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Autisme : le silence ?

Le 2 avril était décrétée « journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. » L’occasion pour la chaîne de service public Antenne 2 de passer le film de Leslie Gwinner Tu ne tueras point et de faire suivre cette projection d’un débat animé par Julian Buger. On peut revoir le tout en replay sur France TV.

Je veux parler de la conduite de ce débat. Ayant dans mon entourage des gens très proches responsables d’enfants autistes, j’ai donc passé ma soirée devant le petit écran. À priori, le plateau du débat rassemblait des personnes – parents ou responsables d’associations – sensibilisées, concernées par ce trouble du neurodéveloppement.

Le présentateur a organisé la discussion en trois temps. Je ne les ai pas notés mais, de tête et en gros quelque chose du style : la maladie, la vie avec la personne atteinte par ce trouble, la prise en charge.

Jusque là, rien à dire. Mais, et cela a été le fil conducteur de cette discussion, chaque fois que les invités ont pris la parole, dans chaque temps du débat, ils ont été cantonnés (ou se sont laissé cantonner, malgré la timide intervention de la seule présidente de l’association Autistes sans frontières) dans le seul domaine de leur vécu personnel. Comment faites-vous ? Comment cela se passe-t-il (etc.) Ceci, alors que le présentateur se targuait de conduire des débats sur des sujets de société ; alors que des chiffres, quelques chiffres, avaient tout de même été avancés : 700 000 personnes autistiques en France, dont 100 000 de moins de vingt ans.

Comment, dans ces conditions, pour un problème de cette ampleur, contenir la réflexion, la discussion, au seul vécu, à la seule expérimentation personnelle ?

Et la société, notre société, n’a-t-elle pas une réponse à apporter au niveau de l’ampleur du problème ; au niveau de la détresse des parents, bien souvent, trop souvent laissés seuls, complètement démunis et dépassés, avec la prise en charge de leur(s) enfant(s) autiste(s). N’est-ce pourtant pas là qu’il faut chercher des moyens (à mobiliser), tant pour une prise en charge, efficace, des personnes atteintes par ce trouble, que pour assurer une vie un peu plus « confortable » aux parents déjà sonnés ?

Cette question , et donc celle des moyens existants, mis en œuvre, celles des structures existantes, ou à créer, de leur répartition géographique dans le pays, du nombre de places qu’elles offrent, de leur ouverture à tous les « profils » des personnes autistes… Cette question ne sera pas abordée. Julian Buger a bien fait son travail, ce soir-là… Et le « délégué interministériel à l’autisme et aux T.N.D. » présent sur le plateau aura brillé par la platitude, par la vacuité de ses propos.

Pourtant, la politique, au plein sens du terme, n’est-ce pas cela ? Quand les hommes décident de vivre ensemble, de faire société, la réponse que cette société doit apporter à leurs problèmes lorsqu’ils se posent à son échelle, n’est-elle pas une question politique ? C’est-à-dire engageant, en retour en quelque sorte, la société tout entière ?

Rien de sérieux, rien de concret. Dans mon entourage un jeune enfant a passé le test de dépistage de l’autisme ; dans un cabinet libéral car les listes d’attente à l’hôpital public étaient trop longues. Coût, pour les parents, car non remboursé par la Sécurité sociale : 650 euros ! Voilà une réalité qu’il aurait été bon d’entendre et, sans doute, de porter à la connaissance du jeune délégué interministériel aux paroles si creuses. Ce jeune enfant a été diagnostiqué autiste ; il lui arrive d’avoir un comportement violent. Ce qui lui ferme la porte de la plupart des établissements aux places déjà très limitées en nombre. L’école inclusive est aux abonnés absents et ses personnels, ses agents, lorsqu’il s’en rencontre, s’avèrent très insuffisamment formés pour prendre en charge ce trouble chez les enfants qui leur sont présentés. Alors, que faire ? Quelle réponse la société est-elle capable d’apporter pour venir en aide aux parents avant que la poursuite de la prise en charge de leur enfant ne vienne écraser, davantage, tous les aspects de leur quotidien ?

Voilà une autre question, au-delà des échanges dans l’entre soi de cette soirée que les nombreux parents qui étaient devant leur poste ce soir-là, auraient aimé voir poser avec une perspective de réponse.

P.S. : La palme de la soirée au représentant de l’association qui a fustigé la structure d’accueil isolée, perdue au fin fond de la Lozère.

Il faudrait lui parler de l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban-Limagnole, situé en Lozère, créé en 1936, sous le Front populaire, par le Dr Paul Balvet et qui a vu défiler le Dr François Tosquelles, réfugié politique espagnol, aussi fondateur de l’ergothérapie en France, Lucien Bonnafé, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne à Paris pendant la guerre, et encore, pendant et après la guerre : Georges Canguilhem, Paul Eluard, Jean Oury, Roger Gentis, Jean Dubuffet, Félix Guattari et, surtout, Frantz Fanon qui a fait son internat dans cet établissement.

Mais il aurait fallu d’autres invités, et surtout beaucoup plus de temps d’antenne pour parler de cet « hôpital perdu au fin fond de la Lozère. »

On retrouvera cet hôpital dans le film de Martine Deyres, Les heures heureuses (qui sortira en salle le 20 avril 2022).

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Claud Cockburn

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