Lettre ouverte à Robert Ménard de Reporters sans Frontière
Le 29 juillet 2002
M. Robert Ménard
Directeur Reporters Sans Frontière
5, rue Geoffroy-Marie
75009 Paris - France
Tel. 33 1 44 83 84 84
Fax. 33 1 45 23 11 51
Cher Monsieur Ménard,
A ce jour, je n’ai pas reçu de réponse à la lettre que je vous ai envoyée en anglais. Je suis heureux de voir qu’après l’avoir reçue, vous ayez porté le nombre de journalistes emprisonnés de 115 à 119, sur le portail de votre site web, et j’espère que ceci signifie que Reporters Sans Frontière va entamer la défense du journaliste Nicolás Rivera et que vous êtes en train de corriger les autres erreurs que nous vous avons indiquées.
Pour votre facilité, voici une traduction de ma lettre en français, également publiée sur le site de Narco News.
Dans l’attente d’une réponse et des réponses à nos questions, je vous prie d’agréer, Monsieur Ménard, l’expression de mes meilleurs sentiments.
Cordialement,
Al Giordano
Narco News
Traduction : Xavier Lowenthal
Texte de la lettre originale :
Cher M. Ménard,
Mon nom est Al Giordano. Je suis journaliste professionnel depuis 1988 et je vous écris aujourd’hui en tant que directeur et éditeur de The Narco News Bulletin, un journal sur le web qui traite de la guerre contre la drogue et de la démocratie en Amérique Latine.
Je vous écris pour vous informer d’actes spécifiques et de menaces directes à l’encontre de journalistes au Venezuela, et aussi pour vous poser douze questions, en tant que journaliste, à propos du dernier rapport de votre organisation sur la liberté de la presse dans ce pays.
J’espère que votre organisation prendra des mesures immédiates pour défendre les journalistes en danger, et que vous donnerez des réponses complètes et honnêtes aux douze questions posées ci-dessous.
Votre organisation, Reporters Sans Frontière, diffuse largement l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : "Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit, oralement, par écrit ou par imprimé, sous la forme d’oeuvre d’art ou par n’importe quel média de son élection."
Cette phrase merveilleuse ne dit pas que "seul quelques personnes ont droit à la liberté d’expression". Elle ne dit pas que "seul les journalistes commerciaux" doivent jouir de ce droit. Elle dit "tout individu" doit jouir de ce droit.
Cet esprit a été compris récemment par la Cour Suprême de New-York, en décembre 2001, dans l’arrêt étendant en notre propre faveur, pour la première fois, le Premier Amendement, dans le procès opposant le New-York Times à Sullivan et le journalisme sur internet. Une copie de cet arrêt peut être lue en ligne sur le site Eleatronic Frontier Foundation
Je vous écris aujourd’hui à propos des rapports de votre organisation sur la liberté de presse, problématique au Venezuela, dans lequel vous avez commis de nombreuses erreurs grossières, qui ont mis en danger de nombreux journalistes et ont contribué à établir un climat d’impunité pour les forces de police pro-putschiste, qui attaquent maintenant de façon répétée et systématique les journalistes. Je fournirai ci-dessous les faits qui démontrent ce que j’avance ici.
Je ne suis pas le premier journaliste à s’inquièter du comportement de votre organisation. Ignacio Ramonet, authentique journaliste, généralement respecté, directeur du Monde Diplomatique, a établi le mois dernier, après sa propre mission d’enquête au Venezuela, que : "En fermant les yeux sur l’une des plus odieuses campagnes médiatiques jamais orchestrées contre un gouvernement démocratique, l’organisation Reporters Sans Frontière a montré qu’elle pouvait être elle-même manipulée et a publié plusieurs rapports contre le gouvernement Chavez, qui n’a jamais limité la liberté d’expression, interdit de média ou arrêté de journaliste."
Aujourd’hui, Narco News, en se regroupant avec des collègues pour un journalisme authentique et avec des médias indépendants, a entamé un dialogue international sur le rôle des organisations de "liberté de la presse". Nous nous concentrons sur les trois organisations de ce type qui disposent des plus gros budgets : le CPJ de New-York, Reporters Sans Frontière à Paris et l’Inter-American Press, Association de Miami.
Le catalyseur de ce débat international, qui a commencé sur notre propre site web, ainsi qu’à travers le réseau de Indymedia notamment, a été notre récente mission d’enquête au Venezuela, où nous avons rencontré des circonstances et des faits très différents de ceux que décrit le rapport de Reporters Sans Frontière sur ces mêmes événements. En réalité, nous avons trouvé qu’une classe entière de journalistes au Venezuela était en état de siège et a été laissée sans défense par votre organisation de liberté de la presse à gros budget, ainsi que par d’autres : les journalistes des médias communautaires, particulièrement ceux des vingt-cinq stations de radio et de télévision non commerciales qui ont été légalisées par la Constitution bolivarienne du Venezuela de 1999 et la Loi sur les télécommunications de 2001.
La page de garde du site de votre organisation dit : "aujourd’hui, 115 journalistes sont en prison". Aujourd’hui, nous vous informons, tristement, que vous pouvez hausser ce nombre à 118. Trois de plus ont été illégalement arrêtés par les forces de police (les mêmes qui ont participé, en avril 2002, au coup d’Etat dans ce pays), trois de plus, qui ont été spécialement visés pour leur pratique du journalisme, tous trois journalistes de radios respectées : Nicolás Rivera de Radio Perola, et Jorge Quintero et Lenàn Méndez de Radio Senderos, des radios communautaires indépeldantes, sans but lucratif, de la grande zone de Caracas. Vous pouvez en lire davantage à leur propos - et à propos d’autres menaces contre la liberté de presse largement ignorées par votre organisation - dans la première partie de notre série publiée aujourd’hui sur les médias au Venezuela
Nous attirons également votre attention sur les sérieuses menaces qui pèsent sur ces journalistes et d’autres, menaces qui n’émanent pas d’institutions gouvernementales mais bien d’institutions médiatiques commerciales.
Ces menaces ont été proférées, en particulier, par Miguel Angel Martànez, le président de la Chambre des Diffuseurs de Radio, du secteur privé, qui a récemment demandé à ses affiliés "d’interférer" avec les fréquences des médias communautaires lors la prochaine tentative de coup d’Etat au Venezuela. Pour information, M. Martànez est un des cosignataires, le 12 avril dernier, avec le dictateur installé par les militaires Pedro Carmona, du décret abolissant le Congrès National, la Cour Suprême et la Constitution du Venezuela.
Il est très clair pour moi, en me basant sur des informations de première main, que l’entièreté de la problématique de la liberté de la presse au Venezuela est devenue conventionnelle et dépassée et doit être reconsidérée (comme notre défense légale contre Banamex-Citygroup a imposé à la Cour Suprême de reconsidérer et d’étendre les protections garanties par le premier amendement, en les appliquant aussi aux journalistes d’Internet). Le débat international - et j’espère que vous et d’autres Reporters Sans Frontière y participeront dans un esprit de décloisonnement, d’auto-critique, d’auto-correction et d’ouverture d’esprit- présente de nombreux aspects, aussi parce qu’il vient très tard. Aujourd’hui, je conteste l’exactitude et la loyauté de nombreux rapports de votre organisation, en me basant sur mes propres reportages au Venezuela, le mois dernier.
Dans le rapport annuel de Reporters Sans Frontière, vous écriviez : "Hugo Chávez, président du Vénézuela et grand admirateur de Fidel Castro, inquiète avec ses déclarations incendiaires contre les médias, et les observateurs craignent que l’ancien soldat et l’auteur d’un coup d’Etat manqué en 1992 se transforme en dictateur. Les menaces verbales de l’an passé ont augmenté en 2001 pour inclure d’autres sortes d’intimidation, comme la menace de retirer leur licence à des stations de télévision, la menace d’inspections fiscales et un renforcement du pouvoir de la Cour suprême qui diminuera la liberté de la presse."
Votre inquiétude, exprimée ici, était la crainte d’un futur hypothétique : craindre que le président démocratiquement élu du Venezuela "se transforme en dictateur".
Le fait est que les factions commerciales que vous avez défendues, qui abusent de la cause de la "liberté d’expression" en la mettant au service d’un agenda politique partisan, se sont révélées être les véritables dictateurs quand ils prirent, par les armes, la possibilité de gouverner. Ils supprimèrent le Congrès, la Cour Suprême et la Constitution. Ils envoyèrent leurs troupes de maison en maison, pour arrêter et détenir les leaders politiques élus, des citoyens et des journalistes qui avaient critiqué leur putsch.
Et je vous rappelle que ce que vous avez vraiment critiqué du gouvernement Chavez, c’est seulement l’usage que fit son président élu du droit inaliénable que vous prétendez défendre : parler.
Etant donné que votre organisation, Reporters Sans Frontières, reçoit, d’après votre site web, 44 pourcent de ses moyens financiers de la Commission Européenne, vous n’êtes pas en position de critiquer un gouvernement parce qu’il utilise la parole.
Bien plus, vous rendez un bien mauvais service à la cause de la liberté d’expression en confondant parole et répression, et vous gaspillez les efforts entrepris pour combattre les véritables attaques menées contre des journalistes, comme celles citées dans cette lettre, en entretenant la confusion entre parole et "attaque".
Vous devriez, au contraire, applaudir ces secteurs de la société civile et ses dirigeants élus qui utilisent la parole - y compris la parole dure- pour dire leurs griefs contre les véritables abus et corruptions de nombreux secteurs des médias commerciaux. Le peuple et les dirigeants qui utilisent la parole montrent la voie d’une alternative à la violence et à la répression. Ceci devrait être un principe de base d’une organisation qui s’occupe de la défense de la liberté de la presse.
Reporters Sans Frontière est, en réalité (bien que vous pourriez contester cette appellation), une agence quasi-gouvernementale. Vous êtes financés par des gouvernements, comment pouvez-vous prétendre qu’un gouvernement ne devrait pas user de la parole ? Vous devriez encourager la parole comme une alternative à la répression contre les journalistes. Votre biais idéologique visible, une hostilité étrange aux résultats d’élections démocratiques au Venezuela, et l’utilisation spécieuse de la tactique de la "culpabilité par association", est indigne des pratique d’un journalisme sérieux, et diminue sûrement la crédibilité de votre propre organisation de "liberté de la presse".
Malgré tout l’intérêt que vous montrez pour les 115 journalistes que vous répertoriez comme emprisonnés aujourd’hui, vous avez, de façon déloyale, négligé de dire que, jusqu’au mois dernier, il n’y avait pas le moindre journaliste emprisonné au Venezuela, et vous avez gardé le silence sur l’épidémie d’attaques des forces "pro-putschiste" contre les médias communautaires. Il ne faut pas s’étonner, dès lors, qu’avec le plus riche des groupes de "liberté de presse" du monde, vous gardiez le silence quand il s’agit de défendre des journalistes vraiment indépendants, que les forces de police pro-putschiste assaillent et arrêtent en toute impunité pour leurs pratiques journalistiques. Avez-vous été le moins du monde surpris quand une dictature a émergé, non du gouvernement Chávez, mais des forces que votre organisation a défendues, en ce compris les médias commerciaux du Venezuela ? Ne sentez-vous pas que le comportement non professionnel de votre organisation, durant la plus grande crise politique que cet hémisphère ait connu depuis trente ans, exige que vous vous engagiez dans un examen de conscience public et une correction de vos erreurs ? Dans votre rapport fictif des événements, pendant les journées du coup d’Etat d’avril, vous écriviez :
"Les stations vénézuéliennes ont depuis expliqué qu’elles n’avaient pas montré un tel événement parce que cela eut été dangereux pour ses journalistes sur le terrain et que ces scènes de pillage à Caracas auraient pu encourager des explosions similaires en province. Gustavo Cisneros, président de la Diego Cisneros Organisation et propriétaire de Venevisión, ajoute que le silence de la télévision était aussi dû à des considérations pratiques, telles que l’absence d’images pour boucler les reportages."
En réalité, M. Ménard, les propriétaires des télévisions commerciales ont censuré leurs propres journalistes en les empêchant de diffuser des nouvelles qu’ils avaient déjà collectées, et des "images" (vidéos) des événements étaient, au minimum, disponibles via CNN et d’autres agences internationales d’information, prêtes à la diffusion (et en réalité, a-t-on réellement besoin d’images pour parler de nouvelles aussi importantes ? Votre argument, pour défendre Cisneros et les autres, est spécieux et peu crédible, et nous sommes en droit d’attendre plus d’une organisation de défense de la "liberté de la presse").
Ce qui apparaît clairement aujourd’hui, c’est que les stations de télévision commerciales appartenant à M.Cisneros et aux autres propriétaires -ceux qui ont encouragé le coup d’Etat et s’en sont réjouis quand il eut lieu- ont imposé un black-out sur l’information quand il est devenu clair que le public vénézuélien était descendu dans la rue et était sur le point de retourner la situation en faisant échouer le coup d’Etat que les médias commerciaux avaient soutenu.
Notre histoire, publiée aujourd’hui, dit ceci :
"Le groupe de défense des droits de l’homme PROVEA (le programme vénézuélien d’éducation et d’action sur les droits de l’Homme), le 13 avril, rapporte qu’"un journaliste, qui ne souhaite pas que son identité soit révélée, chef de Production d’une des principales chaînes de télévision du pays, dénonce le fait que les directeurs de sa compagnie ont empêché les journalistes de transmettre des informations sur les événements alors en cours".
"A la place des informations, pendant que se déroulaient les événements les plus importants de l’histoire de la nation, les grandes chaînes de télévision ont passé des dessins animés de "Tom et Jerry", des films et des rediffusions." "Le rôle qu’ont joué les journalistes d’Internet pour rompre le blocus de l’information vers l’extérieur du Venezuela a été le sujet de notre rapport du 18 avril. Mais à l’intérieur du Venezuela, seuls les journalistes des médias communautaires se sont interposés entre la démocratie et la dictature, et ont ainsi sauvé la situation".
Aujourd’hui, les journalistes des médias communautaires sont systématiquement persécutés par les forces pro-putschistes et par les médias commerciaux que vous avez défendus.
Assurément, quelques-unes des assertions émises ici peuvent être embarrassantes, et vous pourriez bien ne pas être d’accord avec les opinions exprimées dans la première partie, ainsi que dans d’autres à venir, de notre série sur les médias au Venezuela, en particulier quand elles concernent votre organisation. Pour cette raison, je vous offre l’opportunité de répondre dans les pages de Narco News, et je publierai vos réponses in extenso, sans vous censurer.
Je vous demande des réponses complètes et honnêtes aux questions suivantes :
* Reporters Sans Frontière, ayant été informé de faits d’une toute autre nature que ceux que votre organisation a admis, dénoncera-t-elle les détentions illégales des journalistes de radio Nicolás Rivera de Radio Perola, Jorge Quintero et Lenàn Méndez de Radio Senderos, et enquêtera-t-elle à ce propos ?
* Reporters Sans Frontière admettra-t-il la véritable cause de ces attaques : l’existence de forces de police ripoux et conspiratrices, qui jouissent d’une forme particulière d’impunité, précisément parce qu’elles sont soutenues par les corporations des médias commerciaux du Venezuela ?
* Reporters Sans Frontière dénoncera-t-il les incursions illégales et les menaces des 11,12 et 13 avril 2002, perpétrées par la dictature de Carmona à l’encontre de Radio Perola, Radio Catia Libre, Catia Tve et Radio Fé y Alegràa (radios de l’église catholique) ?
* Reporters Sans Frontière dénoncera-t-il enfin la tentative de coup d’Etat du mois d’avril - et toute future tentative au Venezuela ou contre quelque gouvernement démocratiquement élu que ce soit - comme la toute première menace à l’encontre de la liberté de la presse ?
* Reporters Sans Frontière fera-t-il des excuses publiques aux journalistes des médias communautaires du Venezuela, ainsi qu’au public en général, pour avoir fermé les yeux en ne dénonçant pas le coup d’Etat d’avril dernier, et corrigera-t-il son organisation interne pour s’assurer que ce type de négligence de la part d’une organisation de défense de la liberté de la presse ne se reproduise plus jamais dans de telles périodes de crise ?
* Dans l’intérêt particulier de ceux d’entre nous qui sont journalistes sur internet (et dans l’intérêt particulier de Narco News et de moi-même), Reporters Sans Frontière prendra-t-elle acte de l’arrêt de la Cour suprême de New-York de décembre 2001, dans l’affaire Banco vs Menendez, qui établit :
a) de meilleures bases juridiques pour les plaintes en diffamation, en établissant la compétence des cours américaines sur les journalistes étrangers, et b) les règles de base qui étendent aux journalistes d’Internet les protections du premier amendement aux Etats-Unis (affaire Sullivan vs New-York Times) ?
Les temps sont durs pour le journalisme et les journalistes parce que, de façon croissante, les menaces sur notre sécurité et notre liberté de parole viennent de l’industrie médiatique elle-même : des administrateurs propriétaires des télévisions, radios, journaux et organismes d’information sur internet. Une fois encore, la tentative de coup d’Etat au Venezuela d’avril dernier a été le moment critique qui a révélé ce problème, maintenant de taille épidémique, au grand public. Le paysage du journalisme lui-même a changé radicalement ces dernières années, avec la vague d’absorptions et d’acquisitions et les concentrations accrues des médias dans les mains de quelques compagnies. Beaucoup, si pas la plupart, de ces compagnies ne sont plus exclusivement dédiées à la collecte d’informations et au journalisme. Les conflits d’intérêt entre les organismes d’information et leurs propriétaires s’amoncellent comme le trafic routier aux heures de pointe. Le journalisme commercial a perdu son contexte éthique et sociétal et s’écarte radicalement de son rôle établi et protégé par le Premier Amendement de la Constitution des Etats-Unis et d’autres lois similaires dans d’autres pays. S’agissant des menaces sur la liberté de la presse, les médias ont trouvé leur ennemi et, pour citer Pogo, "c’est nous".
Ce changement radical dans l’environnement de la collecte d’informations - un changement au-dessus et à l’intérieur de l’industrie médiatique - force, dans mon opinion, toute organisation qui se voue à la protection du journalisme et de la liberté de la presse à redéfinir et à corriger ses activités en les adaptant au temps et à la situation réels. Assurément, ceci est un motif de remise en question pour chacun de nous, journalistes ou qui se voudraient tels, et pour les organisations qui défendent nos droits. Et les changements de la réalité sont si soudains et si extrêmes que nous devons repenser presque toutes nos convictions passées.
Cependant, il est aussi évident que la tentative de coup d’Etat au Venezuela, qui a bien failli provoquer un retour en arrière de trente ans dans l’avancée de la démocratie et de la liberté de la presse dans tout l’hémisphère, est un événement qui, parmi toutes les menaces contre la liberté de la presse, devrait être notre principale préoccupation. Si ce coup d’Etat avait réussi, votre travail serait devenu cent fois plus difficile, non seulement au Venezuela, mais dans votre tâche de protection des journalistes à travers toute l’Amérique latine (tout comme le coup d’Etat au Chili, en 1973, avait causé une réaction en chaîne de répressions et d’attaques contre la presse à travers l’Amérique du Sud, avec l’opération Condor qui généralisa la terreur en Argentine, au Brésil, au Paraguay, en Bolivie, au Pérou, en Uruguay, en Equateur, en Colombie et au Venezuela, durant les années ’70, ’80 et ’90).
En considérant tout particulièrement la situation présente au Venezuela, il n’y a pas de raison ou de justification au retard : l’action est nécessaire maintenant, immédiatement, pour réparer et éliminer les causes des menaces à la liberté de la presse et aux journalistes. Et pour accomplir cette tâche, Reporters Sans Frontière et d’autres organisations comme elle doivent corriger les erreurs qui ont déjà été commises.
Mes autres questions sont :
* Reporter Sans Frontière enquêtera-t-il et dénoncera-t-il la censure de toutes les chaînes de télévision commerciales au Venezuela, les 12 et 13 avril 2002, censure exercée à l’encontre de ses propres journalistes - plus personne ne conteste aujourd’hui qu’il y eut un black-out sur l’information - en les empêchant de diffuser les faits relatifs au soulèvement de la société civile contre les putschistes, contre la dictature militaire de ces sombres journées ?
* Reporters Sans Frontière enquêtera-t-il et dénoncera-t-il les menaces de Miguel Angel Martànez, de la Chambre des Diffuseurs de Radio, "d’interférer" avec les fréquences des radios et des télévisions communautaires, en employant à cette fin la technologie et les équipements des diffuseurs commerciaux affiliés à son organisation ?
* Reporters Sns Frontière enquêtera-t-il et dénoncera-t-il la fermeture forcée de Canal 8 - la télévision publique du Venezuela - par la dictature de Carmona, en avril 2002, et le silence complet des médias commerciaux sur ce sujet ?
* Quelle est la position de Reporters Sns Frontière sur la participation et le ralliement d’organismes commerciaux de diffusion d’information au Venezuela, tels que les quotidiens El Nacional et La Hora, par la censure de leurs propres pages, le 9 avril dernier, à la "grève nationale" politiquement partisane qui - ceci est clair pour tout le monde, rétrospectivement - avait pour objectif de provoquer le coup d’Etat du 11 avril ?
J’indiquerai quelques-uns des faits concernant la question 10 dans un instant, quand nous demanderons, plus bas, si le discours public est vraiment une menace pour le discours public, comme Reporters sans Frontière l’a clamé de façon répétée, à propos du Venezuela.
Mais en premier lieu, je voudrais expliquer en quoi la question de la défense des journalistes des médias communautaires est à relier à un phénomène plus large, dans lequel votre organisation, comme d’autres, sont restées discrètes.
Depuis 1999, depuis les protestations contre l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), à Seattle, on a assisté régulièrement à de semblables manifestations anti-globalisation à travers le monde (Davos, Gêne, Cancun, etc.), et, lors de ces occasions, à une série d’attaques violentes et d’emprisonnements systématiques de journalistes, de photographes de presse, de vidéastes couvrant ces manifestations. Ces attaques ont été largement documentées, photographiées, filmées et publiées sur plus de 90 sites internet à travers le monde. Mais Reporters sans Frontière, malgré la nature systématique et répétée de ces attaques, a gardé, à ma connaissance, le silence dans la défense de ces journalistes. Je vous prie de considérer ceci avec le plus grand sérieux : ces attaques contre les journalistes d’Indymédia sont systématiques et ont joui d’une impunité sauvage, en partie car les autorités savent bien que la plupart des plus importantes organisations de liberté de la presse, comme Reporters sans Frontière, n’ont pas fait de bruit ou ne se sont pas exprimées clairement contre elles. Ces attaques continueront durant chaque manifestation anti-globalisation à venir, jusqu’à ce que les organisations de défense de la liberté de la presse cessent de garder le silence à leur propos.
Une des premières causes de ces attaques est liée à un conflit qui règne au sein même du journalisme. Significativement, lors des grandes réunions de l’Organisation Mondiale du Commerce, ou d’organisations similaires, un système de caste de journalistes accrédités est apparu : les journalistes des organismes d’information commerciaux sont accrédités et peuvent pratiquer leur travail dans les conditions normales de sécurité et de protection. Mais les journalistes des médias indépendants ne bénéficient pas de ces accréditations, et sont donc laissés dans la rue avec les manifestants, souvent battus ou emprisonnés, précisément parce qu’ils portent des caméras, des enregistreurs ou de quoi écrire. En tant que journalistes, ils sont spécialement visés pour les passages à tabac et l’emprisonnement.
Les organisations d’informations commerciales sont largement en faveur de ce "système de caste" étatisé, établi parmi les journalistes, pour d’évidentes raisons d’intérêt : l’accréditation des seuls journalistes commerciaux à de tels événements d’importance globale leur donne un avantage compétitif et même un monopole sur la couverture des délibérations au sein de ces rassemblements des gouvernements et des industries, où d’importantes décisions concernant le grand public sont prises.
L’acte même de refuser une accréditation à des journalistes associatifs, communautaires, indépendants ou d’internet représente un danger et un préjudice pour beaucoup d’entre nous, comme cela a été montré et démontré à de nombreuses reprises lors de chacun de ces événements.
Mes questions, relative à ce problème, sont les suivantes :
* Reporters Sans Frontière pourrait-il présenter et dénoncer comme des menaces à la liberté de la presse l’exclusion des listes d’accréditation, par les gouvernements et les institutions internationales, des journalistes associatifs, indépendants, communautaires et d’internet ?
Je rappelle que le seul et unique facteur qui détermine qu’un journaliste couvrant l’un de ces rassemblements mondiaux du commerce et de la finance puisse être battu, emprisonné ou subisse des dommages est le refus qu’il lui a été donné de recevoir une accréditation pour couvrir l’événement de l’intérieur. La question de l’accréditation des journalistes est sérieuse en qui concerne la sécurité des journalistes : ceux qui sont laissés dehors, dans la rue, pour couvrir l’événement, sont en danger.
D’où la question suivante :
* Reporters Sans Frontière assignera-t-elle une partie des vingt membres de son état-major à la surveillance et à l’enquête sur ces attaques prévisibles, lors des prochains sommets internationaux et des manifestations altermondialistes ?
Ceci pourrait aisément commencer par la simple analyse des reportages sur indymedia et d’autres sites similaires, quand ces événements ont lieu. Les archives de ces sites contiennent déjà les documents probants, incluant des photos, des enregistrements vidéo et audio et des témoignages de première main des attaques systématiques qui ont déjà eu lieu.
Mais revenons au sujet qui nous occupe, la liberté de presse au Venezuela.
Bon nombre des préoccupations de votre organisation ont été déforcées par le simple fait que vous semblez confondre critique des médias commerciaux - l’usage de la parole pour contrer la parole, que beaucoup d’entre nous, journalistes, considèrons comme un droit sacré, même pour des personnalités officielles élues - et "attaques" contre la liberté de la presse.
Dans votre rapport annuel de 2002, vous écriviez : Le président Hugo Chávez poursuit ses attaques sur les médias en 2001. En février, se décrivant lui-même comme proche des pauvres, il a accusé "un groupe de quatre ou cinqpersonnesquiontaccumulélepouvoir del’argentetdes médias au cours des années" de mener une "conspiration" pour ne pas parler des succès de son gouvernement. Lors d’une cérémonie, quelques jours plus tôt, il a crié : "A bas les journalistes et les capitalistes". En janvier, il a accusé Miguel Henrique Otero, rédacteur en chef du quotidien El Nacional, d’être le jouet "d’intérêts pervers" après que ce journaliste l’ait accusé de construire un pouvoir personnel. Le média, qui est devenu virtuellement le porte-parole de l’opposition, après la disparition des partis traditionnels discrédités par quarante années de pouvoir, a rejoint le mouvement de grève générale du 10 décembre 2001, mené par les patrons et les entreprises, contre la politique de Chávez.
Que vous mettiez sur le même plan le droit sacré d’user d’une parole libre et des "attaques" contre les médias est, de la part de votre organisation, une hypocrisie.
Les médias commerciaux méritent de telles critiques, particulièrement au Venezuela, où la majorité des quotidiens, des radios et des télévisions nationaux ne respectent pas les règles les plus élémentaires en matière d’éthique et de loyauté journalistiques.
Vous parlez de "la disparition des partis politiques traditionnels" d’une manière qui escamote opportunément le fait que le peuple les ait rejetés par les urnes. Ils ne représentent plus la majorité. Ils ne représentent que la richesse. Et quand, comme vous le remarquez, les médias commerciaux ont tenté de remplir le rôle de représentants des classes riches - au point de promouvoir et de soutenir un coup d’Etat violent- vous avez manifesté le même mépris du petit peuple et de leur droit souverain à choisir leur propre gouvernement. S’il n’y a pas d’opposition sérieuse au Venezuela, c’est précisément parce que ses membres ne peuvent être comptés qu’en dollars, pas en votes.
Ce que vous avez dénoncé, à Reporters sans Frontière, c’est la parole elle-même : et personnellement, je ne pense pas être le seul à m’étonner qu’une organisation de défense de la liberté de la presse ait pu s’engager dans un tel discours orwellien, si nuisible aux principes de la liberté de parole et de la liberté de la presse.
Par son rôle actif dans la détérioration du droit à la liberté de parole pour tous, les médias commerciaux ont purement et simplement fabriqué un boomerang pour leurs propres droits : je ne ferai pas un cours d’expert en "liberté de la presse" sur cette dynamique - votre organisation a, en parole, dit la même chose, mais n’a pas su remplir en acte les missions qu’elle s’était elle-même imparties.
Les médias commerciaux, pas seulement mais spécialement au Venezuela, ont confisqué la voix de la majorité des citoyens, celle des pauvres, et les ont donc évincés du discours public. A la place, elle a réservé l’accès aux ondes aux seuls secteurs riches - en Amérique latine, ces secteurs sont correctement désignés par le terme d’ oligarchie - mais malgré cela le public a trouvé un moyen supérieur de s’exprimer : des élections libres et loyales.
Je ne dois pas devoir rappeler à votre organisation qu’avant l’élection spectaculaire de Chávez comme président du Venezuela, en 1998, et les cinq élections qui ont suivi et dans lesquelles le peuple a, à chaque fois, entériné et rallié son programme de façon écrasante, le Venezuela était, sous l’ancien régime, un pays plus dangereux pour les journalistes qu’il ne l’est aujourd’hui.
Selon le rapport annuel 1991-1992 de PROVEA, le principal groupe de défense des droits de l’Homme au Venezuela, il y eut, cette année-là , cent vingt-cinq attaques contre des journalistes individuels dans ce pays : blessures physiques, interférences, menaces, persécutions légales, saccages, saisies, emprisonnements et fusillades, tout cela en relation avec leurs activités journalistiques. Cette année-là , régulièrement, des sections entières étaient supprimées et marquées du titre "CENSURADO", censuré, de la première page des journaux nationaux parce que les autorités gouvernementales ordonnaient que des faits spécifiques ne soient pas publiés.
Avant la constitution bolivarienne de 1999, qui garantit la liberté de la presse dans ce pays à un degré qui n’avait jamais existé, il y avait des lois qui interdisaient expressément la liberté de la presse : l’acte sur les télécommunications de 1940 autorisant la censure préalable, par le gouvernement, de tout média ; des peines sévères pour tout journaliste qui ne révélait pas ses sources confidentielles ; une loi sur le secret militaire et gouvernemental ; plus tard vint aussin la loi de 1994, qui exigeait de chaque citoyen voulant exercer une activité de journalisme d’avoir un diplôme bac +2, ce qui, dans un pays pauvre,avec un système d’éducation lamentable,équivalait à exclure la majorité des citoyens de l’excercice journalistique. Il y eut aussi une loi sur le "secret d’Etat" qui établissait que "les documents de l’administration nationale publique sont, par nature, réservés à un usage officiel".
Aujourd’hui, du fait des choix, faits démocratiquement, de la majorité des citoyens vénézuéliens, il y a davantage de liberté de la presse qu’il n’y en a jamais eu au Venezuela. Jusqu’au mois dernier, quand les forces pro-putschistes ont injustement arrêté le journaliste Nicolás Rivera, pas un seul journaliste n’était en prison dans le pays, sous le gouvernement Chávez.
Je suis un journaliste qui a parlé, seul à seul, avec des centaines de personnalités publiques de tout bord du débat politique au Venezuela - en particulier pour enquêter sur la liberté de la presse, les comportements des médias (commerciaux comme communautaires) et l’attitude du public envers la presse - et je vous l’affirme : Reporters sans Frontière se trompe à ce point qu’il se discrédite en tant que défenseur de la liberté de la presse.
Le "discrédit de la presse" au Venezuela a une seule responsable, et une seule : la presse commerciale. En tant que classe, les médias commerciaux au Venezuela, et particulièrement ceux de la capitale, Caracas, sont les plus mensongers, les moins professionnels, les moins exacts, les plus anti-pluralistes et les moins crédibles de tous les médias régionaux de l’hémisphère sud, mis à part peut-être ceux du Paraguay. Le reprocher à Chávez, comme l’ont fait Reporters sans Frontière et d’autres, c’est insulter le public vénézuélien. C’est une inversion des causes. Qu’est-ce qui est arrivé en premier : le discrédit de la presse ou Chávez ? CPJ prétend que Chávez est la cause de ce discrédit. Je vous informe aujourd’hui qu’il n’en est justement pas la cause, mais le résultat. Et quand il critique le comportement corrompu des médias de ce pays, il représente véritablement le point de vue de la majorité qui l’a élu, en partie pour être un rempart contre les abus des médias commerciaux.
L’image que vous dressez du public, mené par le bout du nez par ses leaders élus, est élitiste et hostile aux valeurs démocratiques et, en tant que journaliste et citoyen, j’attends mieux d’une organisation qui prétend protéger les journalistes et la liberté de la presse. Au minimum, nous sommes en droit d’attendre une enquête digne de ce nom sur les deux versants de l’histoire du Venezuela, et pas le récit partisan et intéressé que Reporters sans Frontière en a donné.
Impunité est un mot dont nous tous, qui cherchons à défendre la liberté de la presse, devons répondre. Je vous demande, à vous et à votre comité directeur, de considérer - et de corriger - l’impunité que vous avez procurée aux vrais usurpateurs de la liberté de la presse au Venezuela, par votre abandon délibéré des vrais journalistes en danger, ceux des médias communautaires de ce pays, et votre endossement iraisonné des assertions de membres corrompus et intéressés des médias commerciaux qui, pendant ces trois jours d’avril 2002, ont démontré leur hostilité envers les principes de la démocratie et de la liberté de parole que votre organisation leur a pourtant attribué.
Votre organisation, par la production d’assertions inexactes sur le Venezuela, et par sa façon d’esquiver son rôle de défenseuse des véritables journalistes menacés, aujourd’hui emprisonnés, a rendu un bien mauvais service à la cause même qu’elle prétend poursuivre.
Malheureusement, si le peuple et ses dirigeants élus du Venezuela, ou d’autres pays, vous racontaient ceci, vous les accuseriez sans doute de menacer votre liberté de parole, comme vous l’avez malhonnêtement clamé, de façon répétée, quand le public a combattu de mauvaises paroles par d’autres paroles.
Ceci dit, je vous le rappelle, cette critique est celle d’un journaliste. Un journaliste qui a dû défendre, plus que la plupart sans doute, sa propre liberté de publier et qui a obtenu, de ce combat, des droits légaux importants pour tous les journalistes. Un journaliste dont les dires reflètent les vues de nombreux journalistes authentiques et de nombreux travailleurs des médias communautaires. Nous allons maintenant entamer ce débat au sein de notre profession, de journalistes à journalistes, et en parlant, à la vue du grand public, aux organisations qui prétendent nous protéger. Ce n’est pas seulement notre droit, mais c’est aussi notre devoir, de faire le nettoyage au sein de notre propre corporation, et de le faire en employant l’arme même que nous tenons pour sacrée : la parole.
Bienvenue à ce dialogue. J’espère que vous y participerez et que vous répondrez aux douze questions posées, dans un esprit de transparence, d’autocritique et de correction.
* Votre organisation, dans son comportement à l’égard du Venezuela et son abandon des journalistes persécutés, qui ne sont pas d’accord avec vos jugements erronés et intéressés sur ce qui s’est réellement passé là -bas, a causé un grand dommage aux principes-mêmes que vous devez défendre.
Il est temps pour vous, Monsieur Ménard, en tant qu’individu, et pour chaque membre de votre comité directeur, de remettre en question ce que peut être votre rôle.
Vous pourriez commencer par protéger Nicolás Rivera et les journalistes des médias communautaires du Venezuela, en accord avec vos propres missions et règles, et en répondant aux douze questions que je vous pose et que je reproduis ci-après, pour votre facilité.
Je vous prie d’agréer, Monsieur Ménard, l’expression de ma considération distinguée.
Cordialement,
Al Giordano
Rédacteur
The Narco News Bulletin
Adresse
12 questions pour Reporters sans Frontières
(1) Reporters sans Frontière, ayant été informé de faits d’une toute autre nature que ceux que votre organisation a admis, dénoncera-t-elle les détentions illégales des journalistes de radio Nicolás Rivera de Radio Perola, Jorge Quintero et Lenàn Méndez de Radio Senderos, et enquêtera-t-elle à ce propos ?
(2) Reporters sans Frontière admettra-t-il la véritable cause de ces attaques : l’existence de forces de police ripoux et conspiratrices, qui jouissent d’une forme particulière d’impunité, précisément parce qu’elles sont soutenues par les corporations des médias commerciaux du Venezuela ?
(3)Reporters sans Frontière dénoncera-t-il les incursions illégales et les menaces des 11,12 et 13 avril 2002, perpétrées par la dictature de Carmona à l’encontre de Radio Perola, Radio Catia Libre, Catia Tve et Radio Fé y Alegràa (radios de l’église catholique) ?
(4)Reporters sans Frontière dénoncera-t-il enfin la tentative de coup d’Etat du mois d’avril - et toute future tentative au Venezuela ou contre quelque gouvernement démocratiquement élu que ce soit - comme la toute première menace à l’encontre de la liberté de la presse ?
(5)Reporters sans Frontière fera-t-il des excuses publiques aux journalistes des médias communautaires du Venezuela, ainsi qu’au public en général, pour avoir fermé les yeux en ne dénonçant pas le coup d’Etat d’avril dernier, et corrigera-t-il son organisation interne pour s’assurer que ce type de négligence de la part d’une organisation de défense de la liberté de la presse ne se reproduise plus jamais dans de telles périodes de crise ?
(6)Dans l’intérêt particulier de ceux d’entre nous qui sont journalistes sur internet (et dans l’intérêt particulier de Narco News et de moi-même), Reporters sans Frontière prendra-t-elle acte de l’arrêt de la Cour suprême de New-York de décembre 2001, dans l’affaire Banco vs Menendez, qui établit : a) de meilleures bases juridiques pour les plaintes en diffamation, en établissant la compétence des cours américaines sur les journalistes étrangers, et b) les règles de base qui étendent aux journalistes d’Internet les protections du premier amendement aux Etats-Unis (affaire Sullivan vs New-York Times) ?
(7) Reporter sans Frontière enquêtera-t-il et dénoncera-t-il la censure de toutes les chaînes de télévision commerciales au Venezuela, les 12 et 13 avril 2002, censure exercée à l’encontre de ses propres journalistes - plus personne ne conteste aujourd’hui qu’il y eut un black-out sur l’information - en les empêchant de diffuser les faits relatifs au soulèvement de la société civile contre les putschistes, contre la dictature militaire de ces sombres journées ?
(8) Reporters sans Frontière enquêtera-t-il et dénoncera-t-il les menace de Miguel Angel Martànez, de la Chambre des Diffuseurs de Radio, "d’interférer" avec les fréquences des radios et des télévisions communautaires, en employant à cette fin la technologie et les équipements des diffuseurs commerciaux affiliés à son organisation ?
(9) Reporters sans Frontière enquêtera-t-il et dénoncera-t-il la fermeture forcée de Canal 8 - la télévision publique du Venezuela - par la dictature de Carmona, en avril 2002, et le silence complet des médias commerciaux sur ce sujet ?
(10) Quelle est la position de Reporters sans Frontière sur la participation d’organismes commerciaux de diffusion d’information au Venezuela, tel que le quotidien El Nacional et le quotidien La Hora, par la censure de leurs propres pages, le 9 avril dernier, pour se rallier à la "grève nationale" politiquement partisane qui - ceci est clair pour tout le monde, rétrospectivement - avait pour objectif de provoquer le coup d’Etat du 11 avril ?
(11) Reporters sans Frontière pourrait-il présenter et dénoncer comme des menaces à la liberté de la presse l’exclusion des listes d’accréditation, par les gouvernements et les institutions internationales, des journalistes associatifs, indépendants, communautaires et des journalistes d’Internet ?
(12) Reporters sans Frontière assignera-t-elle une partie des vingt membres de son état-major à la surveillance et à l’enquête sur les attaques prévisibles à la liberté de la presse, durant les prochains sommets internationaux et manifestations altermondialistes ?