Nous assistons désormais au pétage de plomb de certains présidents d’université. C’est peut-être bon signe.
Dans une interview accordée à La Nouvelle République, le Président de Poitiers J.-P. Gesson a braillé qu’il en avait « marre des Khmers rouges », faisant allusion aux étudiants et aux personnels en lutte, en qui il voit les « fossoyeurs de l’université publique ».
C’est merveilleux : Gesson fait partie de ce lobby autoproclamé de la Conférence des Présidents d’Université qui ont accepté la financiarisation des établissements qu’ils dirigent (votre notre note http://blogbernardgensane.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/03/09/les-r...) et la disparition progressive du statut de fonctionnaire pour les universitaires. Tout cela pour avoir les prérogatives des chefs d’entreprise.
« La légitimité est détenue par les conseils élus », s’exclame Gesson. La belle affaire : La LRU, c’est aussi la fin d’une authentique représentation démocratique dans les facs, avec des majorités écrasant des minorités, sous le regard intéressé de personnalités extérieures aux pouvoirs renforcés.
Moins excité que Gesson, mais sûrement plus dangereux : notre vieille connaissance Michel Lussault. Après avoir présidé l’Université de Tours, il dirige désormais le pôle de recherche et enseignement supérieur de Lyon. La Nouvelle République a tout récemment recueilli ses paroles. L’article est illustré d’une photo de notre homme qui sourit à demi à côté de Valérie Pécresse sous le charme (quel beau couple !). Lussault ne renie pas son soutien à la LRU, mais trouve la forme déplorable. Comme si on pouvait séparer le fond de la forme en la matière !
Avec une superbe qui a scandalisé ses collègues, Lussault ne voit dans le mouvement qu’un prurit de protestation. Il concède qu’il y a un « malaise » (le gouvernement n’aurait jamais dû annoncer les suppressions de poste quand il l’a fait, le 15 août eût été sûrement plus malin). Il tance les collègues qui devraient « prendre le temps de lire ce projet de réforme », alors que c’est, justement, depuis qu’ils l’ont lu - un peu tard, certes - qu’ils sont dans la lutte. Et enfin, il ose dire que « plus personne n’est sur des positions rationnelles et sensées ». Plus personne, sauf lui, on imagine.
Les collègues juristes de Lussault ont rédigé une vigoureuse protestation (dommage qu’ils ne se soient pas manifestés du temps où Lussault était leur président) :
Les Enseignants-Chercheurs de la Faculté de Droit, d’Economie et des Sciences sociales de l’Université François Rabelais de Tours, réunis en Assemblée Générale le vendredi 6 mars 2009, ont approuvé à l’unanimité la déclaration suivante :
Dans une interview publiée par la Nouvelle République mercredi 4 mars dernier, l’ancien Président de l’Université de Tours, Michel Lussault, s’est permis de diffamer gravement la communauté universitaire en général, et ses anciens collègues de l’Université de Tours en particulier. Un certain nombre de propos inacceptables ayant été proférés, les Enseignants-Chercheurs de la Faculté de Droit, d’Economie et des Sciences sociales de Tours ont décidé d’y répondre par la raison et la dignité, puisque « plus personne n’est sur du rationnel ».
La première contre-vérité assénée par M. Lussault concerne le fait que le mouvement actuel des Enseignants-Chercheurs serait uniquement protestataire. M. Lussault semble donc ignorer que plus de 70 Enseignants-Chercheurs de la Faculté de Droit, d’Economie et des Sciences sociales de Tours, dont les opinions politiques contradictoires reflètent la réalité de la France, ont travaillé ensemble pour élaborer des propositions concrètes, qui ont été transmises directement à Mme Pécresse. Il passe sous silence que le Collectif pour la Défense de l’Université, qui joue un rôle moteur dans la mobilisation, a également décidé de faire des propositions. Il semble également ignorer les propositions du Député Daniel Fasquelle, membre de la majorité parlementaire, mais universitaire et hostile au projet de décret réformant le statut des Enseignants-Chercheurs tel qu’il a été présenté au départ.
M. Lussault, sur un ton particulièrement insultant, essaie ensuite de faire accroire que les Universitaires n’ont pas lu le projet de décret ministériel, qui serait, à l’entendre, fait pour leur permettre « de mieux travailler » et non « pour les contrôler ». Sans doute sa hauteur de vues lui permet-elle de traiter ainsi par le mépris les avis extrêmement précis et motivés de l’immense majorité des Universitaires français.
Selon ce même M. Lussault, « plus personne ne lit » et « plus personne n’est sur des positions rationnelles et sensées ». Les Enseignants-Chercheurs de la Faculté des deux Lions lui suggèrent donc respectueusement de lire à son tour les propositions qu’ils ont faites et qui sont lisibles par tous sur le site de la Faculté.
Les Enseignants-Chercheurs de la Faculté de Droit, d’Economie et des Sciences sociales de Tours quant à eux, mettent leur honneur et leur dignité dans le service de l’Université et du service public, et ne cesseront de rappeler que ceux qui se servent de l’Université à des fins d’arrivisme n’y ont tout simplement pas leur place.