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Colombie - Mon retour au maquis, par Rodrigo Granda, chef des FARC, médiateur pour l’échange humanitaire.



Retour de Rodrigo Granda (à droite) en Colombie, Octobre 2007, photo : FARC.







[A ce moment-là nous ne savions rien de la demande et des démarches de Sarkozy. Le Mandaté n’en a jamais parlé. C’est après notre deuxième refus, lors d’une nouvelle conversation, que le Mandaté fut contraint d’expliquer ce qui se passait : « Le gouvernement a pris la décision de libérer Granda. Cela n’est pas extensif à Jhon Jairo. C’est un geste unilatéral du gouvernement qui agit ainsi pour des raisons d’État à la demande du président français Sarkozy. Un décret présidentiel, soutenu par des raisons d’État, sera publié - il a déjà été discuté avec les chefs des partis, l’Église et les Cours. Je n’ai rien à négocier et je propose que Granda entre dans une ambassade, ou qu’il soit de façon transitoire pris en charge par l’Église, pendant que nous consultons les gouvernements français, suisse et cubain, pour qu’il parte vers l’un de ces pays. S’il refuse de sortir de la prison, l’État colombien fera usage de son pouvoir et de la force pour le sortir et le mettre à la porte de la prison. Cela se fera avant le 7 juin 2007, jour où le président Uribe Vélez se présentera aux médias pour l’annoncer publiquement et pour faire connaître les raisons d’État qui soutiennent la décision de libérer Granda et d’autres guérilleros des FARC ».]







Mon retour au maquis, par Rodrigo Granda.



- Première partie



Cadena Radial Bolivariana - Voz de la Resistencia, 5 novembre 2007.


Ceux qui (commandités par l’État) ont planifié, financé et exécuté mon enlèvement, à Caracas en décembre 2004, n’avaient certainement jamais imaginé qu’ils emmenaient les mains dans le dos menottées, le visage couvert, puis enfermé dans le coffre d’une voiture de couleur bleue, une personne qui se convertirait de par l’absurdité d’un tel acte, en objet d’intérêt pour les peuples et les gouvernements de Colombie et du Venezuela, ainsi que pour l’opinion publique internationale.

Monsieur Uribe Vélez croyait disposer du droit d’imiter Bush lequel commettait alors lui-même des actes de piraterie internationale, en violation de la souveraineté de différents sur les cinq continents, séquestrant des révolutionnaires, les emmenant vers des prisons secrètes sur le territoire d’États complices, recourant aux vols et atterrissages clandestins, bénéficiant de la complaisance de ceux qui se ralliaient à son obsessive « guerre infinie » lancée dans le cadre de son absurde lutte contre le terrorisme.

Les enlèvements à l’étranger et particulièrement au Venezuela à l’encontre des opposants au régime uribiste sont une pratique constante du gouvernement colombien. Avant mon enlèvement, d’autres personnes, bizarrement suspectées d’appartenir aux FARC-EP ou à l’ELN, avaient connu le même sort. Après mon enlèvement, il y a eu d’autres cas - et les dénonciations nationales et internationales n’ont pas réussi à enrayer ces pratiques criminelles.

Protégés par l’impunité qui les protège, un groupe de la haute hiérarchie du gouvernement -qui avait déclaré les FARC organisation terroriste et avait ordonné la capture et l’assassinat des membres de la Commission Internationale de notre Guérilla dans n’importe quel pays du monde- a ouvert la voie à l’enlèvement de Caracas.

Par action ou omission, les responsables sont : le président Alvaro Uribe Vélez, le vice-président Francisco Santos, l’ex-ministre de la Défense Alberto Uribe Echevarrà­a, l’ex-directeur de la Police nationale Jorge Daniel Castro, l’actuel directeur de la Police nationale Général Oscar Naranjo, l’ex-directeur du Département Administratif de Sécurité (DAS) Jorge Noguera -aujourd’hui détenu pour ses liens avec le paramilitarisme-, l’ex-procureur général Camilo Osorio -actuellement ambassadeur au Mexique et également sous le coup d’une investigation pour paramilitarisme-, ainsi qu’un groupe d’officiers et de sous-officiers de la police, de l’armée et des membres du ministère de la Justice, lesquels ont agi en complicité avec des agents corrompus de la Garde nationale et de la DISIP vénézuéliennes.

Les autorités colombiennes partaient du principe qu’en me présentant comme terroriste et narcotrafiquant « capturé dans la ville colombienne de Cúcuta », elles pourraient se prévaloir d’une victoire sur les FARC-EP. De là leurs efforts pour me faire passer pour le ministre des affaires étrangères de notre organisation et commandant de première importance dans les rangs de la guérilla, me refusant ainsi la condition, pourtant indéniable, de simple soldat de la révolution.

Les louanges et les offres d’argent et de réinstallation à l’étranger, famille comprise, se sont mêlées aux menaces d’extradition aux États-Unis ou au Paraguay. A cela s’ajoutait le chantage selon lequel « je ne reverrais plus la lumière du soleil parce que les procès montés contre moi seraient longs » [« pas collés avec de la salive », selon les mots de mes geôliers]. Selon eux, la seule option qu’il me restât était que j’accepte de mentir en impliquant le président Hugo Chávez et la révolution vénézuélienne dans les activités de la guérilla colombienne, de me transformer en collaborateur perpétuel de l’armée régulière et des organes de l’État paramilitaire et maffieux,de dénoncer mes camarades et de leur livrer le commandant Raúl Reyes.

Ceux qui font de telles offres ne m’inspirent que de la répulsion et du dégoût.

Le courage de quelques intellectuels du monde entier, de démocrates, d’organisations populaires vénézuéliennes et colombiennes et d’un grand nombre de journalistes qui ont dénoncé l’enlèvement, mais également et surtout le communiqué du Secrétariat de l’État Major Central des FARC-EP, exigeant une réponse quant à ma situation, tout cela a empêché que la manoeuvre d’Uribe Vélez ne restât impunie. Le monde a su la vérité d’un rapt d’État réalisé par le gouvernement colombien, en violation de la souveraineté d’un autre pays, pays bolivarien frère.

Les prisons de grande sécurité dans le pays, la comparution devant des procureurs, des juges et des tribunaux vénaux, c’est devenu mon quotidien. Un seul but : ma condamnation au moyen de jugements truqués. Il s’agissait d’un problème politique géré par le gouvernement là où les juges se sont honteusement inclinés quand il s’est agi de « décider en conscience », montrant ainsi comment fonctionne la justice de classe et comment elle est appliquée contre les combattants populaires.

Une sentence de 21 ans cela leur semblait peu : c’est pour cela qu’ils ont lancé d’autres procédures judiciaires infâmes pour continuer d’augmenter les années que j’aurais dû passer en prison, dans les geôles indignes données par le Bureau des prisons des États-unis.

Uribe Vélez a dû rester sans voix quand le président français Nicolas Sarkozy a demandé ma libération. Il n’a su qu’affirmer que « la confiance a prévalu sur la curiosité » et c’est pour cela qu’il s’est abstenu de poser des questions. Ce geste de Sarkozy a complètement renversé l’affaire Granda.

Les oiseaux de mauvais augure, ceux qui cuisinaient mon extradition et ceux qui demandaient la prison à perpétuité, alors que cette peine n’existe pas dans les codes de notre pays -au grand regret de certains-, ont été déçus. Celui qui était pour eux un « criminel » sortait de prison la tête haute pour de nouveau enfreindre la loi.

Jouant avec des cartes truquées le gouvernement colombien a voulu tirer profit de la demande de Sarkozy, pour défendre ses propres intérêts. Sarkozy avait demandé à monsieur Uribe Vélez de simplement me libérer, rien de plus. Mais le gouvernement a commencé à intriguer autour de cette demande française, afin d’en tirer des avantages politiques, parlant en toute hypocrisie de son « grand coeur ».

Celui qui était alors directeur national de l’INPEC, le général Eduardo Morales Beltrán, est venu jusqu’à la prison de haute sécurité de La Dorada (Caldas), pour me sonder, pour savoir si je serais opposé à une rencontre avec le Haut Mandaté pour la Paix du gouvernement Uribe Vélez. J’ai alors dit que je n’y voyais aucun inconvénient.

Le lendemain le général est revenu en compagnie du Mandaté le Docteur Restrepo, lequel m’a présenté Jhon Jairo et un autre compañero délégué par les combattants des FARC détenus, signalant que le gouvernement avait pris la décision de libérer plus de 200 membres de la guérilla sur une liste de 1600 détenus qui, selon eux, ils avaient dans les différentes prisons du pays, chiffre de toute évidence gonflé.

L’idée était que Jhon Jairo de la Colonne Tulio Barón des FARC et Granda prennent la tête de la démobilisation des combattants à partir de la prison, afin que le gouvernement pût conséquemment prétendre être en train de déverrouiller l’Échange humanitaire et de favoriser les rapprochements vers les Dialogues pour la paix à la recherche d’une issue au conflit colombien. A la suite de cela on nous a demandé s’il y aurait un geste réciproque de la part des FARC au cas où se produirait notre libération et celle des autres camarades. Le Docteur Restrepo a signalé que les conditions pour nous libérer étaient : renoncer à l’appartenance aux FARC, ne pas retourner au maquis, ne pas attaquer les forces publiques ni la population civile, ne pas séquestrer et ne pas retourner à nos activités délictueuses. Des propositions insultantes pour nous et inacceptables en cela qu’elles nous considéraient comme des délinquants communs, ignorant ma condition de séquestré par l’État colombien et la condition de prisonniers de guerre pour les autres compañeros.

Évidemment, nous nous sommes opposés à ces conditions, et la rencontre s’est donc brutalement interrompue. Le Mandaté pour la Paix et le général Morales n’ont pas eu d’autre solution que de retourner à Bogotá - et nous à notre cellule chaude et obscure.

Cependant qu’on nous présentait cette proposition à La Dorada, les autres prisons dans tout le pays étaient visitées par des procureurs, des envoyés du Mandaté pour la Paix et par des juges, qui apportaient aux membres des FARC le message selon lequel le gouvernement les laisserait en liberté dans la mesure où ils rempliraient un formulaire avec lequel ils accepteraient les mêmes indignes conditions que nous avait proposées le Docteur Restrepo.


Quand nous nous y attendions le moins, nous avons reçu une nouvelle visite de Restrepo et de Morales. Le Mandaté a indiqué que le gouvernement était disposé à nous amnistier ou à nous faire bénéficier de la Loi Justice et Paix, à nous placer sous la responsabilité de la Croix Rouge Internationale ou de l’Église, ou bien si nous préférions partir à l’étranger. Mais en tout état de cause nous devions accepter les conditions déjà énoncées. Nous avons maintenu notre première réponse : un NON clair et total.

A ce moment-là nous ne savions rien de la demande et des démarches de Sarkozy. Le Mandaté n’en a jamais parlé. C’est après notre deuxième refus, lors d’une nouvelle conversation, que le Mandaté fut contraint d’expliquer ce qui se passait : « Le gouvernement a pris la décision de libérer Granda. Cela n’est pas extensif à Jhon Jairo. C’est un geste unilatéral du gouvernement qui agit ainsi pour des raisons d’État à la demande du président français Sarkozy. Un décret présidentiel, soutenu par des raisons d’État, sera publié - il a déjà été discuté avec les chefs des partis, l’Église et les Cours. Je n’ai rien à négocier et je propose que Granda entre dans une ambassade, ou qu’il soit de façon transitoire pris en charge par l’Église, pendant que nous consultons les gouvernements français, suisse et cubain, pour qu’il parte vers l’un de ces pays. S’il refuse de sortir de la prison, l’État colombien fera usage de son pouvoir et de la force pour le sortir et le mettre à la porte de la prison. Cela se fera avant le 7 juin 2007, jour où le président Uribe Vélez se présentera aux médias pour l’annoncer publiquement et pour faire connaître les raisons d’État qui soutiennent la décision de libérer Granda et d’autres guérilleros des FARC ».

Devant cette situation, nous avons pris contact avec le père Echeverri, secrétaire de la Conférence Épiscopale Colombienne, et avec l’Attaché politique de l’Ambassade de Cuba en Colombie, monsieur Antelo, pour voir comment ils pourraient collaborer à ma situation transitoire en l’un de ces lieux, afin d’éviter un attentat contre moi, ce qui se tramait depuis quelques temps à l’intérieur de la prison - ce qui, en cas de libération, serait facilement réalisable par des institutions officielles ou les paramilitaires.

Le décret présidentiel de ma libération s’est produit le 4 juin 2007. Là le gouvernement invoque les raisons d’État et il ajoute qu’il me nomme « facilitateur de paix » (« gestor de paz »), une fonction qui n’existait pas et que je pouvais difficilement accepter, puisqu’en tant que guérillero j’obéis aux ordres des organes supérieurs des FARC-EP, lesquels m’assignent mes tâches, ce qui n’est pas le cas d’Uribe Vélez. J’ajouterais que tous les commandements et tous les combattants des FARC-EP sont de véritables propulseurs de la paix avec justice sociale sans qu’il ne soit nécessaire qu’un décret le dise, surtout pas un décret présidentiel. On travaille à cela par conviction et pour apporter le bonheur à notre peuple, comme c’est le devoir de ceux qui se disent révolutionnaires.

De la prison Doña Juana de La Dorada (Caldas), j’ai été transporté en hélicoptère à la base aérienne de Palanquero, puis, de cet endroit, dans un avion du Mandaté. En compagnie de ce dernier et du père Darà­o Echeverri j’ai été emmené à Bogotá. L’Église a prêté les lieux de la Conférence épiscopale pour mon séjour dans cette ville tandis que se réglait la question de mon séjour transitoire à Cuba, en Suisse ou en France, comme seules destinations possibles, puisque le gouvernement avait refusé de me rapatrier vers ma deuxième patrie, le Venezuela, dont j’ai acquis la nationalité en respectant toute la procédure légale. On a également refusé de m’envoyer en Équateur ou au Brésil.

En accord entre les gouvernements de Cuba et de la Colombie, et comptant de mon côté avec l’autorisation du Secrétariat des FARC-EP j’ai été emmené vers l’àŽle en un vol charter accompagné par le père Darà­o Echeverri et l’un de mes avocats, le brillant juriste Miguel à ngel González. Une délégation de l’État et du Parti communiste de Cuba conduite par Armando Campos et José Antonio López a eu la gentillesse de nous recevoir à La Havane.

Le Conseil d’État et ensuite le Parti communiste de Cuba ont dès mon arrivée offert les attentions les plus chaleureuses pendant les trois mois que j’ai passés dans la patrie de Martà­, de Fidel et du Che - bénéficiant de l’immense fraternité qui émane de ce peuple merveilleux et héroïque.

La vie nous offre d’heureuses surprises. Aujourd’hui, de par la décision souveraine des FARC-EP, le Secrétariat national de l’organisation considère que je dois reprendre les tâches qui étaient les miennes dans la recherche de l’Échange humanitaire, et reprendre mes modestes efforts, lesquels s’ajoutent à ceux de tout le tout le collectif fariano (des FARC) qui combat pour une issue différente à la guerre due à l’entêtement d’Uribe Vélez.

Sans laisser Cuba, parce qu’elle sera toujours dans mon coeur, poursuivant le magnanime objectif mentionné, je suis revenu à Caracas le 8 octobre [2007] Jour du Guérillero Héroïque. Puis j’ai pu de nouveau me rendre dans nos chers campements insurgés, donner l’accolade bolivarienne aux camarades et aux frères qui à cet instant représentaient les milliers de guérilleras et de guérilleros qui combattent pour la Nouvelle Colombie. Nous étions de retour avec Iván Márquez, avec Santrich, avec Lucia, avec Marco Calarcá, et des centaines de combattants qui ne m’avaient jamais abandonné comme ils n’abandonneront jamais les nôtres en prison, célébrant le retour au maquis avec une joie infinie que nous faisons extensive, avec le signe de la victoire, à tous les combattants sous les ordres de Manuel, dans les prisons, dans les vallées, dans les Cordillères, dans les montagnes et dans les villes de Colombie, avec la certitude que dans notre allégresse se trouve l’espoir du peuple qui désir la paix.




Rodrigo Granda, avec la délégation des FARC-EP à Caracas, 11 novembre 2007, exclusif ABP.






- Deuxième partie



Cadena Radial Bolivariana - Voz de la Resistencia., 6 novembre 2007.


Ricardo (Rodrigo Granda), guérillero des FARC-EP, comme on sait, transite actuellement entre la Colombie et le Venezuela, jouant, par souveraine décision des FARC-EP, son rôle de pont entre notre organisation insurgée et le gouvernement de la République Bolivarienne du Venezuela, au moment où le président Hugo Rafael Chávez Frà­as effectue les démarches de médiation pour la réalisation de l’Échange des prisonniers de guerre entre les FARC et le gouvernement colombien. A ce propos le dirigeant révolutionnaire a dialogué avec CRB-VR (Cadena Radial Bolivariana - Voz de la Resistencia, Chaîne de Radio Bolivarienne - Voix de la Résistance).



CRB-VR : Camarade Ricardo, votre présence entre la ville de Caracas et les montagnes colombiennes, agissant comme vecteur de communication entre le gouvernement de la République Bolivarienne du Venezuela et le Secrétariat des FARC-EP, au moment où le président Hugo Chávez mène une importante action de médiation pour l’Échange humanitaire des prisonniers de guerre entre les Insurgés et le gouvernement colombien, est-ce que cela doit s’interpréter comme une conséquence de votre libération par Uribe Vélez qui vous transformait en « facilitateur de paix » (« gestor de paz ») ?

Ricardo (Rodrigo Granda) : J’ai été libéré selon Uribe Vélez lui-même pour des raisons d’État, en réponse à la demande faite par le président français Nicolas Sarkozy. Le président français a simplement dit : « Libérez Granda ». Il semble qu’Uribe Vélez ait mal interprété cette demande et il a décidé de mettre des conditions à ma libération. C’est pour cela qu’au décret présidentiel 2035 du 4 juin 2007, avec lequel il officialise sa décision, apparaît un ajout, ou plutôt un paravent, qui fait que je suis désigné « facilitateur de paix » (« gestor de paz »), nomination de toute évidence inutile puisque dans les FARC nos commandants et combattants sont tous des architectes de la paix avec justice sociale, en développement de nos convictions révolutionnaires et conformément aux orientations de la Conférence Nationale des Guérilleros qui est notre instance supérieure. Ainsi, mon activité d’aujourd’hui découle de cela et, en plus, d’une décision absolument souveraine du Secrétariat de l’État Major Central des FARC-EP, lequel n’a aucun engagement vis-à -vis du gouvernement d’Uribe Vélez.



CRB-VR : Concrètement, quelle est alors votre mission depuis cette désignation faite par les FARC-EP ?

Ricardo (Rodrigo Granda) : D’abord c’est tout simplement la continuation et la réaffirmation d’un travail que les FARC-EP réalisaient depuis longtemps, conformément à son attitude positive sur la question de l’Échange et de la paix en Colombie. Souvenez-vous que le camarade Simón Trinidad lui-même oeuvrait aussi à cet objectif, jusqu’au moment où le gouvernement Uribe Vélez a ordonné son enlèvement en Équateur, avec la complicité de l’infâme traître Lucio Gutiérrez.

Bien. La question de l’Échange est très sensible pour le peuple colombien et nous devons être très prudents dans son maniement, éviter le plus possible que ce genre de situations ne continuent de générer des frustrations pour les secteurs intéressés par l’Échange et par une possibilité de paix pour la Colombie. C’est pour cette raison que c’est le Secrétariat lui-même qui se charge de cette question, et précisément le commandant en chef Manuel Marulanda Vélez, si bien que lorsque vient le moment de s’asseoir pour parler de l’Accord notre rôle est de contribuer à l’existence d’une communication discrète, fluide et sûre entre les médiateurs et les FARC.



CRB-VR : Certains medias colombiens ont spéculé sur la décision de Sonia et de Simón Trinidad de s’écarter pour ne pas obstruer le processus de l’Échange humanitaire, exprimant qu’il s’agit d’une prise de distance des deux combattants vis-à -vis des FARC-EP. Comment l’organisation guérillera interprète-t-elle la position de ces deux prisonniers de l’empire ?

Ricardo (Rodrigo Granda) : La position de Simón et de Sonia ne peut être interprétée que comme un signe de générosité absolue, montrant la noblesse des combattants des FARC-EP. Ils sont prisonniers de l’empire, victimes de grossiers montages. Ils ont été injustement accusés de délits qu’ils n’ont jamais commis, cela pour exercer un chantage envers les FARC et leur combat pour la justice sociale. Contre eux le gouvernement d’Uribe Vélez applique le revanchisme de classe et l’abandon de la souveraineté nationale en les jetant dans la fosse aux requins impériaux, lesquels ne font rien d’autre que piller et détruire notre pays.

A cette noblesse, à cette grandeur de conscience révolutionnaire, nous répondons bien entendu avec les plus grands efforts pour qu’ils reviennent le plus tôt possible à nos campements. De fait, les FARC ont soutenu que l’Échange signifiera la libération de tous les prisonniers que nous détenons quand nous recevrons tous les nôtres qui sont dans les prisons du gouvernement servile d’Uribe Vélez et ceux qui sont détenus par l’empire.



CRB-VR : Percevez-vous un progrès dans la recherche de l’Échange humanitaire depuis l’entrée en action du président Chávez, de Piedad Córdoba et d’autres personnalités dans le processus ?

Ricardo (Rodrigo Granda) : Sans aucun doute, la participation du président Chávez a donné de l’oxygène au processus de l’Échange humanitaire en Colombie. Rien qu’avec le retour de l’optimisme parmi les familles de prisonniers, de l’un ou de l’autre côté, comme de par la généralisation de l’espoir parmi nos compatriotes, on peut juger de la dimension de la participation du président Chávez au processus. C’est un homme d’immenses qualités, un homme désintéressé dont le monde a pu observer la disposition et la capacité à servir toutes les causes au service des plus malmenés. Je crois que, de part et d’autre, le président Chávez, par son respect même envers ou l’autre des secteurs, ouvre certaines possibilités d’avancer, particulièrement en faveur des prisonniers et de leurs familles.

Les gens qui aspirent à la paix en Colombie, dans leur grande majorité font confiance aux démarches du président Chávez, à la Sénatrice Córdoba et à ceux qui s’affairent sur la question de l’Échange. Nous aussi, nous avons confiance et nous réitérons notre disposition à faire tout notre possible pour satisfaire ces aspirations. D’autre part, fait important à cette étape, comme jamais auparavant, les initiatives pour l’Échange qui se sont produites depuis l’implication du président Chávez ont été accompagnées par d’importants acteurs, ce qui peut, sans aucun doute, contribuer à donner de la force à cette initiative. Par exemple, il y a eu le soutien des Pays Non Alignés, le soutien du Brésil, du Nicaragua, de la Bolivie, etc., lesquels se sont ainsi joints à des pays comme la France, l’Espagne et la Suisse, pays qui, d’une façon ou d’une autre, jouaient aussi un rôle de facilitateurs. De la même façon des personnalités du monde entier, des ONG, des partis politiques, des artistes et un groupe important de sénateurs et de représentants démocrates des États-Unis soutiennent la démarche du gouvernement vénézuélien.

Dans les FARC nous accordons une grande valeur au travail du commandant Chávez et de la Sénatrice Córdoba, ainsi que de tous ceux qui apportent leur soutien - et notre souhait est que dans un délai assez bref nous puissions avoir un résultat positif. Et précisément, les réunions qui peuvent avoir lieu, à un moment donné, entre le président Chávez et des membres du Secrétariat des FARC poursuivent cet objectif primordial sur le chemin de la paix. Soyez sûrs que, comme jamais auparavant, actuellement la question sort de l’enlisement ; pour le moins de notre côté telle est notre disposition. Mais il faudrait juste avoir un peu de patience, parce que l’issue de processus ne dépend pas que de nous. Nous avons cependant une grande confiance, une grande certitude qu’une rencontre entre notre commandant en chef Manuel Marulanda Vélez et Hugo Chávez serait décisive de ce point de vue. Le président Chávez a fait savoir publiquement son souhait de rencontrer le camarade Manuel et ce dernier a également fait savoir qu’il espère que seront réunies les conditions qui permettront la rencontre. Ainsi, ce qui serait opportun ce serait que du côté du gouvernement on offre les facilités pour cette rencontre qui, sans aucun doute, j’ose le dire, éliminerait le noeud gordien et initierait le chemin de la réconciliation avec justice sociale pour les Colombiens.



CRB-VR : Cependant le gouvernement colombien a fait connaître, par la voix du président à lvaro Uribe Vélez, les conditions « inamovibles » : a. pas de démilitarisation territoriale pour les contacts entre les Insurgés et le gouvernement ; et, b. l’impossibilité pour les guérilleros de retourner aux campements des FARC. Que pensent les FARC de cela ? Les FARC ont-elles aussi des inamovibles ? Quelle est la position actuelle de l’organisation insurgée ?

Ricardo (Rodrigo Granda) : Il y a une différence abyssale entre, d’une part, les inamovibles de monsieur Uribe Vélez, qui montrent son intransigeance et sa soumission aux diktats de Washington qui exige l’élimination de ceux qui s’opposent au pillage impérialiste de nos ressources naturelles -ce qui constitue une offense à notre souveraineté- et, d’autre part, la position des FARC, qui exigent un despeje (une zone démilitarisée) pour un impérieuse contrainte de sécurité pour leurs négociateurs et pour pouvoir recevoir et livrer les prisonniers avec les garanties suffisantes quant à leur intégrité physique - ce qui est difficilement réalisable si il y a présence des forces publiques et de leurs paramilitaires dans la zone considérée.

Personne ne peut comprendre un Échange non réciproque. Nous ne posons pas de conditions quant aux prisonniers que nous détenons ; le gouvernement doit agir de la même façon, surtout parce que l’option politique n’est pas négociable. Aucun guérillero avec des principes révolutionnaires ne peut accepter de renoncer à ce droit et à ce devoir, ni au droit de rester dans sa patrie pour lutter pour meilleur futur pour son peuple, en échange d’une liberté sous condition. Aucun véritable révolutionnaire n’échangera sa liberté contre un renoncement, une trahison à ses principes, à son combat. C’est dénigrant, de telle sorte qu’Uribe Vélez doit abandonner son obsession vengeresse, penser aux intérêts du pays et qu’il fasse enfin preuve d’humanité en donnant les conditions pour que tous les nôtres retournent aux campements et pour que ceux qui sont détenus par les FARC rentrent dans leur foyer ou où ils voudront. La seule position intangible de notre c’est celle de la recherche de l’Échange humanitaire.



CRB-VR : Il y a une certaine insistance, surtout de la part des familles, pour que soient données des preuves de la vie des personnes qui sont détenues par les FARC. Le gouvernement colombien a affirmé que les Insurgés refusent de satisfaire cette demande parce qu’ils utilisent cette demande comme levier de pression pour provoquer l’Échange. Que pouvez-vous nous dire sur ce point ?

Ricardo (Rodrigo Granda) : Il existe un dicton qui se prête bien à cette question : « él que las hace se las imagina » [« c’est celui qui le fait qui en a l’idée »] ou un autre dicton très connu qui dit : « el ladrón juzga por su condición » [« le voleur voit les autres à son image »]. A chaque fois que l’occasion s’est présentée, et en prenant en compte la sécurité des otages, sans que personne ne le sollicite, les FARC-EP ont fait parvenir des preuves de vie des personnes qu’elles détiennent. Actuellement le camarade Manuel a donné l’ordre de faire parvenir au président de la République Bolivarienne du Venezuela Hugo Chávez les preuves de vie des otages, dans la mesure où, et cela est très important, leur sécurité n’en soit pas pour autant menacée. Souvenez-vous qu’il existe un ordre persistant du président Uribe Vélez de récupérer militairement les prisonniers - dont on a déjà vue de regrettables dénouements. Et n’oublions pas non plus que l’armée a déployé de grandes opérations dans diverses régions de Colombie là où ils croient que peuvent se trouver les otages, soit pour réaliser leur récupération, soit pour empêcher que les preuves de vie ne soient acheminées. Le peuple colombien peut être sûr que les FARC-EP font tous les efforts nécessaires, tout d’abord, pour garantir la vie des prisonniers qu’elles détiennent, et, en deuxième lieu, pour effectivement apporter les preuves de vie d’Ingrid, des trois États-Uniens et de tous ceux pour qui ce sera possible.



CRB-VR : Finalement, comment va Manuel Marulanda ?

Ricardo (Rodrigo Granda) : Il faut dire à l’ex-ministre Londoño que « les morts que tu tues jouissent d’une parfaite santé ». Marulanda va très bien ; à la tête des FARC, faisant connaître la défaite aux auteurs de la plus grande opération de contre-guérilla de tout l’hémisphère occidental. Actuellement, en sus de ses préoccupations pour faire avancer le projet bolivarien de justice sociale et de paix pour la Colombie, surtout en cette époque dominée par le fascisme et le narco-paramilitarisme, il s’occupe lui-même des décisions qui peuvent favoriser l’Échange humanitaire. Il doit certainement être en train de penser à l’accueil qu’il donnera au président Chávez, lorsque cette rencontre nécessaire se produira, ouvrant sans doute les horizons de paix à la Colombie. Il semble qu’il a déjà fait faire un uniforme neuf pour cette rencontre, et il portera très certainement sa traditionnelle serviette à l’épaule.



CRB-VR : Bien, camarade Rodrigo, merci beaucoup, nous espérons pouvoir encore compter sur vous pour nous informer quant aux avancées de ce processus d’Échange qui revit et nous permet de croire à nouveau en la paix colombienne.

Ricardo (Rodrigo Granda) : Merci à vous. Vous pouvez compter sur ma collaboration lorsque vous le jugerez nécessaire. Merci aussi aux auditeurs de CRB-VR pour tout cet immense soutien qu’ils nous donnent, pour leur confiance en la victoire.


CRB - VR . Cadena Radial Bolivariana - Voz de la Resistencia.
Chaîne de Radio Bolivarienne - Voix de la Résistance.


 Sources en espagnol :

- Première partie : www.abpnoticias.com

- Deuxième partie : www.abpnoticias.com

 Écoutez ces propos de la voix de Ricardo (Rodrigo Granda) : www.abpnoticias.com

 Traduction : Numancia Martà­nez Poggi






Les Insurgés colombiens prêts au dialogue, par Numancia Martà­nez Poggi.


Colombie : Ingrid Betancourt sera-t-elle libérée ? par André Maltais.


Etat, paramilitarisme et oppositions armées en Colombie : les enjeux d’un échange humanitaire à haut risque, par Maurice Lemoine.


Colombie : Faits et chiffres sur la violence et le terrorisme, par Garry Leech.

Guérilla en Colombie : la fin et les moyens, entretien exclusif avec Rodrigo Granda des FARC-EP.


La Colombie d’Ingrid Betancourt, par Maurice Lemoine.







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Si j’étais le président, je pourrais arrêter le terrorisme contre les Etats-Unis en quelques jours. Définitivement. D’abord je demanderais pardon - très publiquement et très sincèrement - à tous les veuves et orphelins, les victimes de tortures et les pauvres, et les millions et millions d’autres victimes de l’Impérialisme Américain. Puis j’annoncerais la fin des interventions des Etats-Unis à travers le monde et j’informerais Israël qu’il n’est plus le 51ème Etat de l’Union mais - bizarrement - un pays étranger. Je réduirais alors le budget militaire d’au moins 90% et consacrerais les économies réalisées à indemniser nos victimes et à réparer les dégâts provoqués par nos bombardements. Il y aurait suffisamment d’argent. Savez-vous à combien s’élève le budget militaire pour une année ? Une seule année. A plus de 20.000 dollars par heure depuis la naissance de Jésus Christ.

Voilà ce que je ferais au cours de mes trois premiers jours à la Maison Blanche.

Le quatrième jour, je serais assassiné.

William Blum

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