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Ayoub ! Drone de guerre ou drone de paix ?

«  Ayoub » ou «  Job », du nom de l’archétype du Juste dont la foi est mise à l’épreuve par Satan avec la permission de Dieu, n’a pas fini de secouer le Moyen-Orient. A l’heure où le Dr Hoteit publiait ces lignes en arabe, l’attentat terroriste de Beyrouth, place Sassine, n’avait pas encore eu lieu. Il s’est produit quelques heures après. Depuis, les accusations sans preuves contre la Syrie, voire le Hezbollah, fusent de toute part, tandis que BFM.TV nous raconte l’épopée de notre imperturbable ministre des Affaires étrangères «  parrainant » les zones dites rebelles de ce beau pays [1] ! Pourtant, les natifs de cette région du monde, habitués à décoder le cours des événements tragiques qui se succèdent et souvent se ressemblent... savent trop bien « à qui profite le crime » ! » [NdT].

* * * *

A peine le gouvernement israélien avait-il exprimé son dépit et son désarroi suite à l’affaire du drone de reconnaissance «  Ayoub », lancé à partir du Liban et par des libanais, pour survoler sans problèmes la mer Méditerranée puis les territoires palestiniens occupés pendant que sept systèmes de surveillance radar étaient frappés de cécité, que le «  camp du 14 Mars » s’est fendu de communiqués larmoyants parlant de violation de la souveraineté libanaise et du risque «  horrible » que prenait le Hezbollah en impliquant le pays dans une nouvelle guerre avec Israël ! Que valent ces arguments et quelle en est la logique ?

I. Pour répondre il nous faudrait commencer par discuter de «  la souveraineté » qui implique ce qui suit :

1. La souveraineté du Liban, en particulier dans le sud du pays, n’a pu être restaurée après l’occupation israélienne que par la volonté nationale et la force de la Résistance qui a travaillé dur depuis ce fameux jour de 1978 où a été adoptée la résolution 425 [2] jamais mise en pratique, et durant les 22 années où les «  défenseurs larmoyants » n’ont cessé de frapper aux portes des centres de pouvoir occidentaux ou de leurs ambassades, ici et ailleurs, appelant à la légitimité internationale sans jamais réussir à récupérer ne serait-ce qu’une once de terre, ou même une goutte d’eau, des territoires libanais usurpés. Au lieu de cela, ils ont signé un accord compromettant cette souveraineté !

2. La souveraineté du Liban ne peut être garantie que par le pouvoir national, pouvoir normalement fondé sur l’État et les Forces armées. Mais vu la politique du «  camp des prétendants à la fausse souveraineté », l’armée libanaise souffre toujours d’un sous équipement scandaleux qui la maintient dans l’incapacité de défendre le pays contre les dangers que représente Israël. Où sont les systèmes de défense aérienne qui empêcheraient les violations incessantes d’Israël de l’espace aérien libanais ? Où sont les organismes de surveillance et les systèmes de défense maritime qui interdiraient à Israël de violer les eaux territoriales libanaises [3] ? Où sont les armes qui nous permettraient de nous défendre contre un agresseur qui occupe le village de Ghajar et les fermes de Chebaa ?

3. La souveraineté du Liban ne peut consister à héberger des troupes de terroristes armés venus de tous les horizons, parrainées par ce même « camp de prétendants à la fausse souveraineté », et destinées à semer mort et destruction en Syrie ! Exercer notre vraie souveraineté voudrait plutôt que nous verrouillions nos frontières au nez de cette horde sauvage qui, par retour, menace et la sécurité et la souveraineté de notre pays !

4. La souveraineté du Liban suppose de ne pas s’immiscer dans les affaires d’autres pays pour qu’à leur tour ils ne s’immiscent pas dans nos affaires. Sur ce point précis, nous demandons aux «  partisans de la fausse souveraineté » de nous justifier l’envoi de députés libanais, issus de leurs rangs, pour soutenir les opérations du terrorisme armé déchaîné contre la Syrie à partir du territoire turc ; comme si le territoire libanais ne leur suffisait pas et qu’il leur fallait aller plus loin encore !

5. La souveraineté du Liban impose prudence et sagesse pour ne pas permettre de brader un pouce de la terre libanaise et de ses zones économiques, comme cela s’est produit en 2000 lorsque le Liban s’est dressé face au monde et au Conseil de sécurité, le contraignant malgré les pressions américaines à répondre à ses demandes le 16 Juin de cette même année [4][5]. C’est ainsi qu’il a pu sauvegarder les 17.765.500 m2 qu’Israël, soutenu par les Nations Unies, voulait s’approprier ! Et ceci, à l’inverse des tractations de «  représentants de la fausse souveraineté » au pouvoir en 2007 qui, en l’absence de ministres issus d’une importante communauté du pays, ont passé un accord avec Chypre amputant le Liban de 862.000 m2 de sa zone économique maritime [6]. N’était-ce pas déjà une atteinte au droit et à la souveraineté du Liban, de la part de Mr Fouad Siniora ?

6. La souveraineté du Liban exige l’application de «  sa » loi sur son sol, «  tout son sol »… non d’y renoncer volontairement et de mettre le Liban sous mandat judiciaire étranger à la merci d’un TSL [7] ou Tribunal spécial des Nations Unies prétendument international et soumis au diktat des USA et d’Israël… non de livrer des informations concernant les citoyens libanais à des destinataires éventuellement impatients de les offrir à l’ennemi.

7. La souveraineté du Liban interdit que ses Forces de sécurité intérieure soient sous tutelle étrangère, quelle que soit cette tutelle ; ce qui évidemment exclut le fait qu’un ambassadeur des États-Unis occupe le haut du podium lors d’une célébration officielle ou délivre des certificats de bonne conduite aux éléments des Forces libanaises, même s’il y a deux ans elles ont conclu avec les USA un accord outrepassant de beaucoup la souveraineté libanaise. D’ailleurs, cet accord bipartite concernant la sécurité internationale, nul ne sait où il en est aujourd’hui !

8. La souveraineté du Liban est incompatible avec tel ou tel ambassadeur occidental se baladant entre ministères et centres officiels fouinant et dirigeant, sans que les «  défenseurs de la fausse souveraineté » n’osent coup férir, mais s’inclinent obséquieux et fiers des louanges pour obéissance !

9. Et bien sûr, la souveraineté du Liban s’oppose aux violations quasi quotidiennes de l’espace aérien libanais par Israël, à son occupation de dizaines de Km2 dans le Sud, aux effractions de ses patrouilles tout le long de la frontière avec enlèvement de citoyens libanais, à ses menaces de fermeture de tel ou tel lieu touristique... sans réaction notable de la part de nos «  prétendants à la fausse souveraineté nationale » !

La liste des violations de la souveraineté du Liban, consenties par ceux-là , est longue et ne cesse de s’allonger. Nous leur disons que la souveraineté n’est pas un vain mot, mais un travail assidu et des actes ayant pour seul but la défense de l’intégrité de notre territoire.

II. Quant à la déclaration qui dit que l’envoi du drone "Ayoub" en Israël est une violation de la Résolution 1701 [8][9], doublée d’un appel à la guerre, elle est plutôt surprenante et témoigne d’une absence totale de logique et surtout de vision stratégique ! A ceux qui seraient en situation de comprendre, nous disons :

1. La règle d’or qui dit « si tu veux la paix prépare la guerre » s’applique aussi bien aux États qu’aux individus. Ne dit-on pas « le tueur et la victime sont partenaires dans le crime, le premier parce qu’il a agressé ; le second parce que, par sa faiblesse, il a tenté l’agresseur » ?

2. A chaque fois qu’Israël a décidé d’une agression contre le Liban, il n’a pas attendu une excuse ou un prétexte, « mais les a créés et manipulés au gré de ses intérêts du moment », après s’être assuré les moyens d’en encaisser le contre coup et de transformer ses opérations militaires sur le terrain en gains politiques. Quoique… la réalité a prouvé le contraire, car les capacités de la Résistance, honnie par les «  prétendants à la fausse souveraineté », sont telles qu’elles empêchent Israël d’atteindre ses objectifs et déstabilisent son front intérieur, front dont les lacunes sont nettement apparues en 2006… Aujourd’hui, le drone « Ayoub » vient confirmer ce «  déficit » et prouve qu’Israël, de l’aveu même de ses dirigeants, n’est pas prêt à se lancer seul dans une nouvelle guerre.

3. Israël et ses alliés occidentaux sont ravis de l’agression que subit la Syrie par des bras armés musulmans et arabes, dont l’«  Équipe des prétendants à la fausse souveraineté » au complet ! Ils sont ravis de pouvoir assister à la destruction d’un État souverain et résistant, qu’ils voudraient rayer de l’équation régionale et, par conséquent, de l’équation du conflit israélo-arabe. Israël n’a donc pas besoin de mener une guerre pour le moment et tant que les prétendants à la fausse souveraineté, soutenus par tous les soi-disant défenseurs des droits de l’Homme, de la Démocratie et de la Liberté se chargent de faire le sale boulot à sa place… tant qu’ils exécutent cette guerre par procuration voulue par l’alliance occidento-sioniste !

Ceci nous amène à dire et à répéter que la souveraineté ne se garantit que par la force et que la prévention d’une guerre ne se réalise que par la dissuasion… C’est exactement le souci et l’oeuvre de la Résistance et de ses militants, le drone «  Ayoub » ne représentant qu’un nouvel élément de cette force destinée à empêcher une nouvelle guerre. Finalement, les attaques verbales du «  camp des Hariristes et de leurs suivistes 14 Marsistes » contre la Résistance libanaise ne s’expliquent que par la logique inverse, celle de leur absence de considération pour notre souveraineté nationale qu’ils subordonnent à l’étranger. Mais là … rien de surprenant ! N’ont-ils pas soutenu les conclusions défaitistes inverses lorsqu’en 2006 le monde entier a reconnu la défaite d’Israël ?

Dr Amin Hoteit
19/10/2012

Le Docteur Amin Hoteit est libanais, analyste politique, expert en stratégie militaire, et Général de brigade à la retraite.

Article original : Al-binaa
الطائرة « Ø£ÙŠÙˆØ¨ » تمنع الحرب أم تستدعيها؟
http://www.al-binaa.com/index.php?option=com_content&view=article&id=70346:-lr-----&catid=76:2012-02-28-11-15-22&Itemid=121

Article traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal

Références :
[1] Syrie-France : Laurent Fabius parraine des zones rebelles
http://www.bfmtv.com/international/syrie-france-laurent-fabius-parraine-zones-rebelles-361598.html

[2] SECURITY COUNCIL RESOLUTIONS - 1978- R 425 / PDF
http://www.un.org/documents/sc/res/1978/scres78.htm
http://fr.wikisource.org/wiki/R%C3%A9solution_425_du_Conseil_de_s%C3%A9curit%C3%A9_de_l%27ONU

[3] Liban : La ligne bleue maritime au service de l’ambition israélienne !
http://www.mondialisation.ca/liban-la-ligne-bleue-maritime-au-service-de-l-ambition-isra-lienne/30841

[4 ] Déclaration présidentielle - la situation au Moyen Orient- juin 2000
http://www.un.int/france/sc2000/resolution/000618F.htm

[5]Ligne bleue (Liban) juin 2000
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ligne_bleue_(Liban)

[6] Les dessous du nouveau litige frontalier entre le Liban et Israël
http://www.lecommercedulevant.com/node/19336

[7] TSL : un tribunal sans précédent
http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?fromval=1&cid=33&frid=33&eid=7943

[8] SECURITY COUNCIL RESOLUTIONS - 2006- R 1701 / PDF
http://www.un.org/docs/sc/unsc_resolutions06.htm
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9solution_1701_du_Conseil_de_s%C3%A9curit%C3%A9_des_Nations_unies

[9] Politique - Siniora : L’envoi du drone "Ayoub" en Israël, une violation de la 1701
http://www.nna-leb.gov.lb/newsDetailF.aspx?Id=445573


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Eric Hazan. Changement de propriétaire. La guerre civile continue. Le Seuil, 2007
Bernard GENSANE
Très incisif et très complet livre du directeur des éditions La Fabrique (qui publie Rancière, Depardon, Benjamin etc.), ce texte n’est pas près de perdre de son actualité. Tout y est sur les conséquences extrêmement néfastes de l’élection de Sarkozy. Je me contenterai d’en citer le sombrement lucide incipit, et l’excipit qui force l’espoir. « Dimanche 6 mai 2007. Au bureau de vote, la cabine dont on tire les rideaux derrière soi pour mettre son bulletin dans l’enveloppe s’appelle un (…)
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