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Le Sarkophage n° 7

La livraison du Sarkophage n° 7 est encore meilleure que toutes celles qui ont précédé. Encore une fois, je pense que plus Sarkozy est exécrable, c’est-à -dire un petit homme politique qui s’est mis au service exclusif des très riches, plus ses détracteurs intelligents sont condamnés à l’excellence. L’éditorial de Paul Ariès (" La politique de l’escargot " ) déconstruit le sarkozysme, « enfant du fétichisme du temps et du culte de la vitesse qui conduisent à cette primauté morbide des temps rapides sur les temps lents et des temps cours sur les temps longs. » La vitesse, dit Ariès, « a partie liée avec le capitalisme, et toute accélération se fait toujours au détriment des plus faibles. » Dès lors, « nous devons refuser le hors-temps comme nous combattons le hors-sol. »

Pour Geneviève Azam, responsable d’Attac (" La gauche au défi de l’écologie " ), les discours dominants s’accordent avec « les sirènes d’une " économie sociale et écologique de marché " , telle qu’elle apparaît dans le projet du parti socialiste. C’est l’espoir d’une croissance " verte " , obtenue grâce à la combinaison du marché et de technologies " propres " , c’est aussi la promotion d’une " société de la connaissance" , qui serait miraculeusement affranchie d’une pression trop lourde sur les ressources naturelles. » Pour Azam, « en rabattant la politique dans l’ordre de l’économique, la gauche "moderniste " a cru faire de la globalisation économique un projet politique émancipateur pour l’humanité, en semblant ignorer que ce modèle économique n’est pas universalisable, notamment pour des raisons écologiques. Elle poursuit aujourd’hui son entreprise en faisant du capitalisme l’horizon indépassable de l’humanité, et de " l’économie sociale et économique de marché " son régulateur.

Fouquier-Tinville taille des croupières à " La pensée Delanoë " . Blairiste jusqu’à la moelle, le maire de Paris part du principe que « l’économie n’est pas de droite ou de gauche. L’économie est. […] Elle n’est pas un débat, c’est un fait ». "Moderne" , Delanoë défend la flexibilité, l’assouplissement du Code du travail et le développement de l’idéologie managériale dans les municipalités. Avouant un faible pour le communautarisme face à l’assimilationnisme, il aime les quotas et les discriminations positives qu’en bon publicitaire de la gauche américaine il préfère appeler " affirmative action " .

L "économiste Jacques Cossart pose la question aujourd’hui taboue : " Nationaliser ?" . Ce ne sont pas, explique-t-il, les marchés " libres et non faussés " qui doivent « à leur manière prendre en charge la santé, l’éducation, tous les transports, l’accès aux ressources énergétiques ou à l’eau, la culture, la biodiversité et mille autres biens publics, ce sont les citoyens eux-mêmes. » 6,5 milliards d’êtres humains ont « tout à gagner de services collectifs, puissants réducteurs des inégalités et respectueux de l’environnement. »

Christian Jacquiau nous explique pourquoi Sarkozy veut " Des supermarchés dans les moindres recoins " . « Reposant sur le tout automobile, les grands réseaux de super et hypermarchés ont compris combien le tassement du pouvoir d’achat, combiné à la crise pétrolière, risquait de malmener le modèle qui fait leur fortune. Pour continuer d’exister, il faut désormais conquérir le coeur de nos villes, de nos villages, de nos quartiers, se rapprocher au plus près des consommateurs. » On ne s’en étonnera pas, mais « la Loi dite de modernisation économique (LME) reprend à s’y méprendre les thèses du rapport Attali, lui-même plus qu’inspiré du rapport commandé en 2004 à Guy Canivet (premier Président de la Cour de Cassation) », (pourquoi lui, ma pauv’ dame ?), « par le ministre de l’Économie de l’époque, Nicolas Sarkozy, lui-même plus qu’influencé par Michel-Édouard Leclerc » dont les " experts " avaient en fait fourni à Canivet une première mouture très élaborée.

Dans " Faut-il boycotter les J.O. " , Paul Ariès cite une analyse de Jean-Marie Brohm que j’affectionne particulièrement. Cet auteur a inspiré en son temps une note de mon blog ("Argent/sport " ) http://blogbernardgensane.blogs.nouvelobs.com/sport/ : « La sportivation généralisée de l’espace public au sein de la mondialisation capitaliste est l’une des expressions les plus achevées de la chloroformisation des consciences. L’omniprésence publicitaire du spectacle sportif, la prolifération des violences, corruptions, dopages et manipulations biologiques, l’instrumentalisation politiquement correcte de la fausse conscience sportive (" sport-culture " , "sport-intégration" ) représente la substance même du sport-opium du peuple. » Il y a une bonne soixantaine d’années, George Orwell, dans un autre ordre d’idées, disait que la compétition sportive était un simulacre de guerre et qu’elle entretenait avec le nationalisme un rapport identique à celui que la poule entretient avec l’oeuf.

Étienne Rodin se déclare " Contre l’État managérial " . « Ce n’est pas un hasard lorsqu’au début de l’année 2008 le cabinet d’audit Mars & Co fut missionné pour évaluer l’action gouvernementale. "Le cabinet Mars & Co s’attaque à l’entreprise Fillon" , titra Libération. Oui, le parallèle entre l’État et l’entreprise devint évident et bien peu s’en offusquèrent.

Le sociologue Alain Accardo brosse le bilan de "L’an I, au miroir de Sarkozy" . « La droite sarkozyenne réussit une synthèse entre les droites légitimistes, orléanistes et bonapartistes, laquelle est mise au service de la contre-révolution mondiale. » « Sarkozy, qui fait parade de ses goûts de luxe et exhibe ses relations amicales avec les propriétaires de yachts, les grands managers milliardaires et autres familiers des paradis fiscaux, se complaît à culpabiliser les pauvres et ne dissimule pas son hostilité pour la plèbe fainéante, raleuse et dangereuse dans laquelle il convient de traquer et réprimer, dès l’enfance si possible, des penchants naturellement vicieux et criminogènes. » « Cette politique a un nom : c’est la contre-révolution néolibérale par laquelle les puissances capitalistes ont entrepris, depuis les années quatre-vingts, de reconquérir tout le terrain perdu en matière de domination sociale, en particulier sur le plan idéologique, après la Seconde Guerre mondiale. »

Paul Violet démystifie " Le sarkozysme, parfait exemple de l’imposture " en rappelant que « de 2001 à 2007, Sarkozy a occupé d’éminentes fonctions : ministre du Budget, ministre de l’Intérieur, président de l’UMP. A chaque fois, son bilan fut un échec, jamais conforme aux objectifs tonitruants qu’il s’assignait. »

Le philosophe Rémy Bac réfléchit à la "refondation d’un nouvel universalisme" : « Il y a aujourd’hui un universel, celui du capitalisme mondialisé. Sur le plan matériel, nous avons l’idéologie néo-libérale et les ravages atroces qu’elle produit, sur le plan "spirituel" on trouve de la " démocratie " indexée aux Droits de l’homme qui sont trop souvent, hélas, le prétexte d’un néo-impérialisme qui ne dit pas son nom. C’est l’universel abstrait, dont Hegel disait qu’il mène à la terreur. » « C’est tout de même étrange que l’on parle toujours des " racines chrétiennes " de l’Europe, et jamais de sa fondation universelle dans la Révolution française, quand toutes les monarchies coalisées étaient contre un seul pays, créateurs de principes universels. » « Je ne connais pas d’autre projet viable pour l’humanité, dans le futur, que le communisme, au moins au sens littéral : mettre en commun les biens les plus vitaux : l’eau, l’agriculture libre, l’industrie contrôlée, les énergies naturelles etc. »

Alain Badiou conclut son " Mai 68 : notre héritage " par : « Il nous faut le courage d’avoir une idée. Une grande idée. Nous devons dire : " Ayez le courage de soutenir l’idée communiste, en son sens générique " . Voilà pourquoi nous restons contemporains de Mai 68. A sa manière, il a déclaré que la vie sans idée était insupportable. Avec cette conviction commence ce qui mérite d’être appelé la vraie politique. »

Il faut, selon Mona Chollet, " Défaire l’imaginaire sarkozyste " , « une supercherie qui occulte la violence bien réelle des inégalités sociales. » « L’essentiel est de mettre en circulation assez de références alternatives solides à opposer au modèle dominant. Il faudrait montrer à quel point le modèle libéral, qui se prétend l’écrin idéal pour l’épanouissement de l’individu, signifie au contraire son écrasement, son asservissement au conformisme. » « Le discours des personnalités socialistes les plus éminentes part du présupposé qu’il faut suivre la tendance dominante … parce qu’elle est dominante. Ce raisonnement tautologique considère la réalité comme une instance extérieure à l’individu, à laquelle celui-ci doit " s’adapter " , comme s’il n’avait aucune prise sur elle, et ne contribuait pas à la modeler, comme s’il n’en était pas une part agissante. » Mona Chollet est une spécialiste incontournable du sarkozysme : http://www.legrandsoir.info/spip.php?article6685

Le philosophe Aymeric Monville analyse l’accaparation de Nietzsche par la bourgeoisie française (" De Mai 68 à Sarkozy, l’ombre de Nietzsche " ). « En pleine débâcle économique, le quarantenaire de Mai 68 est l’occasion rêvée pour le pouvoir actuel de sonner officiellement la fin de la récréation. Ou, plus exactement, de couronner par un retour à l’ordre moral le cycle complet de contre-révolution qui s’est déroulé depuis quarante ans : déconstruction du pacte économique et social issu de 1945 ; dissolution de la démocratie sous prétexte d’intégration européenne ; recul de la République par la promotion officielle du religieux. » « Mai 68 fut donc aussi le coup d’envoi de la contre-révolution libérale-libertaire, sur fond de vitalisme Nietzschéen (exaltation de la jeunesse, élan des masses, slogans irrationalistes). » « Et si l’apparente " incohérence " de Nietzsche n’était en dernière analyse que la cohérence des alliances objectives au sein de la bourgeoisie, contre le mouvement ouvrier, le marxisme et, en dernière instance, le rationalisme des Lumières ? Tant que l’on n’aura pas établi la connexion intime entre cette idéologie et le fascisme dans ses attributs les plus inquiétants, il sera impossible de créer un véritable front contre Sarkozy. »

Enfin, Laurence De Cock et Philippe Olivera traitent de " Sarkozy et l’histoire : de l’usage compulsif du roman national " . Pour Sarkozy, l’histoire est « une succession de flashes historiques et de coups médiatiques qui s’annulent immédiatement après leur passage sur le devant de la scène. Les personnages du passé, débarrassés de toute épaisseur, deviennent des icônes à paillettes dans une vaste entreprise de " pipolisation " de l’histoire. » « Il s’agit de fabriquer une matrice nationale, consensuelle, conçue comme susceptible de fournir un sentiment d’appartenance et de produire de l’adhésion. »

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