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Comprendre le capitalisme actuel






Ce texte reprend deux contributions publiées dans « Le marxisme face au capitalisme contemporain », Cahiers de critique communiste, 2004. Il cherche à éclairer cette question : dans quelle mesure les apports de Marx peuvent-ils permettre de mieux comprendre le fonctionnement du capitalisme contemporain ? (...)



Octobre 2006. (Extrait)


La marchandise contre les besoins

Le capitalisme d’aujourd’hui se distingue par un projet systématique, voire dogmatique, de transformer en marchandises ce qui ne l’est pas ou ne devrait pas l’être. Un tel projet est doublement réactionnaire : il affirme à la fois la volonté du capitalisme de retourner à son état de nature en effaçant tout ce qui avait pu le civiliser ; il révèle son incapacité profonde à prendre en charge les problèmes nouveaux qui se posent à l’humanité.

Le capitalisme veut bien répondre à des besoins rationnels et à des aspirations légitimes, comme soigner les malades du Sida ou limiter les émissions de gaz à effet de serre ; mais c’est à la condition que cela passe sous les fourches caudines de la marchandise et du profit. Dans le cas du Sida, le principe intangible est de vendre les médicaments au prix qui rentabilise leur capital, et tant pis si ce prix n’est abordable que par une minorité des personnes concernées. C’est bien la loi de la valeur qui s’applique ici, avec son efficacité propre, qui n’est pas de soigner le maximum de malades mais de rentabiliser le capital investi. Les luttes qui visent, non sans succès, à contrer ce principe d’efficacité ont un contenu anticapitaliste immédiat, puisque l’alternative est de financer la recherche sur fonds publics et ensuite de distribuer les médicaments en fonction du pouvoir d’achat des patients, y compris gratuitement. Quand les grands groupes pharmaceutiques s’opposent avec acharnement à la production et à la diffusion de médicaments génériques, c’est le statut de marchandises et c’est le statut de capital de leurs mises de fonds qu’ils défendent, avec une grande lucidité.

Il en va de même pour l’eau qui a suscité de nombreuses luttes à travers le monde, et on retrouve la même opposition à propos de cette question écologique fondamentale qu’est la lutte contre l’effet de serre. Là encore, les puissances capitalistes (groupes industriels et gouvernements) refusent le moindre pas vers une solution rationnelle qui serait la planification énergétique à l’échelle planétaire. Ils cherchent des succédanés qui ont pour nom « éco-taxe » ou « droits à polluer ». Il s’agit pour eux de faire rentrer la gestion de ce problème dans l’espace des outils marchands où, pour aller vite, on joue sur les coûts et les prix, au lieu de jouer sur les quantités. Il s’agit de créer de pseudo-marchandises et de pseudo-marchés, dont l’exemple le plus caricatural est le projet de marché des droits à polluer. C’est une pure absurdité qui ne résiste même pas aux contradictions inter-impérialistes, comme l’a montré la dénonciation unilatérale par les Etats-Unis de l’accord de Kyoto, pourtant bien timide.

Dans le même temps, le capitalisme contemporain vise à organiser l’économie mondiale et l’ensemble des sociétés selon ses propres modalités, qui tournent le dos aux objectifs de bien-être. Le processus de constitution d’un marché mondial est mené de manière systématique et vise au fond l’établissement d’une loi de la valeur internationale. Mais ce projet se heurte à de profondes contradictions, parce qu’il repose sur la négation des différentiels de productivité qui font obstacle à la formation d’un espace de valorisation homogène. Cet oubli conduit à des effets d’éviction qui impliquent l’élimination potentielle de tout travail qui ne se hisse pas d’emblée aux normes de rentabilité les plus élevées, celles que le marché mondial tend à universaliser. Les pays sont alors fractionnés entre deux grands secteurs, celui qui s’intègre au marché mondial, et celui qui doit en être tenu à l’écart. Il s’agit alors d’un anti-modèle de développement, et ce processus de dualisation des pays du Sud est strictement identique à ce que l’on appelle exclusion dans les pays du Nord.

C’est enfin la force de travail elle-même que le patronat voudrait ramener à un statut de pure marchandise. Le projet de « refondation sociale » du Medef exprimait bien cette ambition de n’avoir à payer le salarié qu’au moment où il travaille pour le patron, ce qui signifie réduire au minimum et reporter sur les finances publiques les éléments de salaire socialisé, remarchandiser les retraites, et faire disparaître la notion même de durée légale du travail. Ce projet tourne le dos au progrès social qui passe au contraire par la démarchandisation et le temps libre. Il ne faut pas compter ici sur les innovations de la technique pour atteindre cet objectif mais sur un projet radical de transformation sociale qui est le seul moyen de renvoyer la vieille loi de la valeur au rayon des antiquités. La lutte pour le temps libre comme moyen privilégié de redistribuer les gains de productivité est alors la voie royale pour faire que le travail ne soit plus une marchandise et que l’arithmétique des besoins sociaux se substitue à celle du profit : « la production basée sur la valeur d’échange s’effondre de ce fait, et le procès de production matériel immédiat se voit lui-même dépouillé de sa forme mesquine, misérable, antagonique. C’est alors le libre développement des individualités. Il ne s’agit plus dès lors de réduire le temps de travail nécessaire en vue de développer le surtravail, mais de réduire en général le travail nécessaire de la société à un minimum »7. (...)

- Lire l’ exposé de Michel Husson (pdf) :<BR>
http://hussonet.free.fr




Sécurité sociale professionnelle : Attention aux contrefaçons ! par Michel Husson.

Hirondelle présidentielle, par Michel Husson.




 Photo-montage : http://hussonet.free.fr


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