Ci-après, les déclarations du diplomate cubain.
La Loi Helms-Burton est-elle applicable à Cuba ?
La Loi Helms-Burton n’est pas applicable à Cuba pour la bonne raison que c’est une loi des Etats-Unis, et que sa juridiction, son espace d’application sont par conséquent les Etats-Unis. Aucun pays souverain qui se respecte ne permettrait l’application extraterritoriale d’une loi des Etats-Unis ou d’un autre pays sur son territoire.
De plus, Cuba a adopté en 1996 une loi qui déclare la Loi Helms-Burton nulle et non avenue, si bien que son application est impossible à Cuba.
Quelles sont les principales dispositions de la Loi Helms-Burton ?
La Loi Helms-Burton est une loi très vaste et très complexe. À cet égard, elle est assez singulière. Il en existe très peu de ce genre, si tant qu’il en existe, aux Etats-Unis, car elle prétend définir sur le plan juridique quelle doit être l’attitude du gouvernement étasunien sur un thème de politique extérieure concret, à savoir Cuba.
La loi poursuit plusieurs objectifs. Tout d’abord, internationaliser le blocus économique, faire en sorte que la communauté internationale, au lieu de le condamner comme elle le fait année après année, s’incorpore au système de sanctions contre Cuba. C’est si vrai que la loi prévoit même que le département d’État fasse rapport au Congrès tous les ans sur la façon dont les autres pays appliquent ces sanctions à l’échelle internationale.
La loi vise aussi à perpétuer le blocus en le codifiant. Le blocus existait déjà, mais il relevait essentiellement des prérogatives du président des Etats-Unis. Ce qu’a fait la Loi Helms-Burton en 1996, c’est le « codifier », autrement dit établir que toutes les mesures de blocus existantes et à venir se convertissent en un acte législatif que seul le Congrès peut modifier. La loi vise à perpétuer l’hostilité entre Cuba et les Etats-Unis et à saboter toute possibilité qu’une administration étasunienne décide, préfère ou envisage que le blocus ne répond plus aux intérêts des Etats-Unis et penche donc pour un arrangement différent.
La loi vise aussi à dissuader les investisseurs, à empêcher que du capital étranger entre à Cuba sous forme d’investissement. Voilà pourquoi certains articles de la Loi Helms-Burton visent à punir l’investisseur étranger qui investirait dans des biens que la Révolution a nationalisés dans les années 60, sous prétexte que ces nationalisations étaient illégitimes ou indues.
Finalement, la Loi Helms-Burton établit une espèce de programme sur ce que sera l’avenir de Cuba une fois que la Révolution aura été liquidée, au point que notre pays serait absolument privé de la moindre souveraineté.
Elle établit une période de transition durant laquelle un administrateur – étasunien, bien entendu – nommé par Washington se chargera de garantir la démolition de tout ce qui signifie le pouvoir révolutionnaire, le système de justice sociale, le système socialiste dans notre pays.
Mais cet administrateur aurait surtout comme mission de concrétiser une des visées les plus importantes de la Loi Helms-Burton : que les biens nationalisés par la Révolution ou abandonnés par leurs propriétaires soient restitués à ceux-ci, qu’ils aient été ou non Etasuniens, ou alors que les anciens propriétaires soient indemnisés pour les sommes qu’ils auraient fixées eux-mêmes. Autrement dit, si cela se fait, pratiquement chaque Cubain sera touché : le logement où il vit, la communauté où se trouve son édifice, l’école où va ses enfants, l’hôpital où il se fait soigner, lui et sa famille, son lieu de travail, l’endroit où il a installé son affaire privée, le terrain qu’il cultive s’il est agriculteur, etc. Tout ceci, les plaignants [étasuniens ou cubano-étasuniens] pourraient le réclamer matériellement ou toucher une indemnisation à ce titre.
Et, selon ce que stipule la Loi Helms-Burton, tant que la totalité des biens n’aura pas été restituée ou la totalité des indemnisations versée, le blocus ne sera pas levé ! Telles sont les visées de la Loi Helms-Burton.
Le gouvernement cubain est-il disposé à verser des indemnisations aux Étatsuniens dont les propriétés ont été confisquées après 1959 ?
Ce que Cuba est disposée à faire, elle l’a affirmé dans les années 60 au moment des nationalisations, et elle l’a ratifié ensuite lors de l’adoption, en décembre 1996, de la « Loi de réaffirmation de la dignité et de la souveraineté cubaines » : engager des négociations avec le gouvernement étasunien à la recherche d’un accord sur le montant total à verser, à titre d’indemnisation, aux anciens plaignants. Par « anciens », je veux parler de ceux qu’a reconnus la Commission étasunienne des réclamations étrangères, autrement dit 5 903 personnes. Mais la loi de 1996 précise que ces négociations se réaliseront en même temps que des discussions sur les indemnisations auxquelles ont droit l’État et le peuple cubains pour les dommages matériels, psychologiques et personnels causés par les agressions militaires, le terrorisme, les sanctions économiques et les privations de toutes sortes dont ils ont été victimes pendant des années de la part du gouvernement étasunien. Dans ce cadre, Cuba est prête à arriver avec celui-ci à un arrangement sur des compensations mutuelles.
Peut-on dire que le blocus des USA commencerait pour de bon une fois la Loi Helms-Burton appliquée ?
Certains présument que le blocus économique a démarré en 1996 avec l’application de la Loi Helms-Burton. C’est faux. Le blocus a démarré au début de la Révolution. Officiellement, en 1962, quand le président Kennedy a émis un décret exécutif, en se fondant sur une loi de 1917, en pleine Première Guerre mondiale, puis d’autres décrets qui interdisaient le commerce avec Cuba, interdisaient aux cargos étasuniens d’accoster à Cuba, interdisaient les transactions financières, etc., et ces actions légales se sont succédées au fil des années, jusqu’à la Loi Helms-Burton. Mais il faut dire que les sanctions contre Cuba, que le blocus avaient commencé avant 1962. Car la première chose qu’a faite l’administration étasunienne, c’est, dès juillet 1960, réduire nos quotas d’exportations de sucre sur le marché des USA, dont dépendait l’économie cubaine. Tel a été le premier vrai acte d’agression et de sanction, qui visait à provoquer des pénuries, des privations, de la faim à Cuba afin de saper la volonté politique du peuple cubain et d’entraîner le renversement du Gouvernement révolutionnaire.
Qu’est-ce qu’implique l’application de la Loi Helms-Burton dans les relations entre Cuba et les Etats-Unis ?
Le problème clef des relations avec les Etats-Unis, c’est qu’aucune de leurs administrations n’a jamais voulu reconnaître que Cuba est un pays souverain, qu’elle a droit de l’être, et que le peuple cubain est absolument et fermement résolu à défendre ce droit souverain de bâtir son propre avenir. Et c’est un problème, parce que, compte tenu de l’asymétrie de puissance entre les deux pays, de nombreux politiciens étasuniens pensent que leur gouvernement a la capacité et le pouvoir de soumettre le peuple cubain et de le faire plier à coups de sanctions, à coups de pressions. L’Histoire a prouvé que c’est faux. La Loi Helms-Burton visait cet objectif en 1996. Il suffit d’écouter les discours prononcés à cette époque-là, les arguments présentés par plusieurs politiciens des Etats-Unis pour justifier la nécessité de cette loi. À écouter ces débats-là, n’importe quelle personne désinformée aurait pu penser que la Révolution cubaine n’en avait plus que pour quelques mois, voire quelques semaines. L’Histoire, je le répète, a dit le contraire. Aujourd’hui, à nouveau, les USA s’efforcent de mettre en œuvre quelques attributs additionnels de la Loi Helms-Burton, et le résultat sera le même qu’en 1996 !
Mais nous relèverons le défi. Cuba continuera de résister comme elle l’a fait à ce jour, en faisant preuve de créativité, en s’efforçant de se développer, en progressant, en tentant d’améliorer le bien-être de la population, avec toujours comme axe la justice sociale. Nous garantissons à nos partenaires étrangers, aux autres pays du monde que leurs investissements à Cuba sont protégés par les lois cubaines, par le droit international, par leurs propres lois, et qu’il est absolument légitime de faire des affaires avec notre pays et de les accroître.
Le peuple cubain a prouvé sa fidélité à la Révolution et démontré aussi tout au long de l’histoire qu’il refuse catégoriquement les prétentions de n’importe quelle puissance étrangère, fût-ce les Etats-Unis, de le soumettre. Notre pays, en soixante ans de Révolution, n’a pas eu un seul instant de repos face à l’agressivité des Etats-Unis ! Ils ont été tantôt plus agressifs, tantôt moins, mais ils l’ont toujours été. Notre peuple est prêt, il a de l’expérience, il a vécu les moments terribles de la Période spéciale, et aujourd’hui nous sommes loin d’être dans des conditions aussi difficiles. Nous sommes parvenus à surmonter les difficultés et les dures périodes du passé, et nous serons capables de le faire en ces moments-ci.
La Loi Helms-Burton est un point important sur lequel tous les Cubains doivent être informés et qu’ils doivent comprendre, tout comme les Latino-Américains. Il est très important que nous partagions des informations, que nous nous unissions et que nous dénoncions la Loi Helms-Burton comme une action de l’impérialisme contre toute Notre Amérique.
(Tiré de Cubaminrex->http://www.minrex.gob.cu/es])
http://www.cubadebate.cu/noticias/2019/03/21/fernandez-de-cossio-la-ley-helms-burton-no-es-aplicable-en-cuba/#.XJPcW2Mv590
CI-APRÈS, JACQUES-FRANÇOIS BONALDI OFFRE D’AUTRES PRÉCISIONS SUR LA LOI HELMS-BURTON À PARTIR DE TROIS TEXTES ÉCRITS PAR LE PASSÉ MAIS TOUJOURS, HÉLAS, ACTUELS…
Un grain de maïs, Conversation entre Fidel Castro et Tomás Borge, Paris, 1997, Le Temps des Cerises, pp. 252-255, traduction et notes de Jacques-François Bonaldi.
[…] le 12 avril 1996, alors qu’il s’y était opposé avant, Clinton, entouré des législateurs d’origine cubaine représentant ce qu’on appelle dans l’île la mafia cubaine anticastriste, signait la loi Helms-Burton, signalant qu’il s’agissait là « d’un puissant message au gouvernement de Fidel Castro pour qu’il sache que les Etats-Unis soutiendront ceux qui cherchent la liberté et la démocratie à Cuba », et réitérant qu’il travaillerait à « une transition libre et pacifique vers la démocratie à Cuba ». La loi Helms-Burton, du nom de deux législateurs d’extrême-droite,
a) demande au président de chercher à ce que le Conseil de sécurité des Nations Unies universalise le blocus nord-américain contre Cuba ;
b) codifie et convertit en loi tous les ordres exécutifs faisant déjà partie du blocus en vigueur, de sorte que le locataire de la Maison-Blanche ne pourra plus les modifier ou les déroger sans l’autorisation du Congrès : ainsi, pour la première fois depuis l’indépendance des USA, un président renonçait, pour des raisons essentiellement de politique électorale intérieure et pour se concilier un Sénat et une Chambre contrôlés par ses adversaires, à la prérogative qui était la sienne de conduire comme il l’entend la politique extérieure du pays ;
c) ordonne au président de voter contre l’entrée de Cuba dans des organisations internationales et contre tout prêt de six organisations multilatérales de financement (dont le Fonds monétaire internationale, la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement) ;
d) autorise tout citoyen (naturel ou naturalisé) à saisir les tribunaux nord-américains contre toute personne naturelle ou juridique qui tirerait profit de biens (d’une valeur minimale de 50 000 dollars) qui lui auraient été confisqués, de sorte que non seulement les Nord-Américains, mais encore les Cubains naturalisés pourront désormais porter plainte contre toute personne ou compagnie étrangère qui ferait des investissements à Cuba dans des biens nationalisés leur ayant appartenu autrefois ;
e) ordonne que les visas d’entrée aux USA soient refusés aux personnes ou aux représentants de compagnies installées à Cuba (et à leurs familles) ;
f) exige que le traitement des anciens pays socialistes à Cuba se fasse sur des termes strictement commerciaux et sans subvention ;
g) ordonne de doter la TV Martí (chaîne illégale tournée contre Cuba) d’un émetteur UHF plus difficile à brouiller ;
h) habilite le président à retirer l’aide nord-américaine à tout pays qui coopérerait à l’achèvement de la centrale nucléaire en construction à Cuba pour un montant égal au crédit que le pays en question octroierait à Cuba ;
i) autorise le président à concrétiser des échanges de bureaux de presse entre les deux pays, à condition que Cuba garantisse le libre déplacement des journalistes nord-américains.
Telle est la mouture adoptée par le Congrès et entérinée par Clinton au terme de plus d’une année de tractations entre les parties impliquées. Bien entendu, le titre III relatif aux procès pouvant être engagés contre des investisseurs étrangers a soulevé un tollé général, au point que les USA se sont mis à dos leurs plus fidèles alliés dont aucun ne peut reconnaître que des lois d’un pays puissent avoir effet contre des citoyens d’un autre pays (extraterritorialité), et la polémique en est arrivée au point que l’Union européenne a engagé une action devant l’Organisation mondiale du commerce pour que celle-ci décide de la légalité des actions nord-américaines, au grand dam des USA qui accusent le reste du monde de ne pas les seconder dans leur combat contre le communisme.
De son côté, l’Assemblée nationale du pouvoir populaire a, le 24 décembre 1996, adopté la « Loi de réaffirmation de la dignité et de souveraineté cubaines » qui « déclare la loi Helms-Burton illicite, inapplicable, sans valeur et sans le moindre effet juridique, de sorte qu’est considérée nulle toute réclamation faite aux termes de celle-ci par un personne naturelle ou juridique, de quelque citoyenneté ou nationalité qu’elle soit » ; réaffirme la disposition de Cuba d’arriver, comme cela a été fait avec d’autres gouvernements concernés, à un accord avec les USA pour des compensations adéquates et justes, mais uniquement vis-à-vis des personnes qui étaient alors Nord-Américaines (ce qui invalide toute réclamation de Cubains devenus ensuite Nord-Américains), ces compensations devant prendre en compte, toutefois, les indemnisations auxquelles ont droit l’État et le peuple cubains pour les dommages et préjudices causés par le blocus et les agressions de toutes sortes des Etats-Unis. De toute façon, tout Nord-Américain ayant fait usage des mécanismes de la loi Helms-Burton contre Cuba sera exclu de toutes éventuelles négociations portant sur des indemnisations. Par ailleurs, le gouvernement cubain devra prendre toutes les mesures requises pour protéger les investisseurs étrangers. De plus, les personnes naturelles ou juridiques cubaines ayant été victimes d’actions réalisées ou soutenues par le gouvernement nord-américain pourront réclamer les indemnisations correspondantes devant des commissions de réclamations mises en place par le ministère de la Justice, ces actions incluant les assassinats, lésions et dommages économiques causés par les tortionnaires et les assassins de la tyrannie batistienne, et par les saboteurs et criminels au service de l’impérialisme nord-américain à compter du 1er janvier 1959.
En signant la loi Helms-Burton, Clinton s’était toutefois réservé le droit de suspendre pendant six mois l’application du titre III sur les actions en justice contre les investisseurs étrangers, puis il l’a de nouveau fait au terme de ce délai, compte tenu du tollé général qu’a soulevé cette prétention de la Maison-Blanche et du Congrès. N’empêche que, contraint et forcé par les termes mêmes de la loi (section 202 G), il a dû présenter au Congrès, le 28 janvier 1997, un document intitulé « Soutien à un transition démocratique à Cuba », qui définit par le détail toutes les actions qu’entreprendra la Maison-Blanche et que devra exécuter le gouvernement démocratique issu de l’après-castrisme, pendant la période de transition qui durera aussi longtemps que Washington n’aura pas certifié au Congrès qu’il existe bel et bien un gouvernement démocratique à Cuba et, surtout, que celui-ci a exécuté au pied de la lettre toutes les mesures contenues dans le document, qui vont depuis la privatisation d’à peu près tout dans les instances tant de structure que de superstructure, dans le plus pur style néo-libéral (à commencer par l’enseignement, la santé publique, la justice, les services communaux, le transport, l’énergie électrique, etc.) jusqu’à l’indemnisation de tous les anciens propriétaires dont les biens ont été nationalisés ou à la restitution de ces biens. Durant toute cette période de transition, le blocus ne sera pas levé. Par ailleurs, le document de Clinton entre en contradiction avec les termes mêmes de la loi Helms-Burton. Ainsi, plusieurs milliards de dollars seraient censément dégagés par les organisations de financement multilatérales pour contribuer à la restructuration de l’économie cubaine (les USA ne s’engageant pas le moins du monde à verser le moindre sou pour contribuer à cette transition) : or, la Helms-Burton stipule très clairement que Cuba ne pourra bénéficier d’aucun financement de ces organisations ni y être admise durant la période de transition démocratique et que les USA analyseront cette possibilité une fois la démocratie installée à Cuba, autrement dit, ensuite. Le document avance un délai de six ans pour que la transition « ait assez progressé » et qu’on puisse alors considérer la transition terminée, mais n’est rien n’est sûr.
Bref, il s’agit là d’un amendent Platt encore pire que celui de 1902. À Cuba, on appelle ça la loi de l’esclavage, ou de la recolonisation. Bien entendu, cette loi Helms-Burton et ce document de Clinton qui vient la préciser ne sont applicables qu’aux USA. Clôturant un congrès pédagogique latino-américain réunissant plus de 5 000 éducateurs, Fidel Castro s’exclamait le 7 février 1997 :
« Qui a dit au gouvernement des Etats-Unis qu’il a le droit divin de faire des programmes de gouvernement pour un autre pays ? Qui lui a dit qu’il a le droit d’établir un gouvernement de transition ? Qui lui a dit qu’il a le droit de fouler ainsi au pied la dignité, l’honneur et la souveraineté d’un peuple, et de lui dire le régime social qu’il doit avoir ? Parce que, si c’est ainsi, nous pourrions à notre tour recommander un gouvernement de transition aux Etats-Unis, qui balaie toute cette ordure de capitalisme qui, aujourd’hui plus que jamais, oublie les pauvres, les personnes âgées, les malades, dans ce pays qui est le plus violent au monde, qui consomme le plus de drogues au monde, où le taux d’enfants de moins de quinze ans se suicidant ou assassinés par suite de la violence est le plus élevé au monde, où la différence entre les riches et les pauvres est la plus grande. Pourquoi n’établissent-ils pas un gouvernement de transition pour balaie toute cette ordure... ? [...] Non, monsieur Clinton, il n’y aura pas de gouvernement de transition à Cuba ! Parce que le gouvernement de transition a surgi avec la Révolution ! [...] Il n’y aura pas de transition du socialisme au capitalisme dans notre pays, jamais ! Il n’y aura pas de retour au joug et à l’esclavage ! [...] Ils savent d’ailleurs, ou ils devraient le savoir, que toutes ces choses-là qu’ils planifient, ils ne peuvent les imposer qu’en versant le sang, qu’en exterminant un peuple entier. Tant qu’il y aura un révolutionnaire dans ce pays-ci - et ils sont nombreux - ... il n’y aura pas de transition du socialisme au capitalisme à Cuba ! »
Lettre ouverte à Dominique de Villepin, 24 juillet 2003 (extrait)
[…]
Le plus triste dans tout ça, c’est que la France, et l’Europe avec elle, nous refait le coup de la loi Helms-Burton ! Comme vous n’étiez pas ministre des Affaires étrangères à l’époque, je me permets de vous rappeler l’épisode : l’Europe avait protesté comme un seul homme contre l’extraterritorialité de ladite loi nord-américaine (1996) qui, en plus de préparer par le menu le futur « démocratique » de Cuba – ce que beaucoup ignorent – comporte un volet aux termes duquel les investisseurs étrangers dans l’île sont passibles de sanctions devant les tribunaux des USA à la moindre demande légale, justifiée ou non, des anciens propriétaires non seulement nord-américains mais même cubains. Bref, l’Europe était partie en guerre et menaçait de saisir l’OMC. Tiens, s’était-on dit à Cuba, enfin un peu de justice ! Mais ce ne fut que poudre mouillée. De nouveau, le « mâtin » du monde – ce n’était pas Bush junior, mais Clinton, mais comme vous le constatez, pour Cuba républicains et démocrates c’est à peu près bonnet blanc et blanc bonnet – montra les dents et notre fière Europe se hâta de faire retraite avec armes et bagages. Résultat : au sommet du G7 à Birmingham, en mai 1998, elle s’engagea à ne rien faire devant l’OMC tandis que les USA acceptaient, eux, de ne pas appliquer aussitôt ce volet III de la loi Helms-Burton et d’analyser l’éventualité de sa mise en œuvre tous les six mois (un compromis que même Bush fils, ce fondamentaliste fanatique qui ne rêve que d’en découdre avec la Révolution cubaine, a repris à son compte et vient de renouveler tout récemment). Et le monde soupira soulagé : il n’y aurait pas de guerre entre les Grands de ce monde pour défendre un principe de souveraineté et d’indépendance ! Et la petite Cuba fut le pigeon dans l’affaire.
« Contre la révolution cubaine, c’est toutes tendances confondues », 14 mai 2009 (extrait)
Trois ans à peine après son entrée à la Maison-Blanche (1996), Clinton signait la fameuse Loi Helms-Burton, l’une des plus punitives et des plus extraterritoriales qui soient, concoctée et rédigée par la mafia terroriste cubano-américaine (FNAC ou Fondation nationale cubano-américaine) et par les avocats de Bacardi, pour faire rendre gorge au trublion qui, six ans après l’effondrement du communisme est-européen, s’entêtait à croire qu’il pouvait exister de meilleurs lendemains hors du capitalisme.
Du néoconservateur Bush père au néolibéral Clinton, rien n’avait changé pour Cuba : les terroristes de Miami continuaient d’avoir les coudées franches pour agir, la mafia de Miami continuait de faire la loi et le droit en matière cubaine ; la Loi d’ajustement cubain continuait d’engloutir son lot de victimes dans le golfe du Mexique ; la loi Torricelli, votée en 1992, continuait de sévir et d’empêcher, entre autres rétorsions, les filiales étrangères de sociétés étasuniennes de faire du commerce avec Cuba ; le département d’État maintenait intacte la manœuvre annuelle de ses prédécesseurs à la Commission des droits de l’homme de Genève pour y faire condamner Cuba. Etc., etc., etc., comme dirait Raúl et Fidel… La liste serait interminable. Bref, tout était à l’identique.
Ce n’est pas non plus Bush qui a inventé « l’après-Castro » avec sa fameuse « Commission présidentielle pour aider à libérer Cuba » (le vrai sens de son intitulé officiel : « Commission présidentielle d’aide à Cuba libre »), son proconsul chargé de veiller à son implantation une fois les carottes cuites, et son énorme Rapport de 2004 qui détaille jusque dans ses moindres détails sur cinq cents pages ce que devra redevenir l’île que les médias ne pourraient plus qualifier – ouf ! – de « communiste » pour être réintégrée dans le giron de la civilisation politique judéo-chrétienne. Non, là encore, Bush n’a fait que pousser jusqu’à la caricature la plus ridicule et la plus cruelle la politique que Clinton (et ses prédécesseurs) avait mise en place avant lui. Car la loi Helms-Burton contenait non seulement un durcissement du blocus économique, commercial et financier en place depuis 1962, mais aussi une sorte de première mouture de ce que Cuba devait être après la chute du castrisme : le « rapport Clinton » de 1996 n’est pas aussi détaillé que le « Rapport Bush » de 2004 (avec sa version corrigée et révisée 2006), mais il partait des mêmes tenants et cherchait les mêmes aboutissants.
Sous Clinton tout comme sous Bush Jr., la mafia terroriste cubano-américaine de Miami continuait de faire la loi et de dicter la politique cubaine (ou plutôt « anticubaine ») de la Maison-Blanche. C’est justement à cause de cette latitude de manœuvre qu’elle s’arrangea pour, ainsi dire, « coincer » Clinton au tournant. Elle peaufina l’épisode des avionnettes de « Hermanos al rescate » (Frères à la rescousse) du 24 février 1996 – date historique choisie à dessein, puisque c’est ce jour-là de 1895 que reprenait la guerre d’Indépendance cubaine organisée par José Martí – pour pousser Clinton dans ses derniers retranchements, parce qu’elle s’était bien rendue compte que le bonhomme ne risquerait pas sa vie à défendre les derniers remparts de ses principes et qu’il lui serait assez facile de lui faire manger au râtelier de l’aile terroriste de Miami le picotin d’avoine dont il avait dit ne pas vouloir.
Son épouse d’alors et de maintenant et actuelle secrétaire d’État d’Obama vient d’ailleurs d’évoquer cet épisode, le 22 avril dernier, devant une sous-commission du Sénat : « Je me rappelle bien quand ces deux petits avions, désarmés, qui ne faisaient rien d’autre que de larguer des tracts, ont été abattus par le régime castriste. » La mémoire fortement sélective ou oublieuse d’Hillary Clinton prêterait à rire si les choses n’étaient pas si sérieuses : car le département d’Etat, la Maison-Blanche, les autorités pertinentes et les organes chargés de faire respecter la loi (comme on dit en anglais) étaient parfaitement au courant de la provocation absolument « annoncée » que Basulto, chef de Frères à la rescousse, préparait avec deux autres « petits avions désarmés » contre La Havane. Je ne vais pas retracer l’épisode. Toujours est-il que si l’administration Clinton n’avait pas été si tolérante envers les terroristes de Miami et avait interdit le décollage des trois Cessna (à usage militaire), d’autant que le « régime castriste » l’avait avertie, à bout de patience (ce n’était pas le premier vol, loin de là), des conséquences si la bande à Basulto survolait une nouvelle fois La Havane, les relations entre les deux pays auraient poursuivi sans plus leur mauvais train-train habituel.
La mafia de Miami n’attendait que ça : criant au crime, poussant des cris de putois, elle exerça de très fortes pressions sur l’administration et le beau Bill – sans trop rechigner, ma foi – signa la Loi Helms-Burton. Si violatrice du droit international que l’Union européenne (encore Communauté) fit semblant de prendre la mouche et de montrer les dents, menaça de présenter le cas devant le tribunal de l’OMC, puis y renonça après que Clinton lui passa la main dans le sens du poil et promis – juré craché – qu’il allait tout faire pour arranger les choses… Ce qu’il ne fit jamais, bien entendu. La Communauté européenne n’allait tout de même pas se fâcher avec la « Grande Démocratie », alliée et amie, pour un « régime communiste » qui refuse, qui plus est, de passer sous les fourches caudines… !