« Inscris ! Que je suis Arabe Que tu as raflé les vignes de mes pères Et la terre que je cultivais Moi et mes enfants ensemble Tu nous as tout pris hormis Pour la survie de mes petits-fils Les rochers que voici. » Mahmoud Darwich
Un faux scoop, la chaîne Al Jazeera nous apprend qu’une analyse des effets de Yasser Arafat qu’il portait avant sa mort, notamment sa chapka, par des scientifiques suisses a mis en évidence des traces de polonium, un métal hautement radioactif qui aurait pu causer sa mort. Cette vieille -nouvelle- information a fait le tour du monde. On fait le rapprochement immédiatement avec l’espion ukrainien victime d’un empoisonnement au polonium il y a quelques années. La seule vraie information est que la veuve de Yasser Arafat a demandé l’autopsie de la dépouille pour en fait, découvrir ce qui a été confirmé dès la mort par plusieurs sources. Il y a sept ans disparaissait un des hommes qui a marqué la cause des opprimés. A sa façon, Arafat a incarné la résistance, la diplomatie, la tempérance et le refus du fait accompli. Comme De Gaulle, qui a refusé l’ordre hitlérien, il a refusé l’ordre israélien. Pendant plus d’un demi- siècle, il lutta avec toutes les armes possibles. Comme Che Guevara, il a pris les armes. Son keffieh, symbole de l’identité palestinienne, est passé à la postérité, le porter est un signe de reconnaissance de cette cause.
La mort suspecte de Yasser Arafat
« Yasser Arafat est né le 24 août 1929 dans la ville du Caire et décédé le 11 novembre 2004 à Clamart en France, dirigeant du Fatah puis de l’Organisation de libération de la Palestine. Son combat a commencé globalement à partir de 1967 suite à la débâcle des Arabes. Il fut de tous les combats. A partir de 2001, après le déclenchement de la Seconde Intifada, il se retrouve isolé sur la scène internationale- dominée par la doxa occidentale- tandis que les Israéliens élisent Ariel Sharon au poste de Premier ministre de l’État d’Israël, amenant un durcissement de la position israélienne vis-à -vis du dirigeant palestinien contraint à ne plus quitter Ramallah. » (1)
En octobre 2004, Arafat se plaint de douleurs à l’estomac et de vomissements. Malgré une première intervention chirurgicale dans son quartier général de la Mouqata’a à Ramallah, en Cisjordanie, le 25 octobre, sa santé continue à se dégrader. Le 29 octobre 2004, gravement malade, Yasser Arafat quitte Ramallah pour rejoindre la Jordanie, d’où il se rend en France, à bord d’un avion médicalisé. Il est hospitalisé dans l’hôpital d’instruction des armées Percy à Clamart. Il décède officiellement à Clamart le 11 novembre 2004, à 3 h 30, heure de Paris. (1)
Amnon Kapeliouk, journaliste israélien qui connaît Arafat, avait remarqué les signes du déclin de la santé de Arafat, il écrit : « ... Dans leur article, les journalistes Amos Harel et Avi Isacharoff soulignent que, pour de nombreux médecins, les symptômes faisaient plutôt penser à un empoisonnement. (...) Le 18 août 2004, j’ai personnellement assisté au discours du président Arafat devant le Conseil législatif palestinien, réuni à la Mouqata’a. Debout, la voix forte, il n’avait pas l’air malade. Le 28 septembre il me salue avec l’accolade habituelle et prend de mes nouvelles. Tout va bien, al-hamdou li-llah, mais vous, Abou Ammar, vous avez perdu beaucoup de poids en peu de temps. Son visage est amaigri, et il semble flotter dans ses vêtements. « Ce n’est rien », répond-il. Au mois d’octobre, son état de santé se dégrade. Le 3 novembre, il sombre soudain dans le coma. Il souffre d’une série de symptômes graves, attribués à une toxine inconnue que les médecins français ne parviennent pas à détecter. Le 11 novembre, le président Yasser Arafat ferme les yeux pour toujours. Médecin des rois hachémites, le Jordanien Ashraf Al-Kourdi suivait également Abou Ammar, dont il connaissait par coeur le dossier médical. Lui aussi, peu après le décès de son patient, déclara percevoir des indices d’empoisonnement. (...) Douleurs dans les reins et l’estomac, absence totale d’appétit, diminution des plaquettes, perte de poids considérable, taches rouges sur le visage, peau jaune : « N’importe quel médecin vous dira qu’il s’agit là de symptômes d’empoisonnement. »(2)
Qui a tué Arafat ?
En 2004, Ariel Sharon franchit une étape supplémentaire dns sa destruction de la Palestine en s’en prenant à Arafat en personne. Il déclare, le 2 avril, que son adversaire n’a « aucune assurance » sur la vie. Le journaliste israélien Uri Dan rapporte, dans son livre Ariel Sharon : entretiens intimes avec Uri Dan, une conversation téléphonique qui se serait alors tenue entre Ariel Sharon et George W.Bush, Sharon informant Bush qu’il ne se sentait plus tenu par la promesse qu’il lui avait faite en mars 2001 de ne pas toucher à la vie d’Arafat. Bush lui aurait répondu qu’il fallait laisser le destin de Arafat entre les mains de Dieu, ce à quoi Sharon avait répondu que parfois, « Dieu a besoin d’une aide ». (3)
Les révélations dangereuses de Kaddoumi
Si on peut comprendre, sans excuser la position de Sharon, ennemi déclaré d’Arafat, quant à l’élimination d’Arafat, on peut, en revanche, s’interroger pourquoi cet acharnement de ses frères d’armes pour l’éliminer. Pour l’histoire, il semble que Arafat aurait été empoisonné par ses propres « frères palestiniens ».
Kaddoumi accuse Mahmoud Abbas et Mohamed Dahlane d’avoir voulu tuer Arafat. Leïla Mazboudi écrit : « Ayant accusé Abou Mazen et son ancien chef de la police préventive, Mohammad Dahlane, de faire partie du complot israélien pour tuer Arafat et d’autres dirigeants palestiniens, à la base d’un texte que lui aurait envoyé le leader défunt en personne, le chef du département politique de l’OLP compte révéler encore plus d’indices pour étayer ses accusations. Celui-ci détient des enregistrements vocaux du défunt Arafat, durant le blocus imposé par Israël au siège de l’Autorité palestinienne dans la Mouqata’â, et précisément lorsqu’il a évincé Abbas qui était alors Premier ministre. (...). »(4)
Une grande majorité des Palestiniens, en effet, prennent au sérieux les accusations de Kaddoumi. Dans un sondage effectué sur un échantillon libre de 2300 Palestiniens, et publié sur le site « Palestine Now » (Paletimes.net) 68% d’entre eux ont qualifié ces déclarations de vraies, tandis que 32% les ont démenties. » Kaddoumi a réaffirmé « la véracité et l’authenticité » des minutes de la réunion de mars 2004 à Jérusalem-Ouest, au cours de laquelle le complot allégué d’empoisonnement d’Arafat a été discuté. Kaddoumi aurait également insinué qu’il possédait d’autres preuves incriminant Abbas et Dahlane, qui corroborent et consolident ses premières accusations. Le secrétaire général du Fatah a aussi mis au défi Abbas et ses alliés de prouver leur loyauté au groupe. « Le Fatah ne vous appartient pas, vous l’avez détourné pour amasser des richesses et voler de l’argent. Vous vous êtes écartés du droit chemin du Fatah, le chemin de la résistance et de la libération, et vous avez choisi d’être un pion entre les mains de nos ennemis. » Cela n’a pas empêché Mahmoud Abbas d’abord, de nier en bloc ces accusations et d’imposer la tenue du Congrès à Bethléem pour renouveler la direction d’un parti miné par les divisions et affaibli par sa déroute face au Hamas à Ghaza. Beaucoup « d’historiques » ont dénoncé cette mascarade : (...)Sa volonté affichée d’apaiser le gouvernement américain, sous prétexte d’élargir le fossé entre Washington et Israël, a contribué à donner au Fatah une image de collaborateur et d’instrument de l’occupation israélienne.(...) » (5)
La version de Thierry Meyssan sur le macabre scénario
Thierry Meyssan pour sa part, donne une explication qui permet de tracer le scénario mis au point avec la complicité des principaux protagonistes. Il écrit : « (...) Ce n’est que bien plus tard, lors de la saisie par le Hamas de documents dans les archives personnelles du ministre Mohamed Dahlan, que les preuves du complot furent réunies. L’assassinat a été commandité par Israël et les Etats-Unis, mais réalisé par des Palestiniens. L’arrivée au pouvoir de George W. Bush, en janvier 2001, et celle du général Ariel Sharon, en mars 2001, en pleine Intifada, marquent un changement radical de politique à l’égard des Palestiniens. La période coïncide avec la remise du rapport du sénateur George Mitchell sur les responsabilités partagées dans la continuation du conflit. MM. Sharon et Bush examinent ce plan, le 26 juin 2001 à la Maison-Blanche. Il s’agit en fait, d’une simple mise en scène. La réouverture des voies de circulation dans les Territoires occupés est subordonnée à l’arrêt immédiat et complet des hostilités. En d’autres termes, les mesures de répression dans les Territoires occupés ne seront levées que si les Palestiniens renoncent sans contrepartie à la résistance armée. MM. Sharon et Bush s’accordent sur un discours qui stigmatise le président Yasser Arafat et le rend responsable de la poursuite des hostilités : il est « le terroriste » par excellence et les deux pays doivent s’unir pour faire échec au « terrorisme ». Par conséquent, le général Sharon décide d’appliquer désormais la stratégie des « assassinats ciblés » aux dirigeants politiques palestiniens. Le premier éliminé sera Abou Ali Moustapha, un des chefs de l’OLP. » (6)
Thierry Meyssan décortique, ensuite, le cheminement visant à diaboliser l’Autorité Palestinienne et isoler Arafa t : « Aussi lorsque surviennent les attentats du 11 septembre 2001, cette rhétorique se fond sans problèmes dans celle de la « guerre au terrorisme ». (...) Yasser Arafat se rendra dans un hôpital donner son sang pour les victimes états-uniennes. (...) Constatant l’impossibilité d’une solution militaire, le général Sharon imagine un plan de redécoupage de la Palestine qui assure la continuité territoriale d’Israël et de ses colonies et qui, au contraire, divise les Territoires palestiniens en deux zones discontinues. (...) Pour déplacer les lignes sur le terrain, le cabinet israélien lance l’opération « Mur de protection » (parfois traduite par opération « Rempart ») (...) Durant cinq mois, les Forces israéliennes assiègent le palais présidentiel à Ramallah et déclarent la ville « zone militaire interdite ». Le vieux leader est cantonné dans quelques pièces, tandis que l’eau et l’électricité sont coupées. Sharon lui offre de partir, « avec un billet sans retour ». A l’issue du siège, levé sous la pression internationale, Arafat restera assigné à résidence dans les ruines du palais présidentiel . » (6)
« George Bush, - qui jouait d’un côté le chaud avec William Burns et Donald Rumsfeld, de l’autre le froid avec Anthony Zini et Colin Powell - sabote le plan de paix arabe. Le 24 juin 2002, il se prononce pour la création d’un État palestinien, mais pose comme préalable le départ volontaire du président Arafat et la mise en place d’une nouvelle direction palestinienne qui ne soit pas « compromise avec le terrorisme ». La logique qui va conduire à l’assassinat du vieux leader est désormais en marche. Rien ne pourra l’arrêter. Tsahal détruit presque tout le complexe gouvernemental et les dirigeants israéliens ne font pas mystère de vouloir en finir avec leur « ennemi » Arafat. (...) La Russie et la France pressent Arafat de lâcher du lest pour éviter le pire. Le vieux leader consent à créer un poste de Premier ministre et à le confier à une personnalité qui sera acceptée par Tel-Aviv et Washington et pourra discuter avec eux pour rompre l’isolement. Il désigne Mahmoud Abbas. Les deux hommes ont toutes les difficultés à s’accorder pour la formation du gouvernement. Abbas souhaite confier les relations avec les organisations de la Résistance militaire à Mohammed Dahlan qu’Arafat récuse. (…) » (6)
« Quoi qu’il en soit, ajoute Meyssan, la formation de ce gouvernement ne change rien. La décision de tuer Arafat a été prise. C’est même le programme officiel du nouveau cabinet Sharon. William Burns et Ariel Sharon organisent une rencontre secrète avec le Premier ministre palestinien Mahmoud Abbas et le futur ministre de l’Intérieur Mohammed Dahlan. Les conjurés mettent au point les détails du crime. Ils conviennent à la fois d’assassiner le vieux leader et les chefs du Hamas, pour que ceux-ci ne puissent pas reprendre le flambeau. (...) Pendant six mois, Mahmoud Abbas participe à de nombreuses rencontres internationales pour mettre en oeuvre les recommandations du Quartet et est reçu avec tous les honneurs à la Maison-Blanche . » (6)
Quoi qu’il en soit, conclut Thierry Meyssan, Jacques Chirac est informé du complot. La France et la Russie proposent au président Arafat de l’évacuer immédiatement de Ramallah (...) « Pour garantir sa sécurité, Arafat créé un poste de Conseiller national de sécurité qui empiète sur les prérogatives d’Abbas et de Dahlan. Il le confie à Jibril Rajoub. La tension atteint son paroxysme. (...) C’est dans cette période que Mohammed Dahlan a adressé une lettre au ministre israélien de la Défense Shaul Mofaz ; un document dont le double a été retrouvé dans les archives privées de Dahlan lors de sa fuite. Il y écrit : « Soyez certain que les jours de Yasser Arafat sont comptés. Mais laissez-nous l’abattre à notre manière, pas à la vôtre (...) je tiendrai les promesses que j’ai faites devant le président Bush. » En mars 2004, Tsahal assassine cheikh Ahmad Yassine, chef spirituel du Hamas. Continuant sur cette lancée, Tsahal assassine le mois suivant Abdel Aziz al-Rantissi, le chef civil du Hamas. (...) A Ramallah, Yasser Arafat craint que le ministre de l’Intérieur du gouvernement Qorei n’ait rejoint le complot. Le 21 octobre 2004, Yasser Arafat est pris de vomissements. Les médecins croient d’abord à une simple grippe. Son état empire rapidement et son système immunitaire est gravement affaibli. Sa mort est annoncée le 11 novembre 2004 à 3h30 heure de Paris. L’Élysée veille à ce que l’acte de décès stipule que le président de l’Autorité palestinienne est né à Jérusalem ».(6)
Il est à se demander pourquoi on fait mine d’être scandalisé par une information connue rapidement. La Ligue arabe élargit les limites du ridicule plus loin chaque fois en demandant cette fois çi l’ouverture d’une enquête qu’elle oubliée de faire il y a huit ans après la mort suspecte de Arafat. De ce fait, à quoi servirait ce voyeurisme morbide consistant à profaner à fins d’expertise les restes du leader Arafat au lieu de s’attaquer au vrai problème qui est celui de rendre justice aux Palestiniens qui acceptent de vivre indépendants sur le bantoustan actuel.
Chems Eddine Chitour
1. Chems Eddine Chitour : Palestine, le calvaire d’un peuple. Sous presse Editions Casbah 2012
2. Amnon Kapeliouk : Yasser Arafat a-t-il été assassiné ? Le Monde diplomatique - 11 2005
3. Uri Dan : Ariel Sharon, An Intimate Portrait, Palgrave Macmillan (2006). Lafon 2006
4. Leïla Mazboudi : Kaddoumi va divulguer les enregistrements. Al-Manar - 24 juillet 2009. http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=7006
5. Lanis Andoni : Fatah se cherche de nouvelles têtes dirigeantes. Le Point.fr 04/08/2009
6. Thierry Meyssan : Il y a 6 ans, l’empoisonnement du président palestinien. Les circonstances politiques de la mort de Yasser Arafat Réseau Voltaire 11 11 2010