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Donald Trump ou le spectre du fascisme

Trump devant le New York Stock Exchange

Donald Trump vient de remporter les élections présidentielles américaines. Il devient le 45 ème président des États-Unis. Cette victoire du richissime homme d’affaires n’est pas le fruit du hasard. Trump est un authentique produit de la démocratie bourgeoise. La République de Weimar la plus avancée de son temps a produit un monstre dont on dénonce encore aujourd’hui les crimes.

Plus récemment, cette même démocratie a enfanté un certain George W Bush dont le monde subit toujours les terribles conséquences de son intervention militaire en Irak. Aujourd’hui elle donne naissance à Donald Trump, un personnage aussi médiocre et grotesque que dangereux. En se présentant comme l’homme providentiel, Trump a su capter les frustrations et le désespoir d’une partie de la population abandonnée par les démocrates et les mettre au service de la classe dominante dont il fait personnellement partie.

La longue campagne électorale menée par les deux candidats était marquée du début jusqu’à la fin par une suite ininterrompue d’invectives personnelles, de propos mensongers, démagogiques, racistes, sexistes et islamophobes pour mieux contenir la colère populaire et occulter la responsabilité de la classe dirigeante dans la situation de misère matérielle et morale que connaissent aujourd’hui de larges franges de la population américaine. Les mexicains, les noirs, les musulmans etc., ont largement remplacé, comme responsables de tous les malheurs des États-Unis, les banquiers, les hommes d’affaires, les industriels et autres spéculateurs et parasites. Les démocrates ont une grande responsabilité dans l’élection de Trump. Ce sont eux qui ont organisé une véritable confiscation des richesses produites par les travailleurs pour les mettre entre les mains des puissants.

L’histoire nous a toujours enseigné que durant les périodes troubles marquées par le chômage, les inégalités, les guerres sans fin etc., la classe dominante utilise, pour préserver ses intérêts, tous les moyens dont elle dispose. Les bourgeoisies américaines et européennes, nonobstant des situations différentes, n’arrivent plus à surmonter les crises à répétition de leur système. Il ne s’agit pas d’une crise conjoncturelle et passagère, mais bel et bien d’une crise structurelle dont les racines plongent jusqu’au cœur même du système. Les interventions massives des États, de la Commission européenne, des banques centrales, du Fonds monétaire international (FMI) etc. restent, pour l’instant, impuissantes face à l’ampleur du marasme économique. La croissance tant invoquée peut revenir mais pour mieux laisser place à d’autres crises plus violentes et plus générales. Les classes dirigeantes ressemblent de plus en plus à ces magiciens qui ne maîtrisent plus les forces maléfiques qu’ils ont eux-mêmes créées !

Le capitalisme se distingue des autres systèmes qui l’ont précédé par cette extraordinaire capacité d’adaptation à toutes les situations. Fascisme, nazisme etc. sont des mots qui désignent une seule et même réalité, la dictature du capital. Car tous ces mouvements politiques sont sortis des entrailles du capitalisme. A y regarder de plus près, ils sont tous nés dans un contexte de crises économiques et politiques majeures : guerre mondiale, révolution soviétique, déceptions de la petite bourgeoisie urbaine et rurale, marginalisation des plus démunis etc. Leur dénominateur commun reste le même : il faut que l’accumulation et la concentration des richesses restent, vaille que vaille, entre les mêmes mains.

Trump, véritable concentré des luttes sociales qui travaillent la société américaine, a puisé sa force essentiellement dans la faiblesse de la petite bourgeoisie écrasée par le grand capital et dans le désespoir d’une partie de la classe ouvrière blanche laminée par le chômage et la précarité. Pour les consoler et calmer leur rage et leurs frustrations, Trump leur offre, ente autres, le soutien de la race. Rappelons qu’ aux États-Unis, le racisme a toujours été utilisé comme moyen au service du profit et de l’accumulation du capital. Dans le passé, le racisme a servi de justification et de légitimation de l’esclavage, main-d’œuvre servile et rentable. Car l’exploitation économique et l’oppression raciale vont de pair. Si l’esclavage a été aboli, du moins formellement, le racisme lui continue à se développer au grès des vicissitudes de l’évolution du capitalisme. Aujourd’hui, le racisme doit s’adapter à la nouvelle situation où le salarié a remplacé l’esclave. Le racisme est toujours utile pour la classe dominante ne serait-ce que pour entretenir et perpétuer, par son agitation et les préjugés raciaux qu’il propage, la division au sein de la classe ouvrière. Le travailleur noir lui doit subir, en plus de l’exploitation de classe, l’oppression de race (1). C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la volonté de Trump de construire des murs et des clôtures ainsi que sa rhétorique anti-mexicains, anti-noirs et antimusulmans. Il s’est entouré également pendant sa campagne et en tant que nouveau président, de personnalités racistes comme Jeff Sessions ou Stephen Bannon proches des milieux suprémacistes défenseurs acharnés de la suprématie de la race blanche même si le racisme basé sur la supériorité biologique n’a aucune base scientifique.

Au pouvoir, Trump reviendra peut-être sur certaines de ses promesses sans grande importance pour la classe dominante, mais appliquera probablement toutes les mesures en faveur du capital comme la baisse des impôts des plus riches (la tranche la plus élevée passera de 39,6 à 33 %), la réduction de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (de 35 à 15 %), la dérégulation financière etc. A cet égard, l’équipe du nouveau président appelle déjà au démantèlement de la loi Dodd-Frank votée en 2010 après la crise dite des subprimes pour limiter un tant soit peu les excès des agissements bancaires.

Ce texte est « un fardeau énorme pour les banques (…) Nous devons nous en débarrasser » disait Trump. Il a même nommé pour cette mission Paul Atkins, un républicain qui milite depuis longtemps contre toute forme de régulation financière. Les marchés financiers ne se sont pas trompés. Wall street et toutes les bourses du monde ont réservé un accueil chaleureux au nouveau président. Le Dow Jones et le S&P 500 par exemple ont salué la victoire de Trump par des augmentations qu’ils n’ont pas connues depuis longtemps. Le rendement des obligations américaines à dix ans a lui aussi augmenté passant de 1,36 à 2,22 % (2). Bref, Trump n’est pas prêt à remettre en cause les intérêts et les privilèges de la classe dirigeante. Bien au contraire, il tentera, au-delà du discours, de les consolider.

Pour produire l’illusion du changement et donner l’impression de créer quelque chose de tout à fait nouveau, Trump doit travestir la réalité. Son langage, son style, ses outrances, son comportement et ses actes doivent faire oublier le gouvernement précédent. Trump et son équipe doivent se draper dans un déguisement nouveau pour que la différence avec l’ancien pouvoir paraisse éclatante. Ils ont besoin, pour se distinguer des démocrates, de jouer une nouvelle comédie sur la scène politique américaine. Mais il ne s’agit là que des formes et d’un déguisement qui reflètent plus ou moins nettement le fond commun : servir la même classe sociale, la bourgeoisie qui les place à tour de rôle à la tête de l’État.

Le capitalisme en crise a produit un nouveau monstre aux États-Unis et risque d’en produire d’autres à travers le monde. L’agressivité économique et politique de Trump et de son équipe montre si besoin est que la classe dirigeante américaine, pour sauvegarder et perpétuer ses privilèges, ne reculera devant aucun moyen y compris le plus terrible et le plus abjecte, la guerre. Trump représente un véritable danger non seulement pour le peuple américain mais pour le monde entier. Il est donc urgent de construire un mouvement de résistance planétaire contre Trump, tout en s’attaquant en même temps au système, le capitalisme qui a produit un tel monstre.

Mohamed Belaali

»» http://www.belaali.com/2016/11/donald-trump-ou-le-spectre-du-fascisme.html

(1) https://www.legrandsoir.info/peine-de-mort-violence-policiere-et-racisme-aux-etats-unis.html

(2) Le Monde, Economie et Entreprise du 15 novembre 2016, page 3.

(3) http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/11/14/malgre-les-previsions-les-marches-financiers-se-portent-bien-apres-l-election-de-donald-trump_5031026_3234.html#xtor=AL-32280515


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