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Après les élections législatives de juillet 2024, quelle stratégie possible pour une gauche de rupture ?

Du désordre et de la panique engendrés par la dissolution de l’Assemblé Nationale n’est sortie aucune clarification, et le fameux « sursaut républicain », s’il a cette fois encore repoussé le risque, n’a en rien conjuré la montée de l’extrême droite dans les suffrages. La gauche, réunie en urgence dans un « Nouveau Front Populaire », a voulu se croire ragaillardie par les résultats, au point de penser briguer le gouvernement à venir. Pourtant, il est assez clair que l’assise populaire de cette alliance de dernière minute des forces de gauche est bien loin de permettre la réalisation du programme ambitieux qu’elle affiche, alors même que la nécessité d’un changement radical se fait de plus en plus sentir. Mais alors, quel avenir pourrait donc envisager une gauche radicale dont l’audience reste minoritaire, alors même qu’un mécontentement général est aveuglant, et que seule la droite xénophobe et simpliste sait en tirer profit ?

L’arrière plan des soubresauts politiques de ces derniers mois est la répartition inique et insoutenable des richesses naturelles et des fruits du travail obstinément instituée par le néolibéralisme

Le problème central de nos sociétés modelées par les périodes coloniales puis par un demi siècle de néolibéralisme, depuis les États-Unis jusqu’au fond de l’Afrique noire en passant par l’Europe et dans une certaine mesure par les Brics, c’est le partage des richesses naturelles et des fruits du travail. Tout le monde en a de longue date la perception diffuse, mais aujourd’hui la démonstration en est faite de plus en plus largement, et cette évidence se généralise au point que l’on parle désormais de « Ruissellement vers le haut » (1).

Cependant les classes possédantes, en France comme ailleurs, disposent de tous les outils et de tous les appuis pour perpétuer les concepts, les logiques et les règles qui conduisent à cette répartition aberrante. Ils les utilisent et les défendront contre vents, marées, mouvements sociaux et alternatives politiques. Ces Maîtres du Monde détiennent en effet par de multiples chemins l’appui des grands capitaux ainsi que les leviers culturels que sont les média de masse, et la logique marchande et concurrentielle dont ils ont fait l’ossature du monde (2).

Pour se maintenir, voire s’amplifier sans déclencher une opposition généralisée, cette spoliation et cette exploitation du plus grand nombre au profit d’une oligarchie exigent comme palliatif une croissance déraisonnable et sans fin qui rend dérisoires tous les prétendus efforts de « transition ».
Ce séparatisme, désormais perçu par tous, a pour conséquences la destruction progressive et obstinée des organisations sociales, le dérèglement environnemental, le discrédit des systèmes politiques démocratiques, et donc des déséquilibres politiques et géopolitiques grandissants. Il déclenche des réactions imprévisibles des électorats, susceptibles de conduire à des expériences très périlleuses, en la matière celles proposées par une extrême droite omniprésente dans les pays à démocratie élective. On voit alors succomber au niveau des nations les consensus sociaux et se dissoudre les légitimités représentatives ; mais ce phénomène s’étend également à l’échelle mondiale, conduisant à la conscience universelle d’un monde bâti sur l’injustice, sur la spoliation, et sur un gaspillage révoltant autant qu’imbécile (3).

Cet état du Monde se traduit par un déstabilisation générale, qui frappe d’abord les systèmes démocratiques menacés de l’intérieur. Mais la réaction des forces dominantes, dans leur effort pour maintenir des privilèges et des rapports de domination internationaux désormais ostensibles et injustifiables, est fort probablement aussi à l’origine de la multiplication terrifiante des situations de guerre (4).

Les résultats électoraux, non plus que les précédents « sociaux démocrates », ne permettent en rien de construire une alternative réelle.

On parvient donc à une situation telle qu’aucune solution « modérée », et bien entendu aucune solution factice comme celles que feint de proposer l’extrême droite, ne peuvent conduire à une quelconque amélioration. La synthèse du progrès social avec le néolibéralisme débridé n’existe pas et ne peut pas exister. On ne peut construire un monde de justice et un monde durable en recyclant les concepts, les impératifs et les moteurs idéologiques imposés par l’idéologie néolibérale.

En France, les expériences « socialistes », aussi bien mitterrandienne que hollandienne, ont montré leur impuissance quasi totale, et n’ont brillé que par leur capacité à parfaire la dislocation du système politique, à brouiller les repères idéologiques et législatifs, préparant ainsi soigneusement l’avènement délétère du macronisme (5).

Il faudrait aussi ajouter qu’au « fatalisme blairiste » vis-à-vis de la mondialisation aura répondu le « fatalisme jospinien » vis-à-vis de l’intégration européenne (l’Agenda de Lisbonne [2000] et les accords de Barcelone [2002]), tous deux endossés par Jospin, consacrent la victoire des thèses blairistes en Europe) et la reconnaissance que la mondialisation néolibérale ne peut être que partiellement domestiquée (6).

Le point d’orgue de cette stratégie non assumée fut la rhétorique vallsienne, qui après nous avoir prévenus du risque de « disparition de la Gauche », s’efforça de transformer ce risque en réalité en parachevant l’échec politique, les trahisons idéologiques, les ignominies tactiques, pour conclure par une flamboyante déroute électorale.

Les multiples acteurs de la gauche de rupture (7) doivent maintenant admettre qu’aucune avancée réelle et durable n’est à attendre des multiples arrangements ambigus et partisans bâtis sur des résultats électoraux fragiles et insuffisants.

Une approche intéressante est proposée dans un article récent publié par Le Vent se Lève, où la compilation des résultats de scrutins est doublée d’une réflexion sur la structure des électorats, du point de vue de leur relation au monde du travail et de la production (8).

L’auteur conclue à un éloignement progressif et continu de la gauche de partis vis-à-vis des forces productives, c’est à dire vis-à-vis de son ancrage historique revendiqué.
Il y a sans beaucoup à dire sur cette synthèse, mais elle ouvre néanmoins une perspective intéressante quand au projet de « reconquête » d’un large électorat par la gauche. La question de la satisfaction des revendications immédiates est également abordée dans cette réflexion. L’allusion à l’épisode des Gilets Jaunes. est inévitable, et ramène aux hésitations de la dite gauche quant à son interprétation.

De son côté, se référant aux luttes récentes, Frédéric Lordon suggère que seules les véritables forces de production possèdent aujourd’hui un quelconque contre-pouvoir, en la matière la capacité de bloquer l’économie ; selon son analyse, aucun autre groupe social ni aucune des leurs organisations ne disposerait désormais du moindre poids vis à vis des pouvoirs en place. du moindre moyen de contre-pouvoir. Il ajoute que dans le cas d’une menace autoritariste, voire fasciste, la seule résistance pourrait provenir de ces forces-là et aucunement des soutiens de la gauche modérée. On peut noter que son analyse de la structure des électorats rejoint peu ou prou celle mentionnée ci-dessus.
Certes, ce Lordon exaspéré raisonne dans une perspective de renversement de table, mais la réflexion qu’il propose concerne aussi l’élaboration d’une stratégie électorale (9).

Il faut désormais admettre que la seule issue possible réside dans l’émergence, au niveau des acteurs du mouvement social, d’une conscience politique large, claire et radicalement réformatrice.
Alors il serait possible de s’attaquer aux racines du désarroi et de l’éparpillement qui sont à l’origine de l’impasse électorale, alors il serait nécessaire de construire la base populaire d’un projet émancipateur capable de s’opposer aux ravages du néolibéralisme.

Un changement progressiste radical est indispensable. Il nécessite une large majorité, et celle ci ne peut être construite que sur la base d’une vraie convergence politique des forces de gauche (10) déterminées à reconquérir, convaincre et mobiliser des catégories tentées par le vote RN.

La seule base sociale possible, nécessaire et suffisante, d’une gauche de progrès se trouve là.
Mais il faut regarder en face le fait qu’une telle expérience politique de progrès, ambitieuse et novatrice, serait par nature aventureuse. Il lui faudrait en effet défier frontalement l’ensemble des intérêts des classes possédantes, et contrecarrer les dispositifs patiemment mis en place par l’idéologie et la pratique néolibérale. Qu’il s’agisse de dispositifs pratiques – marchés, agences de notation, traités de libre échange... – ou des moyens d’hégémonie culturelle – possession des moyens de presse, ou promotion du darwinisme social entre autres.

Une telle expérience ouvrirait une période difficile, et devrait par conséquent s’appuyer sur une volonté populaire forte, largement majoritaire, déterminée, avertie et consciente des épreuves à affronter ; prête à y faire face et à défendre son programme. Une volonté prête à croire en un but ambitieux qui serait le fruit d’une lutte de conviction et de confiance, et non pas le résultat soudain de quelques décrets magiques.

Sans cette détermination et cette légitimité populaire, aucune avancée réelle et d’ampleur ne peut réussir, aucune ne peut même être envisagée (11).

Sans cette détermination, seules des modifications timides et de courte portée pourraient être entreprises, qui ne conduiraient à aucun changement profond et durable, et ne produiraient à la fin que déception, rancoeur et désespoir durables.

Pour le dire plus clairement, un programme tel que celui proposé par la France Insoumise, seule tentative de projet assumant quelques ruptures, et qui inspira pour partie celui du NFP, ne pourrait être entrepris qu’avec un appui massif de la population française, et avec l’espoir d’un effet d’entraînement des autres peuples – en Europe en tous cas. On en est fort loin. Non seulement les semaines de tractation pour proposer un premier ministrable on mis en évidence les fractures et antagonismes bien connus entre les composantes du Front, mais une part majeure de l’électorat, nonobstant ce projet, reste attirée par les miroirs aux alouettes truqués et pervers du RN.
Pour la gauche, par conséquent, au-delà de la joie d’avoir fait reculer le risque de l’extrême droite et d’avoir ridiculisé le pouvoir macronien, les polémiques autour de la victoire électorale du Nouveau Front Populaire ne peuvent pas faire illusion : les résultats ne sont pas de nature à permettre un changement de trajectoire tangible. Feindre de réclamer un gouvernement « de gauche » sur la base d’un tel rapport de force est illusoire et contre-productif : on ne peut pas ignorer qu’aucune des avancées proposées ne pourrait être adoptée, car elle serait immédiatement bloquée par les forces réactionnaires instinctivement et pragmatiquement liguées. Le seul intérêt – non dérisoire – de l’entreprise pouvant éventuellement être de faire tomber les masques en révélant la vraie nature de l’extrême droite qui viendrait alors sans hésiter à l’aide de la macronie.

Plus largement, les partis politiques et les hommes qui les composent, par nature et par fonction, s’efforcent de conquérir le pouvoir, quels que soient la situation et le rapport de force. On les voit donc aujourd’hui tenter de construire des combinaisons pour s’approprier ce pouvoir, sachant bien qu’il ne s’appuiera pas sur un suffrage démocratique suffisant, ni sur une opinion déterminée.
Or seules des conditions exceptionnelles peuvent conduire à une configuration permettant une phase réellement nouvelle.

Ce fut le cas lors du Front populaire de 1936 dont la figure est invoquée par le NFP. Mais alors, la mobilisation et la solidarité du monde du travail constituaient la réelle force de changement dont le gouvernement n’était que l’expression et non la source ; et le pouvoir se trouvait à la fois étayé, propulsé et contraint par cette mobilisation. Ce fut également le cas dans le proche après guerre.
Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui, où toutes les forces politiques d’opposition cherchent leurs objectifs particuliers, leurs stratégies et mesurent les marges possibles, laissant à la population un rôle de figurant ; tandis que l’ensemble des forces réactionnaires dispose des tribunes, du cadre institutionnel, de tous les appuis et relais nécessaires. Il faut donc tenir compte de ce contexte, et travailler à le faire évoluer par la base, sans surestimer le rôle des rapports de force électoraux temporaires et labiles.

Une gauche de rupture devrait donc reconquérir les classes en déshérence, démontrer la vacuité et l’hypocrisie des propositions du RN, la fausse piste des solutions sécuritaires, de l’ostracisme raciste et de la « guerre des civilisations, l’absence de prise en compte des problèmes environnementaux.

Quoi qu’il en soit, l’évolution des suffrages laisse assez peu de doute : non seulement il est parfaitement vain et malsain de poursuivre cette interminable série de victoires à la Pyrrhus contre l’extrême droite, mais l’obstination de la droite « républicaine » à ignorer le désespoir et la colère de la grande majorité des français conduira immanquablement à porter un jour le RN au pouvoir si rien ne change sur le fond.

L’épisode que nous venons de vivre démontre clairement la ligne de démarcation construite par la droite et les média à sa dévotion : d’un côté les idées et les votes « dangereux », irréalistes, à ostraciser et à diaboliser, de l’autre les idées et les votes « acceptables », « républicains », raisonnables. Et ce partage sépare du même élan les forces qui prétendent à d’autres cadres politiques de celles qui entendent les poursuivre ouvertement ou sans l’avouer ; on retrouve le fameux TINA de Mme Thatcher.

Or un programme politique radicalement progressiste – au sens humain du terme – ne pourra être mis en œuvre qu’avec un appui massif des populations ; c’est à dire lorsqu’on réussira à réunir les forces populaires qui pour l’instant s’identifient comme « de gauche radicale », et une part de celles qui pensent pouvoir confier leur avenir à l’extrême droite. Ces deux secteurs de la société sont effet ceux qui sont objectivement en demande de changements profonds dans la répartition des efforts, des responsabilités, des fruits du travail (12). Ce sont ces secteurs de la société dont la fusion politique peut seule permettre un réel changement de la donne dans un cadre électoral. Nul doute, au demeurant, que cela ait été le principal succès stratégique des classes possédantes que de maintenir séparés ces deux forces sur la base de pseudo aspirations, de solutions amputées de toute dimension politique, en mettant en avant les thématiques xénophobes, sécuritaires, en normalisant l’extrême droite et en diabolisant la France Insoumise (13). C’est en effet un secret de polichinelle que la mise en exergue des questions de race, de religion, d’origine, et de sécurité a constitué la pierre angulaire de l’accession de la droite au pouvoir (Sarkozy), la gauche se contentant à son tour de légitimer ces arguments (Valls, Cazeneuve...)

Il faut alors regarder en face le fait suivant : quelque analyse qu’on ait pu faire, il reste indéniable non seulement que le risque RN demeure, mais que son poids électoral pursuit son ascension, et fige ainsi la répartition des suffrages dans une configuration au pire périlleuse, au mieux stérile. Dans cette configuration, la « gauche » actuelle ne peut prétendre qu’à construire un groupe insuffisant, et cela en mobilisant des tendances hétérogènes qui conduiront à courte échéance à des divisions, si ce n’est aux trahisons auquel le mouvement social est habitué. Les dissensions qui ont suivi le second tour des législatives ont assez souligné qu’aucun espoir d’élargissement aux idéaux et aux valeurs de la gauche radicale n’est à attendre du côté de la gauche molle du PS, guère davantage du côté écologiste, et encore moins bien sûr du côté du centre droit. Le programme politique de la France insoumise, sans doute le seul contenant de vrais éléments de rupture, ne peut donc espérer se réaliser que par la conquête d’un électorat beaucoup plus large. Or l’électorat du RN, pour partie en attente d’un changement véritable, constitue sans doute un domaine d’élargissement possible.

L’électorat populaire dont parle Mme Le Pen a choisi l’abstention aussi souvent que le vote. Si une partie de celui-ci accorde ses suffrages à l’extrême droite, c’est également pour faire barrage à une mondialisation qui a ravagé le monde des ouvriers, des employés, des petites classes moyennes. Elle fait un pari assurément perdant. Car à mesure qu’il contamine la droite et le centre avec ses obsessions sécuritaires et migratoires, le parti de Mme Le Pen parachève sa normalisation économique, notamment sur la question européenne. Son accession au pouvoir apporterait donc à son électorat « de petits, de sans-grade, d’exclus, de mineurs, de métallos, d’ouvrières, d’ouvriers, d’agriculteurs acculés à des retraites de misère » invoqué le 21 avril 2002 par M. Le Pen les mesures xénophobes auxquelles certains aspirent peut-être. En revanche, cette victoire de l’extrême droite ne ferait rien pour inverser la dynamique qui les a broyés. Une gauche qui enfin s’y emploierait n’aurait donc plus aucun rival, juste un chemin semé d’embûches à éviter et une page blanche à écrire. Pari gagnant ?

C’est à présent le seul qui reste.

Benoît Bréville, Serge Halimi & Pierre Rimbert, Le Monde Diplomatique, juillet 2024 (14).

Le travail qui incombe aux forces de progrès social consiste donc à convaincre cette part de l’électorat du RN que les idées d’extrême droite sont une fausse route à tous les points de vue. Si la vraie gauche se révèle incapable de mener cette campagne d’opinion et de formation politique, aucun réel espoir de victoire démocratique n’est possible dans le contexte actuel.

Mais pour parvenir à cette convergence, une gauche de rupture devra prendre en compte les ressorts qui font le succès électoral du RN, comprendre et admettre les revendications urgentes de ses électeurs, et trouver les moyens d’information et les méthodes de lutte adaptées. Tout en mettant en lumière la responsabilité globale des modèles économiques et sociaux dominants, il lui faudra apporter aussi des réponses immédiates aux demandes légitimes et « décentes » (15), et non pas les remettre aux lendemains qui chantent d’un recul majeur du néolibéralisme.

L’épisode marquant des Gilets Jaunes est en l’occurrence emblématique, et riche en enseignements.

Une telle avancée est plausible, car les points forts du RN ne sont souvent que des réactions dues aux choix des gouvernements néolibéraux, et aux trahisons interminables de la « gauche de raison », de la « gauche » raisonnable plébiscitée par les média (Hollande, Glucksman...) .

Certains des arguments du RN débouchent même sur des contresens caricaturaux, lorsque des figures de la résistance au fascisme et à l’antisémitisme pensent trouver protection sous l’aile d’un parti fondé par d’anciens sympathisants de ces idées, d’un parti dont la xénophobie est le cheval de bataille préféré.

Les organisations progressistes doivent alors être capables de démontrer ces contrefaçons et ces hypocrisies cyniques. Elles doivent s’efforcer de s’adresser à ceux qui ont cédé à ces argumentaires simplistes, et mettre en lumière les véritables lignes de fracture, et les véritables choix de société.

Les acteurs de cette gauche de rupture devraient être capables de prendre en mains une véritable politisation des électorats, loin des calculs d’appareil et des arrangements électoraux

Or une telle évolution exige une capacité d’éducation politique capable de mettre en lumière les faux-fuyant, les mensonges et les idéologies pernicieuses et clivantes qui se cachent derrière le discours du rassemblement national. Capable de dénoncer l’hypocrisie des formations « centristes », et la trahison récurrente de la « gauche raisonnable ». De plus, l’absence d’engagement politique partisan rend plus crédibles ces démarches de clarification.

Ces acteurs devraient prendre acte du fait que les catégories les plus défavorisées ont – à juste titre – besoin de solutions à court terme. Or c’est ce que le rassemblement national fait miroiter fallacieusement en suggérant de fausses solutions simplistes. Et c’est en partie ce qui est à l’origine de sons succès.

La tâche de remobilisation et de repolitisation exige à ce titre de prendre en compte ces attentes, et non pas seulement de communiquer sur des sujets de fond.

Il faut souligner que lors de l’épisode des Gilets Jaunes, et cela dans la durée, un certain nombre d’associations et de syndicats ont pris au sérieux l’exigence de comprendre in vivo ce qu’il se passait « sur les Ronds Points ». Les militants ont alors fait la démarche de rencontrer ces nouveaux acteurs éclairs de la vie politique, de débattre avec eux, sur leur terrain ou dans des assemblées plus formelles. Ils y sont allés en se départissant de toute attitude surplombante, mais avec la ferme intention d’apporter aux discussions notre angle de vue spécifique.

Et il est clairement apparu dans de nombreux cas, que de ces rencontres avait pu sortir un enrichissement mutuel, la découverte de vraies convergences, et des occasions de lutte communes. Ces rencontres et les discussions qui s’y sont produites ont indiscutablement participé à une « repolitisation » des enjeux, au sens fort du mot.

Si l’on adopte ce point de vue, le travail essentiel – bien en amont de l’affolement électoral – est donc bien un travail d’éducation politique, un travail de retour aux racines politiques des problèmes économique, sociaux et environnementaux.

Pour autant, les choix politiques d’une gauche de progrès doivent être capables de prendre en compte les difficultés que rencontrent les nouvelles classes travailleuses. Or ces problèmes ne sont plus réductibles à ceux de la classe ouvrière engendrée par l’industrialisation : la culture, l’organisation, la structuration, la socialisation, la conception du collectif, l’identification de classe, la perception du syndicalisme et les possibilités de lutte ont profondément changé. Et l’exigence de réponses à court terme aux problèmes existentiels – pouvoir d’achat, emploi, précarité, logement, doit impérativement faire partie de l’équation, et non être sacrifiée aux projets de long terme.

Il revient donc aux partis politiques, aux syndicats, aux associations, au mouvement social progressiste d’intégrer cette nouvelle donne.

Ce n’est pas un mince défi, et les recettes pour le relever ne sont pas encore connues.


Notes

(1) Mouvement « Nous sommes les 0,1% ». Voir Oxfam : https://www.oxfamfrance.org/inegalites-femmes-hommes/inegale-repartition-richesses-mondiales/
https://inegalites.fr/evol-inegalites-long
https://inegalites.fr/
https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2015-4-page-113.htm
(2) Le rôle démesuré confié aux JO de « Paris 2024 » est à ces deux égards le révélateur le plus récent.
(3) Yacht déments, jets privés, et plus récemment, voyages en fusée Musk...
(4) Manières de voir, Juin-Juillet 2024, « Le Sud existe-il ? pp 19, 40 et 56.
Manières de voir, Décembre 2023, « Un Monde sur le pied de guerre, pp 37, 57 et 89.
(5) Voir dans les blogs du Monde : « Sept ans de trahison » : https://www.lemonde.fr/podcasts/article/2019/09/03/sept-ans-de-trahisons-le-podcast_5505939_5463015.html
Voir aussi Le Monde Diplomatique, août 2024, p2 « La Grande Désillusion.. » : « La recomposition à gauche n’est pas symétrique... ».
(6) Voir : Retour sur une décennie de blairisme à la française : https://www.cairn.info/revue-nouvelles-fondations-2007-3-page-14.htm
(7) Le mouvements sociaux notables comprennent les acteurs écologistes (XR, Mouvements de la Terre...), de nombreuses associations telles qu’Attac, des ONG...
(8) Voir : Face au RN, sortir la gauche du déni, Hugo Philippon, Le Vent se Lève
https://lvsl.fr/face-au-rn-sortir-la-gauche-du-deni/
(9) Intervention de Fréderic Lordon lors du meeting : Que Faire, suite à la victoire du Nouveau Front Populaire ?https://youtu.be/cEP6FtifSfA?feature=shared
(10) Cf. programme du NFP bâti dans l’urgence.
(11) Dominique Plihon, économiste et membre du Conseil Scientifique d’Attac France, expliquait ainsi que l’utilisation par la France des marges de manœuvre existant au sein des traités européens nécessiterait une volonté politique assise sur une détermination populaire.
(12) Le parallélisme de ces attentes était parfaitement perceptible lors de l’épisode des Gilets Jaunes, ce que purent constater les militants politiques, syndicaux ou associatifs qui surent les rencontrer sur « les Ronds Points ».
(13) Voir : https://www.acrimed.org/Les-medias-en-guerre-contre-le-Nouveau-Front Et : https://www.acrimed.org/Un-nouveau-livre-d-Acrimed-Les-medias-contre-la-6597
(14) Voir aussi : La reconquête de l’électorat RN :
https://www.marianne.net/agora/christophe-ramaux-pour-passer-a-l-offensive-la-gauche-doit-prendre-un-authentique-tournant-republicain
(15) Salaires, médecine, services publics, protection sociale, transports en commun, gratuité...

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Si vous détruisez nos maisons vous ne détruirez pas nos âmes
Daniel VANHOVE
D. Vanhove de formation en psycho-pédagogie, a été bénévole à l’ABP (Association Belgo-Palestinienne) de Bruxelles, où il a participé à la formation et à la coordination des candidats aux Missions Civiles d’Observation en Palestine. Il a encadré une soixantaine de Missions et en a accompagné huit sur le terrain, entre Novembre 2001 et Avril 2004. Auteur de plusieurs livres : co-auteur de « Retour de Palestine », 2002 – Ed. Vista ; « Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos (…)
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Lu sur Internet : Il est intéressant de constater qu’il y a des gens qui croient qu’il existe un groupe occulte de milliardaires qui contrôlent secrètement tout alors qu’il existe un groupe bien connu de milliardaires qui contrôlent ouvertement tout.

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