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La grande majorité de la population ne vote pas.

Élire ou ne pas élire ? Telle est la question…

Il n’y a pas si longtemps, nous vivions les périodes électorales. Un moment particulier sur lequel il faut pouvoir revenir, car ils contiennent une grande partie de ce que signifie, aujourd’hui, « être citoyen d’un pays, d’une région ».

Au premier abord, c’est simple et même plutôt sympathique : au bord des routes et à côté des arbres se trouvent des affiches présentant des hommes et des femmes souriants. Des personnages bien habillés qui – on le sait bien – ne vendent ni des articles ménagers ni des créations vestimentaires. En fait, s’ils sont si souriants à l’égard des passants, c’est qu’ils attendent que nous votions pour eux. Or, ce qu’il y a d’étonnant ici, c’est que l’on puisse toujours croire à ces promesses enchantées et participer à ce jeu qui n’est pas le nôtre, mais le leur. Que l’on vote par convention, par rituel, par servitude volontaire (l’autre est meilleur que moi !), par devoir ou par naïveté (les élus vont travailler pour moi !), tout ramène à une sorte de mythologie politique, à une sorte de religion laïque des temps modernes où le sujet ne prie plus le ciel, mais les faces qu’on lui donne à voir.

C’est pour cette raison qu’à la place du terme « démocratie », que l’on utilise aujourd’hui lorsqu’on se réfère à notre régime politique, il serait plus correct d’utiliser désormais le terme de « gouvernement représentatif ». En utilisant ce terme plutôt que celui de démocratie, on prend une démarche d’honnêteté qui recentre notre regard vers une « réalité », sans maquillage et sans trucage. À partir de là, on se donne la possibilité de construire quelque chose d’autre sur une base consistante éloignée des contes populistes et des hypocrisies politiques. En ce qui concerne la « démocratie » à proprement parler, je dirais qu’elle est – si on veut la définir – un instrument à l’usage des citoyens pour les citoyens, un instrument commun de débat visant à transformer des idées en actions concertées. Le terme « démocratie » ne devrait se référer qu’à un régime politique dans lequel les citoyens exercent directement le pouvoir (démocratie directe). Or, bien entendu, la population que nous sommes, tous ensemble, rend caduque cette possibilité. C’est pour cela qu’à travers cette critique des élections, le lecteur doit pouvoir percevoir une critique plus profonde qui s’attaque à la notion d’État-nation. Cette souveraineté qui doit nous rassembler sous un même drapeau ne peut fonctionner que de manière pyramidale et duel : il y a ceux qui gouvernent et ceux qui travaillent. Ce qu’il faut comprendre c’est que l’État-nation ne peut surtout rien changer, puisqu’il est tellement éloigné de la vie de tous les jours, qu’il reste une idée abstraite pendant que le marché – celui qui donne le pouvoir aux riches et le retire aux pauvres, celui qui valorise le calculable pour délégitimer l’incalculable – régule en même temps qu’il opprime les hommes et la nature.

Mais revenons à nos élections pour souligner le fait que la grande majorité de la population ne vote simplement pas. En effet, elle a d’autres choses à faire et ces choses – pense-t-elle – la politique ne les fera pas à sa place. D’un côté, elle a raison parce qu’elle reconnait la manipulation où d’autres voient la participation ; de l’autre côté, elle ne se rend pas compte comment elle participe également à la danse de ceux qui l’exploitent sans en avoir l’air. John Lennon ne chantait-il pas à ce propos : « But first you must learn how to smile as you kill. If you want to be like the folks on the hill » (mais, en premier, vous devez apprendre à sourire en tuant si vous voulez ressembler aux « gens sur la colline ») ?!

Par ailleurs, on ne le dira jamais assez, le système politique – tel qu’il se présente aujourd’hui – a tout intérêt à ne pas s’occuper de cette majorité et du message fort qu’elle transmet par son indifférence. En effet, l’important c’est de garder l’appellation « démocratie » afin de pouvoir, par la suite, l’imposer également aux autres pays. Or, tout le sens de cet article est aussi de mettre en lumière que derrière ce slogan de « démocratie » se cache – à peine – la marque d’une société de consommation qui s’exporte pour devenir Nouvel Ordre Mondial.

Bref, si on se tourne maintenant vers les candidats et leur motivation à être sur une affiche ou sur une liste, on remarquera qu’une fois élus, ces derniers ne touchent pas 5 000 frs ou 8 000 frs. Ils touchent environ 11 000 frs ( 10 000euros) par mois pour un 50% (chiffres officiels en Suisse). Je ne commenterais pas cette somme et n’entrerais pas non plus dans des discussions polémiques sur les lobbies et la corruption en politique, je me contenterais d’une question : comment voulez-vous que des personnes qui gagnent autant d’argent et qui sont constamment invitées à aller boire du champagne défendent une autre classe que celle qui les a adoptés et qui les garde dans un cercle d’intérêt qui n’a plus grand-chose à voir avec les problématiques usuelles que vit la majorité de la population sur le plan du travail, du logement, du chômage ou de l’oppression ? Dans leur esprit, tout va au mieux…

À côté de cela, si on prend les élections sociologiquement, c’est très intéressant parce qu’à travers eux, il y a quelque chose de paradigmatique (c.-à-d. quelque chose qui relève du modèle type de normalité) qui se dévoile. Ce quelque chose fait écho au fait que nous vivons tous dans une logique où il faut séduire, où il faut constamment se mettre en avant pour ne pas se retrouver dans la rue et esseulé. Tandis que dans le vocabulaire de la psychologie, on appelle ce type de comportement le narcissisme, dans la vie de tous les jours on relie ce comportement à la normalité. Or, ne l’oublions pas, le narcissisme est un trouble pathologique de la personnalité. Un trouble qui reflète un vide intérieur qu’il s’agit de constamment remplir pour ne pas se retrouver en face de cet étranger que nous sommes devenus pour l’autre et pour nous-mêmes.

Pour conclure sur une note plus gaie, je dirais que les solutions existent. Ces solutions ne se trouvent non pas dans le soutien passif à des inconnus qui se servent eux-mêmes, mais dans le soutien actif aux initiatives que les citoyens inventent pour se réapproprier ce qui leur a été retiré de force ou par conditionnement. En Suisse, ces initiatives ont des noms. Elles s’appellent :

 Initiative fédérale pour un revenu de base [1]

 Initiative fédérale Monnaie pleine  [2]

 Initiative fédérale pour un Conseil national représentatif [3]

 Initiative Stop à la spéculation [4]

Si on prend au sérieux ces initiatives et la possibilité pour un pays d’avoir cette force décisive, alors je crois qu’un nouvel horizon peut s’ouvrir à nous… Un horizon où la politique n’est plus un outil du pouvoir, mais un espace de vie collective qu’il faut remplir.

Luca V. B.

Doctorant en philosophie politique et sciences sociales

[1Cf. bien.ch/fr

[3Cf. www.genomi.ch

[4Cf. stopspeculation.ch


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