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Prix Sakharov décerné à deux marionnettes

Dans tous les journaux du vendredi 25 octobre 2024, on a pu lire en substance : « Le prix Sakharov, la plus haute distinction de l’Union européenne pour les droits humains, a été décerné jeudi à Maria Corina Machado et Edmundo Gonzalez Urrutia, respectivement cheffe et candidat de l’opposition vénézuélienne à la présidentielle de juillet. » Une fois de plus, nous assistons à une initiative exécrable du Parlement européen. Une fois de plus, nous assistons à un manque criant d’esprit critique de la part de la presse.

Les nombreuses pantalonnades du Parlement européen

1) Le 19/09/2019, par 535 voix pour, 66 contre et 52 absentions, le Parlement européen vote une résolution mettant sur le même pied le nazisme et le communisme, comme si on pouvait condamner à parts égales le régime génocidaire hitlérien, fondé sur le racisme biologique, et le communisme. Ce dangereux amalgame a été dénoncé dans une carte blanche signée par des professeurs d’université, des essayistes, des auteurs et des cinéastes (1).

2) Dans sa résolution du 09/06/2022, ce même Parlement déclare que « les preuves crédibles concernant les mesures de prévention des naissances et la séparation des enfants ouïghours de leur famille constituent des crimes contre l’humanité et représentent un risque sérieux de génocide ». Cet avis, s’appuyant notamment sur les fantasmes d’Adrian Zenz, est loin d’être partagé par de nombreuses sommités internationales, comme, par exemple, l’anthropologue française Danielle Bleitrach, le professeur allemand Thomas Heberer, le professeur émérite australien Colin Mackerras, le chercheur étatsunien Michael O’Halon, le professeur italien Fabio Massimo Parenti, le juriste britannique Graham Perrry, le juriste canadien William Schabas ou l’expert turc des droits de l’homme Mehmet Sukru Guzsel, etc., etc. (2).

3) Le 23/10/2008, le Parlement européen avait qualifié l’Holodomor de « crime contre l’humanité » et voilà que, quatre ans plus tard, le 15/12/2022, pour ce même parlement, le même fait historique devient un « génocide ». Sur quelles révélations historiques récentes, sur quelles archives nouvellement découvertes les parlementaires européens se sont-ils basés pour franchir ce cap ? Aucune. Mieux (ou pire) : de nombreux spécialistes ont démontré que cette accusation reposait sur du vent. Citons notamment les historiens britanniques Robert W. Davies et Stephen G. Wheatcroft, les historiens étasuniens J. Arch Getty, Stephen Kotkin, Marc Tauger et Frank E. Sysyn (d’origine ukrainienne), l’historien canadien David R. Marples, l’historien canado-étatsunien (d’origine ukrainienne) John-Paul Himka, l’historienne allemande Franziska Davies, l’historienne française Annie Lacroix-Riz, l’économiste britannique Stephen Rosefielde, l’économiste britannique Michael Ellman... Excusez du peu. Mention spéciale à Oleg Nesterenko, dont les grands-parents ont été confrontés à la terrible famine des années 1930 qui a sévi dans d’autres provinces de l’URSS que l’Ukraine (3).

4) Dernière initiative partisane du Parlement européen : l’attribution du Prix Sakharov à deux opposants vénézuéliens dont la Présidente Roberta Metsola affirme, sur base de leur soutien par Washington, qu’ils défendent « les valeurs qui sont chères à des millions de Vénézuéliens (...) : la justice, la démocratie et l’État de droit ». Mais que cachent ces titres ronflants ? N’eût-il pas été plus sérieux de demander l’avis critique d’Alfred de Zayas, ce célèbre historien et juriste de nationalité étatsunienne et suisse, qui connaît bien le Venezuela pour y avoir enquêté en tant qu’expert mandaté par l’ONU (4) ?

Comment expliquer une telle série d’« exploits » sinon par le fait que le Parlement européen est de plus en plus dominé par la droite, elle-même influencée par l’extrême droite et que la faction majoritaire de la gauche et des écolos s’est ralliée aux thèses russophobes et sinophobes ?

Une grande presse aux ordres

Mais comment expliquer que de telles initiatives partisanes ne suscitent guère d’opposition chez les citoyens européens ?

Si, au cours d’un un micro-trottoir dans nos pays on posait les questions suivantes :
1) oui ou non peut-on mettre sur le même pied le communisme et le nazisme ?
2) oui ou non les Ouïghours sont-ils victimes de génocide ?
3) oui ou non l’Holodomor (la famine des années 1930 dont ont souffert les Ukrainiens) était-il un génocide ?
4) oui ou non, le parlement européen a-t-il bien fait de décerner le Prix Sakharov à deux opposants au gouvernement vénézuélien ?

nul doute que les réponses seraient OUI à 90%.

Comment est-ce possible, sinon parce que la grande presse manque cruellement d’esprit critique ? Pour rappel, la Charte de Munich qui est un peu pour les journalistes ce qu’est le Serment d’Hippocrate pour les médecins oblige chaque journaliste à « ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste (art. 9) et à « rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte » (art. 6).

Il est symptomatique, par exemple, que parmi les signataires de la carte blanche dénonçant l’amalgame entre le nazisme et le communisme (1), on ne trouve que deux journalistes retraités, à savoir Jean-Marie Chauvier et Hugues Le Paige (5).

Aujourd’hui on assiste au triomphe du « journalisme de révérence » dénoncé par Serge Halimi. Cela s’explique notamment par la concentration des organes de presse dans les mains de quelques milliardaires ayant eux-mêmes tout intérêt à maintenir le « désordre établi », pour reprendre la formule d’Emmanuel Mounier.

Rares, sinon très rares, sont les journalistes, surtout les jeunes, qui ont la liberté de nager à contre-courant. Pour ne pas être virés, ils sont obligés de s’autocensurer. On peut les comprendre quand ils apprennent, par exemple, qu’une personnalité comme Pascal Boniface, le fondateur et directeur de l’IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques) a été « blacklisté » par France Inter, France Culture et Le Monde (6).

Heureusement il existe d’autres canaux que les médias installés. Beaucoup sont très sérieux et abondamment documentés, ce qui leur vaut d’être régulièrement accusés de complotisme pour la simple raison qu’ils ne bêlent pas comme le reste du troupeau.

Pour en revenir au Prix Sakharov, comment se fait-il qu’aucun grand journal à ma connaissance, n’ait pas profité de cette occasion pour donner la parole à de grands connaisseurs de la situation au Venezuela, comme, par exemple, les journalistes Romain Migus ou Maurice Lemoine ? Comment n’ont-ils pas profité de l’occasion pour faire écho au témoignage et aux analyses d’Alfred de Zayas, pour qui Maria Corina Machado et Edmundo Gonzalez Urrutia ne sont que des « marionnettes de Washington » ?

(1) Voir https://www.lesoir.be/251369/article/2019-10-03/nazisme-et-communisme-quand-le-parlement-europeen-revisite-lhistoire-et-joue.
(2) À lire aussi les excellents articles du journaliste canadien Ajit Singh, comme, par exemple : https://thegrayzone.com/2021/03/17/report-uyghur-genocide-sham-university-neocon-punish-china/.
(3) Voir https://www.legrandsoir.info/l-holodomor-la-parade-des-irresponsables-a-l-assemblee-nationale.html.
(4) https://www.pressenza.com/fr/2024/09/les-elections-venezueliennes-du-28-juillet-2024-que-croire-et-qui-croire/.
(5) À noter aussi que Marc Molitor, le seul journaliste belge francophone à avoir mouillé sa chemise en faveur de Julian Assange est aussi retraité.
(6) Voir https://www.youtube.com/watch?v=dHKQMEFWLU4 et https://www.youtube.com/watch?v=Gq9wxTyNGYQ.

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DEPUIS LA NUIT ET LE BROUILLARD - FEMMES DANS LES PRISONS FRANQUISTES - de Juana Doña
traduit par à ngeles Muñoz avec la collaboration de Sara Albert Madrid, février 1939. La Guerre d’Espagne touche à sa fin. Leonor va connaître l’exode, la torture, la condamnation à mort, et les longues années de prison... L’horreur quotidienne de l’univers carcéral franquiste tel que l’ont vécu des milliers de femmes et d’enfants est décrite ici par Juana Doña avec un réalisme sans concession et sans complaisance. Ce livre est son témoignage. Écrit en 1967, publié seulement après la (…)
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"L’un des grands arguments de la guerre israélienne de l’information consiste à demander pourquoi le monde entier s’émeut davantage du sort des Palestiniens que de celui des Tchétchènes ou des Algériens - insinuant par-là que la raison en serait un fonds incurable d’antisémitisme. Au-delà de ce qu’il y a d’odieux dans cette manière de nous ordonner de regarder ailleurs, on peut assez facilement répondre à cette question. On s’en émeut davantage (et ce n’est qu’un supplément d’indignation très relatif, d’ailleurs) parce que, avant que les Etats-Unis n’envahissent l’Irak, c’était le dernier conflit colonial de la planète - même si ce colonisateur-là a pour caractéristique particulière d’avoir sa métropole à un jet de pierre des territoires occupés -, et qu’il y a quelque chose d’insupportable dans le fait de voir des êtres humains subir encore l’arrogance coloniale. Parce que la Palestine est le front principal de cette guerre que l’Occident désoeuvré a choisi de déclarer au monde musulman pour ne pas s’ennuyer quand les Rouges n’ont plus voulu jouer. Parce que l’impunité dont jouit depuis des décennies l’occupant israélien, l’instrumentalisation du génocide pour oblitérer inexorablement les spoliations et les injustices subies par les Palestiniens, l’impression persistante qu’ils en sont victimes en tant qu’Arabes, nourrit un sentiment minant d’injustice."

Mona Chollet

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