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"L’infléchissement stratégique” de Clémentine Autain serait un coup de barre à droite.

France soumise ou France Franchement insoumise ? la FI à la croisée des chemins

par Georges Gastaud, secrétaire national du PRCF et Antoine Manessis, secrétaire de la Commission action unitaire du PRCF

Clémentine Autain demande à Jean-Luc Mélenchon “d’infléchir sa stratégie”. La députée appelle La France insoumise à “agréger” davantage à gauche. “Nous devons agréger plus encore pour bâtir l’alternative à Macron : des individus écœurés par la gauche et par la politique mais aussi des courants historiques, des forces constituées, des intellectuels et des artistes, des corps intermédiaires”, déclare la députée d’Ensemble, une des composantes de feu le Front de gauche.

Pour l’élue, “l’Histoire ne peut être balayée d’un revers de la main et si l’on vise la constitution de majorités, aucune voix éprise de rupture sociale et écologiste ne peut manquer”. Clémentine Autain juge ainsi sévèrement la brouille entre le PCF et les Insoumis, appelant cette dernière à mener “clairement” une discussion stratégique avec le PCF, “mais sans humilier ni mépriser”.

A propos du PS, Clémentine Autain se félicite que La France insoumise se sépare de la gauche qui s’est “laissée prendre par le pouvoir et l’argent”. Mais, insiste-t-elle, “si nous voulons prendre le pouvoir à ces destructeurs de vie et de liens, il faudra bien refaire une majorité d’idées et des alliances politiques”. En clair, elle demande une convergence accrue avec Benoît Hamon, ancien ministre de Hollande, accompagnateur de la « fin du travail », partisan de la « souveraineté européenne », des frappes sur la Syrie et de l’augmentation des budgets otaniens de l’armement.

Enfin, elle encourage le mouvement à “réfléchir à comment faire vivre le pluralisme en interne, sinon ça va finir par aller à l’encontre de l’efficacité“.

Que signifient ces propos ? Il semble que pour Clémentine Autain et pour d’autres au sein de la FI, la tentation est forte “d’agréger” des forces sans se soucier du contenu de cette agrégation, ou plutôt, nous y reviendrons, en affadissant au maximum ce contenu, notamment sur la question stratégique de l’Union européenne. Que signifie cet appel aux “courants historiques, forces constituées, intellectuels et artistes, corps intermédiaires”, sinon un appel du pied au PS, au PCF et aux directions syndicales, avec à la clé un poids accru des couches moyennes intellectuelles et une diminution du poids, déjà insuffisant, de la classe ouvrière dans la composition de la France insoumise ?

“L’infléchissement stratégique” que réclame Clémentine Autain, c’est en réalité un coup de barre à droite de la FI. Ensemble et d’autres forces au sein de la FI rament à tribord pendant que d’autres vont à bâbord, en particulier vers la rupture avec les forces « euro-constructives » qui dominent le PGE de MM. Gysi, Laurent... et Tsipras. Nous ne pouvons être indifférents à ce qui se passe au sein de la FI. Comme du reste nous ne sommes pas indifférents à ce qui se produit au sein du PCF dans la perspective de son congrès. L’heure n’est certainement pas à l’isolationnisme et au sectarisme. Mais bien au contraire à la recherche de convergences et l’unité d’action. Cela ne peut en aucun cas vouloir dire se taire face aux tentatives des courants opportunistes d’enliser la dynamique incontestable de la candidature de Jean-Luc Mélenchon dans un “tsiprisme” à la française, dans les sables mouvants de l’ alter-européisme et d’un électoralisme vulgaire.

L’unité ne peut se forger que dans la lutte et la clarté. La lutte des classes a des implications. Et parmi celles-ci et de façon centrale il y a le rôle qui est celui de la classe ouvrière. La classe ouvrière du XXIe siècle, qui s’étend à des secteurs nouveaux de la production de survaleur, mais la classe ouvrière. Pour nous qui sommes partisans d’un Front (le FrAPPE Front Antifasciste Populaire Patriotique et Écologique) nous insistons toujours sur le rôle dirigeant que la classe ouvrière doit tenir au sein de ce Front. Certes nous ne décrétons pas ce rôle, comme nous ne décrétons pas la grève générale, mais nous le préparons, nous le construisons à force de travail et de cohérence car il est la condition de la réussite et de l’affirmation du cap franchement à gauche. Et en y réfléchissant bien, qui ne voit que, même d’un point de vue platement électoral, l’« insoumission » aurait bien plus à gagner à s’ouvrir à des millions d’ouvriers, d’employés et de « précaires » qui rejettent franchement l’UE, ses délocalisations et ses privatisations, et que n’effraierait pas mais tout au contraire stimulerait la perspective d’une France franchement insoumise à l’UE – en clair, du Frexit progressiste ! – qu’elle n’aurait à gagner à replonger dans les stériles discutailleries à l’infini entre les gauches euro-assagies qu’incarnent jusqu’à la nausée les dirigeants confédéraux semeurs de défaites, la direction euro-soumise du PCF-PGE, les super-bobos d’ ATTAC et d’Ensemble, etc. Alors que le FN a clairement renié toute idée d’indépendantisme français (ce parti bourgeois a fait officiellement une croix sur toute contestation de l’euro), il faut choisir entre la voix – courageuse à court terme mais gagnante à moyen terme – du Frexit progressiste, qui mène à l’affrontement de classe avec l’oligarchie et pose à terme la question du socialisme pour la France, et la voie du retour piteux au Front de gauche euro-constructif qui n’a jamais vraiment « mordu » sur les couches populaires et sur la jeunesse.

On a vu avec les râtisseurs sans principes ce que devient le mouvement populaire : il s’encastre dans un mur. De Blum à Mitterrand en passant par Tsipras et combien d’autres, si la classe ouvrière, si le monde du travail ne tient pas son rôle central, si la petite-bourgeoisie désoriente le mouvement populaire, l’échec quand ce n’est pas la pure et simple trahison sont au bout du chemin. Qui ne voit, au delà de l’urgente et indiscutable solidarité avec le Venezuela bolivarien, que le problème n’est pas « trop » de socialisme mais pas assez. Qu’on se souvienne de Saint-Just et de sa phrase prémonitoire : ” Ceux qui font des révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau“.

La France insoumise ne doit pas se soumettre. Au contraire elle doit devenir, comme nous le disons, la France franchement insoumise, FFI ! Gagner les ” courants historiques, forces constituées, intellectuels et artistes, corps intermédiaires” ou gagner les masses populaires. Avec celles déjà gagnées, celles qui s’abstiennent, celles qui votent FN, celles qui ce sont exprimées sur l’ UE et sur l’euro en 2005 : 67% des employés, 70% des agriculteurs, 79% des ouvriers et 71% des chômeurs ont rejeté dans les urnes le traité constitutionnel Et à chaque élection européenne. Aux Européennes de 2014 chômeurs (69%), employés (68%) et ouvriers (65%) se sont abstenus en masse. Le Plan A ou B ou C importe peu au peuple. Son plan à lui, c’est de sortir de ce carcan européen qui broie la vie de millions d’ouvriers, de salariés, de retraités, de malades, d’étudiants, de paysans, de fonctionnaires... Il le dit. Il le crie depuis des années et son abstention majoritaire au second tour de la législative (56%, record absolu !) dernière, alors qu’aucune force nationalement visible ne portait plus le Frexit, est un nouveau signal de cette attente déçue. Alors certes la petite bourgeoisie des arrondissements “bobos” de Paris, Lyon ou Dijon ne l’entend pas, confondant Erasmus et le bilan social de l’ UE. Quant à ceux qui, projetant leur défaitisme sur la réalité, déclarent que la question du Frexit est forclose, on leur conseille de se référer au récent entretien accordé par Macron à la BBC : il y déclare cyniquement que s’il n’organise pas de référendum sur l’UE, c’est parce que la majorité des Français voteraient pour le Frexit !

Mais le mouvement populaire et ses composantes doivent choisir. Choisir le bon côté de la barricade, celui de l’intérêt populaire qui coïncide avec l’intérêt national.

Les communistes du PRCF, reprenant le flambeau du Parti Communiste Français jeté à terre par les Hue et autres Laurent, ont choisi dès leur premier jour et bien seuls à l’époque : sortir de l’ UE, de l’ euro et de l’ OTAN dans la perspective révolutionnaire de la sortie du capitalisme.

D’autres nous ont rejoints depuis. D’autres hésitent reflétant sans doute des réalités de classe plus contrastées. Mais la vie a tranché : comment, après la catastrophe grecque, comment prétendre « démocratiser du dedans » une dictature européenne qui tente, par Tsipras interposé, d’interdire la grève à Athènes, qui tolère en son sein des gouvernements hongrois, baltes, autrichien, truffé de néonazis et qui pousse à la criminalisation des partis communistes dans tout l’Est de l’UE (et à celle des syndicalistes de lutte en France, en Italie et en Belgique ?) peut-on oser prétendre construire une “UE sociale” ? Comment justifier rationnellement un tel positionnement ? A moins d’être enfermé dans des œillères intellectuelles ou des intérêts sonnants et trébuchants, ceux que représentent par exemple l’affiliation de certains partis et syndicats hexagonaux au Parti de la Gauche Européenne ou à la Confédération Européenne des Syndicats. La cohérence ne veut-elle pas que ceux qui sont pour la sortie de l’ OTAN se prononcent pour la sortie de l’UE, qui se définit elle-même comme un « partenaire stratégique » de l’OTAN et qui fait de l’adhésion à l’OTAN un critère d’affiliation à l’UE ? Ou alors il faudrait admettre que l’on peut construire une OTAN pacifique ? Personne n’ose dire cela pour l’ OTAN, comment peut-on à ce point insulter la logique et les rapports de forces réels quand il s’agit de la sacro-sainte UE ? Après quoi, les mêmes théoriciens boboïsants viendront accuser de « dogmatisme » les réalistes qui affirment qu’une UE qui se définit comme une « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » est irréformable car constitutivement totalitaire !

L’extrême-droite pressée par les milieux patronaux et par la haute hiérarchie catholique massivement europhile a jeté son masque anti-UE à la poubelle. La clarté y gagne. Il ne reste que la vraie gauche patriotique et populaire aux côtés des ouvriers et employés pour exiger un Frexit progressiste. C’est seulement ainsi que la France insoumise agrégera autre chose que les fantômes solfériniens et les bureaucrates européanisés et que, très au-delà de la petite gauche incarnée par Clémentine Autain, et dans les conditions d’aujourd’hui, elle refera vivre l’esprit conquérant et rassembleur du Conseil National de la Résistance... et de la Renaissance française !

A lire : Avec le PGE le PCF soutient Tsipras, Syria et l’UE qui écrasent les travailleurs

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