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Continental Sarreguemines : les dessous d’un référendum, par Frédéric Durand.








L’ Humanité, Sarreguemines (Moselle), envoyé spécial, 27 décembre 2007.


Retour sur une consultation organisée à la mi-décembre pour le retour aux 40 heures dans l’usine du fabricant de pneus, Continental, basée à Sarreguemines.



Malgré leur « oui massif » pour le « retour aux 40 heures », la satisfaction ne se lisait guère sur le visage des salariés qui se croisaient à l’entrée de l’usine de Sarreguemines ce vendredi 21 décembre. Il est 14 heures, l’équipe d’après-midi vient relever celle du matin qui a bravé un froid glacial pour être en poste dès l’aube. On n’a « pas trop aimé », ici, le tapage médiatique fait autour de la consultation interne qui s’est tenue du 16 au 18 décembre derniers. Lorsque l’on évoque le résultat, qui clignote fièrement sur le grand panneau d’affichage électronique dressé à l’entrée du site, « oui = 74 % », les réponses des salariés ne varient guère : « On ne pouvait pas faire autrement, on ne veut pas voir disparaître l’usine. »


« Pourquoi obliger les gens ? »

Armand, confectionneur dans l’entreprise depuis trente-cinq ans, est plus dubitatif : « Ca marchait très bien le volontariat, depuis que je suis ici on n’a jamais manqué de monde pour faire des heures supplémentaires, au contraire, alors pourquoi obliger les gens ? »

Une autre question vient naturellement à l’esprit : pourquoi les salariés ont-ils très majoritairement accepté de se soumettre à la proposition de la direction ? « C’est vrai qu’il y a eu pas mal de pression, on a eu un peu peur pour l’avenir », reconnaît Julien, un jeune ouvrier.

Gel des investissements et des embauches, suppression de la prime de groupe et, à terme, fermeture du site, la direction allemande de l’équipementier automobile avait avancé, il est vrai, quelques arguments de poids avant de consulter ses employés.

Mais pour obtenir un vote positif à son projet d’allongement de la durée du travail, elle est allée un peu plus loin : sept courriers, qui auraient pu être remis en main propre aux salariés, ont été envoyés au domicile conjugal. Cette intrusion volontaire dans la vie de familiale a donné les résultats attendus, déplaçant l’espace du débat du lieu de travail au foyer et multipliant du même coup les craintes et les doutes. « Nous n’avons pas mis en place des mesures qui auraient pu affecter le pouvoir d’achat. Si un accord sur le temps de travail n’est pas trouvé, il nous faudra mettre en place d’autres mesures pour réaliser les 2 millions d’économies demandés. » Extrait de l’une des missives, la mise au point avait le mérite de faire réfléchir les plus récalcitrants.

Craignant que cela ne suffise pas, la direction va procéder à l’installation d’écrans plasma dans tous les points stratégiques de l’usine pour diffuser en boucle ses arguments. Quel que soit le support, la structure du récit reste la même : après quelques congratulations partagées sur « le travail fait ensemble et la bonne santé de l’entreprise », on dévoile brusquement les risques qui planent et on pointe la responsabilité individuelle des employés sur le destin de l’entreprise.

La cerise sur un gâteau qu’on craignait encore trop indigeste fut l’édition d’un DVD de cinquante-deux minutes réalisé par la télé locale. Aux patrons de la maison mère allemande revient le premier rôle : le discours sous-titré de l’un deux, Bernhard Tricken, est sans appel : « C’est clair, si on ne va pas vers les quarante heures pour diminuer les coûts par rapport aux usines de l’Europe de l’Ouest, on stoppera les investissements. » Le commentaire de début avait beau rappeler que le groupe avait connu en 2006 une progression de son chiffre d’affaires de 7,6 % et que les bénéfices des actionnaires avaient augmenté de 5,6 %, la menace est pressante et paralyse la moindre tentative d’analyse.


Un lourd chantage à l’emploi.

Viennent ensuite les seconds rôles, le directeur local « qui a été le premier surpris d’apprendre que le groupe avait bloqué la prime de 600 euros pour 2007 » mais qui sait « pouvoir compter sur le sens des responsabilités de ses employés », ou encore Manuel, ouvrier, la quarantaine joviale, « dix ans de boîte », fier de faire visiter la grande maison « qu’il a construite de ses mains, grâce à Conti ». Enfin le maire UMP de Sarreguemines, en guest star, viendra faire la promotion « d’une entreprise qui compte pour le développement du territoire ».

Le reportage trouve sa conclusion dans un micro-trottoir réalisé au sein de l’usine et dans lequel 19 des 21 salariés interrogés ne « sont pas contre le retour aux quarante heures. »

Devant leur poste, les 1 400 familles concernées, une fois passé le moment de divertissement consistant à reconnaître l’un des leurs s’affairant à son poste de travail, durent se rendre à l’évidence : il faudra voter oui.

C’est ce « chantage à l’emploi » que tenteront de dénoncer sans succès les syndicats.

Une semaine plus tard, et après avoir obtenu quelques aménagements, les principaux syndicats signeront l’accord. Avaient-ils d’autres choix ?

Frédéric Durand


 Source : L’ Humanité www.humanite.fr




* * * C’est FAUX : Continental, contrairement à ce qu’écrit à tort toute la presse, ne peut revenir sur les 35 h et "passer aux 40 h" , par Gérard Filoche.



Pour en finir avec le baratin des patrons et de quelques idées reçues à propos du salaire, par Raphaël Thaller.






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Roberto Saviano. Gomorra. Dans l’empire de la camorra. Gallimard, 2007.
Bernard GENSANE
Il n’est pas inutile, dans le contexte de la crise du capitalisme qui affecte les peuples aujourd’hui, de revenir sur le livre de Roberto Saviano. Napolitain lui-même, Saviano, dont on sait qu’il fait désormais l’objet d’un contrat de mort, a trouvé dans son ouvrage la bonne distance pour parler de la mafia napolitaine. Il l’observe quasiment de l’intérieur pour décrire ses méfaits (je ne reviendrai pas ici sur la violence inouïe des moeurs mafieuses, des impensables tortures corporelles, (…)
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« Il n’existe pas, à ce jour, en Amérique, de presse libre et indépendante. Vous le savez aussi bien que moi. Pas un seul parmi vous n’ose écrire ses opinions honnêtes et vous savez très bien que si vous le faites, elles ne seront pas publiées. On me paye un salaire pour que je ne publie pas mes opinions et nous savons tous que si nous nous aventurions à le faire, nous nous retrouverions à la rue illico. Le travail du journaliste est la destruction de la vérité, le mensonge patent, la perversion des faits et la manipulation de l’opinion au service des Puissances de l’Argent. Nous sommes les outils obéissants des Puissants et des Riches qui tirent les ficelles dans les coulisses. Nos talents, nos facultés et nos vies appartiennent à ces hommes. Nous sommes des prostituées de l’intellect. Tout cela, vous le savez aussi bien que moi ! »

John Swinton, célèbre journaliste, le 25 septembre 1880, lors d’un banquet à New York quand on lui propose de porter un toast à la liberté de la presse

(Cité dans : Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, NY, 1955/1979.)

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