Je prédis que ces procès seront ouverts par les peuples exsangues, ceux qui auront réussi à reprendre leur pouvoir avant d’être définitivement asservis. Aux procès internationaux de ce crime contre l’humanité, les peuples libres seront appelées à témoigner. Qui seront les inculpés ? Et quelles questions devront nous leur poser lors de ces procès ?
Le Président Macron pressent lui aussi ce crime en devenir quand il proclame ce 12 septembre 2017 au Sommet pour le Climat :
« Mais on est en train de perdre la bataille. Ceux qui étaient avant nous avaient une chance, il pouvaient dire ‘On ne savait pas’. Et c’était vrai. Depuis une vingtaine d’années, on sait, et on sait chaque fois un peu plus ... Si on continue sur notre lancée, là où on s’est engagés à une augmentation d’en moyenne d’1,5 degrés, on est à 3, 3,5 degrés. Enfin, ça n’a rien à voir avec ce à quoi on s’est engagés ! (…) Je veux que vous preniez conscience que derrière moi, il y a des chefs d’États et de gouvernements. Dans 50, 60 ou 100 ans, il y en a 5, 10, 15 qui ne seront plus là. Tout simplement. Ça veut dire ça, ce qu’on est en train de faire. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas, c’est ce qu’on est en train de décider de ne pas changer. On décide juste qu’il y en a plusieurs autour de cette table qui vont disparaitre, leur population avec eux ’
Le principal témoin à charge est Dennis Meadows (voir ici).
En 1972, avec 7 complices, il a développé au MIT un modèle permettant de projeter notre avenir suivant différents scénarios. Le livre décrivant The Limits to Growth fut vendu à des dizaines de millions d’exemplaires et sonnait l’alerte. Si nous ne changions rien dans nos pratiques, ce qui correspond au scénario business as usual, la population mondiale allait croitre jusqu’en 2030 puis diminuer très rapidement pour revenir à 4 milliards d’habitants.
5 milliards d’habitants en moins par rapport au pic de 2030, ne serait-ce pas un crime contre l’humanité ?
En reconnaissant que les limites des ressources imposaient celle de la croissance, il était possible d’agir pour aller vers un autre scénario que celui du business as usual. Il aurait fallu contrer le dieu du marché et la propriété privée généralisée… l’individualisme et la haine de l’état… Ce n’est pas le parti choisi par ceux qui, inspirés par la philosophe Ayn Rand, ont influencé les décideurs, tels l’économiste Milton Friedman ou Alan Greenspan quand il fut président de la Banque Centrale des États-Unis. Nos sociétés vont donc évoluer sous l’impulsion des politiques initiées par Margareth Thatcher et Ronald Reagan, qui sacraliseront la croissance.
En 1992, le président américain, Bush père, dénonçait, lors du sommet de la Terre à Rio de Janeiro, l’idiotie de l’équipe Meadows (lire ici) :
« Il y a vingt ans, certains parlaient des limites de la croissance. Aujourd’hui nous réalisons que la croissance est productrice de changements et l’amie de l’environnement. […] Il y a ceux qui disent que la croissance économique et la protection de l’environnement ne peuvent être compatibles. Et bien, laissez-les venir aux États-Unis, où, en vingt ans depuis Stockholm, notre économie a grandi de 57 %, et pourtant nous avons réduit nos émissions de plomb dans l’air de 97 %, de monoxyde de carbone de 41 %, de particules de 59 %. Nous avons nettoyé notre eau et préservé nos parcs, nos espaces naturels et notre faune sauvage. »
En 2002, la compagnie Exxon Mobil lançait une campagne anti-Meadows (extrait de Limits to Growth : The 30-year update, Londres, Earthscan, 2005, p. 204) :
« En 1972, le Club de Rome publiait Limits to Growth , interrogeant la soutenabilité des croissances économique et démographique. Limits to Growth estimait qu’actuellement on devrait commencer à voir décliner la production alimentaire, la population, les disponibilités énergétiques et l’espérance de vie. Aucune de ces prédictions n’a même commencé, et rien ne permet de prédire qu’elles vont le faire. Donc le Club de Rome a eu tort. »
Or, en 2008, 30 ans après la première édition du livre Limits to Growth, le chercheur australien Turner avait comparé l’évolution réelle aux prévisions du modèle [1] (voir slide ci-dessous). A la différence de tous les modèles économiques qui se révèleront définitivement hors-jeu quelques mois plus tard, le modèle de l’équipe Meadows s’avère alors étrangement prédictif. Les courbes de déclin des ressources non renouvelables et d’augmentation de la pollution suivent parfaitement le scénario mortifère business as usual.
En 2017, deux chercheurs de Harvard mettent en lumière que le pétrolier Exxonmobil savait depuis les années 80, que le changement climatique était réel et bien causé par des activités humaines, tout en préférant publiquement entretenir le doute sur cette réalité, trompant ainsi ses actionnaires et les citoyens (lire ici)
En 2014, les données de Turner [2] confirment que c’est toujours le scénario business as usual qui est poursuivi par les politiques mondiales. Comme prévu, la population a augmenté mais les courbes de taux de natalité et de mortalité se croisent et le déclin futur de la population n’est plus une fiction. La nourriture et les services par habitant ont augmenté plus vite que prévu mais devraient s’effondrer plus que brutalement dans moins d’une décennie. Les ressources environnementales s’effondrent déjà.
Seule la pollution a augmenté ces dernières années un peu moins vite que l’envisageait le modèle. Cette légère moindre augmentation de la pollution par rapport au modèle est peut-être liée aux efforts des conférences internationales sur le climat COP depuis 1979.
Pourtant la COP21 à Paris, célébrée comme un succès, a démontré l’ampleur du mensonge aux citoyens et la faible volonté de changer radicalement nos systèmes de production comme de répartition et de consommation. Les « promesses non contraignantes » des différents pays de réduire pour 2030 leurs émissions de gaz à effet de serre, restent déjà bien au-dessus du niveau à atteindre, selon le GIEC, pour limiter le réchauffement climatique à 2°C. La trajectoire actuellement suivie conduira au minimum vers 3°C, ce qui correspond à un emballement incontrôlable de l’évolution du climat.
Le modèle de Dennis Meadows va probablement continuer à se confirmer et nous allons avoir à assumer les conséquences du choix business as usual : plusieurs milliards de morts en quelques décennies par la faim, la maladie ou la guerre (écouter l’ingénieur Jean-Marc Jancovici ici).
Aux procès internationaux de ce crime contre l’humanité, chaque citoyen pourra témoigner.
Qui seront les inculpés ?
Les dirigeants qui ont cautionné les politiques et les pratiques économiques qui pillent et ravagent. Les dirigeants actuels de l’Europe, des Etats-Unis et de la Chine, et en ce qui nous concerne notre Président seront appelés à s’expliquer.
Deux questions devront leur être posées lors de ces procès :
- Les dirigeants ont-ils l’excuse de ne pas comprendre la rapidité de l’effondrement (lire ici) ?
- Les dirigeants prennent-ils le parti de cacher l’effondrement pour s’isoler dans des iles confortables comme le laisse penser Bruno Latour (voir ici) ?
Dans le premier cas, ils pourraient être déclarés innocents de leurs actes mais coupables si ils continuaient de promouvoir le business as usual qui est en fait une destruction des liens sociaux et de l’environnement dans un principe d’organisation totalitaire. Dans le second cas, il n’appartient qu’à nous de délibérer de leur remplacement immédiat en passant des protestations vaines à la révolte (lire ici).