Depuis 1963 et l’envoi de la première mission médicale humanitaire en Algérie, Cuba s’est engagée à soigner les populations pauvres à travers la planète, au nom de la solidarité internationaliste. Les missions humanitaires cubaines s’étendent sur quatre continents et revêtent un caractère unique. En effet, aucune autre nation au monde, y compris les plus développées, n’a tissé un tel réseau de coopération humanitaire à travers à la planète. Ainsi, depuis le lancement de cette politique humanitaire, près de 132 000 médecins cubains et autres personnels de santé ont bénévolement œuvré dans 102 pays [1]. Au total, près de 100 millions de personnes ont été soignées à travers la planète par les médecins cubains qui ont ainsi sauvé environ un million de vies. Actuellement 37 000 collaborateurs médicaux offrent leurs services près de 70 nations du Tiers Monde [2].
L’aide internationale cubaine s’étend à dix pays d’Amérique latine et aux régions sous-développées de la planète. En octobre 1998, l’ouragan Mitch avait ravagé l’Amérique centrale et la Caraïbe. Les chefs d’Etat de la région lancèrent un appel à la solidarité internationale. Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Cuba fut la première à répondre positivement en annulant la dette du Nicaragua de 50 millions de dollars et en proposant les services de son personnel de santé [3].
Le Programme Intégral de Santé a alors été mis en place et élargi à d’autres continents tels que l’Afrique ou l’Asie. Le PNUD note une amélioration de tous les indicateurs de santé, notamment une baisse notable du taux de mortalité infantile, dans les régions où il est appliqué [4].
L’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA)
Le premier pays bénéficiaire du capital humain cubain a logiquement été le Venezuela, grâce à l’élection de Hugo Chávez en 1998 et à la relation spéciale établie avec Cuba. L’universalisation de l’accès à l’éducation élaborée depuis 1998 a eu des résultats exceptionnels. Près de 1,5 millions de Vénézuéliens ont appris à lire, écrire et compter grâce à la campagne d’alphabétisation, nommée Mission Robinson I. En décembre 2005, l’UNESCO a décrété que l’illettrisme avait été éradiqué au Venezuela. La Mission Robinson II a été lancée afin d’amener l’ensemble de la population à atteindre le niveau du collège. A cela s’ajoutent les Missions Ribas et Sucre qui ont permis à plusieurs dizaines de milliers de jeunes adultes d’entreprendre des études universitaires. En 2010, 97% des enfants vénézuéliens étaient scolarisés [5]. Au niveau de la santé, le Système national public de santé a été créé afin de garantir l’accès gratuit aux soins à tous les Vénézuéliens. La Mission Barrio Adentro I a permis de réaliser 300 millions de consultations dans les 4 469 centres médicaux créés depuis 1998. Près de 17 millions de personnes ont ainsi pu être soignées, alors qu’en 1998, moins de 3 millions de personnes avaient un accès régulier aux soins. Plus de 1,7 millions de personnes ont été sauvées entre 2003 et 2011. Le taux de mortalité infantile a été réduit à moins de 10 pour mille [6]. Au classement de l’Indice de développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), le Venezuela est passé du 83ème rang en 2000 (0,656) au 73ème rang en 2011 (0,735), intégrant ainsi la catégorie des nations à l’IDH élevé [7]. De même, selon le PNUD, le Venezuela, qui dispose du coefficient de Gini le plus bas d’Amérique latine, est le pays de la région où il y a le moins d’inégalités. [8]
Luis Alberto Matos, économiste expert en énergie, souligne la « coopération emblématique » entre Cuba et le Venezuela : « Qui peut nier l’immense contribution de ce pays en faveur du Venezuela dans l’amélioration des domaines de la santé, de l’agriculture et du sport, sans oublier la culture [9] ? »
Grâce à l’ALBA et au programme social lancé par le gouvernement d’Evo Morales, entre 2006 et juillet 2011, la Brigade médicale cubaine présente en Bolivie a soigné plus de 48 millions de personnes et a sauvé 49 821 vies [10]. La Bolivie a ainsi pu améliorer ses indicateurs de santé avec une baisse de la mortalité infantile de 58 pour 1000 en 2007 à 51 pour 1000 en 2009 [11], soit une réduction de près de 14% en trois ans. Entre 2006 et 2009, près de 545 centres de santé ont été créés à travers le pays. Au niveau de l’éducation, la Bolivie a été déclarée territoire libre d’analphabétisme le 20 décembre 2008 par l’UNESCO avec l’alphabétisation de 824 000 personnes. Près de 1 540 établissements scolaires ont été construits. En ce qui concerne l’enseignement supérieur, trois universités indigènes ont été créées. La pauvreté extrême a été réduite de 6%, passant de 37,8% à 31,8% [12].
Au Nicaragua, le programme « Yo, sí puedo » a permis à l’Unesco de déclarer le pays libre d’analphabétisme en 2009. Grâce à l’ALBA, le Nicaragua a également pu résoudre sa grave crise énergétique qui provoquait parfois des ruptures de courant 16 heures par jour. Plusieurs hôpitaux intégralement équipés ont été construits à travers le territoire national avec un accès gratuit aux soins pour toute la population, et ils fonctionnent en partie grâce à la présence du personnel médical cubain [13].
En Equateur, l’arrivée au pouvoir de Rafael Correa en 2006 a également entraîné une révolution sociale sans précédent. Ainsi, le budget de la santé est passé de 437 millions de dollars en 2006 à 3,43 milliards en 2010. Le budget de l’éducation est passé de 235 millions en 2006 à 940,7 millions en 2010. Le taux de scolarisation jusqu’au niveau du baccalauréat du quintile le plus pauvre est passé de 30% à 40% entre 2006 et 2010. La couverture du panier de la ménagère est passée de 68% à 89%. La pauvreté a baissé de 7% sur la même période au niveau national et de 13% pour les Afro-équatoriens, sortant ainsi de la pauvreté 700 000 personnes sur les 5 millions d’indigents que comptait la nation en 2006 [14]. L’Equateur a prévu d’éradiquer totalement la malnutrition infantile en 2015, et de rejoindre ainsi Cuba, seul pays d’Amérique latine et du Tiers-monde à s’être débarrassé de ce fléau selon l’UNICEF [15].
La Brigade Henry Reeve
Le 19 septembre 2005, suite à la tragédie engendrée par l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans, Cuba a créé la Brigade Henry Reeve [16], un contingent médical composé de 10 000 professionnels de la santé, spécialisé dans les catastrophes naturelles. La Havane avait, à l’époque, offert à Washington d’envoyer 1 586 médecins secourir les victimes, mais s’était heurté au refus du président de l’époque George W. Bush [17].
La Brigade Henry Reeve est notamment intervenue sur plusieurs continents. Ainsi, suite au tremblement de terre qui avait ravagé le Pakistan en novembre 2005, 2 564 médecins se rendirent sur place et portèrent secours aux victimes pendant plus de huit mois. Trente-deux hôpitaux de campagne furent montés et furent ensuite offerts aux autorités sanitaires du pays. Plus de 1 800 000 patients furent soignés et 2 086 vies furent ainsi sauvées. Aucune autre nation au monde n’apporta une aide aussi importante, pas même les Etats-Unis, principal allié d’Islamabad, qui n’établirent que deux hôpitaux de campagne et restèrent sur place huit semaines [18]. Le journal britannique The Independent souligna le fait que la brigade médicale cubaine fut la première à arriver sur les lieux et la dernière à quitter le pays [19].
Antérieurement, après le tsunami qui avait dévasté la région pacifique en 2004, Cuba a dépêché plusieurs missions humanitaires pour porter assistance aux victimes, souvent abandonnées par les autorités locales. Plusieurs zones rurales de Kiribati, du Sri Lanka ou du Timor Oriental dépendent encore de l’aide médicale cubaine [20]. Une école de médecine a même été inaugurée au Timor Oriental afin de former de jeunes étudiants du pays. Les Iles Salomon ainsi que la Papouasie-Nouvelle-Guinée ont sollicité La Havane pour bénéficier d’une aide similaire et signer des accords de coopération [21].
Après le tremblement de terre survenu en mai 2006 à Java, en Indonésie, Cuba a également envoyé plusieurs missions médicales. Ronny Rockito, coordinateur régional indonésien pour la santé, a fait l’éloge du travail des 135 professionnels cubains qui ont installé deux hôpitaux de campagne. Selon lui, leur travail a eu un impact plus important que celui de n’importe quel autre pays. « J’apprécie les équipes médicales cubaines. Leur style est très amical et leur niveau de soins est très élevé. Tout est gratuit et il n’y a aucun soutien de la part de mon gouvernement dans cela. Nous remercions Fidel Castro. Beaucoup de villageois ont supplié les médecins cubains de rester », a-t-il souligné [22].
Le cas le plus récent et le plus emblématique de la coopération médicale cubaine concerne Haïti. Le tremblement de terre de janvier 2010, de magnitude 7, a causé de dramatiques dégâts humains et matériels [23]. Selon les autorités haïtiennes, le bilan, extrêmement lourd, a été d’au moins 230 000 morts, 300 000 blessés et 1,2 millions de sans-abris [24]. La brigade médicale cubaine, étant sur place depuis 1998, a été la première à porter secours aux victimes et a soigné près de 40% des victimes [25],
En octobre 2010, des soldats népalais des Nations unies ont introduit par inadvertance le virus du choléra à Haïti. Selon l’ONU, l’épidémie a été découverte par l’équipe médicale cubaine du Docteur Jorge Luis Quiñones. Elle a coûté la vie à 6 600 personnes et en a infecté 476 000 autres, ce qui représente près de 5% de la population sur un total de 10 millions d’habitants. Il s’agissait du taux de choléra le plus élevé au monde selon les Nations unies. Le New York Times souligne dans un reportage le rôle-clé des médecins cubains : « La mission médicale cubaine qui a joué un rôle important dans la détection de l’épidémie est toujours présente à Haïti et reçoit chaque jour la gratitude des donateurs et des diplomates pour sa présence sur les lignes de front et pour ses efforts de reconstruction du système de santé délabré du pays [26] ».
De son côté, Paul Farmer, envoyé spécial de l’ONU, a noté qu’en décembre 2010, lorsque l’épidémie avait atteint son sommet avec un taux de mortalité sans précédent et que le monde avait les yeux rivés ailleurs, « la moitié des ONG étaient déjà parties, alors que les Cubains étaient toujours présents ». Selon le Ministère de la Santé haïtien, les médecins cubains ont sauvé plus de 76 000 personnes dans les 67 unités médicales sous leur responsabilité, avec seulement 272 décès, c’est-à-dire un taux de mortalité de 0,36%, contre un taux de 1,4% dans le reste du pays. Depuis décembre 2010, aucun décès n’est survenu chez les patients soignés par les médecins cubains [27].
Une politique solidaire saluée par les Nations unies
Selon le PNUD, l’aide humanitaire cubaine représente proportionnellement au PIB un pourcentage supérieur à la moyenne des 18 nations les plus développées. Le PNUD note dans un rapport que
La coopération offerte par Cuba s’inscrit dans un contexte de coopération Sud-Sud. Elle ne poursuit pas d’objectif lucratif mais elle est au contraire offerte comme l’expression d’un principe de solidarité et, dans la mesure du possible, à partir de coûts partagés. […]. Dans la quasi-totalité des cas, l’aide cubaine a été gratuite, même si à partir de 1977, avec certains pays à hauts revenus, principalement pétroliers, une coopération sous forme de compensation s’est développée. Le développement élevé atteint à Cuba dans les domaines de la santé, de l’éducation et du sport a fait que la coopération a concerné ces secteurs, bien qu’il y ait eu une participation dans d’autres branches comme la construction, la pêche et l’agriculture [28].
L’internationalisme humanitaire mis en place par Cuba démontre que la solidarité peut être un vecteur fondamental dans les relations internationales. Ainsi, une petite nation du tiers-monde aux ressources limitées, et victime d’un état de siège économique sans précédent de la part des Etats-Unis, arrive à dégager les ressources nécessaires pour venir en aide aux plus démunis et offre au monde l’exemple, comme dirait le Héros national cubain José Martí, que la Patrie peut être l’Humanité.
L’Opération Miracle
Opération Miracle, lancée par Cuba et le Venezuela en 2004, a permis à plus de deux millions de pauvres d’Amérique latine et du reste du monde de retrouver la vue.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il y a actuellement près de 285 millions de personnes atteintes de déficience visuelle à travers le monde, dont 39 millions d’aveugles et 246 millions qui présentent une baisse de l’acuité visuelle. Près de 90% d’entre elles vivent dans des pays du Tiers-monde. Les principales causes de déficience visuelle sont les défauts de réfraction non corrigés (myopie, hypermétropie ou astigmatisme, 43%), la cataracte (33%) et le glaucome (2%). Près de 80% de l’ensemble des déficiences visuelles sont curables, note l’organisation qui ajoute que « la cataracte reste la première cause de cécité ». Ces maladies oculaires affectent en premier lieu (65%) les personnes âgées de plus de 50 ans (20% de la population mondiale), un pourcentage qui s’accroit avec le vieillissement de la population, mais également 19 millions d’enfants [29].
Face à ce constat, dans le cadre de l’ALBA, Cuba et le Venezuela ont décidé de lancer en juillet 2004 une vaste campagne humanitaire continentale portant le nom d’Opération Miracle. Elle consiste à opérer gratuitement les Latino-américains pauvres atteints de cataractes et autres maladies oculaires, et qui se trouvent dans l’impossibilité de financer une opération qui coûte entre 5 000 et 10 000 dollars selon les pays. Cette mission humanitaire a été depuis étendue à d’autres latitudes (Afrique, Asie). L’Opération Miracle inclut la participation de 165 institutions cubaines. Elle dispose de 49 centres ophtalmologiques dans 15 pays d’Amérique latine et de la Caraïbe (Cuba, Venezuela, Bolivie, Equateur, Haïti, Honduras, Panamá, Guatemala, Saint-Vincent-les-Grenadines, Guyana, Paraguay, Grenade, Nicaragua et Uruguay) [30].
Au 1er janvier 2008, un million de personnes avaient été opérées [31]. En 2011, plus de deux millions de personnes en provenance de 35 pays ont pu retrouver la vue [32]. Dans le cadre des accords de l’ALBA, la population vénézuélienne a été la première à en bénéficier avec plus de 178 000 opérations réalisées à ce jour. La Bolivie a également largement bénéficié de la coopération médicale cubaine, avec 600 105 personnes opérées [33]. Le président bolivien Evo Morales a salué la présence des médecins cubains ainsi que le rôle intégrateur et solidaire de l’ALBA [34]
D’autres pays ont également profité de l’internationalisme humanitaire de l’Opération Milagro. Ainsi, 100 000 Equatoriens [35], 61 000 Nicaraguayens [36], 61 000 Jamaïcains [37], 50 000 Panaméens [38], 48 255 Brésiliens, 35 245 Argentins, 22 280 Péruviens, et 312 Paraguayens, entre autres, ont retrouvé la vue [39]. Des ressortissants étasuniens issus des catégories les plus défavorisées ont également bénéficié de l’Opération Miracle [40].
Le cas le plus emblématique est sans doute celui de Mario Terán, ancien sous-officier bolivien à la retraite, qui avait assassiné Ernesto Che Guevara le 9 octobre 1967 dans la petite école de La Higuera en Bolivie. Il vivait alors dans l’anonymat à Santa Cruz. Il subsistait grâce à sa petite pension d’ancien soldat et avait perdu la vue, victime d’une cataracte qu’il n’avait pu faire soigner faute de moyens [41]. Grâce à l’Opération Miracle, Terán a pu se débarrasser de son handicap. Pablo Ortiz, journaliste bolivien travaillant pour le quotidien El Deber de Santa Cruz, a rapporté l’histoire : « Terán avait des problèmes de cataracte et a été opéré grâce à l’Opération Milagro, par des médecins cubains, de manière totalement gratuite ». Puis il a donné de plus amples détails : « Ce type est un parfait inconnu. Personne ne sait qui il est. Il est complètement ruiné et il s’est présenté à l’hôpital de l’Opération Miracle. Personne ne l’a reconnu et il a été opéré. C’est son propre fils qui nous l’a raconté, et qui s’est rendu à notre journal pour adresser des remerciements public [42] ».
En 2009, à l’occasion de la 10 000ème intervention chirurgicale réalisée au sein du Centre ophtalmologique José Martí, l’Opération Miracle a obtenu le Prix de l’Excellence citoyenne en Uruguay du Centre latino-américain de développement (CELADE) parrainé entre autres par l’Organisation des Etats Américains (OEA), pour ses valeurs solidaires et humaines [43].
La presse canadienne a même rapporté qu’un certain nombre de ressortissants de la Couronne britannique, faute de moyens financiers, préfèrent aller se faire soigner et opérer à Cuba, réputée pour l’excellence de ses soins et ses prix attractifs pour les Occidentaux [44].
L’Opération Miracle est un exemple concret d’une politique sociale efficace menée par deux nations du Tiers-monde en faveur des plus démunis. C’est également une leçon pour les pays riches et un appel à un peu plus de solidarité avec ceux que Victor Hugo appelait la « cariatide ».
Le programme « Yo, sí puedo »
Cuba a mis en place un programme d’alphabétisation qui a permis à plus de cinq millions de personnes de 28 pays à apprendre à lire, écrire et compter.
Selon l’UNESCO, il y a dans le monde 796 millions d’adultes analphabètes, soit 17% de la population mondiale. Plus de 98% d’entre se trouvent dans les pays du Tiers-monde. Près des deux tiers sont des femmes. Les pays d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud et de l’Ouest comptent 73% des analphabètes adultes. En chiffres absolus, le nombre d’analphabètes dans ces régions continue à croitre. En ce qui concerne les enfants, seuls 44% d’entre eux sont scolarisés en pré-primaire (148 millions), ce qui fait que 66% n’ont pas accès à ce niveau d’enseignement (222 millions). Au niveau primaire, 67 millions d’enfants ne sont pas scolarisés. L’UNESCO a donc lancé un appel pour réduire de 50% le nombre d’analphabètes d’ici 2015. L’organisme onusien note que les progrès accomplis dans ce domaine « ont été au mieux décevants et au pire sporadiques ». Selon l’UNESCO, « pour renverser cette tendance, nécessité s’impose que les gouvernements du monde entier agissent avec détermination [45] ».
L’UNESCO remarque néanmoins une exception : l’Amérique latine et la Caraïbe. Cette exception est en partie due au Programme Yo, sí puedo :
Le programme Yo, sí puedo (Moi, oui, je peux), introduit en 2003 par le Gouvernement cubain, a […] rencontré un large écho. Opérationnel dans 12 des 19 pays d’Amérique latine en 2008, il fait partie de stratégies plus larges en faveur de la réalisation de l’alphabétisation universelle dans l’État plurinational de Bolivie, en Équateur, au Nicaragua, au Panama et en République bolivarienne du Venezuela [46].
Reposant sur la philosophie de José Martí résumée dans cette citation – « Tout être humain a droit à l’éducation, et doit en échange contribuer à l’éducation des autres » –, l’Institut pédagogique latino-américain et caribéen de Cuba a lancé en 2003 le programme « Yo, sí puedo » destiné à alphabétiser les adultes souffrant d’illettrisme. L’acquisition des capacités de lecture, d’écriture et d’arithmétique est indispensable à la jouissance d’une véritable citoyenneté. Elle constitue le premier rempart contre l’exclusion et la pauvreté, et conduit vers la réalisation de ce que José Martí avait appelé « la pleine dignité de l’homme ». L’UNESCO souligne que « l’éducation sauve des vies : plus le niveau scolaire de la mère s’élève, plus le taux de mortalité baisse ». Ainsi, si toutes les femmes faisaient des études secondaires, 1,8 million d’enfants seraient sauvés chaque année. De la même manière, la santé des enfants est davantage protégée : « Il est moins probable que les enfants dont la mère a fait des études manifestent un retard de croissance ou une insuffisance pondérale [47] ».
Partant de la problématique de la dispersion territoriale de la population analphabète, le programme « Yo, sí puedo » est mis en place au moyen de la radio et de la télévision. Ainsi, l’éducation à distance par le biais des technologies de communication a prouvé son efficacité. Cette méthode, élaborée par les meilleurs spécialistes cubains sous la direction de la pédagogue Leonela Inés Relys Díaz, permet de toucher un grand nombre de personnes, se révèle économe en capital humain, matériel et financier et ne nécessite pas d’institution scolaire pour sa mise en pratique. Basée sur la stimulation constante et un procédé simple (passer des chiffres aux lettres), avec des séquences écoute/lecture et écoute/écriture, et divisée en trois étapes (apprentissage de base, enseignement de la lecture et de l’écriture, consolidation), elle permet l’accroissement du travail individuel ainsi que l’amélioration de l’estime de soi de l’illettré. Elle permet également la coopération familiale et crée des liens étroits entre les personnes lettrées et illettrés. La possibilité d’utiliser la méthode à domicile permet d’éviter les effets psychologiques dus au regard de l’autre sur l’apprentissage personnel. Par ailleurs, la courte durée des programmes facilite la motivation des personnes à alphabétiser. Elle se base enfin sur le principe fondamental du volontariat, ce qui en augmente l’efficacité [48].
Un diagnostic intégral, destiné à évaluer les caractéristiques socioéconomiques, géographiques, politiques, culturelles et religieuses de la région à alphabétiser, est effectué, et l’on évalue également le nombre de postes de radio et télévision présents dans la localité. Une étude s’intéresse aux résultats obtenus lors des processus antérieurs d’alphabétisation. La connaissance profonde des particularités de la population analphabète est effectivement un préalable à l’élaboration des cours radiaux et télévisuels.
Plusieurs structures sont établies afin de permettre le contrôle du processus d’alphabétisation et obtenir les meilleurs résultats. Le travail est à la fois individuel et collectif avec une visite régulière du professeur à ses élèves. Dans chaque cours, des thèmes d’intérêt tels que la santé, la famille, les personnes âgées, l’environnement, l’histoire et la culture sont abordés. Les personnes en apprentissage reçoivent quatre à cinq cours de 30 minutes par semaine par télévision durant trois mois (32,5 heures ou 65 heures-classe) et une série de sept fiches. Pour la radio, le set se compose de 25 cassettes de 60 minutes représentant cinquante cours, de 32 fiches et d’un guide du moniteur.
Le programme « Yo, sí puedo » a été appliqué avec succès au Venezuela où plus d’un million et demi de personnes ont été alphabétisées, en Bolivie, en Equateur et au Nicaragua, qui sont les seules nations latino-américaines à s’être libérées de l’illettrisme lors de la dernière décennie selon l’UNESCO. Il est également utilisé dans plusieurs autres pays du continent et du monde tels que la Nouvelle Zélande, et s’applique en plusieurs langues dont le français et les langues indigènes (guaraní, maori).
Le programme « Yo, sí puedo » est également utilisée en Espagne. La ville de Séville a fait appel aux services des enseignants cubains, sous la coordination du professeur Carlos M. Molina Soto, pour apprendre à lire et à écrire à ses citoyens [49]. Suite à une étude faite par la mairie, il a été découvert que 34 000 des 700 000 résidents de la capitale andalouse étaient complètement analphabètes. En deux ans, 1 100 adultes ont été alphabétisés dans les trente centres d’alphabétisation ouverts à cet effet. D’autres municipalités d’Espagne, pays qui compte près de 2 millions d’analphabètes, étudient les possibilités d’appliquer la méthode cubaine sur leur territoire [50].
En Australie, la méthode d’alphabétisation est utilisée pour les populations aborigènes, – dont près de 60% sont analphabètes fonctionnels – qui apprennent à lire et à écrire en trois mois. En plus de la lecture, de l’écriture et de l’algèbre de base, Cuba leur offre la possibilité d’apprendre à utiliser les nouvelles technologies. Le programme cubain bénéficie du soutien du gouvernement australien, de l’Université de New England et du Conseil des Terres Aborigènes [51]. L’Australie occupe pourtant le second rang mondial en termes de développement humain, juste derrière la Norvège, selon les Nations Unies [52].
Le programme « Yo, sí puedo » a reçu le prix de l’alphabétisation Rey Sejong de l’UNESCO en 2006 pour son apport à l’éducation de l’humanité. Irina Bokova, directrice générale de l’organisme de l’ONU a salué la méthode, soulignant son caractère exemplaire de coopération sud-sud [53]. Depuis 2003, plus de cinq millions de personnes de 28 pays différents ont appris à lire, écrire et compter grâce au programme cubain [54]. Miguel Livina, représentant du Bureau régional de la culture pour l’Amérique latine et la Caraïbe de l’UNESCO, a déclaré que la méthode cubaine devrait être davantage prise en considération par les gouvernements et les institutions internationales. Cette méthode a également été publiquement saluée lors du XX Sommet ibéro-américain en 2010 [55].
Un nouveau programme, nommé « Yo, sí puedo seguir », destiné à parfaire les connaissances des personnes alphabétisées, a également été lancé dans les nations où le programme « Yo, sí puedo » avait été appliqué avec succès.
En termes de politique sociale et de coopération internationale, Cuba est le modèle à suivre. Cette petite nation démontre qu’il est possible de contribuer à l’amélioration du bien-être des plus défavorisés à travers la planète, malgré des ressources limitées. Les pays les plus développés seraient avisés de s’en inspirer.
Salim Lamrani
Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/conteudo/opiniao/29161/cuba+ou+a+globalizacao+da+solidariedade+o+internacionalismo+humanitario+.shtml
EN COMPLEMENT (entre autres) sur le site Le Grand Soir :
http://www.legrandsoir.info/le-secret-de-l-internationalisme-medical-cubain-temas.html
http://www.legrandsoir.info/le-bresil-veur-engager-6000-medecins-cubains.html
http://www.legrandsoir.info/elam-l-ecole-latino-americaine-de-medecine-aujourd-hui.html
http://www.legrandsoir.info/Les-medecins-cubains-installent-un-important-centre-de-traitement-du-cholera-a-Haiti.html
http://www.legrandsoir.info/L-Eypte-Cuba-et-The-Wall-Street-Journal-La-Isla-Desconocida.html
http://www.legrandsoir.info/Bolivie-La-presence-de-1700-medecins-cubains-dispensant-des.html
http://www.legrandsoir.info/Chavez-embauche-1000-medecins-cubains.html