"Chers amis, ne vous y trompez pas ; c’est la Côte d’Ivoire qui est attaquée. Mon pays est attaqué. Mon devoir est de faire front", avait martelé le président ivoirien dès les premières heures de la crise" (décla:20/09/02).
"J’ai la très ferme volonté de calmer le jeu. La Côte d’Ivoire compte tant d’habitants aux origines burkinabé que la combattre serait nous combattre nous-mêmes...La guerre n’est pas mon choix ; il faudrait que le Burkina soit en extrême danger", déclarait le président Burkinabé à l’AFP le 16/11/2002.
Aujourd’hui, il est patent que des pays voisins de la Côte d’Ivoire aient servi ou servent encore de bases arrières aux multiples rebellions qui tentent de renverser le pouvoir GBAGBO.Et si les revendications préalablement d’ordre corporatistes se sont muées à un changement de l’ordre politique avec son ballet de médiateurs et de rencontres interminable, cela ne peut que nous faire beaucoup réfléchir. La rencontre COMPAORE-GBAGBO initié par le président Malien, ATT le 3/12/02 dernier, si le communiqué final auquel elle a donné lieu semble peu réaliste, tant il ressemble à un traité de paix entre deux belligérants avec aveu direct ou indirect de culpabilité de part et d’autre, les arrières pensées de chacun demeurent sans doute inchangées.
De quoi s’agit-il réellement ? Qu’est ce qui peut opposer GBAGBO à COMPAORE ? Accusés levez-vous.
Dans les années 80,le slogan :" la terre appartient à celui qui la met en valeur" d’après Felix Houphouêt Boigny, rivalisait avec l’hymne nationale du pays. Mais pourquoi alors que pouvoir et rebelles regrettent le "sage" de l’Afrique, ses pensées chères à l’unité nationale sont discutées voire remises en cause ?
Dès les années 20, la généralisation des cultures de cacao et de café dans le Sud-Est et la Basse Côte attira une main d’oeuvre originaire des savanes, en particulier de la Haute-Volta, mais aussi des régions du centre de la Côte d’Ivoire(baoulé) et de l’Ouest forestier(bété), dont les conditions agro-climatiques étaient moins favorables et où les formes de despotisme colonial étaient plus rudes. Certains migrants s’installèrent définitivement.
Dans les années 30, les autorités coloniales elles-mêmes encouragèrent l’installation de Voltaîques(essentiellement Mossi) dans le Centre-Ouest ivoirien afin de valoriser les potentialités de cette région dans l’agriculture d’exportation. De tel mouvement de colonisation agraire a bien évidemment occasionné des conflits récurrents, qui se sont manifestés aussi bien sur les droits fonciers que sur les modes de cohabitations entre les différentes communautés. Notamment à la fin des années 60, entre baoulé et bété de la région de Gagnoa ; niaboua et baoulé à zoukougbeu en Mai 98 ; dida-baoulé à Irobo en Novembre 98. Au cours des mois de OCT, NOV,DEC 99,des conflits meurtriers entre autochtones bété et burkinabé ont eu lieu à Issia et entre Krou et burkinabé à Tabou, conflit, qui fut suivit de l’évacuation de plus d’une dizaine de milliers de burkinabé du Sud-Ouest du pays. C’est cette brusque réactivation des revendications d’autochtonie qui constituerait en quelque sorte le pendant rural de l’ivoirité. Annoncé publiquement par le président BEDIE dans son "appel de Fengolo" en Décembre 97, sur les lieux même d’un conflit meurtrier ayant opposé Wè et Baoulé, la préparation de cette loi donna lieu à de multiples manoeuvres politiques en direction de l’électorat rural des différentes régions du pays. Comme une loi protégeant les droits de tous les Ivoiriens, cette loi était réclamée tant par le gouvernement que par les partis d’oppositions, notamment pour sa disposition excluant les non ivoiriens de la propriété foncière sur des terres du domaine coutumier. En voici l’extrait :
LOI SUR LE DOMAINE RURAL
Loi n°98750 du 23/12/98, journal officiel du 14 /01/99.
Les décrets d’application ont été signés le 13/10/99(ministère d’état, ministère de l’Agriculture et des Ressources animales, s.d. , Recueil des textes relatifs au domaine foncier rural).
La loi réserve la propriété foncière rurale aux ivoiriens.
Elle prévoit une première phase de dix ans (après sa promulgation, soit la limite de janvier 2009) durant laquelle tout détenteur de droits fonciers impliquant une appropriation de la terre (à l’exclusion des modes de faire-valoir indirects) doit faire reconnaître ses droits pour obtenir un certificat foncier(individuel ou collectif). Passé ce délai, la terre eqt immatriculée au nom de l’Etat et l’exploitant en devient le locataire. Au terme d’une seconde période de trois ans, les certificats fonciers détenus par des ivoiriens doivent donner lieu à une immatriculation individuelle et aboutir à la délivrance d’un titre de propriété privé définitif. Les exploitants non-ivoiriens ne peuvent aspirer qu’à une promesse de bail emphytéotique, soit auprès des titulaires autochtones de certificats fonciers ,au cas où ceux-ci les auraient fait figurer parmi les « occupants de bonne foi », soit auprès de l’état si la terre est immatriculée au nom de celui-ci.
On comprend que le projet de loi ait été appuyé par les bailleurs de fonds pour son orientation libérale, puisque la loi organise à marche forcée la généralisation de la propriété individuelle. Mais paradoxalement , cette finalité de loi, pourtant essentielle, n’a pas donné lieu à un débat dans l’arène politique nationale.