Le président Obama empêtré dans des affaires intérieures – attentat de Benghazi, écoutes de journalistes, action excessive de l’administration fiscale – n’a pas trop de souci à se faire. Malgré les pressions des élus républicains, il semble en mesure de se sortir de ce mauvais pas. En revanche, le Prix Nobel de la Paix Obama a du souci à se faire en matière de politique internationale : chute de popularité en Europe, discours sur le Proche Orient et l’Afrique restés lettre morte, mauvaise passe en Asie... En Amérique latine, le Prix Nobel Obama impliqué dans deux coups d’Etat (Honduras et Paraguay), ne décide toujours pas la fermeture du centre de tortures de Guantanamo et laisse croupir dans les geôles US quatre ressortissants cubains coupables d’avoir infiltrés des groupuscules paramilitaires installés en Floride et responsables de nombreux attentats à Cuba. Le cinquième membre du groupe, René Gonzalez, a retrouvé depuis peu la liberté et sa famille à Cuba.
Ramon Labanino, Fernando Gonzalez, Antonio Guerrero, Gerardo Hernandez et René Gonzalez n’ont commis aucun crime sur le sol nord-américain. Ils n’ont jamais porté atteinte à la sécurité des Etats-Unis. Alors pourquoi des condamnations à des peines de prison ubuesques assénées dans des conditions juridiques indignes et le maintien presqu’au secret de ces hommes ?
C’était au temps de la présidence de Bill Clinton alors qu’une vague d’attentats frappait Cuba particulièrement les hôtels fréquentés par le tourisme international. Les relations entre Washington et La Havane avaient enregistré un timide dégel au point que des contacts étaient pris entre les services spéciaux des deux pays. Lors d’une réunion dans la capitale cubaine couverte par la présidence US, les représentants du FBI donnèrent leur accord pour une opération limitée dans le temps de « localisation et d’information » menée par des agents cubains en Floride repère des terroristes bien connus depuis l’attentat contre l’avion de la Cubana au dessus de la Barbade au mois d’octobre 1976 entraînant dans la mort 73 personnes dont l’équipe cubaine d’escrime. Un sinistre personnage impliqué dans la plupart des mauvais coups en Amérique latine, Luis Posada Carriles, avait publiquement revendiqué le crime avant de se réinstaller à Miami dans la plus totale impunité. La mission des agents cubains se limitait à obtenir les informations nécessaires pour contrer les actes terroristes en préparation. Rien de plus, rien de moins.
Au mépris des accords passés à la Havane, les cinq agents cubains étaient arrêtés, maintenus au secret puis « jugés » à Miami dans un environnement hostile, les jurés faisant l’objet de menaces et de chantages. La CIA était passée par là, l’agence ne supportant pas que son personnel local puisse être inquiété et refusant le début possible d’une amélioration des relations avec la Grande Ile. Depuis, quatre patriotes cubains survivent dans les geôles US. Cela fait quinze ans.
Aux Etats-Unis, le sort réservé à ces hommes a dépassé la confidentialité. Des centaines de personnalités du monde politique, économique, culturel et artistique demandent leur libération. Dix Prix Nobel et des dizaines de juristes internationaux viennent de s’adresser à Barack Obama et des journées de solidarité sont annoncées à Washington du 30 mai au 5 juin avec une revendication : le retour des quatre Cubains dans leur patrie.
Tous les recours juridiques étant épuisés, seul Barack Obama peut mettre fin à ce déni de justice. En prenant une décision libératrice, il rendrait enfin justice à des combattants anti terroristes injustement condamnés. Il accomplirait ainsi un geste d’apaisement pouvant ouvrir la voie à d’autres démonstrations de normalisation des relations et au possible élargissement de ressortissants étatsuniens détenus à Cuba. Le Prix Nobel de la Paix Barack Obama ne pouvant pas briguer un troisième mandat n’a rien à perdre. En agissant dans le sens de la libération des quatre patriotes cubains et dans le même mouvement en fermant la base concentrationnaire de Guantanamo et en rendant enfin ce morceau de terre à la République de Cuba, il redorerait une présidence démarrée dans l’espoir mais aux promesses non tenues. Deux de ses prédécesseurs – Lincoln et Carter - resteront dans l’histoire des Etats-Unis comme des présidents ayant pris des décisions courageuses en matière de droits de l’homme contre une opinion souvent hostile. Barack Obama aura-t-il le courage de se ranger dans cette lignée ?
José Fort
EN COMPLEMENT
Monsieur le Président Obama
Le premier juin 2013
1600 Pennsylvania Avenue N.W.
Washington DC 20500
USA
Monsieur le Président,
René Gonzalez, un des « Cinq », a purgé sa peine depuis 2011. Après 13 années passées en prison, il est en liberté conditionnelle pour trois ans. Il a vécu les 19 premiers mois de cette liberté conditionnelle en Floride, et a été autorisé, le 3 mai 2013, à la terminer à Cuba, sous réserve de renoncer à sa nationalité étatsunienne. Cette excellente nouvelle a été accueillie, vous vous en doutez Monsieur le Président, avec un soulagement immense par tous les amis des Cinq dans le monde entier.
René est libre, mais ses quatre compagnons Gerardo Hernández, Antonio Guerrero, Fernando González, et Ramón Labañino sont toujours emprisonnés dans votre pays. Pour eux, savoir qu’après plus de quatorze années de séparation, la famille de René est enfin réunie, est un immense réconfort et un espoir, mais René ne sera vraiment libre que lorsque les « Cinq » le seront.
Comme l’a si bien exprimé Ramón Labañino au nom de ses quatre camarades encore emprisonnés : « (…) Avant tout, nous sommes soulagés de savoir que notre compagnon ne court plus de danger pour sa vie, n’ayant pas à rester une seconde de plus dans ce milieu, entouré des menaces que nous connaissons. Avec lui, nous nous sentons aussi tous les quatre un peu libres. C’est comme si une part de nous-mêmes était à la maison, avec notre famille, nos amis, au sein de notre peuple, avec nos sœurs et frères du monde. (…). La joie nous submerge et avec elle, l’optimisme de savoir que l’amour et la vérité finissent toujours par vaincre les injustices ! »
Quelle humanité dans ces paroles Monsieur le président ! Pourtant ils ont enduré bien des injustices, ces patriotes ! Pas la moindre amertume dans leurs propos après tant d’années d’enfermement, mais une grande fraternité.
Le nouvel avocat de Gerardo Hernández, Martin Garbus a présenté le 31 août 2012, un nouvel affidavit, un document de 82 pages où cet avocat a stigmatisé le fait que le Procureur Général ait minimisé de façon surprenante l’impact des corruptions de journalistes. Il demandait au Département de la Justice d’œuvrer pour" avoir l’espoir qu’une telle chose ne se reproduise plus aux Etats-Unis ». Le 31 août, c’est loin déjà, neuf mois se sont écoulés et pas la moindre réaction officielle ! Dans n’importe quelle démocratie, un tel document aurait déchainé une véritable vague de protestations contre cette presse corrompue. Mais non, rien !
Où en est l’appel collatéral demandé par l’avocat de Gerardo Hernández, suite à ces révélations ? Pas de réponse ! Il en est de même pour les appels collatéraux des autres. Ce n’est quand même pas normal !
Combien de temps encore les cinq Cubains vont-ils souffrir de telles injustices ? Ne croyez-vous pas Monsieur le Président, qu’il est l’heure de moraliser un peu votre justice ?
Une nouvelle démarche du Ministre des Affaires Etrangères de Cuba, Monsieur Bruno Rodríguez, a eu lieu le 6 mai dernier à Brasilia. Il souhaite une discussion sérieuse avec les Etats-Unis pour trouver une solution au cas d’Alan Gross. Une telle solution est indissociable de la liberté rendue aux quatre Cubains.
Sachez saisir l’opportunité d’un tel échange, Monsieur le président, car Gerardo Hernández, Antonio Guerrero, Fernando González, et Ramón Labañino doivent être libérés. La mission des « Cinq » n’était pas de nuire à la sécurité de votre pays, mais bien de protéger le leur contre les attaques incessantes et violentes des groupes anticastristes de Floride. Dans les 20000 pages de la minute de leur procès, vous ne trouverez pas une seule ligne de haine contre votre peuple, ni une quelconque intention de causer le moindre préjudice à votre pays.
En rendant la liberté aux « Cinq », vous rendriez possible celle de votre compatriote Alan Gross, et marqueriez ainsi l’Histoire de vos deux pays. Monsieur le Président, avoir ce courage politique serait tout à votre honneur. Des personnalités comme l’ancien Ministre de la justice de votre pays, Ramsey Clark, ou le directeur pour les Droits humains et constitutionnels de Los Angeles Peter Schey, vous le demandent.
En espérant que cette affaire des « Cinq » trouve enfin un dénouement qui réhabilitera votre justice, recevez, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments humanistes les plus sincères.
Jacqueline Roussie
(France)
Copies envoyées à : Mesdames Michelle Obama, Nancy Pelosi, Kathryn Ruemmler, Janet Napolitano, à Messieurs. Joe Biden, John F. Kerry, Harry Reid, Eric Holder, Denis MacDonough, Pete Rouse, Rick Scott, et Charles Rivkin, ambassadeur des Etats-Unis en France.