La situation explosive au sein de France Télécom est désormais connue de tous car elle a été fortement relayée par les médias, mais en réalité le malaise est ancien et les suicides ont eu lieu au même rythme depuis plusieurs années, seule la médiatisation autour de cette affaire est récente.
La généralisation des pressions dans l’entreprise, ce véritable "mangement par la terreur" érigé en mode de gestion pour écoeurer les gens et les pousser vers la sortie, afin d’obtenir le plus grand nombre de démissions possibles (ou de suicides ...), est un choix délibéré qui revient à faire un plan social sans débourser le moindre centime.
N’’importe quelle autre entreprise privée confrontée à des sureffectifs aurait eu recours à un plan social, plutôt que de mettre en oeuvre ces méthodes abjectes affectant la totalité du personnel ; oui seulement voilà France Télécom n’est pas une entreprise comme une autre.
Pour comprendre ce qui se passe, il suffit tout simplement de se poser la question à l’envers : qui dit plan social dit licenciements, or comment des prétendus " fonctionnaires" avec comme corollaire la garantie de l’emploi, auraient ils pu faire l’objet de licenciements économiques ??? ....
Voilà bien le coeur du débat ....
La mise en place de plans sociaux obligerait à dévoiler le pot aux roses et à avouer à ces soi-disant « fonctionnaires » de France Télécom et par symétrie à ces soi-disant « fonctionnaires » de La Poste qui ils sont en réalité (des salariés de droit privé depuis belle lurette…), or personne n’ose leur dire précisément, cela risquerait de mettre le feu aux poudres, et puis surtout cela reviendrait à dire que les politiques et les syndicats collabos (vecteurs de la réforme) leur ont menti depuis des années pour obtenir leur assentiment...
Vous rendez vous compte, ce serait, reconnaitre que le statut sur mesure et mirifique propre à France Télécom et à La Poste, créé dans le cadre de la réforme des PTT (introduite par la loi du 2 Juillet 1990), présenté jadis comme la panacée pour faire face aux défis de l’avenir, car il devait permettre d’affronter la concurrence tout en garantissant la sécurité de l’emploi avec des rémunérations plus attractives (en somme le meilleur des deux mondes " public" et "privé"), n’était finalement qu’un leurre ! ...
En réalité la réforme des PTT menée depuis 1990, n’avait d’autre but que de « délester » sournoisement l’Etat-employeur de ses serviteurs affectés à un service marchand (pour se préparer à l’ouverture à la concurrence du secteur programmée par Bruxelles), tandis que parallèlement la jeune société anonyme France Télécom s’efforçait pour sa part de réduire ses effectifs importants de salariés (ex fonctionnaires de l’Etat), sans pour autant procéder à des plans sociaux (bien qu’elle aurait pu le faire depuis longtemps dans l’absolu), car le dilemme à gérer, c’est qu’il fallait en même temps entretenir la supercherie et faire croire au plus grand nombre et le plus longtemps possible, à un statut préservé de « fonctionnaire », afin que le seul et unique bénéficiaire dans l’histoire, c’est à dire l’Etat français, puisse (via France Télécom et via La Poste) engranger toujours plus de signatures (par appât du gain, par lassitude ou par peur de représailles) entrainant la perte du statut initial.
Dans un contexte aussi tortueux, explosif (et sensible politiquement), et sans pour autant se faire l’avocat du diable, il faut reconnaître que l’entreprise privée, tiraillée entre ses actionnaires et l’Etat qui la bride, n’avait pas véritablement d’autre alternative pour réduire ses effectifs.
Alors évidemment le jour où la réalité économique l’emporte sur la volonté de maintenir un "écran de fumée" en interne pour rassurer des crédules et /ou des incultes, et quand il faut tailler dans le "gras des effectifs" pour assurer la pérennité de la société dont la période de prospérité est bien finie, alors que la plupart se croient encore protégés par un statut bidon, il y a comme une incompréhension et un profond malaise qui s’installent chez le personnel avec les conséquences que l’on connaît aujourd’hui ...
Ce qui n’est jamais dit en revanche, c’est que les méthodes décriées aujourd’hui ont d’abord été employées à l’encontre des fonctionnaires titulaires des PTT qui ont toujours refusé, comme la loi les y autorisait, d’opter pour le statut (dépouillé) spécifique aux exploitants France Télécom et La Poste, et qu’il fallait donc préalablement contraindre ces opposants au système à démissionner de leur statut protecteur. Ceux là ont été les « précurseurs » des méthodes répressives qui s’inscrivent dans le même objectif global qui consiste à pousser les gens vers la sortie par tous les moyens, quelque soit leur statut. C’est seulement quand ces pionniers de la résistance ont été réduits à une « quantité négligeable », qu’il a fallu ensuite s’attaquer au gros des troupes ; à savoir les fameux « fonctionnaires de France Télécom » avec leur statut atypique qui est en fait une coquille vide si bien que ce terme fallacieux revêt à peu près la même signification que de parler de « fonctionnaires de DARTY » ou de « fonctionnaires de CARREFOUR »…
Pour leur part, les fonctionnaires PTT qui ont refusé le changement de statut, auraient du être rapatriés dans le giron de l’Etat lors de la privatisation de l’entreprise. Ils y sont au contraire abandonnés et transformés en otages, exclus, marginalisés, spoliés de tous leurs droits et embarqués dans des procès interminables, tandis que l’Etat se lèche les babines car son objectif premier a été atteint : en misant sur la durée et le déni de droit, la plupart de ces fonctionnaires de l’Etat titulaires de l’ex administration des PTT sont tombés sous les pressions tant psychologiques que financières perpétrées en toute impunité par leur hôte la société anonyme FT SA. En réalité, c’est l’Etat qui viole délibérément et durablement ses propres lois et sa propre Constitution pour parvenir à ses fins, cela lui a permis de faire l’économie d’une loi impopulaire et couteuse de dégagement des cadres (seul moyen légal pour licencier des fonctionnaires de l’Etat moyennant indemnisation). C’est bien l’Etat et lui seul, le grand gagnant dans cette histoire sordide, même si on peut dire qu’à son tour, la SA France Télécom suit le même chemin avec son personnel propre, puisqu’en l’espèce, elle fait tout autant l’économie de plans sociaux pour se débarrasser de ses sureffectifs, en privilégiant le harcèlement pour pousser à la démission plutôt que de recourir à des licenciements économiques.
Avec de telles méthodes : mensonges, tromperie, appât du gain, corruption, répression, harcèlement, sanctions, privation de ressources… il sera facile de prétendre que cette réforme reposait sur un processus démocratique et qu’elle était basée sur le principe du libre volontariat, alors que cela s’apparente à des pratiques dignes des méthodes NAZIS…
Il ne faut pas se tromper de cible, France Télécom n’est qu’un instrument, en réalité, c’est l’Etat qui est derrière tout ça, qui donne le tempo, qui a laissé faire (car il y avait son propre intérêt), qui est responsable et qui feint de s’émouvoir d’une situation dramatique qu’il a lui-même créée car il est l’instigateur de cet imbroglio machiavélique.
Ce même Etat a beau jeu aujourd’hui de se dédouaner sur France Télécom , de focaliser sur une période récente (le plan NEXT), et de montrer du doigt la gestion d’un seul homme (Lombard), alors qu’en réalité tout ce gâchis humain est la conséquence d’un dol, de désinformations, de paradoxes, d’un déni de droit délibérément entretenu et d’un consensus politique qui durent depuis 20 ans.
Voilà la face cachée de l’iceberg, voilà ce qu’on ne dit jamais, et pourtant elles sont là les véritables causes du malaise actuel avec ses conséquences désastreuses …