Pour la Chine, un cas de contamination est déjà un cas de trop. Une épidémie commence toujours par un cas. C’est la règle même des épidémies que beaucoup hélas ne semblent avoir comprise.
Derrière son succès, qui pourrait beaucoup nous apprendre, il y a aussi d’autres facteurs : et d’abord un facteur social, moral : on estime là-bas que la morale c’est tenir compte avant tout de l’autre, de la santé de l’autre. C’est la base du contrat social. On met alors le masque pour préserver l’autre. Ailleurs, y compris chez nous, on pourra revendiquer, au nom de la liberté, le droit de ne pas le porter. On pourra penser, en toute bonne foi, qu’il s’agit de sa propre vie et qu’on est seul en droit de décider, de la mettre en péril ou non. C’est du pain béni pour le virus.
Le témoignage sur la chaîne française LCI d’un médecin français résident en Chine, "la Chine a fait la fête après l’éradication de l’épidémie à Wuhan, mais nous en France, nous l’avons faite pendant l’épidémie. Elle a fait la rentrée scolaire après la fin de l’épidémie à Wuhan, nous, nous la faisons pendant".
C’est aussi une victoire technologique : 10 millions de tests dans la seule ville de Wuhan, pas un habitant qui n’ait été contrôlé. L’utilisation par tous des applications numériques qui font que chacun peut savoir s’il a une personne contaminée dans ses environs. Ailleurs, on se méfie des gouvernants, les théories complotistes fleurissent, le Pr Raoult vient proposer son médicament miracle de l’hydroxychloroquine à une opinion et des gouvernants crédules, on polémique à l’infini sur l’atteinte aux libertés que représentent les applications numériques. On pourra ainsi suffoquer mais avec le plaisir d’être " libre".
La Chine prend le large
En Chine, au lieu d’être un frein, cette épidémie s’est transformée en un élan technologique, social, et moral. L’activité économique n’a pas été opposée aux impératifs humains, comme cela se passe désormais un peu partout, où on envisage froidement un coût humain à l’épidémie. La liquidation de l’épidémie, la prise en compte avant tout du facteur humain, celui de la santé des populations (1) a créé un climat de confiance envers le pouvoir. L’activité économique a alors repris puissamment, démontrant par là même que les deux options, économique et humaine ne devaient pas être opposées. La Chine prend désormais le large, aussi bien sur le plan économique que technologique.
Or, dans la plupart des pays, tout se passe comme si on n’avait d’autre vision que statique, c’est-à-dire revenir à avant la Covid 19, au passé, et d’autre ambition que de lancer, dans une atmosphère irréelle, des plans de relance économique à coup de dizaines de milliards de dollars, dont on ne sait d’où ils viennent en l’absence de croissance, et sans qu’on comprenne qu’on est rentré vraiment dans une autre époque Quand donc va-t-on comprendre que cette épidémie est un test pour chaque gouvernement, pour chaque pays, pour chaque société, qu’elle déterminera leur avenir à chacun .
Pour se convaincre de la différence d’efficacité dans l’approche de l’épidémie, il suffit de considérer et de comparer la situation actuelle de la Chine avec un pays de même population comme l’Inde. Que dire aussi de la comparaison avec les Etats unis.
C’est la deuxième victoire stratégique que la Chine remporte sur une épidémie après celle de 2005 sur le virus SRAS. Elle est significative. Tout laisse, en effet, croire que dans l’avenir, ces situations épidémiques vont se répéter avec la mondialisation et le développement de la population humaine, qu’elles exigeront de nouveaux moyens technologiques et économiques, et de profondes réformes sociales.
Ne pourrait-on pas essayer d’apprendre de l’expérience de la Chine, d’y envoyer des missions d’information ? "Allez chercher le savoir jusqu’en Chine".
Pr Djamel LABIDI
(1) "La Chine a donné la priorité à la vie et à la santé de son peuple malgré les avantages économiques à court terme.." déclare Wang Hufeng, directeur du Centre d’études pour la réforme des soins de santé de l’Université Renmin de Chine.