Fiction. Nous sommes en 1943 et donc en guerre. Pour survivre l’ONG Reporters Sans Frontières (RSF) a quitté Paris et s’est repliée à Londres. Là elle peut soutenir son implacable combat pour la liberté de presse.
Délocalisées, ses obligations restent les mêmes : recevoir de l’argent et distribuer des blâmes et des prix. En effet, RSF est comme le « maître étalon » -en platine iridiée qui dort sous une cloche au pavillon de Breteuil- c’est l’ONG du juste, qui dit le bien et le mal en matière de journalisme.
L’automne arrive, avec son noir cortège, et c’est le moment de remettre les fameux « Prix RSF 1943 ». Comme tous les verdicts celui-ci « tombe » : « Le Prix du Journaliste de l’année » est attribué à Hans Schmitt pour son travail sur le front russe. Immédiatement les experts s’interrogent sur le courage de ce reporter exemplaire. On découvre que ce Schmitt, un autrichien, accompagne et aime le combat des soldats engagés dans la Légion des Volontaires Français, du côté d’Hitler.
Comparaison ne vaut pas raison ! Je ne dis pas que l’institution, naguère si bien guidée par Robert Ménard, ait des sympathies nazies ! Bien sûr que non, et l’organisation est au contraire un relais de la politique israélienne. Mais c’est un peu ce scénario que vient de jouer l’ONG que le monde nous envie, la PME de la bien-pensance, en attribuant son « Prix du Journaliste de l’année » à Hadi Abdullah.
Pour éviter de dire du mal d’un confrère, je vous recommande d’ouvrir le lien placé au bas de cette chronique. Vous verrez, en vidéo, le cœur que ce reporter de guerre met à défendre le juste et la vérité. Pour faire court, Hadi Abdullah est l’un de ces indispensables compagnons de routes du djihad, capable de se camoufler sous les oripeaux du journalisme pour délivrer sa juste vision des horreurs de la guerre, celles des autres. Imaginez qu’avec le sceau de RSF, Abdullah est maintenant Fabrice à Waterloo, Nizan à Dunkerque, Pedrazzini à Budapest.
Ce Christophe Deloire, le patron de RSF, nous étonne moins que Ménard, mais nous surprend quand même. Son grand discernement a déjà fait ses preuves : il y a un an, il s’en est allé au Gabon brosser tiges et semelles du magnifique démocrate qu’est Bongo. Alors, dans la foulée, confondre journaliste et djihadiste...
Dans ce mouvement amoureux -où le bon journaliste est un djihadiste- les ex-Ménard boys ne sont pas seuls. Jean-Claude Guillebaud, lui aussi ancien président de RSF, saisi du même virus, a décerné, en tant que président du jury, le Prix Bayeux du « correspondant de guerre » à un autre ami d’Al Qaida. Sûrement un rebelle très doux, puisqu’il existe, parait-il des « Rebelles Légalement Modérés », des RLM, version djihadiste des HLM. Mieux, le frère Bilal Abdul Karim, l’Etats-unien qui est honoré, l’est doublement. Son « Prix » est patronné par Amnesty International. Voilà le confrère habillé du kevlar de la pensée « botulienne ».
Vous me direz qu’avec de petites lunettes qu’il a chipées à Jean Daniel, Guillebaud n’y voit pas grand-chose. Sauf Dieu, puisque ses bésicles portées sur le bout du nez dégagent le ciel, là où habite le nouveau gourou de Jean-Claude : le petit Jésus. Un bon chrétien voit le bien partout. En tout cas ne voit pas de mal à ce qu’un croyant - un homme comme lui, à Allah prêt- confonde djihadiste et bourreau.
Notre confrère Bilal Abdul Karim, citoyen du pays de la CIA, a des qualités à faire valoir. Ce prix Bayeux, qui lui a été décerné, il le partage avec une blonde, une star de CNN qui, sous la discrétion d’une burka, a pénétré dans Alep alors que Karim la filmait. A ce propos, il me vient une pensée impie : c’est étrange, alors qu’une guerre et un front ont deux faces, que notre RSF, notre Guillebaud n’aient pas songé à primer aussi un reporter travaillant du mauvais côté... L’objectif était sans doute bouché.
Stop au glissement, revenons à Karim, le récipiendaire. Ce lauréat est comme Hollywood l’imagine : barbu, fourbu, poussiéreux et enfiévré. Lui aussi a le journalisme dans la peau, le rapporter-vrai.
En arriver là a été pour lui une longue ascèse. Acteur raté à New York, puis imam réussi. Il file au Soudan pays où l’islamiste modéré se prosterne à chaque coin de rues. Tafsïr ! Vous avez dit tafsïr ? Karem se crache dans les mains à l’étude du Coran. Assez pour devenir un petit savant et travailler pour une chaîne de télé salafiste saoudienne. Après un peu de catéchisme en Tchéchénie... le voilà assez saint pour devenir journaliste accrédité par Al Qaida en Syrie.
Le pauvre Guillebaud, qui n’a pas fait tout cela ne peut pas, lui pourtant immense « correspondant de guerre », prétendre à couvrir la guerre en Syrie avec le talent et l’objectivité de Karim. Dommage.
Pour ne pas finir sur un requiem, celui de la presse française, alors qu’un Bolloré suffit à tordre le cou à « i-TV », une chaîne d’infos en continue », signalons l’exemple de notre frère Karim. A lui seul il est blogueur, cinéaste, écrivain et photographe. Et si cela ne suffit pas, ses notes de frais et son salaire sont ridicules. Voilà un nouveau journaliste idéal pour les financiers qui président à la survie de la presse. En attendant la saison des chrysanthèmes.
Jacques-Marie BOURGET
https://off-guardian.org/2016/11/08/reporters-without-borders-awards-2016s-press-freedom-award-to-jihadi-partisan-in-syria/
Cet article est publié dans le mensuel AFRIQUE ASIE de décembre.
NOTE (1) du GS : Jean-Claude Guillebaud, cité par l’auteur, a été membre de la French American Foudation. Pour en savoir plus sur cette officine, voir : https://legrandsoir.info/les-socialistes-americains.html . On y découvre entre autres que la French American Foudation eut pour patron John Negroponte peu avant qu’il dirige tous les services secrets états-uniens, dont la CIA.