Le jugement est tombé ce lundi 28 août : Mahmoud Thiam a été condamné à sept ans de prison ferme aux États-Unis. L’ancien ministre guinéen des Mines, aujourd’hui âgé de 50 ans, est accusé par la Justice étasunienne d’avoir bénéficié de pots-de-vin et d’avoir blanchi ses revenus illégaux sur le territoire américain. Près de 8 millions de dollars de dessous de table auraient transité sur les comptes du responsable politique africain.
La corruption est l’un des nombreux fléaux suscités par le développement anarchique du secteur minier en Guinée. Deux groupes chinois sont particulièrement pointés du doigt dans cette affaire : China International Fund SA et China Sonangol. Ces derniers auraient « graissé la patte » de l’ancien ministre afin de profiter d’un traitement de faveur dans la gestion des droits d’exploitations miniers guinéens.
Depuis plusieurs années, les dérives provoquées par l’économie minière se multiplient : en juillet 2017 déjà, l’agence anticorruption britannique ouvrait une enquête sur le groupe anglo-australien « Rio Tinto ». Plusieurs de ses responsables en poste en Guinée sont suspectés d’avoir versé près de 10 millions de dollars en 2011 à un proche du président Alpha Condé, afin d’obtenir un permis d’exploitation pour un gigantesque gisement de fer.
Conséquences dramatiques de l’exploitation de la bauxite
La Guinée serait-elle touchée par la « Malédiction des ressources naturelles » ? Selon cette théorie décrite dans les années 90 par l’économiste britannique Richard Auty, les pays exportateurs de matières premières (pétrole, gaz, minerais...) auraient plus tendance à s’enfoncer dans une forme de stagnation économique et un régime autoritaire. La faible diversification de l’économie serait plus propice à la mainmise d’une poignée d’individus sur cette richesse soudaine provenant d’une seule ressource.
Une situation qui explique peut-être pourquoi l’État guinéen tarde à prendre des mesures contre les tout-puissants groupes miniers chinois. Face à la corruption et aux pots-de-vin, les dommages sociaux et environnementaux provoqués par l’extraction de bauxite ne pèsent guères. Car les ravages causés par ce secteur sont nombreux : pollution, eau contaminée, air intoxiqué, saccage de la forêt... Des conséquences telles qu’en janvier 2014, l’Indonésie annonçait interdire l’exportation de bauxite pour limiter les dégâts de son exploitation.
Une activité économique qui ne profite guère aux populations locales : les entreprises chinoises embauchent peu sur place et se fournissent auprès de prestataires étrangers au lieu de collaborer avec les groupes guinéens. Une situation qui avait conduit à de véritables scènes d’émeutes en avril dernier dans la ville de Boké, dans l’ouest de pays. Des violences et des affrontements avec les forces de l’ordre par des habitants excédés de voir leur environnement et leurs conditions de vie malmenées par un secteur monopolisé par les entreprises chinoises et qui ne participe pas au développement national.
Une contestation sociale et une impopularité qui pourraient se retourner contre ces grands groupes chinois. La récente condamnation par la justice américaine de l’ancien ministre des Mines démontre que le système de corruption a ses limites, et qu’il pourrait être de plus en plus difficile pour ces puissantes firmes de s’arroger le secteur de la bauxite avec leurs pratiques peu recommandables.
D’autant plus que certains concurrents présents en Guinée ont intégré dans leur stratégie qu’une implantation durable dépend aussi du bien-être des populations locales. Présente dans le pays depuis 2001, l’entreprise russe Rusal est l’une des plus importantes productrices d’aluminium au monde (6,2 % de la production mondiale). Elle possède désormais plusieurs entreprises guinéennes, comme la « Compagnie des Bauxites de Kindia », et s’implante de plus en plus en Afrique de l’Ouest. Or, Rusal a multiplié les investissements, notamment avec la construction en 2014 pour 10 millions de dollars d’un « Centre de recherche en épidémiologie-microbiologie et des soins médicaux ». C’est ici qu’est administré depuis le 18 août le dernier vaccin contre le virus Ebola, mis au point par les scientifiques russes, approuvé et homologué par l’OMS en février 2016. Plus d’un millier de bénévoles pourront bénéficier de ce nouveau traitement dans les prochains mois.
Les infrastructures médicales financées par Rusal bénéficient directement aux populations. Un état d’esprit diamétralement différent que celui adopté par les groupes chinois, qui préfèrent s’assurer du soutien des élites locales, à coup de contrats faramineux et de dessous de table. Mais ce système restera-t-il viable encore longtemps ?