D’abord, cela a été dit, Soeur Emmanuelle n’a pas fait beaucoup plus que ce pourquoi elle a choisi les ordres personnellement. Pourquoi avoir mis cette personne sur un piédestal et, finalement, lui offrir des obsèques quasi-nationales, elle, plutôt que l’enseignant qui s’est "consacré" toute sa vie à l’alphabétisation des démunis ou le médecin à soigner des malades laissés pour compte par le système, par exemple ?
Ensuite, on mélange tout en créant des stéréotypes. Religion, laïcité, athéisme, communisme et surtout charité et solidarité.
La religion n’est pas là pour changer le monde, elle est là pour maîtriser les "pauvres" et leur apprendre à se résigner de leur vivant à leur triste sort, à cette "fatalité" qui les accable et dont on a "pitié" (pouvoir "être assis à la droite de Dieu" - mais une fois morts seulement - devoir "faire le sacrifice de sa vie" et toutes les sornettes qu’inculque la religion pour abêtir le peuple).
La religion se garde d’ailleurs de changer quoi que ce soit à l’ordre établi, au contraire, elle le justifie. S’il y a des pauvres, c’est bien triste et il faut les aider, mais le but, c’est de les empêcher de se révolter, de prendre le pouvoir. Il n’y a qu’à voir comment les prêtres qui dénoncent la pauvreté un peu trop haut, et par conviction (eux), sont marginalisés par l’institution, voire écartés, parfois même assassinés mystérieusement.
Et je ne parle pas du médiatique Abbé Pierre, qui ne demandait pas l’éradication de la pauvreté mais un meilleur traitement, une meilleure prise en compte des pauvres, partant par là même du postulat que la pauvreté comme la richesse étaient inéluctables et étaient non pas dues à la volonté d’une "élite" (puissante et armée) mais à la destinée.
Mais la religion seule n’est pas en cause dans ce traitement des "défavorisés". Bien des organisations caritatives non confessionnelles reproduisent le même schéma. Elles contribuent à pallier les carences de l’État, dissimuler que l’État ne joue pas son rôle, à savoir organiser la société de façon à ce que toute la population ait de quoi vivre décemment - et que chacun ait accès au logement, la nourriture, les soins médicaux, etc.
En distribuant de la soupe, des denrées alimentaires, des vêtements (usagés), etc., ces organisations se substituent à l’État, l’exonèrent de ses devoirs, lui permettent de passer outre les droits fondamentaux des citoyens et servent ainsi le pouvoir établi tout en plaçant les pauvres dans un état de dépendance et d’opprobre.
Dans le cadre de missions caritatives, même si ceux qui y participent sont probablement souvent sincères et dévoués (c’est le système que je dénonce), d’abord, on "choisit ses pauvres", puis, on décide de ce qu’on veut bien leur donner, de ce qui est "bien" pour eux, selon le dogme de l’association (voir le lien édifiant donné par Lila sur Mère Térésa, qui recevait des dons du monde entier et était soutenue par les gouvernements et les groupes capitalistes de toute la planète - et donc probablement milliardaire - et qui laissait croupir les pauvres dont elle avait la charge dans des lieux sordides, qui interdisait aux femmes dans la misère d’avorter en prétendant qu’un énième enfant c’était un "don de Dieu" …)
Il faudrait se demander : Oà™ sont les ressources, les richesses (pétrole, or, uranium, etc.) - toutes ces matières premières qui permettent de produire tout ce dont nous nous servons quotidiennement (et Oà™ sont produits de plus en plus aujourd’hui ces derniers ?) ?
Et QUI les exploite, et au prix de combien de vies humaines, anéanties par les guerres, la maladie, l’épuisement, la pollution, la famine ?
Qui organise ce pillage et qui, parallèlement, envoie dans ces pays dévastés des missions caritatives soi-disant aider les populations alors qu’il s’agit en fait de prodiguer la bonne parole et de créer l’illusion de la "générosité" des pays dits "riches" destinée à masquer les pillages perpétrés au nom d’on ne sait quelle liberté, et faire oublier que le flux économique part en réalité des pays du Sud vers ceux du Nord ?
N’est-ce point, à l’échelle mondiale, le mécanisme même de la charité - qu’elle soit confessionnelle ou non (où une minorité influente aux poches pleines concède quelque aumône à une majorité qu’elle maintient sous son joug par l’humiliation et l’intimidation) ?
Parmi les signataires de la pétition sur le "refus de la misère", on trouve, entre autres, Laurence Parisot. C’est dire si une "Journée Internationale du refus de la misère" est crédible. Pas plus que les appels occasionnels de l’Abbé Pierre, la collecte de pièces jaunes, ou les périodiques "Restaus du coeur" avec leurs chantres.
En conclusion, solidarité et charité sont antinomiques : la charité divise, la solidarité rassemble.