POUR UN SERVICE PUBLIC DE LA SECURITE ROUTIERE
Les dernières décisions sur la « sécurité routière », et notamment la limite à 80 km/h ont plusieurs objectifs que je vais tenter de synthétiser plus bas.
- Indiquons tout d’abord que l’objectif de sécurisation n’est pas du tout central.
- Soulignons que depuis plusieurs années, la baisse du nombre de morts et d’accidents est remarquable par simplement du point de vue absolu (graphique de gauche), mais surtout relatif, c’est-à-dire si l’on prend en compte de « l’intensité de la circulation », c’est-à-dire le nombre de véhicules en circulation effective (graphique de droite). En d’autres termes, le nombre de morts recule alors que le nombre de véhicules en circulation effective augmente. Ce résultat est donc remarquable.
L’implantation des radars et la peur du gendarme sont toujours évoquées pour expliquer cette baisse, justifiant à nouveau, devant la remontée légère du nombre de tués (2013-2016), la décision de baisser sur les voies secondaires la vitesse à 80 km/h.
Dans la réalité, les explications sont multifactorielles :
- Amélioration technologique des véhicules (ABS, ASP, Airbag) et carrosserie,
- Système d’information embarqué (GPS et autre) qui permettent de connaître la situation de la route en amont (voiture arrêté, bouchon, objets sur la voie etc…) et il s’agit là d’une sécurité active, beaucoup plus efficace que tout le reste.
- Extension du domaine autoroutier et voies rapides, sur lesquelles les accidents sont moindres.
- Meilleure utilisation de la part des conducteurs des clignotants et rétroviseurs. Je peux l’affirmer, comme ancien motard ayant repris ce moyen de transport (finalement, moins cher et plus écologique) [1], car je trouve une grande évolution de comportement des automobilistes sur la route, par rapport à il y a 30 ans.
De la voiture à l’isoloir : On le voit, la « radarisation » du territoire et les sanctions ne sont pas les seuls facteurs explicatifs, mais les gouvernements successifs n’ont toujours eu comme politique que celle des sanctions. Car il s’agit au-delà de l’objectif sécuritaire, de nous transformer en « moutons politiques », c’est-à-dire par un « comportement routier de troupeau », influencer notre esprit contre toute réflexion « insoumise ». Je précise ici mon propos, il ne s’agit pas d’être un « insoumis » des règles de conduite (feu rouge, Stop, clignotant etc..), mais il s’agit en imposant des règles qui n’ont rien à voir avec la vraie sécurité routière, d’immiscer en nous un comportement docile sur tous les plans, de la voiture à l’isoloir.
LES VRAIES RAISONS DE LA REDUCTION DE VITESSE : Selon moi, Il y en a trois :
- Faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat en tondant les « prolétaires automobilistes ». Car, avez-vous remarqué, l’essentiel des radars et des contrôles de police (premier service fiscal de France), se font à l’entrée des Métropoles, métropoles concentrant toutes les activités économiques du capitalisme mondialisé, engendrant de fait bouchons, énervements, stress et pollution. L’obligation de ce « nomadisme individuel » forcé (sans moyens réels de transports collectifs modernes) oblige ainsi les « prolétaires » de la Métropole à passer sous les fourches taxatrices, avant que de chercher désespérément une place de parking, de plus payante. De fait alors qu’avant le prolétaire se déplaçait pour gagner sa vie, désormais en se déplaçant, il a déjà perdu, une partie du salaire de sa journée de travail. C’est une honte et un scandale.
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- Adapter l’automobiliste au réseau routier qui se dégrade : Il s’agit là d’appliquer aux voitures, ce qui est déjà appliqué à la SNCF. Le réseau SNCF, pour des choix politiques budgétaires (dettes, priorité TGV etc.) a volontairement délaissé l’entretien et l’investissement nécessaire aux lignes secondaires. Comme il y a danger potentiel, le Management ordonne alors aux trains de rouler moins vite, expliquant les retards, les annulations, et les dysfonctionnements.
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Observons que la décision prise sur les 80 km/h concerne les routes secondaires, qui en effet commencent à se dégrader pouvant de ce fait devenir plus dangereuses. Hors qui a la responsabilité de l’entretien des routes secondaires ? Essentiellement les Départements. Or dans quel état budgétaire sont les Départements et ce qui reste de Communes, notamment avec la diminution drastique de la DGF ? Sachant que les moyens publics nécessaires à l’entretien et l’amélioration du réseau disparaissent, il s’agit d’adapter l’automobiliste au « manque budgétaire », comme on adapte le malade au manque de budget santé (« délais de rendez-vous », « franchise médicale » etc.). Voilà la vraie nature cachée des décisions politiques prises sur le 80 KM/h surtout que dans le même temps, aucune mesure de formation et d’éducation routière n’est prise à côté.
- Nous transformer en moutons politiques : Je ne développe pas, j’ai monté plus haut cet aspect. Il s’agit de transformer le citoyen en « mouton que l’on tond » et que « l’on mène à l’abattoir » après [2]. Il s’agit donc de générer un comportement moutonnier de la route à l’isoloir.
COMPETITIVITE ET VITESSE : Il y a de plus une hypocrisie totale dans un système qui loue en permanence, la compétitivité des entreprises, fondé sur la rentabilité des salariés, c’est-à-dire leur vitesse d’exécution (« Rentabilité du travail ») et qui dénonce cette même vitesse dans les comportements routiers. La vitesse est donc au cœur du fondement de notre système de mondialisation. Si la vitesse est dangereuse, alors il faut la limiter partout et donc notamment dans les échanges financiers spéculatifs, qui aujourd’hui se pratiquent à la nano seconde. C’est de cette vitesse d’ailleurs que surgissent les « accidents financiers » dénommés krachs que les peuples paient par la suite très cher (crise de 2008). On voit donc ici comment la vitesse dans un cas, est un prétexte permettant de justifier des décisions de sanction alors que dans l’autre situation, celle-ci, alors que cause effective de « krachs » n’est ni limité, ni contrôlé…ni taxée (« Taxe Tobin »).
LES GENDARMES COUCHES : Débilité que ce système de « dos d’âne », dont l’objectif est de réduire la vitesse des véhicules. Pour les voitures, incontestablement, elle la réduit, mais j’ai la faiblesse de penser que cela nourrit surtout les magasins de vente d’amortisseurs sans régler la question de la sécurité routière réelle. Par ailleurs, les ignares du « tout sécuritaire » ne savent pas et ne sont toujours pas rendus compte que l’installation de ces équipements sont « transformés » en rampes de lancement pour les jeunes adeptes du deux roues dont l’objectif central devient le « Wheeling » (« Rouler sur une seule roue » pour économiser l’autre évidemment en ces temps d’austérité) …A moto, et j’en suis, ces monticules ridicules, me servent juste à faire comme si j’étais au « Paris-Dakar » et là mes amortisseurs ne craignent rien, ils sont faits pour la piste. Ceci juste pour démontrer, que les solutions du type urgence, il y a terrorisme, ne servent à rien, sur la route ou avec l’islamisme. C’est avant, qu’il faut se poser la question. Après on paie plus cher.
LES PROPOSITIONS ALTERNATIVES POSSIBLES : Il serait vain dans cette contribution de ne faire que critiquer sans se poser la question peut-on faire autrement ? Et je commencerai par les mesures de sanction, pour montrer que je ne suis pas béat…
1] Mesures de sanction
- La mise en place des radars de sanction doit se faire dans les lieux accidentogènes et devant des lieux publics particuliers spécifiques et sans aucune faiblesse (Hôpitaux, maisons de retraite, écoles, universités etc.). Mais pas dans les endroits où le danger n’apparait pas.
- La vitesse en ville, lieu le plus dangereux du fait de l’intensité de circulation peut être réduite à certains endroits et ceci est tout à fait compréhensible (zone 30).
- Interdiction de conduire avec de l’alcool ou de la drogue consommée, qui est la première cause d’accidents mortels (et non pas la vitesse, qui est un facteur aggravant, rarement la cause réelle).
2] Mesures passives : Il s’agit là de mesures d’équipements
- Entretenir et améliorer le réseau routier secondaire, ce qui nécessite un budget conséquent.
- Des feux radars du type Espagnol : Il s’agit non des feux radars de chez nous, pour voir si on passe au rouge (assassin), mais de feux qui se déclenchent en réseau urbain, si vous dépassez le 50 Km/h. C’est d’une efficacité redoutable. Si vous passez le premier feu (orange clignotant) au-delà de 50 Km/h, alors le suivant se mets au rouge et vous êtes obligés de vous arrêter.
- Améliorer l’équipement automobile et notamment les systèmes d’informations qui permettent de savoir ce qui se passe devant, meilleur outil de prévention des accidents.
- Développer les services publics de transport collectifs : Enfin l’un des moyens efficaces serait de baisser de manière importante l’intensité de circulation, notamment en réduisant le « nomadisme salarial » contraint du fait des stratégies de déménagement des entreprises. Il s’agit donc de doubler les installations collectives et notamment ferroviaires, les rendre gratuites et les combiner avec une mobilité douce à l’intérieur des villes (vélo-tramway autres). Or, sur ces questions, au-delà des beaux discours, de salon feutré, les investissements sont à la peine et pénalisent celles et ceux qui souhaitent utiliser des modes alternatifs. Il est de plus insupportable de voir comment les entreprises se déplacent (déménagements) sans jamais prendre en compte les conséquences pour leurs salariés transformés en « nomades permanents », générant stress, pollution et gaspillage (essence brûlé dans les bouchons).
3] Les mesures actives :
- Faire un bilan du permis à points. Il s’agit de voir si ce permis retiré par manque de points n’a pas généré de fait plus de danger, qu’il n’a réglé de problèmes. Voir comment améliorer le système, non en retirant le permis, au bout des douze points, mais si pas d’accidents observé (assurances), obligation de stage long (3 à 5 jours) permettant de récupérer les points et de se mettre à niveau. On passe ainsi d’une démarche sanction couperet, pouvant engendrer de la délinquance grave (conduite sans permis) à une démarche d’accompagnement.
- Passage du permis de conduire : En pratiquant sur route, le vélo, la moto, la voiture et du fait de déménagements des camionnettes, je me suis rendu compte, que la pratique de conduite, et les dangers y afférant sont parfois spécifiques (angles morts, vitesse, freinage, virages etc.). Nous sommes toutes et tous sur route des usagers d’un véhicule, pour lequel nous avons le permis, et nous raisonnons uniquement en fonction du type de véhicule que nous utilisons, sans avoir conscience et connaissance du fait qu’un vélo, une moto, ou une camionnette, n’ont pas les même repères et de fait se conduisent de manière spécifique (ex une moto penche à l’intérieur du virage). Je pense depuis longtemps que le fait de sensibiliser à tous les modes de véhicules au moment du passage de permis, serait un plus essentiel à la construction d’une « politique de sécurité active ». Il ne s’agit pas d’obliger à passer tous les permis à la fois, mais celui qui passe le permis voiture doit être sensibilisé à la conduite moto et camionnette. Aujourd’hui, les simulateurs le permettent et des entretiens avec des conducteurs moto et camion ou cars, peuvent permettre de comprendre les usages différenciés de la route.
- Une régulation du permis de conduire : Pourquoi ne pas aussi envisager des stages réguliers tous les 5 ou 10 ans de contrôle et de remise à niveau. On l’oblige pour les véhicules (contrôle technique) mais pas pour l’humain, que par la suite on rend responsable dans 90 % des cas des accidents. Ce « contrôle accompagnement » pourrait prendre la forme d’un parcours de conduite avec son véhicule sur un parcours non connu à l’avance et aurait comme objectif de faire un bilan des erreurs possibles et de leur nécessaire correction. On ne serait plus dans le « retrait sanction », mais dans « l’accompagnement valorisation ». Les retraits pouvant être maintenus en cas d’accident effectif grave ou de situation de mise en danger de la vie d’autrui (drogue, alcool).
- Une police de la route, pas du fisc : La sécurité routière doit être contrôlée par des policiers assermentés et non acheté à coup de primes de résultat. Trop de policiers, mis sous pression, pour obtenir les résultats d’objectifs de sanctions définis par le management, se positionnent dans les endroits les « plus rentables » en termes de primes. Ceci n’est pas un comportement de service public, mais d’entreprise privée, expliquant la possible sous-traitance des contrôles de vitesse mobiles par des sociétés privées. On n’est plus dans la « sécurité routière », on n’est dans le « business » du fric.
UN VRAI SERVICE PUBLIC DE LA SECURITE ROUTIERE : En guise de conclusion, la mesure prise des seuls 80 Km/h n’a pas comme objectif essentiel, de faire baisser la mortalité et l’insécurité routière, comme les « ordonnances Macron » n’ont pas comme objectif de faire baisser véritablement le chômage.
Se confronter à « l’insécurité routière » nécessite une politique globale se déclinant en plusieurs types d’actions se combinant entre elles pour produire leurs effluves dans le temps.
J’ai ici, suggéré des pistes, mais qui sont d’une toute autre ampleur et qui s’appuie en priorité, non sur la sanction, mais sur l’éducation et le respect de l’autre. Il est sûr que les mesures que je suggère ont le gros défaut de coûter plus cher, en tout cas en apparence, car de fait, le coût de ces mesures (formation, stages etc.) ne peut être imputé aux usagers, mais à l’Etat. Il s’agit d’un choix collectif et non de type individuel.
Rappelons ici, que depuis Neandertal, dans un univers hostile, la meilleure des sécurités individuelles est la sécurité collective.
Ne faudrait-il pas de fait créer un « service public de la sécurité routière » d’intérêt général. On n’arrêterait ainsi de piller les automobilistes, via les auto-écoles.
La question de la sécurité routière n’est pas qu’une question annexe, elle est une question de nature et de contenu politique. Veut-on vraiment développer une politique de sécurité routière, ou veut-on simplement, en simple application de la théorie libérale condamner individuellement le conducteur ?
Veut-on faire de la route un espace public partagé [3] ou veut-on faire de la route un « territoire de plus » offert au « marché libre et non faussé », dans lequel les plus riches, une fois de plus, du fait des gadgets embarqués (système d’informations), pourront passer à travers les mailles des contrôles à l’image de l’optimisation fiscale ?
Le 12 Janvier 2018, Fabrice