Monsieur le président Evo Morales
L’extradition de Bolivie, où il s’était réfugié, de l’ex militant italien Cesare Battisti, et les conditions, pour l’instant troubles, de celles-ci, nous préoccupent au plus haut point. Des agents de services étrangers seraient intervenus dans l’arrestation et l’expulsion, mettant en cause la souveraineté de votre pays.
Nous tenons à vous faire part de notre surprise, de notre incompréhension et de notre vive réprobation face à votre silence.
La Bolivie multiculturelle, pluri-nationale, engagée dans un profond mouvement de décolonisation, d’émancipation humaine et sociale, porte les espoirs de millions d’hommes et de femmes dans le monde. Elle a bénéficié, dès le départ, de notre solidarité. En Amérique latine, elle reste l’un des derniers gouvernements qui font face et tiennent, contre la vague conservatrice, qui submerge le continent.
L’arrestation (par qui ?), à Santa Cruz, majoritairement hostile à la révolution bolivienne, du militant italien Cesare Battisti, va sans doute choquer beaucoup de démocrates. Il est condamné par les autorités de son pays pour quatre meurtres qu’il nie depuis toujours avoir commis, durant les terribles « années de plomb ». L’extradition précipitée de Santa Cruz, n’a pas permis de prendre le temps nécessaire à une réflexion sereine. Les autorités boliviennes ont semblé « doublées » par le Brésil et l’Italie, pays dotés de gouvernements d’extrême droite. Rappelons que l’Italie a déjà été condamné par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour violation de l’article 6 de la Convention pour absence de droit à un procès équitable et violation du droit à la défense. Un procès de 1993, en l’absence de Ceseare Battisti, ne peut justifier aujourd’hui son enfermement à vie. Il doit bénéficier d’un procès équitable.
Réfugié 14 ans en France, François Mitterrand lui avait accordé une sorte de droit d’asile à condition qu’il renonce, avec ses camarades, à la lutte armée. Menacé lors de la présidence de Jacques Chirac, il se réfugia au Brésil, où le président Lula lui octroya le droit d’asile.
Ces faits et leur contexte nous conduisent à solliciter des éclaircissements, sans quoi nous serions amenés à considérer que vous avez commis une dommageable faute politique, que cette « affaire » contredit les principes dont se prévaut votre action depuis 2005.
Lundi 14 janvier 2019.
Un groupe d’amis de la Bolivie :
José Bové, député européen,
Germain Sahary, responsable du village Emmaüs Lescar-Pau (qui a reçu la visite d’Evo Morales en 2015)
Jean Ortiz, maître de conférences Université de Pau (a invité Evo Morales en 2002 au Festival CulturAmerica,
puis l’Université de Pau a accordé au président bolivien le Doctorat Honoris Causa en 2015),
Maxime Vivas , journaliste, administrateur du site legrandsoir.info
Serge Pey, poète,
Pierre Carles, réalisateur.
AJOUT de Maxime Vivas.
Dimanche, j’ai rédigé cette lettre ouverte à Evo Morales. On m’a dissuadé de l’envoyer et de la publier, au prétexte que cela n’aiderait pas. L’espoir existait encore qu’Evo Morales ne laisserait pas faire. Je regrette aujourd’hui de ne pas l’avoir envoyée à l’ambassade de Bolivie en France. Morales aurait peut-être ainsi appris ce que des amis de son pays redoutaient.
Libérez Battisti
Lettre ouverte à Evo Morales
Cher Evo,
Le site d’Informations alternative sur lequel j’écris a publié des centaines d’articles pour soutenir votre combat et votre peuple.
Quand vous étiez un syndicaliste désargenté, notre ami commun, Jean Ortiz, vous a accueilli chez lui, comme un frère.
Vous n’avez pas en France de meilleurs amis que nous.
J’étais à Caracas en septembre 2017 pour les journées « Todos somos Venezuela » et c’est avec émotion que je vous ai entendu raconter comment, pour une réunion internationale en Amérique latine, vous aviez l’argent pour payer le voyage aller, mais pas le retour, comment la solidarité des camarades a réuni les fonds, mais comment vous aviez passé plusieurs jours sans manger.
Cesare Battisti, fils du peuple, s’est, lui aussi battu, pour les pauvres de son pays. Comme un révolutionnaire. Pas comme un terroriste. Il est innocent des crimes dont on l’accuse.
Il ne doit pas être livré à l’Italie pour que nos ennemis communs effraient les révolutionnaires du monde entier en faisant un exemple.
Por favor, querido companero y hermano, accordez-lui l’asile politique.
Avec tout mon respect.
Maxime Vivas
Ecrivain, animateur radio, administrateur du site d’information alternative legrandsoir.info