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Du pilori humanitaire à l’éloge de la torture.

Photo : prison Abou Ghraib - Irak (cours d’apprentissage à la Démocratie)

Hillary Clinton, Barack Obama et John McCain, candidats à la présidence des Etats-Unis, se prononcent contre toute forme de torture.

Bush souhaite seulement qu’elle ne tue pas.

Le patron d’un quotidien français explique quand elle doit être appliquée « sans limite » et il réinvente le supplice du pilori.

« Cette populace, disciplinée à l’attente des exécutions publiques, ne manifestait pas trop d’impatience. Elle se divertissait à regarder le pilori. » Victor Hugo, Notre Dame de Paris.

Jadis, le Seigneur disposait dans son fief d’un « droit seigneurial de justice ». Il pouvait faire dresser un pilori sur la place des villages.

Le mot « Pilori » vient de « pilier ». Le plus souvent, il s’agissait donc d’un poteau auquel était attaché un condamné désigné à l’infamie et à la vindicte de la foule.

Une variante du pilori était le carcan, une planche percée de trois trous où l’on bloquait la tête et les mains du supplicié. Chacun savait que ce dernier était coupable puisqu’il était puni. Il était donc logique de l’humilier, de l’injurier, de lui cracher dessus. Le condamné, immobilisé, ne pouvait que subir.

Le pilori était réservé aux petits délinquants (voleurs à la tire…), aux gueux manifestant un esprit rebelle, aux soldats insoumis et accessoirement à toutes sortes d’innocents. Jamais on n’y vit un Noble. Bien entendu, si le Seigneur pouvait publiquement dénoncer la faute l’ayant conduit à sévir, le condamné, lui, n’avait aucun droit d’en appeler à l’opinion publique sur les lieux où il était exhibé.

Bref, outil de torture physique et psychologique qui flattait les plus bas instincts de la populace, le pilori était l’instrument inique d’une sentence discrétionnaire décidée par le Seigneur contre des pauvres.

Une loi du 28 avril 1832 en a interdit l’usage dans notre pays. Les innocents n’ont plus à craindre d’y être soumis et les punitions appliquées aux coupables respectent la dignité humaine.

Aujourd’hui, l’expression « clouer au pilori » est une métaphore qui signifie : désigner quelqu’un au mépris de tous.

Le procédé est à ce point odieux que tout ce qui s’en rapproche a été banni de nos sociétés civilisées. Ainsi, les écoles de la République en ont fini avec le bonnet d’âne, avec la mise au piquet et même avec le classement qui exposait le dernier de la classe à la risée, à la honte et aux mauvais traitements dans la cour de récréation.

Cependant, cette pratique est en vigueur dans un média français qui dresse chaque jour un nouveau pilori. Sa première page désigne le coupable qu’il faut mépriser et huer. Sa photo est affichée, adornée d’un qualificatif déshonorant. La sentence est prise en application de règles établies par des jurés dont les noms sont tenus secrets.

Ne sont jamais affichées les portraits des amis du journal et de ses financiers, même s’ils ont commis des crimes plus graves que ceux dont on accuse les pauvres soumis au tourment du pilori moderne.

Les condamnés, coupables ou décrétés tels, n’ont jamais le droit de contester. Dans son fief, seul le Seigneur-Rédacteur en chef peut parler. Si un adversaire de la torture prétend discuter du procédé ou s’étonner de parti pris, le Seigneur-Rédacteur en chef lui refuse la parole. Si l’entêté s’avise de parler dans une autre province, le Seigneur réclame et obtient un droit de réponse. S’il persiste, le Seigneur menace d’en appeler à la Justice du Roy.

Ce quotidien éprouve des sympathies notoires pour George W. Bush.

On sait que, depuis le déclenchement des guerres en Afghanistan et en Irak, l’armée états-unienne pratique la torture dans les bagnes de Bagram, Abou Ghraib, Guantanamo et dispose de sous-traitants dans des prisons secrètes disséminés sur des territoires de pays amis où les droits de l’Homme restent à découvrir.

Ces atrocités ayant été éventées, elles ont été en partie légalisées ces dernières années. Les dirigeants US ont plaidé pour le recours aux « interrogatoires poussés » qui provoquent d’horribles souffrances mais qui doivent éviter des lésions irrémédiables et la mort.

Le patron du quotidien français a voulu profiter du vent permissif soufflant d’Outre-Atlantique mais, emporté par son élan dans le soutien à un pays qui l’alimente en dollars depuis 2002, il a doublé Bush sur sa droite (extrême). En effet, les dirigeants US, eux, persistent à fixer (en public tout au moins) un seuil à ne pas dépasser. Le 6 février 2008, la Maison Blanche a annoncé que, si les Etats-Unis peuvent désormais utiliser le « waterboarding » (supplice de la baignoire), la suffocation provoquée doit s’interrompre avant la noyade.

Hélas, notre plagiaire, fâché avec la nuance, a tenu des propos que la classe politico-médiatique française n’aurait pas pardonnés à Le Pen (ou à quiconque, d’ailleurs). En effet, lors de l’émission de radio « Contre-expertise » présentée par Xavier de la Porte sur France Culture le 16 août 2007 de 12h45 à 13h30, évoquant l’enlèvement du journaliste états-unien Daniel Pearl, il a refusé de condamner la torture infligée par les policiers pakistanais à la famille d’un suspect (c’est-à -dire à des innocents) : « … je ne dis pas, je ne dirai pas qu’ils ont eu tort de le faire … ». Puis, il a franchi le Rubicon sanglant en personnalisant : « Si c’était ma fille que l’on prenait en otage, il n’y aurait aucune limite, je vous le dis, je vous le dis, il n’y aurait aucune limite pour la torture ».

Dans le quotidien qui fait sa une avec un pilori partial où sont symboliquement ligotés des « prédateurs », on aura reconnu le site Internet de Reporters sans frontières(1) et, dans le rôle de l’adepte de la torture, son secrétaire général Robert Ménard.

Les inconditionnels de RSF diront qu’il s’agit, pour le Français, de maladresses et, pour les Etats-uniens, de promesses de campagne. Il n’empêche : les mots peuvent être indifféremment des pistolets chargés ou des gilets pare-balles.

Les discours des « leaders de pensée » influent sur l’évolution des moeurs et sur les pratiques. Ceux s’adressent à un public nombreux doivent mesurer la responsabilité qui est la leur.

George Bush, Hillary Clinton, Barack Obama John McCain et Robert Ménard ont parlé.

ô paradoxe ! le patron de l’ONG française apparaît comme plus cruel que le président et le futur président d’un pays qui torture un peu partout dans le monde.

Il faut sonner le tocsin. Quiconque se tait devant l’éloge de la torture en ayant les moyens d’y répondre, devrait méditer ce mot de Jean Rostand : « L’humanité aura à répondre un jour, non seulement des actes des hommes malfaisants, mais aussi du silence des gens de bien ».

Maxime Vivas

(1) Notons que le site de RSF, qui distribue les bons points et les blâmes, qui multiplie les « analyses », qui sollicite en permanence le soutien du lecteur, est le seul grand site français de ce type qui n’ouvre pas d’espace au dialogue. Le lecteur est ainsi muselé sur le site même d’une association censée défendre la liberté d’expression. Si des remarques relatives à RSF trouvent à s’exprimer ailleurs, RSF exige un droit de réponse (cela m’est arrivé trois fois déjà ), fustige l’auteur, voire le menace d’un procès pour le faire taire (j’ai aussi subi cela).

Maxime Vivas sera à Paris le 8 mars pour présenter son nouveau livre "La face cachée de Reporters Sans Frontières, de la CIA aux faucons du Pentagone" - sélectionné pour le prix "Lire la Politique" 2008 :
http://www.legrandsoir.info/spip.php?breve3

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