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Cuba dossier 2/6 : Un autre regard sur les « dissidents » à Cuba

Voici rassemblées six contributions pour tenter de comprendre les enjeux de la situation cubaine, à un moment, ou Cuba " axe du mal" est clairement désigné par les USA comme cible possible, aprés l’ Irak.

- Cuba : une résistance socialiste en Amérique latine:Remy Herrera

- Un autre regard sur les « dissidents » à Cuba : Rémy Herrera

- De Guantanamo à La Havane et retour : John Brown

- Pourquoi les arrestations à Cuba ? : Wayne S. Smith

- Le Reich en Haïti : Dominique Balaou

- Cuba fait mal : Eduardo Galeano




 2/6 - Un autre regard sur les « dissidents » à Cuba

Mai 2003

Par Rémy HERRERA,chercheur au CNRS

A l’heure où l’impérialisme états-unien « libère » ceux qu’il n’a pas
exterminés en Irak et s’apprête à mettre la main sur ce qu’il ne permettra
qu’à ses transnationales de piller, il est encore assez de révolte en ce
monde pour dénoncer une « injustice » à Cuba.

Celle du recours avoué et systématique à la torture contre les détenus sans
jugement de la zone de non-droit qu’est la base militaire occupée par les
États-Unis à Guatánamo ? Quelle idée ! S’agit-il de l’incitation de
Washington -parfaitement criminelle- à émigrer illégalement de l’île, y
compris par des actions menaçant la vie d’autrui comme l’ont montré les
récents détournements (avion et ferry), refusant l’octroi de visas aux
citoyens cubains mais offrant la nationalité à ceux arrivés illégaux sur le
sol des États-Unis ? A quoi bon ! Se peut-il alors que ce soit la
condamnation par le tribunal de Miami de patriotes cubains (à la prison à 
vie pour plusieurs d’entre eux) pour atteinte à la sécurité de l’État, alors
qu’ils tentaient de mettre à jour en Floride les opérations terroristes
menées contre Cuba par les groupes paramilitaires cubano-américains ? Qui a
seulement entendu parler de l’affaire, mobilisant pourtant le peuple cubain
depuis des mois ?

Non, ce qui est dénoncé, c’est la « vague de répression contre les
dissidents » à Cuba, visant des « intellectuels » censés incarner les
valeurs de la démocratie et défendre les droits de l’Homme, « raflés », « 
jetés au cachot »...

D’évidence, la fraction la plus réactionnaire de l’establishment états-unien
n’est pas la seule, loin s’en faut, à s’acharner contre Cuba. En France, à 
gauche, certains sont persuadés de mener une juste bataille en attaquant le
« régime castriste », sans juger nécessaire d’en savoir plus sur ce qui se
passe réellement sur l’île que ce qu’en disent les médias états-uniens
dominants ou des sources d’informations unilatéralement hostiles dépourvues
de toute crédibilité. Jurant qu’on ne les y prendra plus, déboussolés par
une série d’échecs et d’erreurs, des communistes mêmes préfèrent s’aligner
sur la nouvelle pensée unique anti-cubaine, qui est l’une des multiples
facettes idéologiques de la mondialisation néolibérale-guerrière actuelle.
Puisqu’elle ne serait, dit-on, qu’un résidu anachronique du soviétisme, Cuba
doit tomber.

Camarades, et si vous vous trompiez de combat ? Le sujet des droits de
l’homme est bien trop grave pour être traité à la légère ou tolérer
approximation et ouï-dire. Sur la base de documents bien réels et de
témoignages pour le moins troublants -dont les grands médias ont fort peu
parlé-, les auditions publiques auxquelles ont procédé les tribunaux cubains
des 3-7 avril ont révélé les liens entre ceux que l’on présente, en répétant
parfois à la lettre les communiqués de la Maison blanche) comme des « 
prisonniers de conscience » et le gouvernement états-unien, et tout
particulièrement avec l’actuel chef du Bureau des Intérêts des États-Unis à 
La Havane, James Cason.

Les intentions de ce dernier sont connues depuis qu’il déclara, en décembre
2002, que son but était de convertir sa mission en état major de la
contre-révolution à Cuba, violant ainsi les règles les plus élémentaires des
corps diplomatiques : du soutien financier (au moins 22 millions de dollars)
à l’organisation du programme de lutte, dont le projet Varela est l’une des
clés. L’ambassadeur Cason n’a jamais caché son étroite collaboration avec la
très réactionnaire Fondation nationale cubano-américaine, créée en 1981 par
feu Mas Canosa avec l’appui de Reagan, et dont la nature terroriste des
agissements est avérée (attentats contre des hôtels sur l’île en 1997),
comme avec diverses formations paramilitaires s’étant illustrées par maintes
tentatives d’assassinat contre des dirigeants de la révolution.

Les témoignages d’agents de la Sécurité de l’État cubain, au nombre desquels
Odilia Collazo Valdés, la présidente du Parti des Droits de l’Homme, et
Néstor Baguer, président de l’Association des Journalistes indépendants,
infiltrés dans les « groupes dissidents » depuis 13 ans pour l’une et 11 ans
pour l’autre, ont fait la lumière sur la dépendance financière des accusés à 
l’égard de la mission des États-Unis à Cuba et le fait qu’ils travaillaient
en fait au service de cette puissance étrangère : recrutement de
volontaires, commande de rapports sur la « violation des droits de l’Homme »
à rédiger sur instructions et avec « documentation » fournie par Cubanet
Miami, mise à disposition de la résidence de fonction de Cason pour animer
des « think tanks », fourniture de passes aux membres permettant à toute
heure un accès à l’enceinte du Bureau des Intérêts des États-Unis.

Le « pigiste » de base était acheté cinq fois la paie d’un médecin ou d’un
professeur, sans compter les « cadeaux », par les bons soins de la National
Endowment for Democracy. « Plus la fausse nouvelle était grosse, mieux elle
était payée. La plupart de ces gens ont des milliers de dollars sur des
comptes en banque à l’étranger », a déclaré Néstor Baguer à la conférence de
presse du 14 avril marquant sa réintégration officielle de l’Union des
Journalistes de Cuba. « Je les ai vus remettre leurs prétendus "articles" à 
la Section des Intérêts avant leur envoi à Miami. Quels journalistes
sont-ils qui font réviser leurs papiers par un pays étranger agressant le
leur ? ». Les condamnations les plus graves ne sont pas celles de « délit
d’opinion », qui n’existe pas en droit pénal cubain, mais de « trahison » :
les 75 « intellectuels » -dont 14 sont diplômés universitaires, parmi
lesquels seulement quatre en journalisme ou en communication- ont été
condamnés à des peines de 6 à 28 ans de prison.

Les vrais défenseurs des droits de l’Homme sont ceux qui comprennent que le
peuple et le gouvernement cubains doivent se défendre contre des groupes qui
font le jeu, dans le contexte très difficile que connaît l’île, de la
réaction aux États-Unis -quand ils n’en sont pas les agents stipendiés.

Nombreux sont les Français qui ont désormais pris conscience de ce dont les
autorités états-uniennes sont capables pour briser qui leur résiste :
campagne anti-française de calomnies, boycott de produits, contrôle des
médias par la finance ou par l’armée, manipulation des faits et mépris de
l’opinion publique, chantage sur des États souverains du Conseil de
Sécurité. Et ils savent aussi la force et la fierté qu’un peuple ressent en
assumant cette lutte, comme la sympathie et le respect qu’elle lui vaut
d’autres peuples. Il faut donc prendre la mesure véritable du blocus imposé
contre Cuba : il s’agit d’une guerre non déclarée des États-Unis.

Ce blocus -durci par la loi Helms-Burton, qui viole le droit international
et le principe de souveraineté nationale par l’extraterritorialité de ses
sanctions- est condamné par une majorité écrasante de pays membres de
l’Assemblée générale des Nations unies (Résolution 56/9). En novembre 2002,
173 pays ont voté pour sa levée. et 3 contre : États-Unis, Israël et îles
Marshall. Pour la 11e année consécutive, le représentant des États-Unis
déclara que son gouvernement ne se plierait pas aux injonctions de l’ONU.

George W. Bush a encore renforcé le dispositif anti-cubain, d’autant que
plusieurs des conseillers d’origine cubaine nommés au sein de son cabinet
sont des responsables connus d’organisations contre-révolutionnaires
d’extrême droite, comme c’est le cas d’Otto Reich, conseiller du Président
pour les affaires latino-américaines.

Toute la stratégie des États-Unis repose sur la recherche d’une condamnation
de l’île pour « violation des droits de l’homme » afin de pouvoir justifier
leur refus de lever le blocus. Lors de la 58e session de la Commission des
Droits de l’Homme, en avril 2002, une résolution dictée par Washington « 
invita » Cuba à « réaliser des progrès dans le domaine des droits de l’homme
civils et politiques ». « sans méconnaître les efforts faits pour donner
effet aux droits sociaux de la population ». Sous la pression des
États-Unis, la soumission des délégués latino-américains fut quasi totale :
toute honte bue, ils l’approuvèrent, à l’exception d’un non (Venezuela) et
deux abstentions (Brésil, Équateur). Les manifestations populaires de
soutien à Cuba (México, Buenos Aires, Santiago du Chili.) furent simplement
ignorées. Le représentant cubain demanda si le modèle qu’on lui proposait
était celui d’un pays du Nord où un homme venait d’être élu président après
un vol électoral ou celui d’un pays du Sud où la population poussée à bout
par le chaos causé par le FMI assaillait des camions et des supermarchés
pour se nourrir.

La soi-disant « violation des droits de l’Homme à Cuba » est l’arme
idéologique la plus pernicieuse utilisée par les États-Unis contre l’île. Ce
qu’il convient d’interroger, ce sont les mécanismes par lesquels le
gouvernement d’un pays dont on sait qu’il est né d’un génocide récent, où la
ségrégation raciale est restée tard la séquelle de l’esclavage le plus
massif du monde, qui exhibe le spectacle de ses inégalités abyssales et
d’une violence sociale pathologique, qui a soutenu les dictatures les plus
sanguinaires d’Amérique latine -les imposant parfois par la liquidation
d’expériences authentiquement progressistes-, qui ne reconnaît pas la Cour
internationale de justice de peur de voir quelques-uns de ses anciens
dirigeants devoir comparaître pour crime contre l’humanité, qui maintient
par la force armée l’ordre de son hégémonie sur un système mondial inique.
accuse de violation des droits de l’Homme le gouvernement d’un pays où aucun
enfant ne meurt de faim ni ne travaille, où l’école et la médecine sont
gratuites, où les discriminations ont reculé plus qu’au Nord, où une
alimentation à prix modique reste disponible pour tous malgré la crise, où
le peuple a conquis des droits sociaux étendus et est effectivement associé
à la construction politico-économique du projet de société, où la sécurité
est assurée et la violence minimale, où il n’y a ni disparus, ni meurtres,
ni tortures.

Un élément de réponse réside dans le conflit qui oppose les deux pays,
lequel, avant d’être compris par la confrontation Est-Ouest du passé, doit
l’être au prisme de leurs relations bilatérales. Car ce sont elles qui
expliquent à la fois la persistance du conflit après la disparition de
l’URSS et le traitement différencié que les États-Unis appliquent à Cuba par
rapport à d’autres pays communistes, telle la Chine. Les droits de l’Homme
n’ont jamais occupé de place privilégiée dans la stratégie extérieure qui
guide les États-Unis ni leur violation valu (sauf par calcul) au pullulement
de dictatures alliées de ces derniers de suppression de l’aide
militaro-économique.

La rhétorique à géométrie variable des droits de l’Homme est dirigée contre
Cuba parce que sa révolution est un « cauchemar », non pour les Cubains qui
la font depuis plus de 40 ans, mais pour l’establishment réactionnaire
états-unien. Anti-capitaliste, anti-impérialiste, anti-raciste, Cuba défend
l’émancipation sociale, la libération nationale et le métissage
égalitaire -soit l’exact opposé du régime néolibéral-guerrier imposé au
monde par le États-Unis.

Source : CUBA SOLIDARITY PROJECT
http://cubasolidarite.fr.st

"Lorsque les Etats-Unis sont venus chercher Cuba,
nous n’avons rien dit, nous n’étions pas Cubains."






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