de civils, si vous repérez quelqu’un, tirez ! ».
Un autre cas révèle que deux femmes qui au petit matin parlaient au téléphone à 800 mètres des forces israéliennes ont été prises pour des « guetteuses ». On ne savait pas trop. Résultat ? Elles ont été abattues sur le champ car considérées comme « terroristes ». Ce mot « terroriste » a décidément bon dos et sert constamment à justifier le pire.
Pour un autre soldat, un civil qui « voit un char et ne s’enfuit pas n’est pas innocent et peut être tué ». Ce dernier considère Breaking the Silence comme une organisation anti-sioniste et quand cette dernière lui demande s’il y a eu crime de guerre, ce dernier répond cyniquement « Crime de guerre ? C’est un grand mot. Mais j’ai le sentiment d’avoir fait des trucs amoraux, sur le plan international. J’ai visé des cibles civiles, parfois juste pour le plaisir ».
Médias, politique, pseudo-intellectuels, où êtes-vous ?
Et la liste des témoignages de cette nature est malheureusement encore très longue. Ces témoignages ne surprendront que ceux qui ont cru aux belles histoires racontées tant pas les médias dominants que les prétendus « intellectuels ». Celle d’un État « démocratique », le « seul » au Moyen-Orient qui lutterait sans relâche contre des « terroristes ». Cette histoire, lue, entendue et réentendue vient une nouvelle fois se fracasser sur le mur des réalités, des faits et des témoignages de ceux qui ont été les premiers témoins mais aussi et surtout les premiers acteurs de cette barbarie.
Car en effet, l’histoire officielle, celle écrite par les dominants et relayée par les organes de propagande tels que les médias ou l’école ne cesse encore aujourd’hui de présenter l’État d’Israël comme un territoire agressé et qui utiliserait la force dans le seul but de se défendre. Ou encore cette fable racontée à chaque agression israélienne et qui prétend décrire le conflit comme une guerre « propre ».
Déjà le mot « guerre » doit être banni du vocabulaire lorsqu’on présente les événements meurtriers à Gaza. Car la guerre est un conflit qui se mène principalement entre deux États avec plus ou moins de ressources militaires, financières, logistiques à peu près équivalentes. Ce qui n’est pas du tout le cas à Gaza. Là-bas, ce n’est pas de guerre qu’il faut parler mais bien de massacres, d’anéantissement d’un peuple, de meurtres de masse, d’une entreprise coloniale... Et puis parler d’une guerre « propre » est un oxymore insupportable. Mais il fait partie du langage hégémonique utilisé par ceux qui défendent de manière inconditionnelle l’État d’Israël. La « propreté » comme ultime légitimation de la barbarie.
Aujourd’hui comme hier, le masque tombe et montre comment une armée ultra-puissante anéantit un peuple sans défense auquel ne restent que le courage et la dignité.
N’est ce pas Heilbrun, président du comité électoral du maire de Tel-Aviv qui avait déclaré : « Nous devons tuer tous les Palestiniens à moins qu’ils ne soient résignés à vivre en tant qu’esclaves ».(2) N’est ce pas Ben Gourion, le fondateur de l’Etat d’Israel qui avait affirmé : « Nous devons utiliser la terreur, les assassinats, l’intimidation, la confiscation des terres et l’arrêt de tous les programmes sociaux afin de débarrasser la Galilée de sa population arabe ».(3)
Mais alors, ou sont les supposés « intellectuels » et « philosophes » tel que Bernard Henri Lévy ou Alain Finkielkraut qui hier apportaient un soutien indéfectible à Tsahal et qui aujourd’hui font preuve d’un silence assourdissant sur ces révélations plus qu’embarrassantes ? Que va dire BHL pour qui la responsabilité de la situation à Gaza devait être imputée au « Hamas » ?
Quelle sera la réaction de celui qui avait affirmé que « ceux qui pleurent pour les Palestiniens, je ne les ai jamais vus dans la rue pleurer d’autres morts » (4). En bon petit soldat de Tsahal en France, il ne fera sans doute aucune déclaration. Ou bien alors, il tentera de minimiser les faits et de trouver des excuses aux soldats israéliens en accusant les Palestiniens de ne pas s’être assez désolidarisés du Hamas. Qui sait ? Cet homme-là est prêt à inventer n’importe quoi pour sauver l’honneur d’une armée et d’un État qui n’en a jamais eu.
Et François Hollande ? Va-t-il réagir face à ces révélations ? Condamnera-t-il les crimes de guerre ? Attendre de celui qui a déclaré son amour à Israël qu’il condamne ne serait-ce que timidement le gouvernement de Benjamin Netanyahu, ce serait comme attendre la venue du Père Noël. Seuls les plus naïfs pourraient croire un seul instant que le dirigeant français, totalement soumis aux États-Unis et à l’État sioniste daigne condamner la brutalité de Tsahal.
Il ne faudra attendre que moins encore une quelconque condamnation de l’armée israélienne de la part de Manuel Valls. Lui qui avait déclaré son « attachement éternel » à Israël est sans doute l’homme politique le plus fidèle à l’idéologie colonisatrice sioniste.
Enfin, il est intéressant de souligner le silence quasi-général des médias après les témoignages recueillis par Breaking the silence. Au journal de 20h de France 2, l’ami des puissants, David Pujadas, n’a pas du tout abordé le sujet. Ni le lundi 4 mai, jour de la publication du rapport, ni le lendemain.
Par contre, il a évoqué dans son misérable 20h une information de la plus haute importance pour l’avenir de l’humanité : le nom donné à la future princesse d’Angleterre. Des témoignages de soldats israéliens décrivant la nature sauvage de l’armée est alors passée sous silence et un sujet totalement sans intérêt est lui abordé pendant quelques minutes. La vie de l’enfant de Gaza assassiné par des lâches ne vaut apparemment pas grand-chose, contrairement à la vie d’un bébé né avec une cuillère d’argent dans la bouche...
Le journal de droite Le Monde, expert en média-mensonges et en manipulations en tous genres, a, quant à lui, traité le sujet. Néanmoins, ce qui est particulièrement embêtant, c’est la manière dont il a titré un article qui traitait des révélations faites par les soldats israéliens. Le titre en question est « La dérive morale de l’armée israélienne à Gaza ». (5)
Ainsi selon le quotidien français, ces actes criminels ne seraient en réalité que le fruit d’une « dérive morale » et ne viendraient pas de causes beaucoup plus diverses et profondes. Car dire que le problème est moral, c’est en réalité dépolitiser, décontextualiser, dé-historiciser la question relative à la colonisation des territoires palestiniens.
Il suffirait donc de corriger ces « dérives » et tout rentrerait dans l’ordre. Tout ça a pour but, consciemment ou inconsciemment, de faire oublier les racines profondes de ce conflit qui dure depuis plus d’un demi-siècle. Les raisons politiques, géopolitiques et stratégiques de cette colonisation.
Faire oublier qui est l’agresseur et qui est l’agressé. Faire oublier qui est la victime constante des bombardements. Faire oublier qui voit ses droits fondamentaux constamment bafoués par un État assassin.
Cet argument de la morale rappelle celui utilisé par l’ancien président Nicolas Sarkozy à la suite de la crise financière de 2008. Il avait déclaré face à l’urgence de la situation qu’il fallait « moraliser le capitalisme ».
La morale, l’éthique comme le salut de l’humanité. C’est par ces valeurs que la communauté humaine trouvera le chemin de la prospérité et de la paix. Voilà le message de l’idéologie dominante.
Chacun devrait donc faire un travail sur lui-même pour que les choses aillent mieux. Une idée qui a pour but de culpabiliser les gens à propos d’une situation à laquelle ils font face oubliant ainsi les structures sociales, économiques et politiques à l’origine même de ces désastres humains.
Ce n’est pas la morale ou l’éthique qui améliorera le monde de demain mais bien les structures qui régissent les comportements humains. C’est toutes les institutions dominantes qui prônent le néolibéralisme comme le FMI ou la Banque Mondiale qu’il faudra éliminer pour commencer à mettre fin à la misère dans le monde et poser les bases d’un monde plus juste et plus égalitaire. C’est en mettant fin à des institutions comme l’Otan que les guerres impérialistes pourront enfin prendre fin.
Et c’est avec la lutte et la solidarité du monde entier que la Palestine vivra et vaincra !
Tarik Bouafia