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Une centaine d’enfants manqueront à l’appel à la prochaine rentrée dans le bassin de Béziers

Alors que le collectif Roms de Béziers s’était avait, quelle folie !, espéré une solution bienfaisante, sensible à la condition desespérée et pitoyable des intéressés, bref une solution humaine, l’expulsion du camp de roms de Servian (situé à environ 15 km de Béziers dans l’Hérault) a été décidée.

Que vont devenir la centaine d’enfants du camp ?

Qui s’en soucie ?

Je vous livre le rapport final du président de l’ABCR (association bitérroise contre le racisme), membre du collectif Roms.

"Fin d’un épisode ( au 1 er août)

Les … comment dire … les habitants, les personnes, « les sauvages » … qui se sont « installés » route du Golf à Servian, ont refusé les solutions qui leur ont été proposées par la ville de Béziers, de Servian, la Sous
Préfecture … qui s’occupent d’eux, cherchent des solutions depuis longtemps …

Même un Procureur de la République qui énonce des mensonges en audience publique.

Non pas qu’il soit un menteur, il rapporte les informations qu’il reçoit, auxquelles il fait confiance, m’a-t-il dit quand je l’ai interpellé en fin d’audience.

Vive altercation où j’ai même décelé sous des propos sibyllins que « nous » ( ?) serions responsables de cette situation …

Passons sur les stéréotypes de gens sans documents d’identité parce qu’ainsi ils ne seraient pas reconductibles, non ne passons pas : ces gens sans documents d’identité (quelques uns certes) ont fui la guerre, les spoliations, les crimes et les viols.

Comment oublier que la migration des Roms d’ex Yougoslavie est une migration récente, que ces personnes se revendiquent toujours Yougoslaves parce que telle est leur unique identité administrative, ni Monténégrins, ni Kosovars ni Serbes … qu’elles n’avaient jamais songé à quitter leur terre, celle où ils sont arrivés dix siècles en arrière, où ils avaient leur maison, leur bout d’espace, où ils vivaient à leur manière, mais où du temps de Tito ils vivaient en paix.

L’éclatement de l’ex Yougoslavie et la constitution de 6 états indépendants, au prix de dizaines de milliers de victimes, états à base ethnique, religieuse ou nationale a brutalement fait d’eux des indésirables.

Pourquoi ?

Mais quelqu’un peut-il expliquer pourquoi 6 millions de juifs assassinés ? (sans oublier les 3 à 500 000 Roms) Parce qu’ils étaient juifs, la belle affaire !

Inlassablement désignés comme indésirables, nuisibles, le fruit était mûr en 1940 pour qu’on les extermine sans trop de réprobation dans l’Allemagne nazie et ses pays satellites, solution radicale pour en finir avec
eux.

Objets d’un constant dénigrement, les Roms sont les nouveaux juifs.
Mais nul ne songera aujourd’hui à les gazer une deuxième fois même si la Bosnie (Srebrenica), la Serbie, le Kosovo (camps de réfugiés Roms sur des terrils de mine de plomb) … eux aussi ont eu recours à l’extermination de musulmans, de Roms … d’indésirables, parce que musulmans ou Roms.

Roms mais non moins humains, Roms mais non moins animés du même instinct de survie que n’importe lequel d’entre nous, tous ceux à qui malgré tout il restait assez de forces et de dignité pour refuser les mauvais traitements ont fui l’ex Yougoslavie.

Auraient-ils dû rester et se faire allègrement massacrer sur place, spolier sans rien dire, voir leurs maisons détruites et cohabiter quand même avec ces voisins ou « amis » qui tout à coup se sont retournés contre eux ?

Ces familles ne reviendront pas en Ex Yougoslavie, plutôt crever.
Quand aux Roumains et autres Bulgares, Roms aussi, au « camp de la Baume » aussi, « affranchis » il y a cent ans à peine, méprisés et rejetés, les plus pauvres des pauvres ont tenté leur chance ailleurs lors de l’adhésion de leur pays à l’Europe.

Ils ont vite compris qu’ici ce serait difficile, très difficile de vivre, mais survivre c’est ici plus facile que chez eux, ici la ferraille avec abnégation et huile de coude peut permettre de manger un peu tous les jours, ceux qui ont des enfants le plus souvent restent.

D’autres partent (22 départs volontaires (prise en charge OFII) sur ce site), faudrait voir leur joie quand ils embarquent au TGV de 7h37 direct Roissy puis vol direct Bucharest ; ici c’est raté mais il rentrent chez eux,
chez eux depuis des siècles aussi.

Au moins là bas même s’ils retrouvent intacte la misère qu’ils ont laissée ils retrouvent aussi père mère, enfants parfois, famille et lieux habituels, même s’ils sont « parqués » entr’eux, même si les enfants n’iront pas à l’école (très peu d’enfants Roms y sont scolarisés), même s’ils vont mourir avant 55 ans, leur espérance de vie conséquence de la misère chronique, du manque de soins … de tout ce que subissent partout tous les parias.

Roms d’Europe centrale ou des Balkans, pour les uns comme pour les autres partout le même dénigrement, pas seulement en Italie, pas seulement en Allemagne, pas seulement en Autriche, en France aussi, à Béziers notamment.

Déchaînement de la presse régionale, pas un jour sans que des informations (mais qui donc les « informe » ?) à propos du « camp de la Baume » ne les présentent comme de dangereux asociaux.

Pas un jour sans qu’ils ne soient collectivement et sans ménagement livrés à la vindicte populaire.

Quelques récents exemples seulement :

- « un bon nombre de Roms appartenant à un réseau de cambrioleurs (opération barillet 34 ) », Midi Libre 30 juillet.

Est-ce que 1 ou 2 constitue « un bon nombre », parce que la dite opération s’il elle a conduit à 10 interpellations sur le site s’est adressée à 4 personnes dont 3 conduites en centre de rétention pour séjour irrégulier (et comme d’habitude relâchées au bout des 15 jours règlementaires de rétention, faute de laisserpasser consulaire) , et la quatrième, une mère de 6 enfants relâchée le jour même, à 4 personnes relâchées le lendemain sans qu’aucune charge ne soient retenue contre elles, et enfin à 2 personnes, placées sous mandat de dépôt (l’une des deux est toujours incarcérée) .

- Interpellations du 27 juillet Midi Libre … « présomption de vols », entr’autres accusations, … sauf que de cela il n’en a jamais été question à l’audience.

- Un lieu où il serait difficile d’entrer toujours Midi Libre : inconscient cet enseignant qui, avec l’accord de sa hiérarchie, a fait travailler ses élèves avec les enfants du site.

Quelle frayeur rétrospective pour les parents …

Quelle inconscience chez ceux qui, comme nous, sont quotidiennement sur le site.

Nous qui pouvons affirmer que mensonges et calomnies orchestrées sont le lot commun de ce que nous lisons et entendons.

101 enfants et jeunes adolescents plus leurs parents et quelques personnes isolées, telle était la composition du groupe qui vivait là , faute de mieux.

Ils auraient bien voulu vivre ailleurs, éviter la promiscuité, retrouver des conditions d’hygiène acceptables, quitter ce « camp pourri », éviter à leurs enfants la présence et les morsures de rats, mais aller où ?

Que les élus et autres décideurs se rassurent, le « camp de la Baume » n’existe plus ou presque ; seuls ceux qui n’ont pas encore trouvé l’ailleurs sont encore là , mais ils trouveront. Pauvres et têtus, obstinés à survivre ils n’auront pas le mauvais goût de se suicider sur place, même si un vent de panique a soufflé cette semaine sur le site : les familles se sont éparpillées dans la nature, n’importe où, n’importe comment, caravanes qui cassent dans la précipitation, tension …

Et désolation : harcelés quotidiennement, humiliés, désemparés, faut voir … quelle tristesse !

Le sentiment de n’être que du bétail, des animaux qui n’auraient ni conscience ni états d’âme, ni émotions, ni joies ni peines, ni amour les uns pour les autres, les enfants pour leurs parents les parents pour leurs enfants, honte de ne pouvoir faire mieux, plus, autrement …

Qui peut encore imaginer l’humiliation d’un père ou d’une mère rudoyé, verbalement certes, que psychologiquement certes, mais ainsi maltraité sous les yeux de leurs enfants, éteints depuis quelque temps …

qui peut encore imaginer la douleur de tous, parce que même les animaux souffrent des mauvais traitements.

Ils s’en remettront, ils ont l’habitude.

Certes ils ne seront plus sur la commune de Servian mais ils restent autour de Béziers ( déjà se profilent de nouveaux ghettos) : n’en déplaise aux imbéciles ils ont le souci de la scolarisation de leurs enfants, ils ont le souci de poursuivre aussi leur travail, et oui ils travaillent, la ferraille, nos déchets, faut voir ce qu’ils en tirent encore de ce que nous jetons, faut voir ces adolescents(es) qui retirent le cuivre des alternateurs (2€ le kg - 1 kg à l’heure à peu près - 10 heures, 20 euros, on mange, même à 5 ou 6 ou plus), non ils ne vivent pas d’aide sociale même s’ils perçoivent dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance une aide du Département (90 euros pour 1 enfant, 135 pour deux, plafonnée à 500 pour 6 enfants et plus, aide qui n’est pas mensuelle parce que soumise à conditions comme celle d’un entretien préalable qu’ils manquent parfois comme ils manquent d’autres rendez-vous, véhicule indisponible, pas d’essence ... ou simplement oubli, du jour, de l’heure).

Au passage n’oublions pas les travailleurs sociaux du Département, les seuls qui se soient préoccupés du sort de ces enfants, les seuls qui avec constance se soient intéressés à eux, enfants et enfants seulement, ni origine ethnique qui vaille, ni religion ou comportement des parents qui vaille, tous enfants d’abord.

Songez que l’agglo a refusé de leur porter de l’eau, même non potable avions-nous demandé, pour rafraîchir
et/ou laver les gosses.

Ils ont refusé !

Inutile de revenir sur l’attitude du maire de Béziers et de son premier cercle, technique, administratif, politique, hermétique à toute considération pour ces personnes, affichant ostensiblement leur seul et unique souhait : ailleurs !

Inutile de revenir sur le député, il n’a même pas eu la courtoisie de répondre à notre demande d’entrevue, il est vrai que nous n’avions pas d’inauguration à lui proposer, pas de photo à prendre pour l’afficher dans la presse locale, juste lui exposer la situation au cas où il ne la connaîtrait pas et lui demander son appui dans la recherche de solutions : une incroyable audace de notre part !

Mais revenons sur l’agglo : pas un seul maire ou autre élu qui se soit préoccupé du sort de ces familles et en particulier de ces 101 enfants ou adolescents, pas un !

Comment est-ce possible que pas un seul ne s’en soit soucié ?

Revenons aussi sur le comportement de l’Etat en la personne du Sous Préfet et de ses services : en eux nous avions un brin de confiance, depuis février ils étaient les seuls à affirmer une volonté, que nous avions fini par croire sincère, de régler ce « problème » humainement (dixit le S Préfet) malgré l’opposition affichée aux deux réunions où nous avons participé de cet aréopage de gens importants, tous affublés de titres de chef de ceci ou de cela … tous hostiles, mis à part les représentants du CG et de l’Education Nationale.

Brutalement changement de cap : tout le monde dehors avant le 5 août et pour cela mettre la pression sur les familles !

Sans que solution ne soit apportée, retour un an en arrière, retour aux mêmes méthodes de harcèlement (violentes parfois comme cette menace, s’ils ne partaient pas, d’incarcérer les parents et placer les enfants à la DASS … Résultat, dans la précipitation des enfants « partaient » chez des parents ou amis, jusqu’à St Etienne !) .

Une dernière chose, le comportement des gendarmes de base, je ne parle pas ici de la hiérarchie, zélée parce qu’ambitieuse, mais du commun, comme tout employé commun des services de l’Etat, dans leur immense majorité ils respectaient les personnes, savaient rester courtois … jusqu’à ces derniers jours et l’ordre de les faire partir impérativement avant le 5 août, là le ton a changé, les méthodes aussi.

Les ordres, le résultat !

La hiérarchie ?

C’est pas la peine d’en parler, c’est vraisemblablement elle qui « informe » la presse régionale, presse qui ne prend pas la peine de vérifier ce qui lui est rapporté, ou bien source qu’il ne faut pas contrarier parce qu’alimentant quotidiennement en faits divers.

Nous nous en tiendrons là , mais nous aurions encore tant à dire.

Si, pour finir :

Qu’il y ait des imbéciles parmi eux aussi, des gens peu sympathiques, des ivrognes, des délinquants autres qu’alimentaires … évidemment ; comptez les sur les doigts de deux mains si vous voulez, mais ni plus ni moins que dans nos villages ou nos rues.

Depuis que nous les fréquentons (bientôt trois ans pour certains) nous avons fini par apprécier l’immense majorité de ces personnes.

Oui nous les estimons ces va-nu pieds, c’est aussi la raison de l’interpellation véhémente du Procureur, parce qu’il n’est pas acceptable de laisser « rapporter » , quelle qu’en soit la source, des mensonges tendant encore et toujours à les discréditer et à ne donner d’eux que l’image d’une bande de sauvages sans foi ni loi qui est à nos portes, prête à nous envahir si nous n’y prenons garde.

Ce ne sont que des gens communs qui aspirent à vivre paisiblement, pas très loin de nous, parce qu’ils savent que parmi nous c’est pas demain la veille."

M. A.

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