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Evo Morales et Rafael Correa dénoncent le siège du Venezuela par les médias privés

Lors du dernier sommet du G 77 + la Chine qui s’est tenu en Bolivie le 14 juin 2014, 133 pays (soit les deux tiers de l’ONU) se sont mis d’accord sur un programme mondial de lutte contre la pauvreté. Lors de la Rencontre Plurinationale des Peuples organisée en prélude au sommet, plusieurs présidents latino-américains ont exprimé leur solidarité avec la révolution bolivarienne. "Les États-Unis trouveront leur deuxième Vietnam au Venezuela s’ils poursuivent leur ingérence" a déclaré le président Evo Morales.

"Toute l’Amérique Latine est avec notre cher Venezuela" a lancé le président Correa. Le mandataire équatorien a rappelé que le Venezuela et les gouvernements de gauche latino-américains ne sont pas seulement assiégés par l’entreprise de restauration conservatrice d’élites régionales "qui nous ont toujours dominés, exclus, mais ont appris de leurs erreurs", mais aussi "par ces instruments de destruction massive de la vérité que sont les médias”.

"Comment peut-on parler de liberté authentique alors que nous dépendons de ce que disent les entreprises possédées par une demi-douzaine de familles ?” s’est exclamé Rafael Correa.

Le siège médiatique contre la révolution bolivarienne s’opère en trois temps. Premièrement, les thèmes à répéter et ceux à occulter sont déterminés par les médias privés hégémoniques dans ce pays. Deuxièmement, les médias internationaux relayent leurs campagnes. Troisièmement, la droite locale déguisée en "peuple", minoritaire dans les urnes mais "majoritaire" médiatiquement, se voit stimulée dans son refus violent d’accepter les résultats des élections. La plupart des journalistes occidentaux ont donc cessé de soutenir la démocratie en Amérique Latine. Maurice Lemoine, concluant sa récente "Lettre au médiateur du Monde" : "Si, demain, sous une forme ou sous une autre, le président Nicolas Maduro est « sorti » du pouvoir par des voies non constitutionnelles, le public français – ou, pour le moins, votre lectorat – n’y verra que du feu, votre version des faits ayant préalablement soigneusement préparé l’opinion à un tel dénouement."

Un peu d’Histoire…

Audience comparée des médias radio et TV au Venezuela (2014). Ce graphique ne rend pas compte des sites internet, médias internationaux (satellite) et presse écrite locale qui sont eux aussi en majorité opposés à la révolution bolivarienne.

En 1998, au Venezuela, 80% des stations de télévision et 97% du secteur de la radio-diffusion (FM) relevaient du secteur privé. Par ailleurs, les moyens de communication communautaires étaient inexistants. Ces médias aux mains du privé, se caractérisaient par une haute concentration de la propriété, tant sur le plan horizontal que vertical.

En 2014, pas moins de 2896 médias opèrent au Venezuela. 2332 d’entre eux sont des entreprises privées. 65,18% appartiennent au secteur privé ; 30,76% dépendent du secteur communautaire ; et à peine 3,22% de l’ensemble, ressortissent au service public.

La multiplication des médias communautaires s’impose comme le changement principal, lié à l’essor de la démocratie participative. A travers eux, c’est l’ensemble de la société qui accède à la communication. Mais il faut rappeler que la grande majorité d’entre eux est pourvue d’une portée seulement locale.

Dans le domaine de la radio-diffusion, 1598 émetteurs appartiennent au secteur privé, 654 dépendent du domaine communautaire et à peine 80 d’entre eux relèvent du service public.

Quant aux chaînes de télévision en signal ouvert, 55 d’entre eux relèvent du secteur privé, 25 du secteur communautaire ; alors que le service public ne possède que 8 d’entre eux.

La quasi totalité de ces médias privés se situent dans l’opposition. Par conséquent, prétendre que l’Etat en serait à exercer son hégémonie dans le domaine de la communication, en s’appuyant sur les faibles moyens dont il dispose, est absurde.

L’exemple du traitement de l’économie et de la politique dans la semaine du 31 mai au 6 juin 2014.

Depuis que Nicolas Maduro légifère contre la guerre économique, les médias privés ont redoublé leurs attaques. Dans la semaine du 31 mai au 6 juin 2014, les journaux El Nacional, El Universal, Últimas Noticias, Tal Cual, El Nuevo País, et 2001 ont consacré 59% de leurs espaces (21.621,98 cm2) à ce thème.

Thématiques et surfaces de la presse nationale : 59% d’attaques contre la gestion du gouvernement, 41% sur l’économie nationale.

Dans leurs pages économiques les journaux privés soulignent sur 17% de leur espace l’augmentation du coût des sept marques d’eau minérale en bouteille dont le prix de vente maximal était gelé depuis novembre 2011, et que plus d’un commerçant vendait cependant avec un surprix.

15% de l’espace a été consacré à manifester une forte opposition à la loi fixant une limite aux niveaux du bail commercial afin de protéger les petits et moyens commerçants, en se faisant l’écho de la campagne de APIUR et de la Chambre Immobilière. Les médias affirment qu’avec cette loi les petits bailleurs vont perdre leurs propriétés, tout en dénonçant ensuite que les plus affectés seront les locataires.

11% de l’espace est consacré à l’Association Nationale des Industriels du Fromage (Aniquesos) qui exige de vendre plus cher le fromage au motif de l’élévation des prix du lait (nous supposons qu’ils considèrent comme plus simple de se fondre dans la chaîne de la spéculation que de d’exiger le contrôle de l’État).

11% sont consacrés à souligner la dette de l’état vis-à-vis des compagnies aériennes sans remarquer que le gouvernement vient précisément de débloquer les fonds en faveur de Aero México, Tame Ecuador, Avianca, Tiara Air, Insel Air y Aruba Airlines et continue à le faire avec les autres lignes aériennes.

Stratégies les plus fréquentes dans la presse écrite : illégitimer les actions du gouvernement (39 cas), légitimer les actions de l’opposition (19 cas), généraliser des intérêts privés (1 cas), rejeter la faute sur le gouvernement (1 cas).

Quand la télévision parle de "crise"…

Pour leur part les télévisions Venevisión, Televen et Globovisión n’ont consacré que 33 minutes de couverture à Nicolás Maduro et ont employé 97% de termes négatifs contre lui.

Venevisión, Televen et Globovisión ont employé 97% de termes négatifs contre Nicolas Maduro.

Cependant le président de la Fédération Nationale d’Éleveurs (Fedenaga), Rubén Darío Barboza, est apparu durant 23 minutes pour parler en termes négatifs du secteur productif et pour conseiller une hausse du prix du lait à 25 bolívars le litre et la viande à 35 bolívars aux éleveurs "parce que la monnaie s’est dévaluée”. Il a justifié la contrebande vers la Colombie avec l’argument connu : "Les producteurs ne peuvent travailler à perte et il existe une offre et une pression économique très grande qui se génère depuis la Colombie. Les commerçants colombiens achètent tout ce qu’ils trouvent parce que tout est trop bon marché en fonction de leur taux de change".

Les thématiques et leurs temps d’antenne par ordre décroissant : crise nationale (49%), persécution politique (9%), abdication du roi d’Espagne (8%), dialogue national (7%), insécurité et faits divers (7%), coup d’État ou magnicide (5%). relance des missions sociales (4%), critique de la gestion gouvernementale (4%), offensive économique gouvernementale (4%), corruption (3%).

Les 49% des espaces télévisés ont été consacrés à parler d’une "crise nationale”. Pour la télévision privée il y a une "crise" qui n’est pas seulement économique mais politique, d’approvisionnement, de santé, de combustible, de construction, de services publics, de lignes aériennes, et même touristique. Dans différents articles certains leaders d’opinion se référaient à Nicolás Maduro comme "président” uniquement parce que le mandataire "aime qu’on l’appelle ainsi".

Le relais international et quelques éléments de réponse…

Les médias privés, nationaux et internationaux (CNN, El País, Le Monde, etc..) reprennent cette matrice locale et s’appuient sur des sources liées à leurs intérêts pour faire croire que le Venezuela est au bord de la banqueroute économique à cause du modèle politique proposé par le gouvernement bolivarien depuis ses débuts. Les "experts" n’évoquent jamais l’existence d’une "guerre économique" ni la volonté de rupture du modèle socialiste, communal, éco-socialiste et participatif qui caractérise l’expérience bolivarienne.

A titre d’exemple, les médias privés cherchent à projeter l’image d’un pays endetté, insolvable, "à risques". En fait, l’imminent "défaut de paiement” que les économistes annoncent depuis le début de la révolution bolivarienne ne repose sur aucune base. Même dans les moments les plus difficiles de la gestion de Hugo Chávez, quand les marchés internationaux l’obligeaient à payer des bons très élevés à cause de la "peur" et de l’"insécurité" que généraient ses mesures révolutionnaires, le Venezuela n’a jamais cessé d’honorer ses paiements. Pas plus lors de la crise de 2012-2013, à la suite du décès du président et des conflits qui entourèrent les premiers jours du gouvernement Maduro, lorsque les investisseurs décidèrent de vendre massivement leurs positions, ce qui généra un effondrement des prix. Il n’ y aura pas de "default" aujourd’hui à moins le gouvernement ne subisse un effondrement du marché pétrolier, hypothèse hautement improbable.

Le chiffre d’affaires pétrolier est absolument stable, tant du point de vue du prix du brut que des niveaux de commercialisation. Le prix moyen annuel du baril de pétrole est de 98,56 dollars avec une exportation estimée à 2,2 millions de barils de brut et de dérivés. Comme on le sait les réserves prouvées de 298 milliards de barils font du Venezuela le leader planétaire en la matière. Même la droite répète constamment que sous ce gouvernement "les revenus pétroliers ont été les plus élevés de notre histoire". Il en est de même pour le revenu produit par les impôts, produit de l’activité économique et d’un contrôle plus strict des déclarations.

Le problème pour les médias privés est que 64% de ces revenus sont consacrés aux programmes d’éducation, de santé, de sport, de sécurité sociale, d’alimentation et ne vont plus remplir les comptes bancaires d’une élite. Le Venezuela maintient les accords et les prêts accordés à travers le programme Petrocaribe (malgré une légère baisse lors des neuf premiers mois de 2013 pour atteindre une plus grand stabilité) auquel vient d’adhérer le Salvador. Le gouvernement vénézuélien vient de recevoir l’appui de Rosneft, le géant russe, pour moderniser l’activité pétrolière.

La fuite de dollars à travers les fraudes de CADIVI a été pratiquement stoppée et le Venezuela est en voie d’équilibrer la dépendance des importations à travers la stimulation de la production interne.

Pour créer des situations de panique, les chiffres de "pénurie" dans le pays sont largement surestimés, la plupart des commerces privés et publics continuent à offrir la gamme quasi complète des produits. Paradoxalement les pénuries peuvent être en partie provoquées par des campagnes médiatiques qui poussent les consommateurs au surachat de tel ou tel article au motif qu’il va disparaître. Il faut prendre en compte la grande quantité de produits revendus dans le secteur informel, voire par des circuits mafieux. En tout état de cause le dernier rapport de la Banque Centrale montre que les 20 aliments de base dont le lait écrémé, les compotes, la farine de maïs pré-cuite enregistrent une pénurie de près de 30%, un chiffre moindre que celui des mois antérieurs, grâce à diverses mesures liées aux importations, la remise de dollars à travers le CenCoEx à certaines entreprises et les légères augmentations officielles de prix sur des produits contrôlés, pour réduire certains déphasages avec le coût de production.

Bien que l’inflation accumulée sur les 5 premiers mois de 2014 est de 23%, certains médias continuent à parler de "60 %" ou "80 %" d’inflation.

Enfin, les statistiques de la Banque Centrale indiquent que les réserves internationales du Venezuela sont au 9 juin de 22, 536 milliards de dollars, soit une augmentation de 9 % en un mois. Cette augmentation de l’effectif permet d’accélérer la remise de dollars au secteur privé pour ses transactions à l’extérieur.

Sources : AVN, Ciudad CCS et Misión Verdad : http://misionverdad.com/matrices/en-los-medios-el-personaje-la-crisis-le-gano-a-leopoldo-lopez et http://misionverdad.com/la-guerra-en-venezuela/el-falso-colapso-economico-y-la-realidad-que-nos-ocultan

Traduction : Thierry Deronne

»» http://venezuelainfos.wordpress.com...
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