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Changement de cap au Pays Basque ?

L’issue des élections régionales basques, début mars, a favorisé l’accès d’une majorité anti-souverainiste au parlement. Alors que le Parti nationaliste basque, au pouvoir depuis plus de trente ans, risque de rejoindre l’opposition, la persistance de la lutte armée divise les indépendantistes.

Le dénouement des dernières élections au Parlement basque qui ont eu lieu le 1er mars, n’est pas encore certain. Pour la première fois depuis la transition démocratique espagnole, l’enceinte législative basque comportera une majorité d’élus de tendance espagnoliste issus du Parti socialiste, du Parti populaire et du nouveau parti anti-nationaliste Unión y Democracia. Le Parti Nationaliste Basque (PNV) reste néanmoins la force politique la plus plébiscitée avec 30 élus sur 75. Arithmétiquement, cette situation invraisemblable a été rendue possible par l’interdiction des listes de la Gauche indépendantiste pour ses liens avec l’ETA (ex-Batasuna). En effet, suivant à la lettre les consignes de vote, un peu moins de 100’000 électeurs ont déposé un bulletin interdit dans les urnes. Les résultats des élections offrent les clés du Gouvernement basque au candidat socialiste Patxi Lopez s’il parvient à un accord avec le Parti Populaire, principal parti d’opposition au niveau national, par ailleurs.

Un Gouvernement espagnoliste est donc en phase d’être constitué au Pays Basque. Son investiture est prévue pour début avril. Si l’alternance politique est plutôt un signe positif du fonctionnement démocratique des sociétés, celle-ci n’a pu se produire au Pays Basque qu’en excluant une partie de l’électorat. Ainsi, en tenant compte des bulletins de votes invalidés, les résultats démontrent qu’il y a toujours une évidente majorité nationaliste. Le nouveau gouvernement basque ne pourra ignorer cette réalité, au risque de se mettre à dos rapidement une grande partie de la population. La quête du pouvoir risque pourtant d’aveugler le Parti socialiste, obligé à une alliance contre-nature pour déloger les Nationalistes. Le conflit basque pourrait ainsi se polariser davantage si le changement de gouvernement conduit l’ensemble des forces nationalistes (modérés et indépendantistes) à faire front commun contre le modèle espagnol actuel.

Aralar, parti de la Gauche abertzale (patriote), issu d’une scission de Batasuna, qui condamne les actions armées de l’ETA, apparait comme l’un des grands vainqueurs de ces élections avec quatre représentants contre un seul précédemment. Il consacre pour la première fois les voeux de citoyens indépendantistes en désaccord avec la lutte armée. Cette nouvelle réalité, avec l’absence d’élus de l’indépendantisme traditionnel, peut amener celui-ci à revoir ses stratégies et méthodes d’actions. Dans tous les cas, depuis la fin du franquisme, la marge de manoeuvre de ses représentants n’a jamais été aussi limitée. D’un côté, il y la volonté des autorités espagnole et française d’utiliser tous les moyens pour obliger ce mouvement à faire le deuil de la lutte armée, d’un autre côté, la pression des armes est, pour ce groupement, un levier incontournable, si la tenue de nouvelles négociations sur la réforme du statut institutionnel du Pays Basque s’engagent. Le séparatisme basque est dans une situation inconfortable, assiégé, et bientôt privé de représentation institutionnelle, il se doit de prendre une nouvelle direction au risque de disparaître dans la clandestinité.

La problématique de la persistance de la lutte armée est, évidemment, au centre des débats des milieux indépendantistes. Il semble acquis qu’un processus menant à la dissolution de l’ETA serait accueilli avec soulagement par de nombreux militants, mais cette évolution ne peut avoir lieu sans mesures compensatoires. Ce sont les termes de ce marché qui doivent être définis aujourd’hui. Pourtant, l’absence de la Gauche indépendantiste au parlement basque sera probablement nuisible à la recherche de l’arrêt de la lutte armée. Sans l’oxygène liée à la représentation institutionnelle, il est difficile pour ce mouvement politique d’ouvrir un débat interne. Les termes du marché permettant la fin de la lutte armée pourraient éventuellement être articulés autour de la création d’un grand pôle nationaliste ainsi qu’autour de la question de celles des prisonniers politiques. Ce dernier point semble en effet inévitable à traiter par le Gouvernement espagnol pour diminuer le victimisme présent au sein de l’indépendantisme basque. Surtout, quand on sait que la libération de ces prisonniers est assumée par l’ensemble des militants abertzales comme un devoir éthique et politique. Il n’y a qu’à observer les campagnes régulières de soutien et de mobilisation à ce sujet pour s’en convaincre.

Ces dernières élections basques, à mettre en parallèle avec la récente présentation du rapport sur l’Espagne au Conseil des droits de l’homme de l’ONU (lire ci-dessous) démontrent que plusieurs « mondes » coexistent au Pays Basque. Il en découle une forte crispation envers toute idée de dialogue pour parvenir à une résolution de la grave crise existante. Il est indéniable que cet isolement sera un problème urgent à résoudre pour la société basque dans un futur projet de normalisation politique. Une nouvelle tentative de négociation permettrait de sortir aussi bien les différentes forces politiques que les victimes de leurs retranchements idéologiques actuels. Pourtant, l’échec du dernier processus de paix marque encore fortement l’ensemble des acteurs politiques. Un changement des mentalités semble indispensable pour que les différents secteurs de la société basque parviennent à retrouver le chemin du dialogue et que la paix au Pays Basque refasse l’actualité. Il revient aujourd’hui au prochain Gouvernement basque de faire preuve de suffisamment de consensus et de conciliation pour construire une nouvelle dynamique pour le Pays Basque. Sans violence ?

Mathieu Crettenand
27 mars 2009
Doctorant en sciences de la communication et des médias
Université de Genève

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